jeudi 19 décembre 2019

Une Vie cachée, Terrence Malick

Est-ce que cette obsession de scruter la nature, l'immense, immuable, somptueuse et muette beauté de la nature n'est pas une manière de scruter le divin, d'interroger sa présence, sa permanence, ou son absence. Terrence Malick y revient incessamment, entretenant un dialogue décalé avec... qui, d'ailleurs ? Dieu ou l'absence de Dieu et son mutisme obstiné. Dieu à qui on a envie de rendre grâce de ce miracle qu'est la nature, son immense beauté, les sublimes mises en scène de ses paysages, et rendre grâce aussi du miracle du vivant, des saisons, du jour et de la nuit, de cette terre qui produit fleurs et fruits, animaux, céréales, rivières et ruisseaux... Dieu omniprésent dans la plénitude et obstinément muet dans la Passion de Franz.
Ce film est un immense point d'interrogation sur la plénitude et la gratitude (rendre grâce de ce miracle) et ce qu'il advient quand survient le Mal. Comme un conflit, une rupture, une solution de continuité entre sa vérité intime et la réalité du monde. Les scènes du début mettent en image l'harmonie d'un couple dans son monde, une petite communauté où les hommes vivent à la sueur de leur front, engendrent des enfants et des récoltes. Une vision idyllique, quasi biblique, troublante et presque gênante dans un monde de scepticisme et de doute. Le Franz, pétri de l'harmonie et de l'ordre (divin, ou moral ?) du monde, entre donc en opposition quand survient l'inacceptable, l'abus de pouvoir qui rompt la justice et l'équilibre, l'isole de la communauté villageoise et le désigne aux autorités militaires. L'Anschluss est cette fracture, la trahison de la souveraineté, de la légitimité, de l'autorité morale : inacceptable et non négociable.
S'ensuit ce dialogue en images, Fani dans sa campagne, Franz dans sa caserne ou sa prison, leur solitude, leur amputation l'un de l'autre, leur amour et leur foi l'un en l'autre, et l'infini questionnement de Franz. L'apothéose est cet entretien bouleversant avec le juge qui lui demande s'il a le droit de faire ça (s'obstiner à refuser l'allégeance aux nazis, comme un orgueil insensé qui met tout le monde - à commencer par sa famille- dans l'embarras ou la douleur). Franz lui demande en retour "s'il a le droit de ne pas le faire". La Passion de Franz, comme celle du Christ, dans un univers muet où ses interrogations restent sans réponse. Le film comme un immense point d'interrogation sur ce qu'on se doit à soi, sa conscience, ou à ce Dieu caché.
On sort de là la gorge serrée par l'absolue, démente pureté de cet homme et en se demandant où et combien de fois on a trahi sa propre conscience.

mercredi 18 décembre 2019

Lillian

Andreas Horvath
Etrange film, étrange personnage porté par son idée fixe, son obsession, sa folie, sa clôture sur son objectif : retourner en Russie à pied.
Elle trace, sans interférer, enfermée dans son mutisme et son isolement (elle ne parle pas anglais ou si peu), ou son "dérangement"
Elle trace
et c'est prétexte à revisiter les paysages de la mythologie et de la réalité américaine à ras de bitume, de poussière, de champ de maïs, de trous du cul du monde
Elle traverse des paysages et des scènes de genre qu'on a vus mille fois, mais son regard ne s'arrête pas, ne comprend pas, n'interfère pas,
c'est définitivement une étrangère sur un territoire immense, même pas hostile, juste inhumain où elle organise sa survie au jour le jour
On voit ainsi passer l'Independance Day dans un patelin lambda, des high way et des free ways qui s'effacent à mesure qu'elle s'enfonce au milieu de nulle part, c'est à dire de l'Amérique profonde, on voit passer le MidWest et ses champs (de maïs), le pervers de l'Iowa, les Badlands, les bouseux du Montana, le flic de comté, les charity shops, les Indiens des réserves, et la grande, l'immense nature où elle avance
et elle regarde tout ça sans équipement, sans voiture, à hauteur d'humain et à distance de pieds.
On revisite aussi la mythologie des hobos, des supertramps, de La Route, sauf que c'est débarrassé de tout lyrisme, de toute emphase, de toute littérature
et il s'en dégage une étrange poésie sauvage, une sorte de mysticisme de la quête, ou de folie, et de grande liberté ou de grand enfermement.
C'est un beau film poignant.

samedi 2 novembre 2019

Joker

Todd Phillips.
Quel film bizarre et dérangeant.  Autant j'ai détesté la bande-annonce qui ne rend que le pire du film, autant j'ai adoré le film. Outrance clownesque et cascade de malheurs. Et pourtant c'est un excellent film où on avance constamment sur le fil du rasoir entre l'outrance, justement, et une tristesse profonde devant une réalité sociale désespérée et déprimante, avec une certaine empathie pour les laissés pour compte. Ce qui est fascinant,  c'est cette peinture de la mutation d'Arthur Fleck, ou comment, de clown miteux, il devient Joker. Chaque séquence du film est une pure tranche d'horreur et de séquence en séquence, on s'affranchit de toute convention pour entrer dans la peau et le mental d'un maboul, dont la folie est effroyablement logique, comme la conséquence d'un fatal enchaînement de circonstances.
Donc, Athur Fleck est un paumé, un minable, un raté, rêvant de percer dans le "stand up". Et c'est aussi un être humain naïf et psychotique à la fois. Il scanne le réel et en tire les conclusions délirantes qui s'ensuivent. On en est à la fois horrifié et de son côté. Et on finit par transgresser tous les codes quand on se réjouit de ses exactions. Le clown triste devient un fou de plus en plus lucide et de moins en moins naïf qui jubile et qui danse, et on se retient d'applaudir des deux mains (expression idiote, comment pourrait on applaudir autrement) devant cette étrange prise en main de son destin de sociopathe.

