mardi 3 décembre 2013

Borgman

Alex van Warmerdam
La première séquence est très bizarre. Qui est cet homme étrange, d'où vient-il, que cherche-t-il ?  "J'ai vu un magicien", dit la petite Isolde. Exerçant un étrange pouvoir d'attraction sur les femmes et sur les enfants. L'irruption de l'Autre, dans une  maison bourgeoise cossue.
Et l'étrange morale qui en résulte : n'ouvrez pas la porte à des inconnus. Difficile d'en dire plus sans en dire trop. J'y suis allée à l'aveugle, et c'est tant mieux, ne sachant pas à quoi m'attendre, et c'est ce qu'il faut avec ce film.

Je crois qu'on va nous manger

Hem...


      ... hélas
Détail Noces de Cana (Wallraf-Richartz Museum)


Wallraf Museum, Cologne : extraordinaire


http://www.wallraf.museum/sammlungen/

Ce musée austère, un gros cube de pierre avec quelques ouvertures en verre à deux pas du Rhin, à 3 pas de la gare, et à 3h de Paris en tgv,  abrite une collection extraordinaire. Les peintures religieuses du Moyen-Age, même si on n'y connaît rien, sont saisissantes et valent le déplacement à elles seules.
Est-ce que c'est la disposition des pièces ? (Un étage par époque : Moyen-Age, Baroque, 19ème siècle + La collection graphique.
La circulation ? Il  a exactement le bon volume, pour ne pas être saturé, et le bon espace pour  regarder, revenir en arrière, musarder.
La qualité des peintures exposées ?
Qualité suprême : le tourisme de masse n'est pas arrivé là. IL N'Y A PERSONNE. C'est somptueux, à 1000 lieues des grand-messes parisiennes où on se bouscule dans la foule pour entr'apercevoir quelque chose.


Le vrai nom : Wallraf-Richartz-Museum et Fondation Corboud.

Ferdinand Franz Wallraf est né en 1748. Théologien et botaniste, il devient Recteur de l'université de Cologne en 1793. Johann Heinrich Richartz est né en 1795.Le premier, collectionneur, a légué ses collections à la ville de Cologne. Le second a fait don en 1854 de 100.000 Taler pour la construction du musée. Il est décédé peu avant l'inauguration en 1861.
L'édifice a été détruit pendant la 2ème Guerre mondiale. Depuis 2001, il est dans sa configuration actuelle (Renzo Piano et Peter Zumthor).  

Wallraf-Richartz : tronches et trognes

 Humains trop humains


1) Détail de ...  : au pied du calvaire
2) Détail de ... : chemin de croix. Jésus au premier plan


Wallraf-Richartz


Wallraf-Richartz : attentifs, sérieux

Mais le cochon,  que vient-il faire là-dedans ? (détail de...)

 
 

Wallraf-Richartz : Job


Détail du triptyque Scènes de la vie de Job

Par le Meister der Katharinenlegende (et Meister der Barbaralegende).
Job est frappé de maladie par le diable (panneau droite du triptyque)
Mais est-ce une interprétation, ou ces démons ont l'air à moitié crétins ?

Wallraf-Richartz : Tentation



Moi aussi, quand des armées de religieuses et d'éclairs, des montagnes de Mont-Blanc, des régiments d'aériennes Forêts-Noire, des océans de cheesecakes et de crumbles, des lacs de tartes au citron se ruent sur moi pour m'envahir et me défaire.

jeudi 14 novembre 2013

8 films

Captain Phillips, Paul Greengrass : récit très estomaquant de la prise d'otages du Maersk Alabama par des pirates somaliens. On est soi-même pris en otage.

Gravity Alfonso Cuaron, le grand spectacle de l'espace, suspense légèrement claustrophobant

Inside Llewyn Davis Ethan et Joel Coen : la vie d'un bluesman en galère entre new York et Chicago, pas mal, mais sans éclat

Ma Vie avec Liberace Steven Soderbergh. Un beau jeune homme devient l'amant attitré de la star. Ça va, mais bon, R.A.S

Blue Jasmine Woody Allen: magnifique portrait de la chute d'une femme. Cate Blanchett est extraordinaire (fait penser à Gena Rowlands chez Cassavettes), et tous les personnages sont intéressants. Ou comment une grande bourgeoise aux abois essaie de se refaire une vie (c'est à dire un standing).

Prisoners Denis Villeneuve : (voir des films de ce réalisateur : Un trente deux août sur terre, Maelström, Next Floor, Polytechnique, Incendies!) Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Assez haletant

La Vie d'Adèle Abdellatif Kechiche : Interminable, lent, trop de gros plans sur le visage d'Adèle et sa bouche qui ne se ferme jamais. Les scènes entre ados au début sont bien vues. La scène de l'idylle naissante avec balade dans les parcs, pffff... Les scènes avec les parents respectifs sont cliché, caricaturales : petit bourgeois-nouilles bolognaises vs bobos-huîtres. La scène Gay Pride est bidon. Le milieu branché art/peinture d'Emma est tout aussi caricatural et ennuyeux. Normal que cette pauvre quiche d'Adèle se réfugie dans le service de cuisine/ table/ vaisselle. La scène de la rupture est bien vue (mauvaise foi d'Emma). Et les scènes d'Adèle à l'école : on s'en fout, même si c'est ça, la vie d'Adèle (et la marotte de Kechiche, avec le thème de l'enseignant/ transmission etc...)  Quant aux "fameuses" scènes d'amour : trop longues et détaillées. Pourquoi cette effraction dans l'intimité ? Une seule scène aurait suffit, bien raccourcie, mais il y en a trois. C'est à la limite du voyeurisme : comment les filles entre elles font-elles donc ça ? Ramené à 1h30, ce film aurait peut-être été pas mal.

Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas. Luigi Comencini. La délicieuse Laura Antonelli aux prises avec les "mystères de la chair"d'un mariage non consommé, qui deviennent troubles, émois, et enfin appétits de la chair sur fond de peinture sociale : la classe dominante sicilienne, le clergé, la politique, le Poète, sur arrière plan de domesticité et de classe ouvrière, puis de guerre... Une comédie comme on n'en fait plus. A l'époque où elle a été tournée, je l'aurais sans doute trouvée un peu "légère", facile, mais c'est ce qui fait son charme aujourd'hui. Avec du recul, une délicieuse peinture sociale des mœurs bourgeoises au début du 20ème siècle.

lundi 11 novembre 2013

Félix Vallotton (suite)


Captivant, en fait, c'est ça.
Je ne sais pas par où il m'attrape et m'intrigue, c'est un effet à retardement, c'est en cherchant à comprendre, en y revenant sur internet, que l'effet Vallotton devient plus puissant. J'étais arrivée en pensant vaguement à Vuillard ? ou Bonnard ? je suis sortie en pensant vaguement à Hopper (la ligne et les ambiances bizarres), et à Hergé (encore la ligne), et en me demandant comment démêler les impressions de l'expo. (Les vidéos en ligne de la RMN Grand Palais permettent de revoir pas mal de tableaux).
En y retournant, je m'aperçois que j'aime vraiment beaucoup, beaucoup ses paysages. Que les  peintures de la dernière salle sont toujours aussi bizarres. Peu séduisantes. Mais intrigantes. Cruelles (La Haine). Ridicules (L'Enlèvement d'Europe).




Que L'Eglise des Hurlus en ruines a la puissance mystérieuse et nostalgique de ses paysages. Puissant aussi, Le Cimetière militaire de Chalons. Et aussi deux portraits : La Roumaine en robe rouge (1925), et le Retour de la plage (1924) : deux femmes, deux ambiances (rouge et bleu), deux étranges instantanés de leur regard.
 


dimanche 10 novembre 2013

Félix Vallotton au Grand Palais


Ça commence par des portraits d'hommes et de femmes, dans une ambiance classique "à la manière de" (Manet, Ingres ?), et étrange : Thadée Natanson (la fenêtre ouverte à l'arrière plan), Portrait de Mme Vallotton, une terrifiante Gertrude Stein, et aussi un autoportrait (celui de 1897 avec une moustache). Et puis ce que je connaissais vaguement de Vallotton, l'ambiance particulière des scènes d'intérieur, d'appartement vide, de calme domestique, un peu deshabité, comme en suspens (cf une femme en rouge dans une enfilade de pièces bleues). Le sujet est banal, l'angle de vue étonnant, déroutant.
Et la violence de certaines peintures (par le vide de l'image et les couleurs crues ?) : la femme nue recroquevillée sur un fauteuil rouge dans l'angle d'une pièce verte, La Blanche et la Noire : le regard froid, analytique de la noire prolétaire ? sur sa maîtresse ? nue, bourgeoise ? abandonnée, repue ? J'aime aussi la Loge, avec l'énorme balustrade jaune derrière laquelle un H et une F disparaissent, un curieux tableau japonisant avec plein de personnages féminins, dans l'eau et au bord de l'eau, Le Bain au soir d'été (refusé à un salon ?) et la formidable première série de xylographies (sur le thème de l'homme et la femme). Mais le commentaire récurrent sur les difficiles relations de Vallotton et les femmes est trop insistant. Un bel autoportrait à son âge mûr, encore une étonnante ambiance dans la scène du dîner familial (avec toujours ce discours biographique interprétatif désagréable, trop directif).
J'aime particulièrement (la petite fille et) Le Ballon, une extraordinaire bande de plage blanche au bord d'une falaise (La grève blanche),  et aussi, Les Laveuses sur la plage d'Etretat, une vue depuis la colline de Honfleur, une vue de la Seine aux Andelys... Il regarde les choses sous un angle qui les rend étranges, ou intéressantes. 
A nouveau une magnifique série de xylographies (Coup de vent, La Charge, L'Exécution...) Puissant, simple. Captivant. Et toujours sous cet angle particulier.




Le feu d'artifice


Et puis ça se gâte : la série des mythologies est bizarre, glaçante, sauf une surprise ici et là, par exemple Penthée (poursuivi par les Ménades).
Mais si on regarde ses mythologies en pensant ici et là à des influences surréalistes (Persée tuant le dragon : techniquement imparable, mais frisant le comique ?) hum, je n'y connais rien... Pourquoi pas, finalement, à titre de curiosité.



Et puis c'est la guerre : traiter Verdun en feu d'artifice... hum, drôle de distance, drôle de filtre, drôle de lumière. Alors qu'en xylographie :



cf Vallotton et le paysage de Rmngrandpalais 

par Bruno Delarue, auteur du livre "Félix Vallotton, les paysages de l'émotion" 





mardi 5 novembre 2013

Jordaëns au Petit Palais


Des corps, des chairs, des étoffes, des drapés, des ripailles, des trognes, des  fesses, des nichons, des hideux, des lubriques, des débiles, des abrutis, des humains trop humains , et toujours, des chiens, des chats, des dindons, des perroquets, des chevaux, des vaches, des moutons, des dromadaires, des chèvres...

Ses peintures religieuses m'ennuient, sauf la terrible histoire de la sainte martyre (Apolline ?). Ce n'est pas la peinture qui m'attire, c'est l'histoire (sadique) de la martyre.
 Les deux versions d'Adam et Eve sont étranges, à la limite du repoussant. (cf le lien ci-dessous)
Les 4 Evangélistes en vieillards crus sont perturbants de laideur. (lire les commentaires du site ci-dessous)
L'Autoportait avec sa femme, leur fille et une servante, en jette : sublime affichage de prospérité et de respectabilité.
Vers la salle des Proverbes, je retiens, sur la droite, le Connais-toi toi-même (femme au miroir, vieil homme au sablier et l'autre grimaçant), mais je regarde les autres avec une curiosité polie : - le portrait du couple mal assorti (la jeune fille et l'homme âgé), Le Satyre et le paysan (étrange mythe sur qui souffle le chaud et le froid, en 2 versions) et Le Roi boit (too much, en 2 versions également, dont j'apprends qu'il évoque la fête de l'Epiphanie).


http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_jordaens_0.pdf
extrait : "Jordaens, comme il le fit à maintes reprises, conféra à la scène ici un accent de vérité abrupte et un caractère spontané en mettant à contribution son entourage familial qui lui fournit un ample répertoire physionomique (l’artiste quant à lui, apparaît vraisemblablement sous les traits du convive qui vomit au premier plan...). Sur le mur du fond, on peut lire dans un cartouche : « In eenvrygelachistgoetgastsyn » c’est-à-dire «Où la boisson est gratuite, il fait bon être invité ». Si Le roi boit se donne à voir comme une scène de fête familiale débridée, ce n’est sans doute pas par hasard que Jordaens a peint la plupart des versions de ce tableau entre 1638 et 1645-50 environ, soit durant une période de conflit et d’instabilité politique. Au XVIIe siècle, on prêtait au microcosme domestique une incidence réelle sur le macrocosme politique ; aussi constituait-il une métaphore commode pour évoquer les affaires de l’État, et plus particulièrement le mauvais gouvernement. En savourant la musique des sphères inférieures, le patriarche menace de déséquilibrer le bien commun tout entier."

