mardi 21 décembre 2021

Ilya Repine au Petit Palais : Peindre l'âme russe

Découverte intéressante de la société russe à la charnière 19e-20e siècle. Ilya Repine sait regarder l'humain et le peindre et offre une très intéressante promenade dans l'univers russe - la cour - le tsar - les artistes et intellectuels - les paysans- les processions religieuses, - les cosaques ... Toutes les nuances et subtilités des visages, des expressions, des costumes, des étoffes... les faces rubicondes, les paysans déguenillés, tout y est. Une belle immersion.

https://www.petitpalais.paris.fr/expositions/ilya-repine-1844-1930


                  Portrait d'Alexandre Kerenski (1917-18)     Gogol brûlant un manuscrit (détail)






Rattrapage de décembre

Décembre ---------------------

Odeon : Le Passé : cf commentaire assassin le 1er décembre

IMA :Juifs d'Orient : belle expo pédagogique, intéressante consacrée à l’histoire, depuis l'Antiquité, établissements juifs dans le monde arabe et le pourtour méditerranéen.

https://www.imarabe.org/fr/expositions/juifs-d-orient

The Grandmaster Wong Kar-Wai : cf 5 mai 2013 je l'avais vu, oublié, et redécouvert avec grand paisir et admiration.  https://www.blogger.com/blog/post/edit/751059111565963943/1736059874368437982

House of Gucci Ridley Scott : effroyable histoire de privilèges et de cupidité. Je comprends que la famille porte plainte, ils n'en sortent pas grandis. La Patrizia est une manipulatrice avide, l'héritier un dandy paresseux et nonchalant, qui ne sait que se laisser vivre. C'est la génération fondatrice qui s'en sort le moins mal : le père fondateur, austère et efficace, le tonton, vrai businessman. J'ai découvert toutes ces turpitudes avec un plaisir de midinette invitée à contempler le zoo des puissants.

Morphine au théâtre de Belleville : spectacle étonnant, déroutant, plein d'hémoglobine et de loufoquerie morbide. Mis en scène par Mariana Lézin. Passé les premières minutes où l'on a peur de s'être trompé, la pièce devient vraiment intéressante, avec deux comédiens remarquables, Paul Tilmont et Brice Cousin, qui incarnent la descente aux enfers d'un médecin morphinomane, perdu au fin fond de la Russie la plus profonde. Solitude et désolation. (D'après des textes de Mikhail Boulgakov)

Voici une critique judicieuse : https://sceneweb.fr/mariana-lezin-met-en-scene-morphine-dapres-mikail-boulgakov/

Les Choses humaines Yvan Attal. Une histoire de viol qui expose les différences de perception entre le violeur et la violée, soit la zone grise où tout l'art du procès va consister à donner des éclairages concluants. Ça montre donc aussi la brutalité du procès qui dissèque chaque mot, chaque geste, pour obtenir des éclaircissements et un jugement équitable. C'est la deuxième violence du viol, la répétition, comme s'il fallait rejouer la scène à l'infini, verbaliser, rectifier, recommencer, répondre à l'infini à une infinité de questions. D'abord aux enquêteurs, ensuite au procureur, aux juges. C'est à dire revivre la scène à l'infini, au point qu'on se demande si on aurait vraiment envie de s'exposer à ça après le traumatisme d'un viol. Mais peut-être qu'à force de répéter, rabâcher les mêmes réponses, tout ça finit par se mettre à distance ?

Madres paralelas : comme son titre l'indique, deux femmes accouchent en même temps, leur destin se trouve lié, avec à l'arrière-plan une quête de vérité historique sur les massacres de la guerre civile. Pénélope Cruz sur les traces du passé de sa famille, son village. Pas mal, mais un peu volontariste et laborieux


lundi 20 décembre 2021

Rattrapage de septembre-octobre-novembre

Paresse, paresse. Il est temps de mettre tout ça à jour, avant que j'oublie complètement

Cinéma----------------------------

Deux films de Dino Risi : Au nom du peuple italien : que je n'avais jamais vu, et qui est une réjouissante description de l'affrontement, à partir du meurtre d'une call-girl, entre un juge honnête (Ugo Tognazzi) et un PDG corrompu et affairiste (Vittorio Gassman). Drôle et amer, enlevé, spirituel.

Parfum de femme : que j'avais vu et bizarrement oublié. Je crois me souvenir que je n'avais pas trop aimé (???). Alors que c'est un excellent, subtil, tendre à sa manière et amer film. Un officier à la retraite, aveugle et aigri, (Vittorio Gassman), un jeune soldat qui l'accompagne dans son voyage en train jusqu'à Naples, une réunion familiale, joie de vivre, insouciance, affection familale et Gassman toujours grincheux, qui poursuit son idée...  La vitalité de la jeunesse, l'amertume d'un presque vieux, une terrasse de rêve sur la baie de Naples, diverses péripéties : 40 ans après, le film garde un charme acide et n'a pas vieilli.