vendredi 1 novembre 2019

Martin Eden, Pietro Marcello

Pietro Marcello
Étonnant Martin Eden (magnifique Luca Marinelli) transposé dans une Italie du 20ème siècle avec une tonalité dominante années 50 et une référence aux mouvements sociaux du siècle. Le film est ponctué de séquences photos, comme des arrêts sur image de visages, de scènes de rue populaires comme des rushes de vieux films sur la réalité de la misère, de la rue. Ce qui brouille la stricte référence historique mais renforce l'empathie humaine et sociale du fim. L'ascension de Martin Eden est une peinture subtile de la lutte des classes, a priori le travailleur inculte vs le bourgeois, et montre plus finement au sein d'une même classe, les divers étages de conflits entre plus ou moins pauvres et plus ou moins dominés. Les ouvriers, les tout petits commerçants et entrepreneurs... et l'ex marin devenu fainéant (il écrit et ne gagne rien au début).
Au déterminisme de classe s'oppose la détermination de l'individu qui émerge au sein du groupe social. A lire ça, on pourrait s'attendre à un film didactique, mais c'est vraiment une peinture riche et complexe d'un individu dans une époque, un milieu et sa propre histoire. Comment va-t-il se démarquer et se déterminer, appartenir ou pas, intervenir ou pas. Ainsi la première scène où "il s'en mêle" et sauve un jeune bourgeois en train de se faire tabasser. Ce qui le propulse dans un nouveau monde et une dynamique d'ascension sociale par la culture et d'exclusion de son propre milieu. Martin Eden trahit sa classe en sauvant ce bourgeois et à partir de là ne trouvera plus sa place nulle part. Ni chez les bourgeois, ni chez les socialistes. Son credo, c'est l'individu. Le personnage lumineux, solaire, puissant perd sa vitalité et son éclat à mesure qu'il gagne son statut d'écrivain, son argent et sa notoriété. Mais il n'appartient plus. Ni aux pauvres ni aux bourgeois. Dans un film où chacun, les sympathiques comme les antipathiques, appartient à un groupe, sa classe ou son camp, il y a deux ovnis : l'écrivain Martin Eden et l'étonnant personnage du mondain, génie et poète à ses heures, Russ Brissenden. Très beau film.

lundi 21 octobre 2019

Chambre 212, Christophe Honoré

Christophe Honoré signe un film plein de grâce, léger et profond sur le couple mature, la fidélité ou pas, la transformation physique, l'évolution des relations. Quand son mari découvre qu'elle l'a trompé, Chiara Mastroianni part réfléchir dans une chambre de l'hôtel en face de son appartement, d'où elle revisite les fantômes de son passé : son mari jeune, l'amour et le désir qui les liait, le premier amour de son mari, ses amants à elle... Les séquences sont légères, enlevées, bien jouées pour illustrer le mystère du couple, les caprices du désir, ou son absence, la manière dont les corps s'éloignent, même malgré soi, la frontière ténue entre ce qui définit l'amour et ce qui le rend éternel ou pas. Agréable surprise sur un sujet éculé et vieux comme le monde, c'est un très bon moment de cinéma, avec un excellent casting autour de Chiara Mastroianni : Vincent Lacoste, Benjamin Biolay, Camille Cottin.

mardi 15 octobre 2019

Sonnenallee

Leander Haussmann.
Dans la série comédie "ostalgique", ce film vu sur Arte est très plaisant. Voici la présentation d'Arte :
La Sonnenallee des années 1970 a deux particularités : elle est traversée par le Mur et fait office de poste frontière entre les deux Berlins.
Côté Est, Micha, Mario et leurs copains mènent une vie d'ados ordinaires. Ils fantasment en permanence sur la mode et la musique venues de l'Ouest. Il faut dire que Micha a bien du mal à trouver des modèles dans son entourage, entre une mère prête à usurper l'identité d'une touriste pour passer de l'autre côté, un oncle de l'Ouest pourvoyeur de bas nylon et un voisin informateur de la Stasi.
Et c'est aussi la nostalgie de l'époque foisonnante de l'adolescence et du premier amour.

lundi 14 octobre 2019

Phèdre de Michel Hermon

Magistrale interprétation/incarnation de Phèdre que celle de Michel Hermon. Il élague toutes les scories des représentations qu'on a du théâtre classique, peuplé de colonnes, de toges et de tirades poussiéreuses et il restitue la langue de Racine dans sa somptuosité, sa rigueur, sa sinuosité, sa précison, ses envolées, l'exacte expression des nuances, altérations, concavités... des émotions et envolées de la passion humaine. Il interprète tous les personnages, Phèdre, Oenone, Hippolyte, Thésée (on ne s'y perd jamais) et il nous tient en haleine sur le fil de leur parole, une parole rendue à sa densité, sa résonnance, sa profondeur extrême. Il donne aux mots un espace incroyable, l'espace que mérite la langue somptueuse de Racine et manifeste combien cette langue est riche et sublime. Combien elle incarne les personnages, les nuance, les fait avancer sur le fil d'émotions et de passions dont les fluctuations sont admirablement cernées.
Vibrante, chancelante, émouvante, troublante, Phèdre se fourvoie et chancelle sur les variations infinies du sentiment amoureux, elle va trop loin, elle se reprend, se repent, elle y revient et fait inlassablement le tour  de l'impasse qu'est sa passion pour Hippolyte. Elle se fourvoie, mais rien ne peut l'empêcher d'avancer au bord du précipice, de revenir sans cesse à l'inéluctable, et c'est la commune Oenone, responsable et garante de l'ordre établi, qui la rattrape au bord de l'irréparable. Elle l'empêche de se suicider, et pour que tout rentre dans l'ordre, elle construit la perte d'Hippolyte en inversant les propositions : ce serai lui le fourbe séducteur, le fauteur de désordre, le bafoueur de l'honneur du père : elle construit ainsi la perte du fils.
Au fil du texte, on rencontre les tirades les plus célèbres qui retrouvent soudain une beauté, un éclat,  une résonnance oubliée. On est suspendu au fil de ces mots qui sculptent l'espace de l'ordre et de la passion, du désordre amoureux, du déshonneur, de la fatalité. Et on découvre aussi une sorte de folie de Racine, que l'on croyait policé dans le maniement des alexandrins, mais qui joue à merveille de la peinture des circonvolutions, complexités, délires et excès de l'âme.

vendredi 27 septembre 2019

Bacon en toutes lettres


 

Le cadre et le cercle, l'onirique et la matière, la tension et le relâchement, la lutte et la dissolution, le surréalisme et le rêve. Un cadre limpide, lumineux, transparent, et le surgissement de figures dont le sens est opaque dans le théâtre ou cirque de la vie.
La distorsion, la dissolution, l'éjaculation.
Une porosité organique.
Des figures solitaires, des corps à corps.
De la chair, de la chair, de la matière et des idées.
De la nonchalance aussi, dans le balancement d'un corps.