La plupart des portraits sont ennuyeux. Conventionnels. Sa femme par exemple. Mais Le Banquet de Cléopâtre, (il a encore pris sa fille pour modèle) est voluptueux et magnifique, et aussi la femme frappée par la flèche de Cupidon, avec son amoureux et une autre femme. Opulence des chairs, des étoffes, des matières.
Et toujours et partout, des vaches et des chevaux sublimes. Et le travail de cartonniste (?) pour les tapisseries.

Dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas : Foie gras

Noël se faisant menaçant, voici sujet à méditer :

(extrait du Dictionnaire de cuisine d'A.Dumas)
"On sait que le foie gras de Strasbourg est réputé fournir le roi des pâtés. L'opération par laquelle on obtient les foies gras consiste principalement à engraisser les oies de manière à produire chez eux une tuméfaction de cet organe. Le foie d'une oie soumise au traitement que leur font subir les engraisseurs de Strasbourg arrive à être jusqu'à dix ou douze fois plus gros que nature. Pour en arriver là, on soumet ces animaux à des tourments inouïs, qui n'ont pas même été déployés sur les premiers chrétiens : on leur cloue les pattes sur des planches pour que l'agitation ne nuise pas à l'obésité; on leur crève les yeux pour que la vue du monde extérieur ne vienne les distraire; on les bourre avec des noix sans jamais leur donner à boire, quels que soient les cris de souffrance que leur arrache la soif.
Aussi le comte de Courchamps, auteur des Mémoires de Mme de Créquy, et l'un des gourmands les plus érudits du commencement de ce siècle, faisant taire les appétences de son estomac sous les cris de sa conscience, présenta, au nom des oies de Strasbourg, une pétition à la chambre des pairs.
Voici textuellement cette pétition qui, si juste qu'elle pût être, ne fut, comme il en arrive d'habitude des pétitions justes, suivie d'aucun résultat:
"Nobles pairs,
Au mépris des lois de la nature, adoptées par les deux chambres et garanties par le code de l'humanité, les Strasbourgeois s'appliquent à nous faire grossir
monstrueusement un viscère composé de deux lobes inertes. C'est aux dépens du coeur, que nous avons sensible, de l'estomac, que l'injustice révolte, du poumon, qui nous est essentiel, de la rate, qui ne peut s'épanouir; enfin, c'est au détriment de l'honneur national que la cruauté compromet. Hélas! qu'avons-nous fait, malheureux oiseaux? on nous aveugle, on nous étouffe, on nous torture. Que diriez-vous, nobles pairs, si l'on vous mangeait, si l'on vous coupait ces ailes avec lesquelles vous vous envolez si haut, si l'on vous attachait sur les planches et qu'on vous y clouât les pattes; enfin si l'on vous arrachait les yeux pour s'attaquer ensuite à votre foie,comme le vautour de Prométhée?
..."

samedi 19 octobre 2013

Zeng Fanzhi, MAMVDP

Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Etrange mélange, étrange coexistence d'époques, avec par endroits, une tendance au réalisme expressionniste (?) je ne sais pas si ça veut dire quelque chose, mais ça me fait penser à ce que j'imaginerais être de la peinture latino-américaine. Si on m'avait montré ces peintures sans explication, j'aurais dit qu'elle venaient du Mexique, ou de Cuba, ou du Venezuela.

La série de l'hôpital et de la boucherie avec ces personnages semi hallucinés, leurs figures (douloureuses ?), leurs yeux et leurs lèvres énormes, leurs membres musculeux, et cette ambiance de corps travailleurs, prolétaires, la brutale matérialité (et la souffrance ?) de la chair, en tout cas sa réalité crue.





C'est pour ça qu'il passe aux masques ? Parce que la Chine est brutalement propulsée dans le capitalisme et veut cacher ses origines prolétaires et socialistes. Il reste ces énormes mains  qui trahissent les paysans et ouvriers précipités de leurs champs, de leurs villages, de leurs usines, dans l'ère du tertiaire et du costard-cravate. Il reste des rictus de rire douloureux. Et une ambiance d'affiches mi-réclame, mi- propagande.















Et cette bizarre Cène.


Ce que je préfère : Night (2005) et Swimming, de la même époque. Toujours étrange, suscitant toujours un malaise, mais (beau ? étonnant ? intriguant ?). En version sinistre, on pourrait dire qu'une femme scrute le bord de la rivière, en quête du noyé/suicidé. Parce qu'il n'a pas vraiment l'air de nager, ce gars. Et la marche nocturne de cette fille solitaire est plutôt angoissante.




Ensuite, (la 1ère salle avec les peintures les plus récentes) ça reste étrange, mais d'une autre manière, que je trouve étouffante, angoissante, et qui me repousse. Trop exercice de style. Trop virtuose.