Un espion ordinaire, Dominic Cooke. Un représentant de commerce anglais, ses allers-retours entre Londres et Moscou au cœur de la guerre froide, ses contacts avec le colonel soviétique Oleg Penkovsky (éviter un affrontement nucléaire et désamorcer la crise des missiles de Cuba). C'est prenant et intéressant.

L'origine du monde, Laurent Lafitte. Lourd, très lourd: le fils, affligé d'une insupportable épouse -Karine Viard-  doit obtenir une photo du vagin/vulve de sa mère pour déjouer je ne sais quelle malédiction. Même pas drôle, même si on sourit ici et là.

Illusions perdues, Xavier Giannol. Tout ce qu'il faut là où il faut, et même un peu plus. C'est survolté (comme l'époque sans doute) et bien vu, donc un bon moment de cinéma. Mais par comparaison et par contraste l'adaptation pour le théâtre de Pauline Bayle (au théâtre de la Bastille) n'en est que plus saisissante : ramassée, condensée, toute cette comédie humaine repose sur 5 comédiens et comédiennes et quasiment aucun décor. C'est épuré, élégant, intense, original et excellent. On reçoit autant, et peut-être plus, qu'avec l'esbroufe du cinéma. 

Octobre -------------------------------------------------------------------------------

 L'étang du démon, Masahiro Shinoda. Poétique, onirique et fantastique. Complètement étranger à tout ce à quoi on est habitué. Une envoûtante histoire qui mêle légende et exotisme japonais, avec toute une séquence fantastique et magique et magnifique pour évoquer la vie des démons de l'étang : une vraie cour princière d'un faste inouï. J'ai adoré la poésie débridée et les excès de ce film. Et aussi le sentiment d'un monde perdu (ou en train de s'effondrer). Les croyances qui maintiennent le village sain et sauf sont pietinées balayées par l'appétit de profit qui fait irruption dans une société traditionnelle. 

https://carlottafilms.com/films/letang-du-demon/

Stillwater,  Tom McCarthy. Matt Damon sur la Canebière pour "sauver" sa fille, emprisonnée à Marseille, et qui s'acoquine avec Camille Cottin. Ça se laisse voir sans grand entrain, ça n'a pas grand intérêt, c'est un peu bâtard. Deux mois plus tard, j'ai eu du mal à me rappeler de quoi il s'agissait.

Theo Angelopoulos : Ulysses Gaze/ L'Eternité et un jour : deux films d'exception. Un jour, j'écrirai mieux que 2 lignes...

 

 Novembre ------------

Une vie démente, Ann Sirot et Raphaël Balboni : un film réussi pour montrer avec sérieux mais non sans humour et légèreté comment la démence sénile qui se déclare chez la mère et belle-mère d'un couple vient perturber leur vie. C'est un sujet casse-gueule, ils s'en sortent très bien. Le film a du charme, de la drôlerie et de l'émotion.

Tre Piani : ce film mériterait aussi un petit effort de compte-rendu. J'ai adoré la finesse, la sensibilité et un certain désenchantement avec lequel Nanni Moretti raconte le genre humain, à travers 3 histoires qui se déroulent à trois étages d'un immeuble. La jeune mère très seule, le fils déviant, le père obsédé par la mésaventure de sa fille...

Compartiment n°6, Juho Kuosmanen. Etrange film, étrange rencontre sur la ligne Moscou-Mourmansk. Entre une jeune femme archéologue, partie observer de fameux pétroglyphes vieux de 10000 ans, et un jeune homme travailleur des mines du Grand Nord. Une intello + un prolo, deux solitudes que tout oppose et qui a priori sont incompatibles, voire intolérantes l'une à l'autre, mais curieusement et contre toute attente ils vont s'apprivoiser. Chacun dépassant ses propres clichés et aversions de "l'autre", le parfait étranger à sa culture et à ses habitudes. C'est délicat, voire tendre, et ça évite les clichés dans un  contexte brutal d'inconfort physique et moral (voyage interminable, climat glacial, perte de ses repères - la jeune femme quitte un milieu chaleureux et protégé à Moscou, et sent qu'elle s'est fait larguer). Tout le film a une ambiance originale et personnelle.

The French Dispatch, Wes Anderson : c'est censé être plein d'humour, plein de fantaisie, plein de références, cet hommage au journalisme vaguement délirant et foutraque est tout à fait exaspérant. On sourit au début, haha, quel style, quel talent, mais on déchante vite. Et c'est interminable.

007 : le dernier James Bond, je me laisse toujours faire

 L'Evénement, Audrey Diwan d'après le roman dAnnie Ernaux. Film sensible et cérébral/ intelligent sur la nécessité d'avorter et la solitude d'une jeune femme libre (ou qui essaie de l'être) dans un milieu conformiste et bourgeois (la fac vers 1965 vs une jeune femme indépendante d'esprit  issue d'un milieux inférieur). Mais bizarrement, je suis restée assez extérieure à tout ça. L'actrice Anamaria Vartolomei est remarquable. 