Le cru de la vie, selon Picasso, ou selon le cri de la nurse (Eisenstein dans Le Cuirassé Potemkine)... explique Bacon, quand il parle des peintres ou des œuvres qui l'ont marqué. "Trap" la réalité, dit-il, dans l'excellent film à la fin de l'exposition, qui donne des clés de lecture. Réinventer le réalisme, pour qu'il soit intense et abrégé. Abréger pour faire un concentré de réalité.

Je ne sais pas ce que j'aurais vu si je n'avais pas suivi une visite guidée, je pense que j'aurais aussi beaucoup aimé cette expo, mais j'ai trouvé l'éclairage particulièrement utile et intéressant (avec des clés que l'on retrouve en partie dans ce fameux film à la fin)


mercredi 25 septembre 2019

Bacurau

****
Kleber Mendonça Filho et Juliano Dornelles, coréalisateurs de « Bacurau »
Excellent, déroutant, plein de références à plein de genres cinématographiques (western, film de mercenaires/action, science-fiction, conte social, fable politique... tout ça). On est embarqué on ne sait trop où et comment, et on est régulièrement surpris, intrigué, inquiet...
C'est surprenant, attachant, un très bon film au fin fond de nulle part, (Nordeste) dans un patelin en butte aux manoeuvres d'un politicien pourri (pleonasme ?). Là dessus, un arrière-plan culturel et social bien brossé. C'est une excellent surprise qui fait un tabac au Brésil.

vendredi 30 août 2019

Inception, Christopher Nolan

Christopher Nolan (21 août 2010)
Bien fait, scotchant, intelligent, quelques scène bluffantes, trop d'action (les "défenses" en font trop, ça fait basculer une idée intéressante dans une caricature façon Mission impossible). Des longueurs. Ellen Page (vue dans Juno) est superbe.
J'ai écrit ça ! Bizarre, j'ai été bien plus enthousiaste en le revoyant hier (au cinéma, bien sûr, en plein son et grand écran, c'est obligatoire). Je n'ai pas vraiment trouvé de longueurs (bon d'accord, un tout petit peu), et j'ai été complètement bluffée par l'intelligence du scénario, la virtuosité de la réalisation, et la splendeur des décors.
L'idée (et la conception) virtuose, c'est de pénétrer l'esprit d'autrui via le rêve pour y soutirer des secrets (genre espionnage industriel). C'est la spécialité de Cobb (Leonardo di Caprio) et son équipe. Jusqu'au jour où il va plus loin. Son donneur d'ordre (asiatique) veut circonscrire l'extension de l'empire Fischer. Cobb assure qu'il peut implanter une idée chez un sujet, en l'occurrence le fils Fischer, pour obtenir le comportement adéquat. Inception. Ce à quoi il s'emploie avec son équipe en créant le scénario de plusieurs niveaux de rêve, en fonction des résistances rencontrées. Avec le concours de l'architecte des décors (Ariane -Ellen Page). Plus on descend dans les niveaux de rêve, plus c'est complexe et dangereux évidemment, avec le risque de s'y perdre. Et le film ne va pas manquer de faire planer la menace, d'évoquer les fantômes et souvenirs de Cobb, et les frontières perméables entre rêve et réalité. Au point de s'y perdre. C'est du grand cinéma. 

lundi 26 août 2019

So long my son, Wang Xiaoshuai

Wang Xiaoshuai

C'est un maelström d'images, de moments, de références, d'émotions, et un fil continu d'humanité. De A à Z le film est à fleur de peau, de sensibilté, d'impression. De touche en touche, les personnages acquièrent densité, profondeur et humanité. Il y a des lieux clés (le barrage, l'appartement ouvrier, l'atelier) qui cristallisent les émotions, événements, souvenirs, et à force de voir et de revoir divers angles ou époques d'une scène, ou de multiplier les versions, ou les points de vue, à force d'avoir des regards différents selon les protagonistes, le film prend toute sa dimension.
En plus, c'est une formidable mine de renseignements sur l'évolution de la Chine des 30 dernières années, qui commence au moment où la Chine engage la politique de l'enfant unique et finit quand la spéculation immobilière enrichit les plus malins (ou simplement les plus avisés ; le film est tellement peu manichéen qu'on peut admettre que tout est possible chez tout un chacun, sans qu'il se soit forcément livré aux pires turpitudes ? Quoique. Le pouvoir et la réussite sociale sont toujours du même côté).
Le scénario (ou le montage, virtuose) est assez intelligent pour rendre les acteurs beaux, intéressants, émouvants, intelligents, et encore une fois, d'une formidable humanité, une valeur magnifiquement mise en scène (alors qu'elle semble absente du cinéma occidental, tout en noirceur, désespoir, amertume...) Bémol : ça change aussi de la plupart des films chinois que j'ai vus, qui montrent une société désespérante, gangrenée par l'avidité et l'argent.
Et puis c'est aussi une magnifique manière de parler de la filiation et du fait d'être père ou mère.
Bref, ce film est un chef d'œuvre

lundi 12 août 2019

Une Grande fille

Quelle déception. Pourquoi un film aussi léché, soigné et "annoncé" ne tient pas ses promesses ? Pourquoi le scénario s'étire-t-il en scrutant sans fin les visages de ces deux femmes complémentaires et antagonistes ? Le début est intéressant, avec cette mutique énigmatique, facilement tétanisée, qui s'occupe si bien de son petit garçon dans un univers dévasté par la guerre (les + ou - grands blessés à l'hôpital, le froid, la faim, la ville grise, l'appartement communautaire.) Iya intrigue.

