dimanche 23 septembre 2012

Louis Soutter

http://www.lamaisonrouge.org/IMG/pdf/petit_journal_expos_ete_2012

Tout près du port de l'Arsenal, la Maison rouge : comme le hasard fait bien les choses, c'était le dernier jour de l'exposition Louis Soutter. Vague souvenir d'avoir lu qqch de bien à ce sujet, et l'affiche confirmait que ça risquait de me plaire : révélation, extase et contemplation, c'est magnifique. Un jour où je serai inspirée, je trouverai peut-être moyen de développer l'impression de force, de cohésion et aussi de noirceur ou de dérision qui se dégage de son œuvre. Et voilà.


jeudi 20 septembre 2012

La Clepsydre


Wojciech Has,
d'après plusieurs nouvelles de Bruno Schulz. 
Ouf, quel morceau, "chef-d'œuvre onirique et baroque", plein d'images incroyables, de transitions improbables, les figures du rêve apparaissent, disparaissent, changent de registre, quelle merveille.
Le film qui commence par un voyage en train, ou plutôt par le vol d'un oiseau à travers le ciel et les branches des arbres, et l'on découvre que le plein écran se réduit finalement à la fenêtre d'un train et pose la question de la réalité de ce qu'on regarde.
C'est donc un voyage. Un voyage dans le temps ? Saisissantes images du voyage dans ce train d'un autre temps, comme en décomposition, qui transporte des figures d'un autre monde, figures perdues de Juifs du temps d'avant -avant la shoah ? avant la disparition du shtetl ?- vers une mystérieuse destination (ça rappelle quelque chose). 
Dès le début, le sujet est indécidable, ce sont des vrais gens, ces corps bizarres ? Ce sont des morts ? des malades ? ils dorment ? ou est-ce un rêve ?  Le contrôleur prévient Josef qu'il arrive, et répond à Josef, qui lui demande comment il trouvera son chemin, qu'il n'y a pas de chemin, qu'il trouvera tout seul. C'est le propos du film : rien n'est linéaire, le personnage se laissera guider à l'instinct, les séquences du film s'enchaînent comme celles d'un rêve, par le hasard et la nécessité de sa quête. 
Josef traverse un cimetière pour arriver à une maison à l'abandon, une immense porte fermée ouvre sur des tombes, il entrera par une porte dérobée dans un bizarre sanatorium tout en corridors, pièces, départs d'escaliers, qui semble à l'abandon et dévasté. 
(Quelque temps plus tard, la même porte ouvrira sur un jardin luxuriant.) 
Un étrange docteur, qui fait figure d'analyste plus que de médecin, et ne manque pas de sauter la jolie infirmière, explique les arcanes du temps et des intervalles, et les principes thérapeutiques du sanatorium. 
Dans ce sanatorium, on réactive le temps passé, mais on ne sait plus où est le vrai temps, et où est l'intervalle. C'est un espace où le temps est en retard d'un intervalle, mais on ne connaît pas la durée d'un intervalle, et où les patients dorment, mais quand ils se réveillent, c'est peut-être qu'ils rêvent. A moins qu'ils ne soient morts ? 
Commence alors la quête de soi et - ce qui revient au même - la quête du père (son père Jacob), dans les labyrinthes de la mémoire.  "Il est donc vivant?" demande Josef en arrivant au sanatorium.
Relier les fils du passé, le père, la mère, l'enfant qu'il était, la communauté juive, sa ville, les femmes... , par une série de rencontres aussi logiques que celles du rêve, peuplées de personnages étranges qui rejouent des scènes de sa vie, à moins que ce ne soient des scènes de rêve. A propos de personnages, le fabricant des figures mécaniques explique : "on les suspend/ arrête au moment de leur minute de vérité, là où ils se sont arrêtés d'évoluer : chaque "personnage" rejoue à l'infini la scène primale (?) constitutive de sa vie, de son ancrage dans le monde. N'est-ce pas diablement psychanalytique, ça aussi. Et cauchemardesque.
La beauté dévastée des décors et des images est fascinante, c'est plein d'escaliers et de tiroirs, de dérivations, coqs à l'âne, d'obsessions et de mystère (mystère de la vie cachée et des disparitions de Jacob, les femmes, probablement) la maman, la boutique de tissus, les calicots, le prince Maximilien, les figures mécaniques... 
C'est le plus beau film que j'ai vu depuis longtemps. La scène finale est magnifique