------------Expos---------------

WANG BING, L'ŒIL QUI MARCHE, au BAL, exposition d'un photographe/cinéaste chinois : "les films anthropologiques où le cinéaste s’attache à suivre les pas des exclus du miracle économique chinois et les films historiques où est recueillie la parole des derniers survivants des campagnes anti droitières de Mao Tsé Toung". Un grand moment de déprime, même si on ne regarde que quelques minutes des films présentés. Noir c'est noir...

https://www.le-bal.fr/2021/03/wang-bing-loeil-qui-marche


Collection MOROZOV à la Fondation  LVMH : grand messe de la culture. J'ai visité ça sans entrain, j'attendais le même enthousiasme qu'avec la collection Chtchoukine, mais ça n'a pas marché. A part quelques russes intrigants,  Cézanne, Gauguin, et sans doute quelques autres, je n'ai rien imprimé. C'était peut-être un mauvais jour.


                             Gauguin                                                           Cézanne


Soutine/De Kooning à l'Orangerie. ****

Baselitz ****

Signac collectionneur *** au Musée d'Orsay

 

 

------------------Théâtre---------------------------

Comme tu me veux, Théâtre de l'Odéon, mise en scène Stephane Braunschweig : aussitôt vu, aussitôt oublié, du théâtre dans tout ce qu'il a de barbant et convenu, mais voici une bonne critique positive : https://www.la-croix.com/Culture/Comme-veux-lOdeon-femme-quete-didentite-2021-09-28-1201177754


Dissection d'une chute de neige ***Théâtre des Amandiers :

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-theatre-et-cie/dissection-dune-chute-de-neige-de-sara-stridsberg

Il y a un peu tous les thèmes à la mode (femme et pouvoir, homosexualité...) mais c'est un belle mise en scène de Christophe Rauck, enlevée, créative, inventive avec d'excellents acteurs, notamment l'extraordinaire Marie-Sophie Ferdane. On  sort de là conquis, séduit, réveillé par tout ce remue-méninges.  Parce que c'est foisonnant, aussi. Bref on ne regrette pas de s'être traîné à Nanterre. 

vendredi 17 décembre 2021

Eva Jospin au Musee de la Chasse et de la nature



https://www.chassenature.org/expositions/galleria?gclid=Cj0KCQiAoNWOBhCwARIsAAiHnEjcKbXZzGkA6Fm4XITVGhE2aBkuv5xWStYASSeLQh6S2LmgIG1Gx8oaAvSnEALw_wcB

Une découverte, ou comment le carton devient un matériau fabuleux dans les mains de l'artiste. L'œuvre principale, Galleria, a un pouvoir fascinant, merveilleux et évocateur. De quoi ? difficile à préciser. On est doucement attiré par l'étrangeté de ce que l'on perçoit, c'est indescriptible, incernable et pourtant familier. Ça ressemble à une galerie Renaissance avec ses plafonds caissonnés, mais c'est tellement foisonnant et déroutant, cette matière qui se renouvelle à l'infini, ces vraies-fausse figures végétales, ces superpositions, surimpressions, ouvertures. Le regard et l'attention sont complètement surpris et charmés, on ne sait plus à quel détail se consacrer, à quel angle se vouer. C'est fascinant, harmonieux, voire rassurant : on se sent protégé au cœur de cette matière douce, chaleureuse, et qui trouve ici une élégance inattendue, complètement insoupçonnable. 

 

 Etrange paroi rocheuse, toujours du carton !
  


J'avais déjà repéré une magnifique création dans une galerie d'accès à Beaupassage (par le boulevard Raspail) mais je ne savais pas que c'était Eva Jospin : elle a créé une forêt magique, qui s'étire derrière une vitre tout le long de cette galerie, ça s'appelle La Traversée, c'est un fourmillement, un enchevêtrement de branches, mousses, racines, c'est surnaturel et d'une grande beauté, d'un grand pouvoir évocateur, on a l'impression de s'enfouir dans la profondeur et la mythologie d'une forêt, c'est tout juste si on ne sent pas les odeurs de feuillage et d'humus, si on ne devine pas quelque mystérieux animal de la forêt. Elle a l'art de nous dérouter en nous attirant dans quelque chose d'a priori familier. C'est un grand plaisir de se balader chez elle.

jeudi 2 décembre 2021

Le Passé, Julien Gosselin

Lu sur le site du théâtre de l'Odéon : "Ovationnée vivement par le public, la pièce Le Passé de Julien Gosselin, d'après les textes du dramaturge et écrivain russe Léonid Andreïev, [...] un exploit de mise en scène, de jeu d'acteurs, de scénographie, de tournage...» « Tous [les comédiens] se révèlent magistraux d'exactitude et d'intensité."