Puis arrive Masha, on apprend peu à peu ce qui les lie, au delà des horreurs de la guerre, et l'étrange protocole de réparation qui se met en place : il faut que naisse un enfant pour des raisons à la fois claires et obscures : l'enfant comme réparation et reconnaissance de dette, et aussi le besoin qu'elles ont l'une de l'autre, à moins qu'il ne s'agisse de désir homosexuel non abouti. Le film détaille les péripéties pour arriver - ou pas - au résultat. C'est interminable, et l'idée même du film est suspecte : obliger une femme à lui faire un enfant ?


dimanche 11 août 2019

Fanny et Alexandre

Ingmar Bergman. Tout a été dit et redit, mais j'ai besoin de recenser l'incroyable richesse des images, des couleurs, des idées, des émotions qui peuplent ce film fleuve, construit comme une tragédie en 5 actes, comme le théâtre de l'existence, comme un concentré de vie familiale et théâtrale, où l'on regarde des personnes, des personnages, des tranches de vie, des scènes chorales ou intimistes, des morceaux de bravoure avec toujours cette acuité du regard de Bergman pour cerner ce qu'il y a d'intime, de profond, de non-dit, mais aussi tout ce qu'il peut y avoir de sadisme et de cruauté affichée ou sournoise dans les échanges des personnages. Sans qu'il y ait jamais rien de bavard. Ce sont des échanges intimes et vrais, ou trop pleins d'émotion, ou des affrontements percutants, des paroles au vitriol, et de la légèreté, principalement chez le personnage de la grand-mère, qui s'est affranchie par son âge des tourments de l'existence, mais a gardé la générosité d'être sensible à ceux des autres.
C'est aussi le monde de la magie et de l'illusion, de l'imaginaire et de la création, à la fois dans la vie de ce petit théâtre dont le directeur meurt subitement, et à travers le personnage d'Isaac, le vieux juif usurier, collectionneur et brocanteur, le vieil ami-amant de la grand-mère, qui souligne dans le film la dimension magique et mystérieuse de la vie. Les scènes et les décors de son magasin-caverne d'alibaba sont extraordinaires, notamment celle où Alexandre rencontre Ismaël, le "possédé".
Et bien sûr, s'il est question de la puissance de l'esprit et de l'imagination, le personnage d'Alexandre, supra-imaginatif et supra-sensible aux moindres ondes de ce qui l'entoure, et où l'on devine en filigrane la figure de Bergman enfant.
Le film commence par cette incroyable fête de Noël dans cet incroyable décor de maison opulente et théâtrale, avec tout le luxe et la sérénité que donne l'argent, et où l'on est littéralement inondé par la joie de cette fête familiale, affectueusement entourée des soins des servantes. Un époque et une ambiance d'antan, tout comme est perdu le monde des fêtes de l'enfance qui laissent une empreinte indélébile
Dans ce concentré d'émotions et de notations, dans cette profusion, cette opulence, Bergman raconte la générosité des personnages, et l'amour pour les acteurs, leur sensibilité, leurs débordements, leur posture sur le fil, à la frontière du rêve et de la réalité, du masque et de la vérité, du vrai et du faux semblant, du jeu et du drame. Un monde où la vérité porte plusieurs masques.
Bergman raconte alors comment l'univers soudain rétrécit et se glace, perd ses couleurs en basculant dans l'univers atroce de l'évêque, un univers où la vérité n'a qu'une figure, celle du Christ, et qu'une revendication, la pureté. Un monde totalitaire où la pensée doit être transparente, où la liberté de penser est une menace, l'imagination un vice. Dans ce monde, Alexandre devient forcément l'adversaire à soumettre. Le Malin.
Les personnages déroulent une magnifique galerie de caractères, à commencer par la grand'mère, pilier et référent de la famille, ses 3 fils (l'homme d'affaires et sa débonnaire épouse Alma, l'homme de théâtre et sa femme, la belle Emilie, mère de Fanny et Alexandre, l'horrible Carl, toujours fauché et amer, et sa pitoyable épouse), le monde des servantes, la vieille Esther, la délicieuse Maj... L'irruption de l'extraordinaire évêque et de sa maisonnée (famille et servantes), un monolithe de noirceur et de cruauté, n'en est que plus angoissante.
Il faudrait aussi parler des décors, des couleurs, des lumières... et détailler chaque scène pour raconter l'incroyable richesse de ce film incroyable : beau, prenant, émouvant, merveilleux, angoissant, touchant, léger, profond.

lundi 5 août 2019

Les Faussaires

Marielle Heller. On hésite à trouver le personnage répugnant ou attachant : Lee Israël (Melissa McCarthy) est une bientôt vieille femme alcoolique, moche, mal attifée, négligée voire sale, dans son appartement crasseux. Elle fait de  lamentables tentatives pour continuer à exister dans l'édition, monde où elle a été en grâce pour ses biographies mais où elle est en train de perdre tout crédit. D'autant plus sûrement qu'elle piétine éhontément les codes et usages du système. Moins on l'aime, moins elle se rend aimable.
Donc elle est financièrement aux abois, et trouve une combine lucrative pour survivre, avec son pote Jack Jack, homosexuel drôle, solitaire et fauché. Regard caustique sur une société où les losers sont condamnés. Pas mal, dans un genre assez mordant.

mardi 2 juillet 2019

Le Daim, Quentin Dupieux

Quentin Dupieux. Un ovni, avec Jean Dujardin. Difficile de dire pourquoi j'ai bien aimé cette obscure et improbable dérive dans un paysage montagne où rien ne ressemble à rien, ni l'histoire, s'il y en a une, ni les personnages, ni le fil (à peine) conducteur.

vendredi 28 juin 2019

La Femme de mon frère

Monia Chokri. Bruyant, bavard, sans intérêt. Encore une fois victime de la critique positive qui s'enthousisme pour quoi d'ailleurs ? la réalisatrice (parce qu'elle a travaillé avec xavier Dolan?), pour l'actrice (insupportable) qui ne supporte pas que son frère (ait une femme ?) j'ai déjà oublié où était le problème, à part que c'était effroyablement long, voire exaspérant.

vendredi 21 juin 2019

Vus

PARASITES, coréen,  Palme d'or à Cannes, tout le monde à écrit partout l'excellente comédie noire qu'est cette confrontation riches-pauvres. Ou comment une famille de sous-produits de la société s'infiltre dans le monde lisse d'une famille de très riches. Un humour décapant, c'est drôle et horrible.