vendredi 11 octobre 2013

Perturbation, Thomas Bernhard, La Colline

Etrange comme les même spectacle peut être perçu différemment d'une partie à l'autre (du spectacle comme de la salle).
1ère partie : l'adolescent accompagne son père médecin de campagne et découvre... "la déréliction des êtres, malades de leur propre solitude, de leurs manies et de leurs folies, malades de la vie, pour laquelle il n’y a pas de remède" . Ok, mais "l’intimité douloureuse des malades et de leurs proches", c'est plutôt lent, on sombre dans un ennui mortel. D'autant plus que le dispositif est répétitif (entre chaque visite, vidéo, voiture, route campagne ) et exploité à outrance. Chiant.
En plus, on voit et on entend mal une scène sur deux (le dispositif scénique fait jaillir les chambres des parois latérales : ça doit être bien quand on est placé au milieu, mais pas bien qd on est complètement sur le côté (au 3ème rang sur les travées latérales, j'ai profité d'une scène sur deux, et vainement tendu l'oreille pour l'autre). Mais après tout, Perturbation, c'est bien le titre de l'œuvre, c'est donc sans doute fait exprès pour qu'on ne prenne pas tout ça au pied de la lettre. (OK, mais alors il faudrait aller plus vite et zapper un peu.)
Dommage, car un certain nombre de spectateurs a fait défaut après le premier entracte, alors que le meilleur de la pièce, à mon goût, venait ensuite : le prince logorrhéique et misanthrope, dont l'ego envahissant nie celui de ses filles et de ses sœurs, auxquelles Krystian Lupa rend la parole. Selon Fabrice Chêne, "Le spectateur est cependant partagé, car ces dialogues ajoutés ne peuvent rivaliser avec le texte original. Le roman est tiré vers un portrait de famille certes intéressant, mais qui déplace le propos du romancier". Pas du tout d'accord. Je suis un spectateur pas du tout partagé, j'ai adoré cette partie. D'abord, je ne connais pas le texte original, mais ce que je vois, c'est du théâtre à 100% où la notion de Perturbation prend tout son sens : les filles sont en roue libre, elles associent, passent du coq à l'âne, reviennent en arrière, partent ailleurs, avec une qualité de jeu et d'invention scénique merveilleuses. Elles sont mobiles, changeantes comme un ciel de vent et de nuages. Orages, nuées, éclaircies, noirceur, frustration, rire, lumière. Au gré des perturbations de l'atmosphère de leurs humeurs, de leurs échanges, de leurs associations d'idées. En contrepoint, dans la chambre d'à côté, les sœurs du prince poursuivent elles aussi un dialogue improbable, qui interfère, perturbe la perception des deux dialogues (quatre monologues ? puisque chacun poursuit plus ou moins son idée). J'étais en face de la chambre des filles, donc j'ai pu en profiter parfaitement, mais tendre l'oreille et virer de l'œil pour essayer de comprendre ce qui se passait chez les sœurs, dans l'autre chambre. Perturbation. Difficile à suivre, donc, parce qu'on a tendance à se concentrer sur une chambre, et on perd l'autre de vue. Perturbation. Et même frustration. En fait, je n'ai quasiment pas idée de ce qui se passait chez les sœurs. Ça me donne juste envie de revenir côté sœurs, pour voir ce qu'elles trafiquent. Et voir ce que les filles deviennent, vues de loin.
Et la 3ème partie ? Hum, intéressant, mais complexe, trop de choses, trop de propositions, Perturbant ? Bref, j'ai envie de revenir pour savourer et déguster ce morceau de choix (mais j'arriverai après le 1er entr'acte)

lundi 2 septembre 2013

Magnifica Presenza

Ferzan Öspetek
Ce film est plein de grâce, il faut y aller sans savoir à quoi s'attendre et se laisser porter par la découverte de ce jeune homme, sa cousine, sa drôle de maison, ses aspirations, et les étranges rencontres qui émaillent le film. Tout est juste, humain, touchant. On tombe complètement  sous le charme de cette improbable histoire. J'espère que le bouche-à-oreille fera son œuvre.

mercredi 14 août 2013

My Childhood, My Ain Folk, My Way Home

Trilogie Bill Douglas : enfance en pays minier en Ecosse. Deux enfants pauvres, bâtards, élevés par leur grand-mère, rejetés par leurs pères respectifs, leur mère à l'asile. Pauvreté, misère affective, cruauté.
Dur, sobre et sans pathos, la peinture d'un monde sans pitié et d'une enfance privée de tout ce qui fait l'enfance (nourriture, affection, légèreté, soins, tendresse)

Plein Soleil

René Clément : excellent film qui vieillit très bien. Nostalgie pour la jeunesse des acteurs, leur qualité (Roney, Delon, Laforêt), une Italie de carte postale et de dolce vita et là-dessus, un scénario sur l'envie, une forme de lutte des classes, la revanche du gars de rien du tout sur le riche, l'oisif, le  "fils de". Machiavélique mise en scène, l'inquiétant Mr Ripley déploie une ingéniosité sans limite pour se mettre dans la peau de Philippe Greenleaf. Marie Laforêt est ravissante. Très bien fichu

lundi 12 août 2013

La Cinquième saison

Peter Brosens et Jessica Hope Woodworth. Comme c'est étrange, beau et sombre. Ça ne ressemble à rien et c'est unique, ça emprunte à tous les univers, le quotidien, le trivial, le poétique, le folklorique, le communautaire ; ça commence dans un sympathique village où les gens vont bien et vivent bien, en harmonie, il y a même l'émotion et la pureté d'une ébauche d'amour entre adolescents. Fragile et poétique. Et puis la machinerie se déglingue parce que l'hiver refuse de s'en aller, alors tout se lézarde, se désagrège, se déglingue, haines, rancœurs, maladie, mort, rejet, sur fond d'angoisse sourde (le reste du monde n'a pas l'air d'aller mieux). Le film est sobre, peu bavard, d'une beauté saisissante, c'est pragmatique, terrien, païen, la nature joue le premier rôle et les animaux ont une présence étrange, avec en filigrane, le thème de l'oiseau (les appels des hiboux, l'homme est son coq Fred, le père et le fils qui chantent Papageno, ce bizarre final.) Le lien entre la terre, l'homme et l'animal est rompu, l'humain se deshumanise, le carnaval du début devient une sinistre mascarade.
Les personnages ont une densité terrienne qui rappelle celle des Mangeurs de pommes de terre, Alice est une actrice étonnante, avec son visage de personnage de tableau flamand ;  certaines images sont saisissantes de beauté. On pense aussi aux génial livre de Maurice Pons, Les Saisons.

samedi 13 juillet 2013

Le Grand méchant loup

Nicolas Charlet, Bruno Lavaine. Petite daube sympathique sur la crise de la quarantaine dans la vie de couple, du lieu commun en veux-tu en voilà, mais se laisse regarder, c'est proprement fait. Les acteurs sont bons.