J'ai peur de ne pas avoir vu la même pièce. Mais qu’est-ce que ça braille, ces voix qui s’entrechoquent dans les amplificateurs des micros, ces gens qui courent dans les couloirs, se crient dessus, se tirent dessus, s’engueulent, se pourchassent, se désespèrent, avec, comme s’il fallait souligner la stridence et la pénibilité de la scène, une espèce de couinement aigu continu qui accompagne toute l’action (c'est la musique), vrille le cerveau et les oreilles, bref, ça ressemble à un cauchemar, c’en est un, c’est du théâtre. Sauf que c’est du cinéma, parce que le metteur en scène tient un discours fumeux sur le présent et le passé, je n’ai pas bien compris, alors il fait filmer son théâtre en direct et fait projeter ça sur un écran au dessus de la scène. Il paraît que ça suffit à transformer le présent en passé (une histoire des microsecondes que le son met à passer dans les fils électriques), et de toute façon le passé est là pour nous dire qu’il est bien passé : ces personnages qui s’agitent à l’ancienne, comme quand on faisait du théâtre braillard russe et bavard, eh bien c’est ça, c’est du théâtre russe braillard et bavard dans des couleurs presque sépia. Le problème est absurde, ou absurdement posé, un mari soupçonne sa femme de l’avoir trompé, il lui tire dessus, il la rate, elle s’enfuit , elle ne revient pas, il est désespéré, il revient la chercher - blablabla-, tout ça avec des voix braillardes et insupportables, tout le monde braille en même temps, et aussi le mari aime bien se promener tout nu et se mettre dans sa baignoire. Allez comprendre. Je ne sais plus comment ça finit, dans la confusion générale.
Après, il y a une sombre histoire (la scène est noire, ce sont des voix avec les dialogues en surtitres sur l’écran) c’est donc un obscur dialogue entre La Clarté et le Directeur du théâtre, je n’ai pas compris leur problème, il est question de choses factices, de scène vide, de spectateurs pantins, morts, en bois (on se sent visés, d’ailleurs, c’est bien de nous qu’il parle puisque la lumière s’allume pour regarder dans la salle). C’est peut-être une histoire de mort du théâtre ? Il serait bien capable de nous faire le coup de la mise en abysse. Un truc du genre grosse subtilité, kolossale finesse.
Après, on part à la campagne, on retrouve la bande du début, le mari vient cherche sa femme qui veut qui veut pas qui veut quand même qui l’aime trop, pas assez, beaucoup trop, pas du tout, on comprend rien, ça a l’air de s’arranger, on s’en fout, et puis il y a une histoire de balade en forêt, qui ? Je ne sais plus comment se fait la transition. Ce sont les mêmes ? Ceux qui étaient dans la maison avec le couple et qui sont partis se promener ? En tout cas, il reste un homme et une femme dans la forêt et 3 hommes avinés qui attaquent l’homme et l’assomment. Quand il se réveille et qu’il voit une femme étendue à demi-morte, quelque chose dans l’inertie de cette femme (sans doute l’inertie consécutive à un viol multiple) le pousse à son grand désarroi et à l’insu de son plein gré à lui aussi abuser d’elle et c’est comme ça qu’on assiste en direct au viol, enfin, au récit du viol. Assez criant de vérité et de noirceur. Je ne sais pas ce que ça souligne. Qu’un comble de malfaisance est toujours possible chez l’homme ? Tout ça se raconte + ou - dans le noir (devant le rideau de théâtre, en avant-scène et une quasi obscurité). Bref, ça fait encore une grande séquence où il n’y a rien à voir. (De fait, je n'ai jamais vu une pièce de théâtre où il y avait si peu à voir : la moitié est à l'écran, l'autre moitié dans le noir.)
Après, ça reste bien sombre un bon moment, avec des fumées qui sortent de terre, la brume et tout ça, et quand elle se dissipe, on est dans une masure, chez « la »  famille. Des pantins caricaturaux qui disent des choses caricaturales, notamment un certain Pavel, affligé des tourments d’adolescence et d’un amour frénétique pour une certaine Katia, alors forcément, il se masturbe dans sa chambrette, tout est possible, puisqu’il peut astiquer consciencieusement sa bite en chiffon, quelle audace. Bref ces pantins ne disent et ne font que des choses convenues, même s’ils le disent avec la distance et le décalage induit par leur aspect de poupées de son, bref, on s’en fout, mais qu’est-ce que c’est long et sans surprise, ça n’en finit pas de ne pas finir, c’est d’ailleurs le propre de chacune des séquences, elles sont effroyablement longues, étirées, exploitées jusqu’à la trame, la moelle, usées jusqu’à la corde, ça n’en finit pas de ne pas finir. Et le son n'en finit pas de nous striduler dans le oreilles. Jusqu’à ce que le miraculeux « entracte »  apparaisse sur l’écran. Ouf, je suis partie sans demander mon reste : j'ai trouvé ça verbeux, ampoulé, prétentieux, pénible.