ZOMBI CHILD : d'après l'histoire vraie d'une zombification à Haïti. A travers l'histoire de la petite fille du zombifié avec ses copines au pensionnat de la Légion d'honneur à Saint-Denis. Étrange, intéressant, des longueurs, une ambiance.

SYBIL : une psychanalyste aux prises avec le démon de l'écriture casse tous les codes du métier en se laissant embarquer dans l'histoire tordue de sa patiente, actrice aux prises avec ses ambitions professionnelles, son amant, qui est aussi celui de la réalisatrice du film où elle joue, un début de grossesse... Entre identification (souvenirs d'une passion ancienne) et vampirisation pour l'écriture de son roman, Sybil déconne sérieusement. Dommage que le film s'égare un peu dans des diverticules parasites. La partie à Stromboli est la plus réussie.

NEVADA, film un peu prévisible sur la réhabilitation de prisonniers par un programme de dressage de chevaux sauvages. Pas mal

dimanche 26 mai 2019

Douleur et gloire

Pedro Almodovar. Un film touchant d'humanité et de profondeur, avec l'adoucissement que l'âge apporte au regard sur sa vie, l'indulgence et le recul que permet la maturité. L'auteur peut ainsi revisiter des pans de sa vie, porter un nouveau regard sur son oeuvre, sur sa relation aux autres et au monde. Il mêle avec subtilité les scènes de son enfance, irradiant d'évidence et de simplicité, et dont émane une beauté lumineuse. Tout comme la beauté de sa mère, pivot de l'existence et référence de la plénitude. La grotte où habite cette famille pauvre devient un lieu quasi magique, où se tisse le cocon familial. Le garçonnet est intelligent et lecteur, sa mère sait qu'il doit échapper à l'abrutissement du travail des pauvres, donc aller au séminaire, lui se méfie, devine qu'il sera chassé de la plénitude de l'enfance. Ce n'est qu'un exemple, en quelques images, et 2ou 3 répliques, on perçoit la cruelle nécessité de cette séparation d'avec son monde qui fera de lui l'adulte qu'il est devenu.
Dans son présent de solitude voulue et de corps douloureux et vieillissant, divers personnages reviennent de son passé, il les revoit à la lumière de leurs présents respectifs. Ces rencontres ont la saveur des routes séparées qui se recroisent avec une indulgence, une tendresse et une saveur nouvelles. C'est un très beau film de maturité, voire de "seniorité". Avec l'exceptionnel Antonio Banderas (et tous ses acteurs magnifiques).

jeudi 23 mai 2019

Hem. Mon enthousiasme pour La Flor 3 et surtout La Flor 4 a nettement faibli. Ça devient un film de plus en plus à la dérive, témoin (dernier épisode -le 6-  film4 ) ces prisonnières qui marchent infiniment pour échapper au désert, où elles ont été retenues 10 ans, avec une image brouillée dégradée, une sorte de film expérimental qui aurait été tourné il y a 100 ans, pour en venir finalement à ce générique défilant plus de 10 minutes sur une image à l'envers (sur une musique captivante certes). L'épisode 5 (partie de campagne ?), bof.
Dans le film 3, le tout début, en forme d'histoire d'amour muette entre espions, garde un peu de la saveur nostalgique et déroutante de cette œuvre inclassable. La suite de l'histoire des espionnes se noie un peu dans l'immensité (siberienne) comme un requiem pour les films l'espionnage à l'ancienne.
Bref, c'est long.

lundi 13 mai 2019

La Flor 1 et 2

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2018/08/09/la-flor-dinguerie-labyrinthique_5340755_3476.html

Mariano Llinas
C'est tout comme il a dit, le critique. (Et pourtant, on se demande parfois où ils vont chercher leur satisfecit quand ils se mettent à encenser des films nuls). Un film magique, donc, poétique, foisonnant, envoûtant, qui opère comme une drogue. On en veut encore et encore de cette floraison infinie d'images, d'idées, de poésie sans fin ( au fait on pourrait penser au magique Poésie sin fin de Jodorowski). Des scènes d'une beauté inouïe, par exemple quand le prisonnier rêve en scrutant le ciel, l'immeuble Casterman la nuit (haha, ce cher Tintin), les images de la jungle dans le récit de la Niña... On peut pas tout retenir, il y a tellement de plans sublimes, de poésie, ou de vacuité, ou de densité, et de distance amusée. Il galope sur tous les registres avec une virtuosité de compositeur, la musique d'ailleurs, fait partie intégrante du film, non seulement dans le sublime (! Encore) épisode du couple de chanteurs et son ambiance noire et intense, tragique et désespérée, avec l'hyperviolence d'un couple qui se déchire. Là, ça fait cliché, alors qu'il n'y en a pas un atome. C'est juste magique et tragique. Bref j'en suis qu'à l'épisode 2, les espionnes (complètement)  barrées dans une histoire abracadabrantesque, pleine de tiroirs et de ressorts,  j'attends la séance 3 avec impatience (demain) avec la fin de cet épisode échevelé. Et évidemment les 4 actrices qu'on aime de plus en plus.  Belles ou pas, selon les plans, intéressantes, toujours, captivantes, de plus en plus.
Quant au 1er épisode ( la momie) disons qu'il sert de préambule, pour donner le ton d'un film inclassable, puissant et magique. Vivement demain

jeudi 2 mai 2019

Gloria Bell vs Gloria

Sébastien Lelio. J'ai peine à croire que ce soit le même réalisateur qui ait tourné ce film. Autant le Gloria chilien montrait une femme complexe, pleine de charme, de vitalité, de soif de vivre, de légèreté, autant celui ci est pesant, lourdingue, ennuyeux. Une femme banale, une vie banale, une histoire banale, et rien dans le film qui donne une étincelle à tout ça. Non qu'il faille des personnages exceptionnels pour faire de bons films, l'autre Gloria aussi était une femme ordinaire, sauf que "ça" marchait. Le film communiquait quelque chose de vibrant. C'était une Gloria qu'on avait envie de rencontrer. Alors que l'américaine est terriblement barbante. Quelle soit mère, femme, ex-épouse, maîtresse, grand-mère, elle reste un énorme cliché plaqué dans une succession de scènes horriblement prévisibles . Résultat, un film interminable, où il ne se passe rien que de très convenu.
Et bizarrement, les critiques sont plutôt bonnes.