World War Z

Marc Forster. On se laisse faire volontiers. On va de cul-de-sac en cul de sac, au gré des séquences où les humains sont traqués par des hordes irrépressibles d'horribles zombies, particulièrement agressifs et doués d'une vitesse de réplication proprement sidérante. Rien ne peut les arrêter. Panique et chaos dans une atmosphère de fin du monde. Bref, l'humain est mal barré, et le spectateur bien scotché sur son fauteuil.  Heureusement qu'il y a Brad Pitt, rangé des vélos dans son aimable famille, mais rattrapé par son passé de super agent (ou qqch comme ça) pour sauver le monde. Scènes de panique, scènes de chaos, carnages, immeubles assiégés, villes envahies, foules paniquées, grand spectacle d'effets spéciaux et de zombies dézingués, rebondissements, avions qui explosent, c'est... mordant. Et en plus, Brad Pitt. C'est bonus.

jeudi 11 juillet 2013

Frances Ha

Noah Baumbach.
Elle est touchante, le film avance sur le fil du rasoir, ça pourrait foirer, mais elle est pleine de gaucherie et pleine de grâce. Donc, c'est l'histoire d'une jeune femme entre la fin de ses études et l'âge de l'accomplissement (l'âge où les choses se définissent). Sauf qu'elle ne définit rien, elle est entre deux, pas titularisée, pas vraiment danseuse, ni encore chorégraphe, pas vraiment en couple, et même plus du tout, ni même logée, parce que sa coloc et meilleure copine se barre, et même s'accouple jusqu'à se marier et partir au Japon. Bref, un destin qui a l'air de se cristalliser, alors que Frances brouillonne et que jusqu'ici, elles brouillonnaient ensemble. Ça donne Frances en roue libre, avec plein de gaffes, de maladresses, d'épisodes foireux, c'est très bien, tout le monde a été (ou est encore) à un moment Frances Ha, cafouilleuse et inaccomplie. C'est touchant et plein de grâce.

jeudi 27 juin 2013

L'Inconnu du lac

Alain Guiraudie.
Si on est en quête d'information sur comment les mecs draguent et baisent entre eux, d'accord, il y a des regards, des invites muettes, des échappées dans les fourrés, des jalousies, des frustrations. Il y a de la peau, de la bite, de la fesse, du baiser avec ou sans moustache, des queues au repos ou en action, des fellations, des sodomies, des accélérations, des éjaculations, des répits, bref, du sexe. Il y a aussi un parking le matin, ou à midi ou le soir, et même la nuit, avec des voitures qui arrivent, ou qui partent, ou qui ne partent pas. Et puis il y a le lac, forcément, plutôt bien filmé, comme les arbres, comme le vent, comme la plage, comme les fourrés, comme les verges de ces messieurs abandonnées pour la bronzette avant ou après la branlette. Et puis un inspecteur qui inspecte : qui a vu quoi ? Et un brave gars paumé. Et des beaux gosses bien roulés, et d'autres pas beaux et pas bien roulés. Mais voilà, vers le 3 ou 4ème passage dans les fourrés, on commence à s'ennuyer, à la 3 ou 4ème scène de parking, on en a marre, et devant le lac magnifiquement filmé où s'ébattent les étalons, on en a marre et on se demande où est le film tant vanté par les critiques. Et on se dit que pour aimer, il faut avoir une sensibilité particulière à la drague gay. Parce que bof, vraiment bof. Mention spéciale esthétique ringarde +++ : la scène de baise en contrejour, sur fond de coucher de soleil sur le lac (la nuit est presque tombée).

mardi 4 juin 2013

La Dernière fois que j'ai vu Macao


João Pedro Rodrigues et João Rui Guerra da Mata. Le personnage revient à Macao trente ans après, en quête d'une personne évanouie, Candy, qui l'a appelé à l'aide. On ne comprend pas trop, mais on se laisse porter de rendez-vous manqué en rencontre ratée, d'image en paysage, de souterrains en escaliers, c'est une belle balade dans Macao, un Macao de rêve, de réminiscences, de lieux dévastés, de plans urbains, de lumières, de ciels et de mer, de chiens bizarres et de tigres de papier, avec un arrière plan obscur de méchants chinois et de rivalités de gangs, pendant qu'une mystérieuse cage à oiseaux scande différentes séquences du film, traversé de références labyrinthiques indéchiffrables. Le narrateur est toujours absent de l'image, Candy est introuvable, les seuls personnages sont furtifs ou secondaires, le sujet principal est absent, comme Macao, le Macao rêvé, le Macao de l'enfance, le Macao des Portugais. Seuls restent les non-lieux, le zones bizarres, les chiens et les chats, les taxis, les camions poubelles et le paysage urbain.

Shokuzai - Celles qui voulaient se souvenir

Kiyoshi Kurosawa. Où l'on se félicite de ne pas naître japonais. 4 petites filles ont assisté à l'enlèvement de leur amie par un pervers. La mère de la victime les retrouve à l'âge adulte. A l'emprisonnement par la culpabilité s'ajoutent tous les liens sociaux qui entissent, entoilent, emprisonnent les individus, ou ce qu'il en reste, tellement ils sont pétris des relations et interactions sociales, familiales, professionnelles etc. A suivre avec Celles qui ne voulaient pas se souvenir.

samedi 1 juin 2013

La Grande Bellezza

Paolo Sorrentino. C'est sûr, il a vu et revu Fellini, comme chez le maître, c'est une déambulation dans des lieux sublimes, des connivences avec les princesses et les nobles, des fêtes branchées avec les bourgeois de la culture ou des médias, les monsignori, les putes, les starlettes... Comme chez le maître, il y a un journaliste ami du jet-set, et ses interrogations au hasard de ses déambulations, rencontres etc. C'est un beau film pour voir Rome et ses jardins secrets, un film élégant et désenchanté pour voir un intello chic se poser des questions sur la vie, le vide et la spiritualité, une balade nostalgique à l'heure du bilan d'un Vitelloni (un vitellone ?) : la vie n'a pas tenu ses promesses, à moins que ce ne soit lui qui n'ait pas tenu ses promesses

jeudi 30 mai 2013

7 films étranges, ou prévisibles ou sympathiques ou mauvais

La Cage dorée, Ruben Alves : la vie à la loge portugaise dans les beaux quartiers. Très sympathique.

Ginger et Rosa Sally Potter. Deux adolescentes inséparables en train de grandir dans les années 60 à Londres, sur fond de guerre froide, de contestation, de premiers baisers, d'esprit libertaire. Pas mal, assez prévisible.

Gatsby le Magnifique, Baz Luhrmann. Lourd, très lourd, surchargé, plein la vue, pas magnifique, ostentatoire.

The Bling Ring : le vide chez des adolescents fascinés par les people, les marques, la frime, rempli de bruit, de fêtes, de dope, et de bling-bling.