dimanche 16 septembre 2012

Des Hommes sans loi

(Lawless) John Hillcoat
Une ambiance bien épaisse et bien dense chez les bouseux distillateurs et trafiquants d'alcool sur fond de prohibition. D'après l'histoire vraie des frères Bondurant, dans le comté de Franklin, en Virginie. Prenant. La fille du pasteur (Mia Wasikowska) est délicieuse.

Millevaches



Balade, donc, au plateau de Millevaches. Paysage rural de landes, pâturages, forêts, cric cric cric je remonte le ressort, je rêve des Millevaches depuis les leçons de géographie à l'école, l'idée de Millevaches me paraissait énorme et incongrue, un troupeau de mille vaches, ça avait l'air mythologique et unique, il aurait pu aussi bien y en avoir dix mille, un immense troupeau chaud et frémissant, évoquant les dieux de la fécondité et de la fertilité, la puissance de la terre, une forme d'apothéose. Sur un plateau, en plus, à la lisière du ciel, évocation propice aux génies de l'air, dieux solaires et lunaires, Mars, Jupiter et la féminine Déméter, tout pour la puissance du rêve et de la fécondité, et ces beaux boeufs qui labourent la terre pour l'engrosser. Mais à ma grande déception, les Millevaches n'ont rien à voir avec les bovidés : "l'étymologie du terme local vacca lui attribue des origines celtes ou encore de langues germaniques : batz, qui voudrait dire « source », pour former le nom mille vacca, « mille sources», qui aurait donné par extension « Millevaches » (Wikipédia). Ce seraient donc mille sources. Va pour l'eau, elle aussi peut alimenter le moulin à balivernes. De fait, l'eau est partout, dans les sources, les ruisseaux, les tourbières... Des étangs et des lacs parsèment le paysage.
La Vienne


Les chemins sont bordés de fougères, de genêts, de mûriers, de bruyères, et le regard porte tantôt sur des horizons lointains, tantôt est arrêté au creux des vallonnements, erre sur les pâturages et les tourbières. Mais le désastre, ce sont les cônifères. Dès que pâturages et tourbières s'arrêtent, les forêts de cônifères uniformisent et assombrissent le paysage. Il reste heureusement quelques forêts de hêtres et de feuillus, mais le cônifère est partout, en alignements monotones, pratiques et rapides à exploiter. Le plan d'accaparement des sols a pris son essor après la deuxième guerre mondiale, les propriétaires exploitants ont fait arracher au bulldozer des forêts entières de hêtres, ils ont envoyé des avions déverser du défoliant, comme au Vietnam, pour éviter la repousse des feuillus, et ils ont massivement planté ces forêts sans lumière et sans âme qui font le vide à leur pied. Pas question d'y dénicher le moindre cèpe, richesse locale, dont les habitants arrivent à garder quelques cachettes secrètes, quand surgissent  les prédateurs venus d'ailleurs pour les piller. 




Se balader sur les Millevaches est une expérience pleine d'un charme nostalgique et tranquille, on sent que le paysage pourrait devenir âpre, et de fait, en hiver, il l'est, très arrosé, qui plus est, paraît-il, mais à la fin de l'été, dans une lumière doucement pluvieuse ou dans les brumes matinales, ou le lendemain au soleil tiède et radieux de septembre, les douces déclivités, l'alternance tranquille des paysages, les troupeaux qui paissent et nous regardent curieusement, quelques ânes, ici et là un troupeau de moutons... tout  rappelle le rêve d'une nature et d'une innocence en perdition, parce qu'on ne croise jamais personne et on ne traverse que des villages déserts, où presque tous les volets sont fermés, et les rares hôtels ont fermé, eux aussi. 