Gloria (2014) : portrait juste d'une femme seule, âgée, intelligente et sympathique (Paulina Garcia) qui prend ce que la vie peut encore lui offrir. Le quotidien, les réunions de famille, les enfants, le dancing, éventuellement l'amour. C'est fait avec finesse et empathie.

mardi 16 avril 2019

Notre-Dame de Paris a brûlé

Je ne savais pas que j'aimais tant Notre-Dame. Tellement présente et familière, tellement inscrite dans le paysage, qu'on l'aime sans plus y faire attention, comme un vieux parent. Élancée et ancrée, puissante et légère, irréelle de raffinement et de simplicité, évidente de génie, elle a la patine de siècles d'histoire et d'imaginaire collectif. La sublime envolée est posée sur la Seine comme un vaisseau de pierre dont l'histoire se confond avec le destin de Paris. Fluctuat nec mergitur.
Imposante, presque sévère quand on regarde l'admirable géométrie de la façade, elle exerce une fascination évidente pour ce qu'on a envie d'appeler le génie français : une haute exigence spirituelle et intellectuelle, habillée de raffinement et d'élégance formelle. A moins que ce ne soit le génie de la foi.
Elle dévoile sur ses flancs toute sa puissance de séduction : l'élégante conception de la nef gracieusement soutenue par les arc-boutants, la somptueuse rosace, et  l'incommensurable richesse de toute la décoration. Admirable de jour comme de nuit, de près dans les jardins, de plus loin sur la Seine ou sur les ponts qui l'enclosent. Protégée sur son île comme en un écrin, exaltée par l'infinie richesse des dessins de la pierre, on peut la scruter sans se lasser ou la survoler d'un regard distrait, elle est immanquablement là, immanquablement belle et chérie au cœur de Paris. 

Mais Notre-Dame notre cathédrale, notre histoire, notre monument chéri, notre patrimoine, notre paysage adoré, notre émotion, notre immuable, notre chef d’œuvre, notre identité, notre éternité, notre Trésor National, Notre Dame a brûlé sous œil incrédule, éberlué, bouleversé de millions de (télé)spectateurs. Funeste embrasement, comme un viol de la pierre, de la mémoire, de l’inconscient collectif. Tous choqués, blessés, sidérés, comme le 11 septembre.
Et si Notre Dame brûlait comme la planète brûle ?

lundi 1 avril 2019

Ma vie avec John F.Donovan

En anglais : The Death and life of John F.Donovan.
Pourquoi X. Dolan a-t-il la manie de filmer ses personnages en très gros plan, à en scruter les pores de la peau ? Autre travers, le coup de la musique (genre tube) qui emballe et embarque dans un tourbillon d'images, genre maelström d'émotions.
Ces détails déplaisants mis à part, quelle daube. Il a vraiment envie de démontrer quelque chose. A savoir qu'il faut pas mentir, se mentir à soi-même, vivre et être vrai. Ou vivre sa vérité. Bref.
Donc, il raconte une touchante histoire (ça aurait dû être la bonne idée du film) d'un gamin authentique, profond, sensible et intelligent, c'est Rupert, qui, grâce à leurs échanges épistolaires, sert de confident/faire-valoir au pov' gars qui a oublié tous ces basiques et s'est perdu dans le mensonge, affligé d'une maman hyper lourde (grenouillesque Susan Sarandon). Ce jeune prodige de sensibilité, d'intelligence et de maturité, comme ne manque pas de le faire remarquer sa maîtresse (d'école), lui aussi affligé d'une maman surpuissante (Nathalie Portman, diablement banale, c'est le rôle qui veut ça), est omniprésent, omniconscient, comme un rappel de l'enfant blablabla, dont il ne faut pas renier l'authenticité, blablabla.
Bref c'est une tête à claques qu'on retrouve, devenu adulte et acteur (il en rêvait), aux prises avec la journaliste sévère mais juste, blablabla qu'il va convaincre d'écouter son histoire / sa vie avec John F.Donovan.
Ce film est fastidieux, lourd, convenu, malgré ses apparences de liberté de ton et de composition, et n'en finit pas de tourner en rond. Mortel.

lundi 25 mars 2019

La collection Courtauld à la fondation LVMH

Bien que ce soit encore une expo sur les Impressionnistes,
elle vaut d'y aller ne serait-ce que pour l'envoûtant Lac d'Annecy (Cézanne), et pour le non moins exceptionnel Étang des soeurs à Osny. (Et tous les Cézanne proposés : le portrait du paysan, les Joueurs de cartes, une Montagne Ste Victoire...)