Star Trek : grand spectacle de l'espace, planètes lointaines, vaisseaux spatiaux et affrontements. Distrayant

Bambi, Sébastien Lifshitz. Le témoignage d'une des premières transsexuelles françaises. Juste, intéressant, la femme est attachante et intelligente.

Room 237, Rodney Ascher. Shining, de S.Kubrick, revu à la lumière d'exégètes plus ou moins allumés ou paranoïaques. Parmi les centaines de théories interprétatives,  il paraît qu'ils n'en ont retenu que 5. C'est assez délirant, mais c'est bien fait.

mercredi 29 mai 2013

Le Passé

Asghar Farhadi, lourdeurs et non-dits de la vie de couple ou d'ex-couple, les enfants au milieu, l'ado de service en prime, et en filigrane, le drame du légume à l'hôpital. De bonnes intentions, pas mal de trucs bien vus dans les relations entre les gens, les enfants, mais le réalisateur n'en finit pas de prendre son temps. Amputé de 45minutes, ça aurait peut-être été pas mal. Rien à voir avec l'intensité d'Une Séparation.

mardi 28 mai 2013

Mama

Andres Muschietti. Une maison hantée, 2 petites filles disparues, une mama... Pas mal dans le genre. On a son lot d'insectes louches, d'envolées d'oripeaux, de chevelures maléfiques, de murs qui suintent, de communication avec l'invisible, de spectres passe-murailles.

dimanche 5 mai 2013

The Grandmaster, Wong Kar Wai

Wong-Kar-Wai a réalisé un film d'une beauté et d'une intensité magnifiques. Avec des acteurs sublimes, comme il se doit. Même si on est totalement étranger aux différentes (écoles) du kung-fu, et au kung-fu en général, c'est  un coup de maître de raconter, à travers l'histoire des différentes traditions du kung-fu et de leur transmission, les rivalités de maîtres et de disciples et en filigrane une histoire d'amour elliptique et non assouvi (à la manière de Wong-Kar-Wai), avec à l'arrière plan, l'histoire de la Chine depuis 1936 : invasion du Japon, rivalité nord-sud, montée de Mao, exil ... Tout ça tout en mariant retenue, concision et images sublimes. L'art de Wong Kar Wai, en plus de tout ce qu'il raconte, de nous tenir sur un fil mystérieux qui parle de fatalité, de nostalgie, de monde révolu et d'amour inassouvi.


jeudi 11 avril 2013

10 films divers et variés

Django unchained QuentinTarantino
Tient ses promesse, de l'action, du sang, de l'humour, et un scénario.

Millers crossing Joel Coen (bon film de truands dans les années de la prohibiton)

Les Voisins de Dieu : ils font peur (orthodoxes, ils font la police dans leur quartier : Israël, communauté orthodoxe, violence, intolérance)

Syngué Sabour  Pierre de patience, Atiq Rafhimi, Kaboul, un héros de guerre afghan dans le coma ; sa femme à son chevet. La guerre,  les combattants à leur porte. Elle raconte sa vie : la parole des femmes dans un monde d'hommes.

No Pablo Larrain, T. bien : Chili, referendum 1988, élaboration de la campagne de pub anti-Pinochet

Effets secondaires, Steven Soderbergh, bien fichu, psychotropes et manipulations.

La Maison de la radio Nicolas Philibert, bien, reportage tranches de vie à la Maison de la radio

Mud Jeff Nichols, bien vu, bien fait sur la capacité d'enthousiasme des adolescents pour l'aventure, le mystère, l'interdit, la figure du rebelle / hors la loi

Zero Dark Thirty. Efficace. 10 ans de traque de Ben Laden par une femme très persévérante.

Au nom du peuple Dino Risi : un juge aux prises avec un puissant industriel soupçonné du meurtre d'une prostituée. Comédie sociale légère et profonde, bien fichu, drôle, caustique. Galerie de portraits

Week end royal

Week end royal fin et drôle, vu par le regard d'une cousine de Roosevelt, qui devient sa maîtresse, dans sa proprité de (...) : la visite du coupe royal britannique pour obtenir l'aide des E.U dans la guerre européenne

mercredi 10 avril 2013

Quartet

Dustin Hoffman. C'est plein de vieillards musiciens. Forcément, c'est une maison de retraite de musiciens. C'est leur quotidien un peu bancal, ils sont vieux et sur la touche, ce sont des humains distraits, jaloux, frivoles, maniaques, mais dans le fond, ils restent ce qu'ils ont toujours été, des musiciens, et ils préparent plus ou moins la soirée annuelle de gala de la maison de retraite. Mélange de regard tendre et acéré. Ça baigne, jusqu'à l'arrivée de la diva, désagréable, forcément. Tout le monde la connaît. C'est la star, celle qu'on admire, qu'on aime, qu'on envie, qu'on déteste, la supérieure absolue. Et il y a un passif douloureux avec un des retraités. Comment tout cela va-t-il évoluer ? C'est délicieux et profond , tendre et amusant, grave et léger.

Entre soupe et daube


Möbius Eric Rochant (pas mal, vite oublié)

Les Amants passagers, Almodovar, lourd, vulgaire, au suivant

Les Gamins Anthony Marciano, sympathique et convenu (crise de la quarantaine)

Song for Marion, Paul Andrew Williams. (britannique) Chantons à la retraite. Le vieux grognon résiste. Touchant, légèrement lacrymal, pour vieux et âmes sensibles

mercredi 27 mars 2013

The Place Beyond the pines

Derek Cianfrance.
Le beau gosse (Ryan Gosling) s'habille, on ne le voit que de dos (muscles et tatouages, of course) il traverse la fête foraine pour aller à son stand : c'est bruyant et interminable. Le ton est donné, le film n'en finit pas d'enfiler les clichés, et le beau gosse vu de face est aussi expressif qu'une carpe morte. Donc, il est sympa mais paumé, la mère est belle, brave et courageuse, le black est sympa, les casses sont des casses, le flic est futé, les années passent, le fils du flic est vicelard (version dégénérée du futé) et le fils du beau gosse est paumé et beaucoup de bruit pour rien. On est content quand ça s'arrête enfin.
(je n'ai toujours pas compris le titre, peut-être une manière de désigner un terrain vague dédié aux foires dans les patelins ?)

mardi 19 février 2013

Sugar Man

Malik Bendjelloul. (Searching for Sugar Man)
 Enquête sur la disparition de Sixto Rodriguez, chanteur rock folk de Detroit dans les années 70, et sa "renaissance" en Afrique du Sud. Très bien construit, filmé, c'est captivant et plein de grâce. 