Quand on rencontre un rare paysan, il est rare qu'il soit jeune, on se demande qui, dans dix ans, va bien pouvoir s'occuper de ces vaches et de ces moutons. Heureusement qu'on trouve de loin en loin quelques foyers qui ont choisi de vivre autrement, ou qui vivent leur deuxième vie autrement, en produisant des fromages ou du pain, cultivant quelques fruits et légumes, élevant des chevaux, accueillant les hôtes de passage. 


Chambre d'hôtes à Chavanac




jeudi 6 septembre 2012

Killer Joe


William Friedkin (celui de French connection, L'Exorciste) 
Crade, efficace, très violent. Une famile de prolos, un tueur qui se la pète, c'est limite caricatural, mais ça marche. L'histoire d'un petit dealer aux abois, Chris (Emile Hirsch, celui d'Into the wild) qui doit du fric à de plus gros dealers, et engage un tueur à gages, Killer Joe (Matthew McConaughey), pour toucher une prime d'assurances. 
Citation de Chris : "le Texas, c'est des bouseux avec trop d'espace autour d'eux"
Sa sœur, Dottie (Juno Temple), est délicieuse et remarquable. 

mardi 4 septembre 2012

Le mystère de Babel


Pieter Brueghel l'Ancien, Kunsthistorisches Museum de Vienne


Je ne me rappelais pas que Babel arrivait si vite dans la Genèse. C'est étrange. Les hommes disent : "allons, bâtissons-nous une ville avec une tour qui atteigne le ciel pour nous faire un nom et ne pas être dispersés sur la face de toute la terre". C'est une idée plutôt louable. Mais Yahweh en prend ombrage : "Voici, ils forment un seul peuple avec une même langue pour tous ; ils se mettent à l'œuvre, et aucun projet ne leur paraît impossible." Il me semble qu'on parle d'orgueil quand on raconte cette histoire. On devrait plutôt parler de l'orgueil de Yahweh, qui ne supporte pas que les hommes aient ensemble un grand projet, un projet où apparemment Yahweh n'est pas. L'orgueil de Yahweh égale bien celui des hommes. Et Yahweh de brouiller leur langage et les disperser à la surface de la terre, et ils ne s'entendent plus et ils cessent de bâtir la ville. C'est mystérieux, incompréhensible et méchant.

Une peinture de Brueghel me réjouit et m'interroge (Pieter Brueghel l'Ancien, Kunsthistorisches Museum de Vienne.) D'après cette peinture, si l'histoire finit mal, ça ne se présente pas si mal, à ce stade. En tout cas, c'est peint avant la catastrophe, même si c'est juste avant. Certes, ils ne sont pas au bout de leurs peines et la construction est loin d'être achevée. Mais elle n'est pas arrêtée non plus. Le commanditaire est à gauche, sur une éminence, et les architectes / maçons sont prosternés à ses pieds (réunion de chantier).
La peinture montre un édifice ambitieux et complexe, encore inachevé, avec des échafaudages sur divers fronts. Apparemment, il reste un énorme travail à accomplir, mais ce qui est fait donne la mesure de l'ingéniosité, de la  patience et de la méticulosité bâtisseuse. L'édifice donne à scruter des alvéoles et des niches innombrables, et à deviner les travées et connexions secrètes de la ruche bourdonnante. La plaine s'étend autour, calmement, benoîtement étrangère à l'édification de cette citadelle du savoir ? du pouvoir ? où seraient rassemblés tous les savants et tout ce qui se pense et se crée dans le monde. Il serait question d'ambition et d'élévation, de perfection et de dépassement. 
A moins qu'il n'y ait là qu'un concentré d'orgueil, et d'ennui, aussi, si l'on pense aux pontifiants professeurs et ratiocinateurs qui doivent sévir dans les couloirs. 
A moins qu'on ne regarde ça sous un angle vaguement carcéral, comme une  forteresse du totalitarisme intellectuel. On n'aurait plus qu'à plaindre les forçats de la pensée, les soutiers de la raison tapis dans les entrailles de cette monstrueuse machinerie de l'intelligence. C'est peut-être la coexistence des deux impressions qui crée la fascination et le mystère qu'inspire ce tableau ? C'est aussi l'idée du temps suspendu, au moment de la dernière réunion de chantier, juste avant que le projet ne tombe en ruine, ne vole en éclat. Parce qu'à l'arrière plan fatal, on sait bien que Babel est un échec ; en même temps qu'on voit un édifice en construction, on devine sa ruine, et même avant cela, on constate l'écrasante ampleur de la tâche, et l'impression qu'on n'en viendra jamais à bout. A force d'avoir été entrepris sur tous les bords, par tous les fronts, avec des échafaudages un peu partout, les travaux ont l'air en plan, et les commanditaires seront ruinés entre temps, et une guerre aura éclaté, et les savants se débanderont, ou bien ils se rebelleront et refuseront cette vision carcérale de la pensée et du pouvoir de la pensée. Bref, le ver est dans le fruit, et ce sont ces impressions mêlées que l'on ressent en contemplant ce tableau d'une construction humaine vouée par avance au néant. 
Finalement, peut-être que Dieu n'est pour rien dans le désastre de Babel, l'orgueil des hommes se suffit à lui-même. 