 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour tous les Gauguin et ce paysage de la Martinique


Pour le portrait de femme à la fenêtre (Degas). Pour le Bar des Folies Bergères (E.Manet), et le face-à-face avec son étrange serveuse (Suzon)
Pour le Printemps à Chatou et la Yole, qui réconcilient avec Renoir,
Pour l'éblouissante dame de La Loge (Renoir encore). Apothéose d'élégance, d'opulence et d'exubérance bourgeoise demi-mondaine. On nage en plein Nana-Zola.
Pour les Seurat : le Pêcheur, l'homme dans la barque, le Pont de Courbevoie (depuis l'île de la Jatte), Graveline, la femme qui se poudre
Pour les Van Gogh, jamais l'homme à l'oreille coupée ne m'a paru aussi intense et etrange, ni le Champ de blé avec cyprès, fulgurant.
Trop de monde, forcément, mais que de la très très belle peinture. Courtauld avait un oeil exceptionnel.

vendredi 15 mars 2019

Le Chant du loup etc

Oppressant : on peut aller sans hésiter s'enterrer (? pour un sous marin, ce n'est pas approprié, mais s'emmerer ne marche pas non plus ) avec Le Chant du loup. Le suspense est prenant, l'intrigue bien tortueuse, et que ne faut-il pas faire, entre obéissance aux protocoles et instinct de survie, pour échapper à une guerre nucléaire. Le héros est aussi beau gosse qu'il a  l'oreille absolue, ce qui lui permet d'identifier tout ce qui émet des sons dans l'univers sous marin, bien utile pour déjouer les pièges ourdis par les puissances du mal.

Efficace : Vice propose une intéressante enquête sur le rôle et la personne du vice-président des E.U Dick Cheney (sous Bush junior, au moment du déclenchement de la guerre en Irak) L'ascension de l'homme de l'ombre et de ses équipes. Glaçant.

Distrayant : Le Mystère Henri Pick est parfaitement distrayant : un critique littéraire star se met en tête de dévoiler ce qu'il pense être une imposture littéraire.

Tortueux : The  Favourite : intrigues à la cour d'Elisabeth 1ère, reine d'Angleterre. Se laisse voir.

mercredi 13 mars 2019

Green Book


Peter Farrelly. A propos de couleur de peau, voilà un film bien enlevé pour raconter l'histoire vraie des pérégrinations d'un chauffeur blanc-garde du corps Tony Vallelonga (Vigo Mortensen) et de son client noir Don Shirley (Mahershala Ali), pianiste de renom en tournée en 1962 dans le sud ouvertement raciste des Etats-Unis.  C'est léger, drôle, prévisible, touchant, humain, une sorte de feel good movie sur fond de réalité sociale sinistre.

mercredi 6 février 2019

Rijkmuseum

Un drôle de monde un peu familier avec des portraits d'humains trop humains, des vieilles petites filles tristes, des tables chargées de mets, des verres de vin, des notables

Un gros jeune homme, obèse, coquet, suffisant, à mille lieues de son père (Bartholomeus von der ...?) 

Un cygne fou dans une envolée de battements d'ailes et de becs menaçant, il barre la route au chien prédateur (Jan Asselin)

Un paysage de Ruysdaël (1668) fasciné par les chutes d'eau depuis son voyage en Allemagne

 La défaite des gallinacées : Willemevan  (still life with poultry 1658)

a kingfisher and a gamecock ???

Parmi bien d'autres : une Vierge à l'enfant où l'enfant est très attentif à rassurer sa mère

un drôle de triomphe du bourgeois sur la perron de sa maison, sa fille à côté de lui, contenance réservée mais n'en a pas moins l'air d'une peste possible

Deux femmes et leur armoire à linge

Détails d'un intérieur : une jeune femme à sa fenêtre, une autre (lit quelque chose ?), un chien devant la porte, une petite fille dans l'embrasure

une jeune fille avec une lettre, l'ai médusé (Gerard ter Borch)

une petite fille du même peintre, 2 ans environ, harnachée comme une mini-dame

le repas de fête très arrosé, les parents boivent, les enfants trinquent, tout le monde est plus que jovial

Romeyn de Hooghe

Combat de l'empereur Habsbourg contre les Ottomans (aussi des gravures)

Une mère cherche des poux sur la tête de sa fille, un lit-cage à l'arrière plan (armoire), le dallage au sol, une perspective par une porte (ou une fenêtre)

les Rembrandt (et son copain d'ateleir Hen...?), La Ronde de nuit, forcément, un couple biblique (l'homme a une main sur le giron de sa femme en robre rouge); la vieille femme qui lit la Bible avec ses mains ridées

et la fameuse laitière, celle des yaourts, tellement galvaudée, mais en vrai, ça marche

vendredi 1 février 2019

Si Beale street pouvait parler

Et surtout si le film de Barry Jenkins pouvait aller plus vite. Certes ce serait au détriment d'une délicatesse et d'une sensibilité à fleur de peau, et d'une profonde justesse du regard, mais quand même ! On a compris que Tish (la très délicieuse Kiki Layne) et Fonny s'aimaient profondément et que ce qui leur arrive est immonde, raciste, injuste. L'histoire se raconte à coup de flash back, la jeune fille est absolument craquante, quelques scènes sont enlevées et tout est bien vu, mais quand même, on en a marre de cette insistance, de cette lenteur sur fond de réserve massive de bons sentiments, de ces scènes récurrentes où ils se regardent sans faiblir dans le blanc des yeux en échangeant des "je taime/ I love you too" envers et contre tout.

Le Cubisme à Beaubourg.


Le Cubisme à Beaubourg a cette qualité des grandes expositions, qu'elle remet les idées en place. Du cubisme, je n'avais en tête que la caricature, quand Braque et Picasso rivalisent de peintures qui se ressemblent dans des non couleurs gris-jaune-beige terne. Avec des manches ou des hanches de guitare et des superpositions de plans. Ça, cest vers le milieu de l'exposition, mais heureusement il y a bien plus et bien mieux que ça, avec une présentation à la fois chronologique et pédagogique, et une grande richesse de nuances et variantes du mouvement. Des associations remarquables et des découvertes : André Laurens -ses (dessins) et ses sculptures- Michel Gleizes, Les Carnets de guerre d'André Mare, les (dessins) de guerre de Fernand Léger, sculptures de Lipchitz, et par ci par là quelques merveilles qui vous scotchent. Ou des curiosités. C'est d'une profusion et d'une richesse remarquables.

Michel Gleizes



Lipchitz (?)