Mais bizarrement, La Terrasse est contente :

https://www.journal-laterrasse.fr/le-passe-de-de-leonid-andreiev-adaptation-et-mes-julien-gosselin/

lundi 25 octobre 2021

Drive my car



Ryusuke Hamaguchi.
A priori, il est question d’un couple bien assorti, cultivé, intello, branché. L’épouse est scénariste, l’époux metteur en scène, leur relation est harmonieuse, mais une faille s’ouvre quand Yusuke découvre par hasard l'infidélité de son épouse et elle se creuse avec le décès accidentel de l’épouse. Aux prises avec sa jalousie, ses interrogations, sa culpabilité d’être arrivé trop tard pour la sauver, trop tard pour parler avec elle, Yusuke arrive à Hiroshima pour mettre en scène Oncle Vania.
La production a mis à sa disposition une voiture avec chauffeure, Misaki, une étrange jeune femme, difficile à cerner, quasi mutique. A travers les péripéties de la mise en scène d’Oncle Vania et au fil des trajets, une étrange relation se crée entre deux solitudes, celle de Yusuke, bardé de mots, de signes, de culture, de références et de douleur, et celle de Misaki, silencieuse, incernable, qui s’imprègne peu à peu des dialogues enregistrés de la pièce, des paroles de Yusuke et de son histoire.

Cette matière complexe, douloureuse, fragmentée s’imprime sur Misaki comme sur un page vierge comme si son silence faisait émerger une vérité sous-jacente, comme si cet afflux de signes et de langages, l’amenait elle aussi, la mutique, à révéler son histoire. Ils agissent l’un envers l’autre à la fois comme confident et révélateur. En questionnant l’amour, le couple, le désir, le sexe, la création, le théâtre et le mystère que chacun abrite derrière sa façade, en racontant le deuil, la jalousie, la culpabilité, la solitude, le non-dit, à force de silences et d'écoute, le metteur en scène et la chauffeure se révèlent l'un à l'autre et à eux mêmes.

Conduis-moi, mets toi à ma place, regarde ce qu’il y a au fond de moi, au fond de toi…

C'est magistral, subtil, nuancé, percutant. C’est fluide, léger, complexe ; on entend les non-dits, ce qui est suggéré ou latent dans les échanges humains, ce qui se dit en surface et ce qui se joue en sous-texte. Le film raconte l’humain opaque à lui même et la connaissance de soi et de l’autre par le biais de la fiction ou du théâtre.

vendredi 20 août 2021

Onoda, 10000 nuits dans la jungle

 Arthur Harari. Etonnant comme on s'attache au destin de ces hommes isolés dans la jungle et dans une folie qui n'en est pas complètement une. Etonnant comme on se laisse captiver par ce récit de 30 ans de refus de la défaite et de survie dans la clandestinité de la jungle. 

Onoda a été formé à une école spéciale de la guerilla et envoyé sur une île des Philippines à la tête d'un détachement. Puis survient l’impossible, la capitulation du Japon, une aberration qui ne peut pas entamer son inoxydable logique de résistance, même si l'ennemi devient de plus en plus abstrait, fantasmé.

Harari filme un idéal de la résistance : habité par la fidélité à ses engagements, Onoda accomplit un voyage intérieur où l'idée de résistance se stylise et s'épure à mesure qu'elle se dépouille d'adversaires et de péripéties. Il ne se passe rien ou presque pendant 30 ans, Onoda vit en totale immersion au cœur de sa logique et au cœur de la jungle. Plus le temps passe, plus le cercle de ses compagnons se restreint, plus c'est radical, minimaliste, l'idée de résistance se réduit à sa plus simple expression, la lutte contre les éléments, la faim, la survie, et une forme de communion méditative avec la nature. Par moments, on pense à Terence Malick, le bavardage en moins. 

Un des attraits du film, c'est qu'on croit plus ou moins deviner à quoi s'attendre, alors qu'on est emmené tout à fait ailleurs, dans un univers étrange et radical, à côtoyer la solitude absolue d'un soldat fou de loyauté dans un univers désespérément vide et muet. 

samedi 14 août 2021

In the mood for love

Wong Kar-Wai. Ce film n’a pas vieilli, définitivement et magnifiquement ancré dans son esthétique des années 60 et un inexorable sens de la fatalité. On est subjugué par l'élégance suprême de cette femme - Mme Chan (Maggie Cheung) - dans ses sublimes robes ajustées, à l'étroit dans sa vie d'épouse bafouée. La musique géniale, obsédante, de Shigeru Umebayashi rythme la lente parade amoureuse des deux époux trahis, illustre l'intensité de leur passion contenue dans les espaces exigus d'une pension de famille, souligne la fatalité de l'impasse où ils reviennent sans cesse, la limite où ils sont sur le point de chavirer. Le temps est suspendu dans l'attente d'une conclusion qui ne vient jamais. C'est un chef-d'œuvre d'érotisme fait de frustration, de-non dit et de pulsions élégamment tenues à distance.



