jeudi 20 juillet 2023

Vers un avenir radieux

Nanni Moretti
Le film raconte l’histoire d’un réalisateur pendant le tournage de son film : Giovanni a une carrière, des parti-pris, des références, toute un conception du cinéma qui ont fait de lui un réalisateur accompli et respecté. Mais... est-ce que tout ça n'a pas fait son temps ? Comme ses rites et manies (par exemple, au début d’un tournage, regarder en famille un vieux classique du cinéma italien)… Comme ses 40 années de couple avec sa femme.
Entre les interrogations du personnage et les anecdotes du tournage avec une équipe indifférente à ses  références, Nanni Moretti offre une délicieuse promenade où il est question de cinéma, d’histoire (celle du Parti communiste italien face à l’invasion de Budapest) et d’histoire personnelle (sa femme veut le quitter, sa fille devient adulte) : Giovanni est décidément en porte-à-faux avec le monde qui l’entoure. Sauf quand il réussit à faire du cinéma : la lumineuse parade finale porte la signature du maître qu’il est resté.
C’est une délicieuse histoire de décalage racontée avec humour et distance, c’est foisonnant et subtil, drôle et désenchanté, on en sort enchanté.

mercredi 19 juillet 2023

Love life

Koji Fukada
Une petite musique douce amère à mesure que l’on soulève les couches du millefeuille de la vie sociale, familiale et amoureuse d’un aimable couple de travailleurs sociaux japonais. Ça se passe dans un intérieur ni beau ni moche, bien encombré comme il se doit, avec le linge qui sèche au balcon, comme à tous les balcons de cet ensemble de moyens immeubles pour petits cadres. On découvre l'aimable sociabilité du bureau/voisinage, les relations sympathique mais pas si simples avec les beaux-parents voisins et comment un accident tragique vient perturber une existence à peu près rangée. L’apparence est aimable et lisse, mais peu à peu apparaissent des micro ou macro failles, des frustrations, des non-dits dans la manière dont le couple s’est construit, la relation au conjoint, aux « ex » respectifs, à la paternité, la parentalité. C'est le tissu de la vie, ses accrocs, ses réparations. Sensible, subtil, parfois un peu longuet, un peu triste ou pas vraiment gai, attachant quand même. C'est la vie.


dimanche 16 juillet 2023

Limbo

Soi Cheang. J'ai passé deux heures dans les détritus urbains et autres décharges de Hong-Kong en compagnie de deux flics qui veulent mettre la main, justement, sur un tueur psychopathe qui sème les mains qu'il a coupées à ses victimes. Dans les bas-fonds où zone tout ce monde, il y a une jeune voleuse de voiture que le flic poursuit en général et pour des raisons personnelles en particulier. Le scénario se met en place avec une remarquable course poursuite entre la voleuse à pied et le flic en voiture. Elle finit par être coincée, elle va payer. D'autant plus qu'elle a une dette à payer. Mais c'est une jeune fille inoxydable incroyablement résistante aux multiples tabassages qu'elle encaisse : par le flic, par les malfrats avec qui elle zone, par l'ignoble psychopathe qui finit par l'avoir entre ses pattes. Tout ça se passe dans la fange pendant que l'enquête vasouille et que le psychopathe, un bloc monolithique de bestialité violeuse, mutileuse et féminicide s'en donne à cœur joie. Les flics multiplient les infractions à la déontologie, accumulent les conneries (enquêter seuls, perdre son arme, ne pas appeler des renforts) et passent un temps fous à courir dans le cloaque et farfouiller dans les poubelles, le tout dans une lumière d'autant plus noire que c'est en noir et blanc. Mention spéciale pour la mise en scène du glauque, de la puanteur et du détritus, notamment dans l'antre du psychopathe. Bref, ils vasouillent dans un déchaînement de violence et là-dessus, le ciel s'en mêle dans un déchaînement de pluie torrentielle. Effet cinégénique garanti mais tout ça ne fait pas un film : cette accumulation de pourriture, de tabassages et de sordide frise la maniaquerie esthétisante obsessionnelle, on se demande quelle jouissance suspecte y a trouvée le réalisateur (et ceux qui aiment ce film*). Bref, la démonstration est interminable. On est content quand ça s'arrête.

* certaines critiques évoquent Le Silence des agneaux (pour "les tréfonds de l’âme et la bestialité humaine") Or, de tréfonds de l'âme il n'est pas question : on zone en permanence en surface de l'horreur, avec tous les accessoires qu'il faut, avec en arrière-plan la métaphore de la mégapole génératrice de déchets urbains et humains, impitoyable pour les perdants. J'ai également vu évoquer Seven (David Fincher) : quel scandale de comparer les excès ostentatoires de Limbo avec ce chef-d'œuvre de la noirceur humaine !