André Laurens

mardi 22 janvier 2019

Glass

Night Shyamalan. Donc -mais je n'ai pas vu les 2 premiers de ce qui n'était pas encore une trilogie, je disais donc que l'incassable Bruce Willis rodait en ville caché sous une espèce de cape en plastique verdâtre (ça doit se référer à qqch) parce que l'homme aux 24 (ou 36 ou 42) personnalités, avec La Bête en figure dominante, fait des ravages en ville. La Bête ayant des caractéristiques empruntées au loup-garou, à Spiderman (il grimpe au plafond comme personne), peut-être à Hulk (je connais pas trop) et à divers psychopathes de légende. Un authentique esprit criminel. Bref, ça y va de la référence.
Donc, Bruce sauve une brochette de jeunes filles, et met à mal la Bête, mais pas de bol, la police ne fait pas le détail et coffre les deux mabouls hyperviolents, ne comprenant pas qu'Incassable se déchaîne pour le bien commun.
Acte 2 : à l'asile. Une psychiatre glaçante et volontariste s'emploie à éradiquer toute velléité de toute puissance et surhommisme chez ses extravagants pensionnaires. Tout ça, c'est parce qu'ils ont lu trop de comics et vu trop de Superman etc, mais ça peut s'arranger. Notamment avec une petite intervention sur le lobe frontal. Elle a également à sa disposition un ingénieux dispositif de lumières qui flashent le polyvalent quand il est en proie à ses trépidants changements de personnalité. Et vas-y que je te flashe le gus. (Là, il y a un truc obscur avec la lumière qui bloque ses élans). Sinon, sa copine (bizarrement il a une copine, une ex-victime qui l'aurait apprivoisé j'ai cru comprendre...) bref, la fille est la seule à savoir parler au bon gars qui est en lui : le petit Kevin traumatisé par sa maman. Sinon, la psy poursuit sa thérapie réductrice de phantasmes de toute puissance. Entretemps, Glass a fait son entrée en scène : Glass est un catatonique machiavélique, affligé de la maladie des os de verre, donc supercassable, lui, mais super intelligent. Si Glass est là, c'est qu'il a déjà commis d'affreux méfaits, et ce génie du mal nourrit un plan diabolique pour libérer les deux superpuissants et les faire s'affronter au vu et au su de tous. Ajoutons que la gestion du personnel de l'hôpital est désastreuse, ce qui facilite tout de même la tâche à l'équipée des psychopathes... etc etc. Bref on n'est pas au bout de ses surprises, et de découvrir qu'à pervers, pervers et demi.
Ça n'en reste pas moins poussif et laborieux, à part les performances d'acteur de James McAvoy (Kevin-La Bête ) et bien que les scénaristes se soient bien pressé le citron : beaucoup de bruit pour pas grand chose.

(Mais j'ai lu des trucs très élaborés et très enthousiastes pour faire état de la grande profondeur du film, des interrogations qu'il suscite, le doute, la figure, l'image, la fiction, briser la glace...) Ils disent aussi que Split, c'est mieux qu'Incassable.

lundi 14 janvier 2019

JR à la Mep

https://www.mep-fr.org/event/jr/

Il est partout. Il deborde d'idées pour occuper l'espace, raconter des lieux et des gens, les mettre en scène, faire voir ce (ceux) qu'on ne voit pas, inventer des dialogues avec l'espace. Il y a des figures en mouvement  (à bord de trains ou de containers), des athlètes géants sur la ville, des figures imbriquées dans le tissu urbain (Wrinkles of the cities). C'est foisonnant de vitalité créatrice.

dimanche 13 janvier 2019

Qui a tué Lady Winsley ? Hiner Saleem

De Hiner Saleem, avec le beau Memet Kurtuluş et la belle Ezgi Mola. Une bourgade tranquille à quelques encablures d'Istanbul, une écrivaine américaine assassinée, bizarrement installée là pour l'hiver, et "le célèbre inspecteur Fergan" arrivé d'Istanbul pour résoudre l'affaire. Un humour certain et un regard intéressant sur les archaïsmes et tensions de la société turque, à portée de bac d'Istanbul. Le film a beaucoup de charme et des décors intéressants.

vendredi 11 janvier 2019

Géométries Sud

https://www.fondationcartier.com/expositions/geometries-americaines-du-mexique-a-la-terre-de-feu



 Étonnante exposition, une ambiance indéfinissable s'en dégage, l'impression d'aborder un univers, celui d'une civilisation sud américaine. Même si c'est une vue de l'esprit, c'est bien vu, à partir du thème d'une géométrie qui serait non euclidienne. Comme une séquence d'ADN est une géometrie, comme une constellation stellaire. Comme tout ce qui tient d'une organisation organique ou sociale. C'est difficile à exprimer, mais il y a une véritable ambiance et des pièces très remarquables. A ne pas manquer.
Notamment les sculptures de Gego (Gertrud Louise Goldschmidt), les sculptures en fil de Olga de Amaral, les peintures faciales de la communauté Kadiwéu, Luis Zerbini... Il y en aurait bien d'autres à citer.
https://pib.socioambiental.org/en/Povo:Kadiwéu

dimanche 6 janvier 2019

ROMA, Alfonso Cuaron.


Alfonso Cuaron. Excellent film avec pour personnage principal la bonne, quasiment silencieuse, et à travers son regard, la vie d'une famille prospère à Mexico. Une femme à la fois invisible, elle fait partie des meubles, et puissante, sans elle, tout se déglinguerait. C'est grâce à elle que tout tourne rond, même si le père est bizarrement absent. Il y a aussi sa propre vie, ou plutôt ce qu'il en reste quand elle n'est pas dans la famille. Elle vient d'un quartier pourri et est confrontée à la brutalité sociale et au machisme ordinaire. C'est un regard social sur la condition de cette femme, qui n'est pas grand chose à l'extérieur de la famille. Finalement, elle n'a peut-être pas d'autre vie possible en dehors de sa condition : elle vit à travers la vie des autres, elle est le pilier, la nounou, la gentillesse et le dévouement incarné. Difficile d'écrire à quel point c'est fin, juste, triste et tendre, fait des mouvements de  la camera et de notations muettes, à travers son regard qui enregistre tout, comprend tout et ne commente rien.
Plastiquement aussi, c'est un film magnifique. 5*****