samedi 7 août 2021

Films de l'été

Reflets dans un œil d'or  John Huston. Parce que j'avais entendu parler du roman de Carson Mc Cullers. Atmosphère rance d'une garnison militaire somewhere en Georgie, avec un officier supérieur rance, lui aussi (Marlon Brando) et psychorigide, affligé d'une stupide épouse qu'il délaisse. Une petite bourgeoise allumeuse (Sophia Loren), qui outre le fait qu'elle a un amant, évidemment (un officier, marié à une autre névrosée, évidemment) parade dans la microsociété de la garnison et prend un malin plaisir à bafouer son époux. Et dans tout ça, les chevaux. Sophia Loren les monte à la perfection (elle en profite pour s'envoyer en l'air dans les fourrés au cours de balades avec son amant). C'est un sous-fifre de la caserne qui s'occupe de son étalon favori, qu'elle seule est capable de monter. Le soldat est fasciné par la dame, et s'introduit la nuit en douce dans sa chambre pour la mater, il fascine l'époux, qui le mate en douce quand il monte à poil dans la forêt... et ça finit mal. Ça vient d'une époque où l'hypocrisie sociale et sexuelle faisait encore le ciment des couples, c'est gluant, irrespirable, les personnages sont médiocres, frustrés, insupportables, chacun à sa manière (sauf le soldat, hors-caste, énigmatique, semant le trouble).

Gagarine : Fanny Liatar, Jérémy Trouilh.  RésuméAllociné : Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend qu’elle est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance. Avec la complicité de Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, devenue son " vaisseau spatial ". Moyennement engageant, a priori, mais ayant cru comprendre "que c'était bien", j'y suis allée. Bien m'en a pris, avec ce sujet improbable la réalisatrice a réussi un film "neuf" surprenant, plein de délicatesse, d'humanité et de poésie.

Bonne Mère, Hafsia Herzi : encore de l'humanité en veux-tu en voilà, et de la désespérance, à suivre le quotidien de cette brave femme de ménage des "quartiers nord" (l'actrice est extraordinairement touchante).

Le Mandat, Ousmane Sembene (1968) : cruelle histoire des bouleversements occasionnés par l'arrivée d'un mandat postal dans une famille sénégalaise. Le destinataire écartelé entre le devoir de solidarité et les exigences de l'administration et celles des quémandeurs. Ancré aux vieilles valeurs de la société traditionnelle, le bonhomme ne fait pas le poids face aux prédateurs en tout genre, notamment ceux de la modernité.

Les Voleurs de chevaux Yerlan Nurmukhambetov et Lisa Takeba. Kazakhstan et Japon. Un beau film, une histoire extraordinairement simple dans une nature extraordinairement belle. Un éleveur de chevaux, sa femme, ses enfants, le monde dans lequel il vivent. C'est minimaliste et super dense, vu principalement à travers le regard d'Olzhas, le fils aîné, un presque adolescent. J'irais le voir rien que pour les paysages extraordinaires, mais il y a aussi cette finesse de regard sur la famille, sur l'enfance (les petites sœurs), sur Olzhas, à la frontière de l'âge adulte, sur les jeux des gamins, sur la société villageoise.

 Oss 117 : Alerte rouge en Afrique noire aimable divertissement au racisme sexisme (d'époque ?) assumé



 

dimanche 1 août 2021

True mothers

Quelle empathie pour la complexité des histoires humaines, quelle grâce, quelle délicatesse, quelle peinture subtile : le couple d'abord, leur entente, leur amour, leur écoute, leur délicatesse et leur manière d'évoluer ensemble vers l'idée de l'adoption quand ils apprennent qu'ils auront du mal à avoir un enfant. Puis leur relation de parents, l'édifice d'amour, d'écoute et de respect qu'il ont su établir autour de leur fils, combien ils sont attentifs à son éducation et inquiets que quelque chose aille de travers, comme si un incident -même mineur - pouvait menacer l'harmonie de leur famille.

Kawase livre aussi un magnifique portrait de cette jeune fille toute en timidité, qui découvre avec un collégien de son âge les émois et l'intensité d'un premier amour "pour toujours". Mais elle perd tout : son amour, son bb, sa famille, les perspectives de la réussite scolaire. Plus elle est en roue libre, plus on redoute qu'à force de détresse et de solitude, elle déclenche une catastrophe dans la famille adoptante. 

Et cet étrange institution qui accueille les jeunes filles en détresse, comme une parenthèse entre deux vies.
Kawase raconte ce qui lie et ce qui casse, c'est une narration sensible et subtile, pleine de nuances et de respect pour les personnages. Elle les observe à fleur de peau, de ressenti, en ajoutant une dimension qui dépasse l'individu, de l'ordre du temps qui passe, de la communion avec les saisons, les clairs de lune, la nature, le vent dans les arbres, la mer...

samedi 31 juillet 2021

Bergman Island

Mia Hansen-Løve. Hem. C'est une curiosité pour les amis de Bergman : sans avoir à faire le voyage, on visite "son" île, Farø, divers lieux de tournage de ses films, sa tombe, sa maison... et on découvre la bergmania ambiante ; on apprend aussi quelques détails de son caractère (désagréable). Le reste (notamment la délicieuse Vicky Krieps) a un certain charme, mais pas grand intérêt. C'est une aimable balade qui évoque les interférences entre la création, le cinéma et la vie en effleurant des sujets comme l'amour, le couple, les tourments de la création. Comme Bergman, en somme, mais en version vraiment soft.