mardi 12 février 2013

Dans la brume

Sergei Loznitsa. Des résistants en Biélorussie sont pendus par la Wehrmarcht. Deux résistants viennent chercher un paysan chez lui pour l'exécuter. S'il est libre, c'est qu'il a collaboré. Le film raconte la suite, la nature de chacun de ces hommes, la nature humaine : plutôt déprimant. Esthétique rigoureuse. Presque tout se passe dans la forêt, dans la lenteur, dans le silence (c'est à dire que c'est un peu chiant). Chacun reste enfermé dans sa manière d'être et de faire. Les hommes changent-ils ou ne changent-ils pas ? La guerre change-t-elle les hommes, ou restent-ils fidèles à eux-mêmes.

samedi 9 février 2013

Anselm Kiefer, Galerie Thaddaeus Ropac, Pantin


Incroyable. La puissance, la force créatrice. La richesse. La force d'évocation. Une impression tellurique, de 1000 ans d'âge. C'est à la fois végétal, minéral, animal, et il y a de l'eau. Universel et complexe, riche de sens. Un monde de matière, de couleurs, de formes. Le peintre superpose des milliards de références, ce sont des strates et des strates, un millefeuille d'arrière-plans philosophiques, esthétiques, culturels, qui se fraient un chemin jusqu'à notre conscience et s'évanouissent, des formes qui s'arrachent au magma ou s'y enlisent. Une usine à sens, des turbines à mouliner les limailles de sens qui s'agglutinent ou se désagrègent au gré du regard. Un palimpseste à effeuiller. Qu'on regarde une peinture entière de 10m2, ou dans un détail de 20cm2.
(Mémo : A l'entrée, les branchages sous verre sur fond de photo de neige (parc ou chaises sous la neige)/ Le thème de la lettre manquante, la machine à écrire explosée, déversant des rubans d'images), mais le grand choc, ce sont les peintures immenses. Géant.







vendredi 8 février 2013

L'Ivresse de l'argent

(Taste of money) Im Sang-soo
Très joli à regarder. Ouvrez bien vos yeux, c'est des maisons comme vous n'en aurez jamais, des belles femmes et des tas d'argent comme vous n'en aurez jamais non plus.  Im Sang-soo nous en met plein la vue avec les décors dans lesquels évoluent cette bande de Coréens riches et corrompus (synonyme). Dans la dynastie des tordus, le grand-père a fait ses preuves, la mama est bien corsée, le fiston a du potentiel, mais la très ravissante fille semble affligée d'un cœur, comme son papa. Tourments et retournements : la vie des riches est pleine de corruption et de coups tordus. Mais la rédemption est possible, ha ha ha. En somme, c'est assez distrayant.

jeudi 24 janvier 2013

The Master


Paul Thomas Anderson.
On entre d'abord dans la tête de Freddy Quell, vétéran de la 2ème guerre mondiale, alcoolique et détraqué, et c'est plutôt bordélique, violent, et outrageusement arrosé de gnôle. Et puis on entre dans la tête de Lancaster Dodd,  une espèce de gourou qui prêche sa philosophie de la vie et du savoir -être. C'est ampoulé et tortueux, on ne comprend pas trop ses propositions fumeuses, mais Dodd fascine son public (sa famille et un nombre croissant d'adeptes). Quell entre dans leur univers à sa manière rebelle, à moitié adepte, à moitié homme de main, et fait des allers-retours dans cet univers étrange dominé par le gourou, avec l'action en sous-main de l'étonnante épouse. 
C'est l'affrontement de deux fortes têtes liées par la violence. Quell est fasciné par cette puissante figure paternelle charismatique, qui l'ancre et le centre alors qu'il est à la dérive. Dodd est séduit par la pure sauvagerie de Quell, et la possibilité de le réduire (car "dans la vie, tout homme obéit à un maître"). C'est puissant et captivant. On ne sait pas où commence la duperie, la manipulation ou la fascination. Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman sont fabuleux.

lundi 21 janvier 2013

Soutine à l'Orangerie


L'ordre du chaos. Ouf, dire que j'ai failli rater l'expo. 

Une merveille de couleurs et de (folie) expressive. L'espace, les sujets, le décor, tout se tient, tout correspond. Soutine ressent le monde et relie tout. Il embarque les pierres, les végétaux, les animaux, les objets, les humains, dans une peinture vivante, vitale, vivace, sensitive et sensuelle. Ce sont des peintures animales et animées (anima). Soutine peint à fleur d'inconscient, là où l'âme ne se donne pas la peine de classer le monde en catégories. 