dimanche 2 septembre 2012

La Servante


Kim Ki-Young (coréen 1960)
C'est l'histoire d'un brave père de famille, professeur de piano à l'usine du coin, aux prises avec les femmes séductrices. Après une tentative ratée par une timide jeune fille, c'est la servante, (possédée par l'envie de ce qu'elle n'est pas et n'a pas) qui emportera le morceau et foutra en l'air le bonheur familial et conjugal. 
Présnté comme un chef-dœuvre sauvé de la destruction, c'est un peu poussif, ce qui a dû frapper les esprits et faire scandale dans les années 60 se laisse regarder comme une curiosité à la morale vieillie, où les personnages sont pitoyables ou odieux, ou les deux. Les femmes sont mauvaises ou avides, en tout cas fauteuses de trouble, les enfants méchants et sournois, le mari pleutre et pleutre. Certains passages avec une certaine tension bien fichue par moments, d'autres moments ridicules et outrés. Les critiques officiels ont l'air d'adorer ce film.
La séductrice, fine, fluide, au pouvoir séducteur ravageur, fait d'étonnants effets de chevelure. C'est bizarre, on a l'impression d'avoir déjà vu ça, en fait dans les films d'horreur/fantastique japonais des années 90 (The Ring, je crois, et deux ou trois de ce genre) où des femelles  spectrales viennent terroriser les vivants.

Poussières dans le vent


Hou Hsiao Hsien, Taïwanais. Reprise d'un film de 1986,  + ou - autobiographique, l'histoire d'un jeune homme entre l'adolescence et l'âge adulte. Comme dit Allociné : "cinéaste du fragment, du souvenir et de la sensation" lntéressant, un peu lent/chiant, la société rurale, le monde du travail, (campagne-ville), la réserve, les silences, le mal être dans un monde où on ne trouve pas sa place, l'amour latent entre les deux jeunes gens, le service militaire, une solidarité sociale certaine, la personnalité du grand-père... 


Starbuck et +


Starbuck, Ken Scott. Un canadien donneur de sperme se trouve confronté à la class action de ses multiples enfants qui veulent connaître l'identité de leur père. Humour, comédie réussie. 

Jane Eyre, Cary Fukunaga. Drame romantique (Charlotte Brontë). Honnête. 

To Rome with love, Woody Allen : facile et plat selon bcp de critiques, j'ai trouvé ça léger, distrayant, sans prétention, avec toujours de jolies actrices, je me suis bien amusée.

Magic Mike, Steven Soderbergh. Les 30 premières minutes sont distrayantes, ok, après, c'est convenu et prévisible. Bof. 

The Stranger, traduit par Le Criminel, d'Orson Welles, avec Orson Welles : il fait libérer un petit criminel pour qu'il le conduise jusqu'à un plus gros criminel. Au départ, on n'en sait pas plus, et on découvre peu à peu de quoi il retourne. Un peu désuet, mais pas mal, avec un côté peinture de société d'une petite ville respectable.

Jane Eyre, celui de Robert Stevenson (1944 ) avec Orson Wells, ça tient la route, avec une certaine emphase romantique. Brève apparition de Liz Taylor petite fille, à la pension Lowood (elle est l'amie de Jane).