vendredi 30 juillet 2021

La Loi de Téhéran

Saeed Roustayi. Le film commence par une haletante course-poursuite aux trousses d'un dealer. Un semi-échec, prélude à un changement de méthode. Lassé du menu fretin et pour mettre la main sur un gros poisson, le chef de la brigade des stupéfiants de Téhéran orchestre un gigantesque coup de filet dans les bas-fonds de Téhéran (incroyable traque dans le bidonville de canalisations, suivie d'une non moins spectaculaire scène d'incarcération dans des geôles sordides). Les raflés, c'est la "matière" de l'enquête, c'est ce ramassis de voyous et de drogués que les flics vont cuisiner, acculer, menacer pour qu'ils lâchent des infos sur leurs fournisseurs. Curieusement, au gré des scènes "coups de poing", des interrogatoires, chantages, arrestations, trahisons, brutalités, manipulations, menaces pour mettre la mains sur le "boss", le réalisateur porte sur cette misère un regard d'une humanité étonnante. Même chez le dealer, malgré ses ruses, mensonges et autres échappatoires, une forme d'humanité transparaît à mesure que l'étau se resserre. On en vient à admettre, dans ce chaos, que la drogue est un des rares vecteurs d'ascension sociale quand on vient des bas-fonds, le moyen de protéger sa famille, l'extraire de cette vie de merde, envoyer les enfants à l'université... Quant au final, c'est une conclusion d'une violence glaçante. Film puissant, noir, désespéré, désespérant avec en filigrane une impression de fatalité et d'impuissance et l'idée que tout sera toujours à recommencer.

lundi 26 juillet 2021

Titane

Julia Ducournau

Apparemment j’ai passé l’âge. C’est trash et cash (et un peu long et chiant puisqu’on reste assez extérieur à ce torrent de violence convulsive), et ça raconte une sombre histoire de blessures de l’âme, du corps et du cœur. Personne ne va bien là-dedans, le spectateur non plus, vu que les scènes du début sont vraiment dégueulasses. C’est aussi un peu pompier (et pas seulement parce que la deuxième partie se passe dans une caserne avec à sa tête un bizarre commandant stéroïdé en mal d’amour paternel - Vincent Lindon fait bien le job). Sous son commandement, et avec l’irruption de la déglinguée du début, toute la caserne prend une étrange couleur, toute de noirceur, de flammes et de fureur, et vas-y que je balaie les thèmes dans l’air du temps : la question du genre, de l’amour (ou l’absence d’amour) paternel, de la filiation, la machine érotisée, et au-delà, un peu de fantastique pour égarer l’entendement. Au passage, les hommes ne servent à rien, là-dedans, soit ce sont des gros machos relous, soit une tribu étrange -les pompiers- , soit Vincent Lindon, complètement barré. En fait, à part la sociopathe (Agathe Rousselle) et le commandant,  il n’y a pas d’individus ni de personnages dans ce film, il n’y a que des figures dépersonnalisées.
Donc après une ouverture en forme d’accident de voiture, (conclusion d’un pénible conflit entre un père et son enfant - fille ou garçon ?) l’enfant émerge avec une plaque de titane dans le crâne. On est alors propulsé 10 ou 15 ans plus tard, dans une sorte de salon de l’érotisme automobile, ou de l’automobile érotique ? où des créatures de rêve se livrent à des attouchements, frottements, et glissements suggestifs contre les flancs ou capots des voitures. (Métal, quand tu nous tiens !) C’est quoi, ça ? Une critique ? Un cliché ? Bref, l’une de ces créatures qui n’est autre que la petite rescapée, se révèle passablement sociopathe, agitée de pulsions meurtrières hyperviolentes dès qu'on l'approche : elle est portée à la fois sur le meurtre sans préméditation et la jouissance automobile. Il semble qu’il est possible de jouir férocement d’une bagnole et de s’en trouver engrossée. Ça, c’est pour le 1/4 d’heure fantastique façon Alien, avec les fuites de d‘huile de vidange qui en découlent. Comme c’est étrange, mais il est vrai que depuis l’épisode « titane dans le cerveau », Alexia entretient d’étranges rapports avec le métal et ensuite, avec la chose étrange qui pousse dans son ventre.
D’ailleurs, tout ce film entretient d’étranges rapports avec la réalité. Le salon de l’automobile, le parking, la caserne, tout a une drôle de couleur mais rendre tout déroutant, ça ne suffit pas à rendre le film captivant. C’est too much.