Dès la première salle, c'est un miracle et une folie de paysages avec des maisons, des rues folles, des escaliers, des arbres, c'est échevelé et palpitant. Les collines se tordent, les maisons s'enlacent, l'univers danse. Puis viennent les arbres, (l'arbre couché, l'arbre bleu (pas si bleu), et des effets de bourrasque dans des bosquets. Et aussi ce tableau magique d'un paysage de campagne avec 2  enfants qui rentrent de l'école après l'orage.
C'est bien la première fois que j'aime les Glaïeuls, mon préféré est celui où le bleu du pot et le rouge-brun du fond se confondent en une matière brillante et sensuelle pendant que les glaïeuls éclatent en oriflammes. Un autre miracle, L'Escalier Rouge à Cagnes, vivant, vibrant, sublime entre deux rangées de maisons et un bouquet d'arbres qui s'échappe par dessus le mur du jardin à droite (Moscou MAGMA).  
Puis vient la série du désastre animal, la débâcle du vivant. J'ai de l'amitié pour cette Raie éventrée (le tableau est à Cleveland) qui flotte, comme épinglée au mur, avec les tripes à l'air et un drôle de rictus, entre indigné et effaré, au dessus d'une formidable théière ronde, luisante et voluptueuse, qui trône sur la table. La Table, justement, où simultanément tout converge vers un centre d'où tout éclate. Curieux équilibre de forces centrifuges et centripètes. Quel carnage. Comme si on avait sauvagement planté un couteau au cœur d'une pièce de viande, à côté d'une bouteille aussi puissante que la théière du tableau d'à côté. Vivante. (Chez Soutine, tout est vivant, et parfois, les objets plus que les êtres animés.) Il y a aussi cette drôle de peinture, où la table avec deux fourchettes et un bol ressemble à une silhouette famélique (un squelette ?) drapée de noir avec ses deux bras (les fourchettes), dirigés vers le plat de trois harengs. (coll Larock Granoff)
Dans l'ensemble, toutes ces bestioles font de drôles de têtes, on dirait qu'elles rient jaune. Des dindons effarés finissent d'agoniser, pris entre des rouages, des mécaniques et des crochets. Un faisan sans défense s'abandonne à son sort, les jambes toutes molles dans son petit suaire blanc, ayant abdiqué toute hypothèse de résistance. C'est comme si les bêtes gardaient dans la mort le souvenir de leur effroi de bêtes égorgées, déplumées, éviscérées.
Les carcasses de bœuf, en voilà, du saignant, de l'embrasement, c'est l'enfer des peintures du Moyen-Age, une fournaise de sang et de flammes, des abîmes de douleur.
Dans la salle des portraits, les figures pitoyables d'humains qui révèlent leur nature et le tragique de leur existence. L'air faux-cul des enfants de chœur, chacun à sa manière, (le petit éveillé, qui nous jette un petit regard en coin, et l'autre qui avance à pas menus et se frotte les mains avec une componction toute cléricale). La Femme de chambre, mi-revêche, mi-modeste, lourde de frustration sociale, falote et soumise, mais d'une soumission qui n'en pense pas moins, une sœur Papin en puissance. Une certaine bêtise autosatisfaite chez Le Garçon d'étage, à moins qu'il ne soit intelligent et désabusé. Le Petit Pâtissier, avec son cou trop maigre d'adolescent dégingandé, trop vite poussé, et son air absent, ou un peu vide, peut-être simplement vidé par son labeur, sous sa drôle de toque. Mélange indéterminé, c'est ça qui est fort, c'est une tête jeune, en devenir, il n'a pas encore fixé sa physionomie, il est en cours de (vitrification, détermination). En attendant, on lui a probablement trop tiré les oreilles, surtout la gauche. La Fiancée fait une drôle de tête déconfite, juste à côté d'un portrait de vieille femme (Déchéance). Une sorte d'avant/après. La Petite fille à la poupée, tragique, montre qu'un enfant peut être désespéré, et le petit garçon a un air de clown triste, c'est comme si Soutine révélait le caractère pitoyable d'humains incomplets, malheureux, inassouvis, inaccomplis. Drôle de portrait de femme en robe rouge. Tout dans les volutes des mains et de l'étoffe, et un visage simiesque. Et aussi le portrait de la Vieille femme (Cleveland) : c'est comme si, dans son grand âge, près de disparaître, elle se fondait, diluait, dissolvait dans le décor. 
Devant certains tableaux (L'Homme au petit chapeau de feutre), on se dit que Bacon a bien regardé Soutine. Et aussi, peut-être, que Soutine a bien regardé James Ensor.
Ce sont des visions fulgurantes "non sans virulence instinctive" (E.Faure) dans lesquelles Soutine crée une curieuse harmonie, même si elle est ivre, ou baroque (?), puisée au « suc des épaisseurs vivantes ». La capture d'un désordre intérieur sublimé par une pensée (ou un pinceau) sensible. (L'expo s'appelle bien L'ordre du chaos ?)


samedi 19 janvier 2013

Tuileries





Le tombeau des Droits de l'homme




Au champ de Mars : Monument des Droits de l'Homme. (2012, décembre 12). Wikipédia, l'encyclopédie libre. Page consultée le 07:33, janvier 21, 2013 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Monument_des_Droits_de_l%27Homme&oldid=86453384.
Très étonnant d'apprendre que ce monument pompeux a été érigé en 1989. Je lui aurais donné bien plus, tellement il m'a l'air déphasé, avec son petit air hermétique, jalousement fermé sur ses secrets et bourré de références maçonniques.  En fait, c'est surtout qu'il se pousse du col, dans un légitime souci d'aspiration vers le haut, mais qu'est-ce qu'il est guindé et dédaigneux, avec son air d'en savoir plus que les autres, et une intention bien affichée de ne rien partager de ses mystères. C'est bizarre d'associer ça aux Droits de l'Homme. A moins qu'ils n'aient voulu sacraliser la chose ? Bof, je préfèrerais quelque chose de plus libre, avec un peu de souffle, plutôt que ce tombeau. Ça y est, j'ai compris, ça ressemble à un tombeau, c'est le tombeau des Droits de l'homme. C'est bizarre.
 

Les grues du Pentagone à la française



jeudi 10 janvier 2013

Gangs of Wasseypur

Anurag Kashyap
De la pure violence sur fond de société purement violente. Ça commence en 1940 (partie 1, vue en DVD) par l'exploitation des mineurs du charbon, l'appropriation des ressources locales par les gangs locaux et les rivalités entre eux pour asseoir leur pouvoir de génération en génération. Dans la partie 2, on en est aux années 80 et à la troisième génération de gangsters. Meurtres, corruption, business, extorsions de fonds... voyous, policiers, politiciens, tout ça trafique et s'étripe sans discontinuer. Et la relève s'annonce prometteuse, avec la montée en puissance des bébés flingueurs. Tout ça avec une certaine drôlerie - par exemple l'utilisation de la musique bollywoodienne - et par moment un côté "pieds nickelés". Quelques geysers d'hémoglobine, des poursuites, de multiples fusillades, égorgements et autres étripades, ça, c'est pour la violence tarantinesque. Mais derrière la violence, il y a une critique sociale féroce, un regard décapant sur une société corrompue, où prospèrent truands, flics et politiciens. (Le réalisateur dénonce au gré des interviews le rôle abrutissant du cinéma bollywoodien, totalement déconnecté de la réalité sociale). Les femmes ont un rôle intéressant. A l'arrière-plan, les "vrais" gens, ceux qui subissent la dictature des truands de tous bords.
Le pire, c'est que c'est (presque) vrai.

mercredi 2 janvier 2013

Le pont du Garigliano est libre


Ça fait longtemps que je voulais fêter ça, le pont du Garigliano est débarrassé depuis quelques mois de son épluchure géante, la maudite cabine téléphonique de S.Calle. Plus rien ne fait obstacle au regard, sauf notre "Pentagone" à la française qui monte, qui monte, qui monte. Ça fait des mois aussi que je me promets d'aller photographier la forêt de grues.