lundi 19 juillet 2021

Gabriel Chabrat, fresques et vitraux de Sous-Parsat

 Une découverte extraordinaire à l'église de Sous-Parsat dans la Creuse : les fresques et vitraux contemporains de Gabriel Chabrat, un peintre creusois né en 1936. L'église est entièrement décorée de ses fresques, il a aussi conçu les vitraux ; le résultat est une immersion dans un univers incroyablement dense et puissant, à la fois familier et énigmatique. C’est une étrange inspiration entre réalisme, expressionnisme et abstraction. Réalisme, parce qu’on reconnaît bien les sujets et poncifs de l’ancien et du nouveau testament et autres « morceaux de bravoure » : l’Arche de Noé, Abraham et Sarah, l’Exode, l’Annonciation, la Cène, la lutte du bien et du mal, l’Apocalypse etc, mais aussi expressionnisme parce que les sujets sont traités avec une féroce acuité d’expression, une épure des traits, des formes, des corps, des visages, et des couleurs pures, tranchées, vivaces. Sous certains angles, le sujet frise aussi l'abstraction parce que le trame se fond par endroit dans une autre vision, une perception mosaïque en carreaux et triangles de couleur qui ne garderait que l’essentiel des lignes de force.
Cette puissance d’expression prolifère sur les murailles, bourgeonne jusqu’au voûtes, s’infiltre dans les angles, n’épargne aucun recoin, toute l’église en est enduite, vibrante, habitée. On reste scotché, stupéfait et médusé par ce qui est à la fois une création extraordinaire et une puissante interrogation adressée au ciel.







jeudi 1 juillet 2021

Close up, Abbas Kiarostami

Abbas Kiarostami

Le film commence par une arrestation dans une villa d'un quartier chic de Téhéran. Un journaliste en quête de scoop accompagne la police pour mettre en scène et photographier l'arrestation d'un imposteur : il s'est introduit dans une famille bourgeoise en se faisant passer pour Mohsein Makhmalbaf, un cinéaste connu. Intrigué par l'article paru dans la presse, Kiarostami décide de rencontrer l'homme et de filmer son procès. 
 
Quel film puissant, d'une extraordinaire et foisonnante limpidité et sensibilité. 
D'un côté, l'accusé, Sabzian : un homme sensible et intelligent,  mais sans valeur, sans pouvoir social ni pouvoir d'expression. Il raconte, au fil du procès, le rôle du cinéma dans sa vie et l'importance de Mohsein Makhmalbaf, ce cinéaste qui exprime tout ce que lui-même n'a jamais su exprimer. Notamment dans le film Le Cycliste, qui le touche au delà de tout, par ce qu'il y trouve d'analogies avec sa propre vie. (C'est aussi ce film qui lui sert de clé pour entrer dans l'univers de la famille Anhakan).
En face, les plaignants, la famille Anhakan, des possédants (pouvoir économique et social), des bons bourgeois de Téhéran, abusés par Sabzian par le hasard d'une rencontre en bus où quelque diable a poussé Sabzian à se faire passer pour ce Makhmalbaf. Sésame qui lui donne accès à tout ce dont l'exclut sa classe sociale (modeste imprimeur qui arrive à peine à faire vivre sa famille). Il est accueilli dans la villa chic, il est écouté, apprécié, consulté, respecté. Sa parole et son avis comptent. Il réussit même à faire rêver un des fils, ingénieur au chômage, de jouer dans le film qu'il a en projet. 
Jusqu'à ce qu'il soit démasqué, arrêté, jugé. D'où le procès conduit par un juge enturbanné et barbu que l'on découvre très humain, attentif au pourquoi et comment de cette étrange affaire. D'un côté, la frustration humaine et sociale d'un "petit". En face, des possédants en quête de réparation, blessés/vexés d'avoir été abusés par le faux cinéaste.
En plus du regard du juge, il y a celui de Kiarostami qui filme. Et à l'arrière plan, celui du public élargi qui verra le film du procès. Un procès étonnamment équilibré, avec un juge attentif à rendre une justice qui soit aussi une morale, attentif à maintenir la cohésion du lien social, où chacun doit tenir sa place dans le respect de soi-même et de l'autre, attentif à obtenir à la fois le pardon des plaignants et la repentance de l'accusé. D'ailleurs, personne n'est perdant et chaque protagoniste garde son humanité et sa dignité. 
C'est finalement le journaliste qui a le mauvais rôle avec sa mise en scène de l'arrestation qui chosifie le suspect, fait de l'arrestation un spectacle et rend tout superficiel. Le voyeurisme en prime.

mardi 1 juin 2021

Hospitalité

Film japonais, réalisé par Kōji Fukada (sorti en 2010). C'est pas mal au début mais finalement lourdingue. La première partie met en place les personnages, à priori respectables dans un quartier respectable, et qui tient à le rester. L'élément perturbateur, c'est l'irruption du soi-disant fils d'un ami. A mesure qu'il affirme son emprise sur la famille, les personnages révèlent un certain nb de failles, mensonges et non-dit qui permettent au type et à sa compagne de mener un curieux jeu d'invasion et de prise de pouvoir. A ce stade, ça devient fastidieux. La mécanique de l'escalade est lourde, le final farcesque est caricatural, bien trop long. Même si tout ça souligne justement le conformisme étouffant, la peur de se faire mal voir, la peur de l'autre (étranger, déviant, sdf...)