mercredi 27 janvier 2010
La Merditude des choses
La Merditude des choses, Felix van Groeningen, m'estomaque. Ce monde frénétique, bordélique, alcoolique, primaire, brut de décoffrage, tribal, épidermique, un monde à la dérive, et une manière de dériver en famille. Un monde clos et plein, plein de bruit et d'alcool, borné aux limites du patelin - principalement au bistro local - étanche au reste, et un sens dépravé d'appartenance à ce monde merdique, qui se suffit à soi-même, et emmerde le reste du monde. C'est plein de regards sur un tas de choses (la sociabilité alcoolique, le sexe, l''école, la paternité, sa cousine, les p'tits boulots... la misère humaine noyée dans le désordre... et l'étrange lien entre ces gens, l'esprit de clan qui les habite, et le fait d'en être ou de ne pas en être : être un Strobbe ou ne pas être. D'après le best-seller de Dimitri Verhulst.
mardi 26 janvier 2010
Titien Tintoret Véronèse : Rivalités à Venise
4 janvier, dernier jour de l'expo Titien Tintoret Véronèse. Il était temps. Hum, grand spectacle de la peinture. Des effets de chairs, de tentures, de tissus, des mythologies, des nuées, de l'emphase. C'est théâtral, parfois sublime, peuplé de figures altières ou musculeuses, et de femmes somptueuses.
Esther évanouie aux marches du trône, toute abandonnée, est tout à fait charmante, (Tintoret, prêté par la reine d'Angleterre), Assuerus ne s'y trompe pas, il s'est levé d'un bond pour l'assister, l'émoi de la cour se voit dans le chatoiement des costumes, des gorges et des bras nus, des coiffures compliquées...
Encore du grand spectacle, encore une grappe de personnages en émoi, bruissant d'étoffes et de murmures stupéfaits autour du Christ qui vient de guérir une blonde toute en langueur, (Christ guérissant... Véronèse, Londres) soutenue par ses amies, pendant qu'une autre femme, retenant sa manche de glisser, se penche gracieusement sur l'épaule du Christ pour voir, elle aussi, le miracle. Un amour aux fesses nues est à moitié enfoui dans ses étoffes, le tout se joue dans la lumière de pastels un peu mièvres, rose et amande, bleu ciel et lilas, ocre orangé... Le Christ est "ailleurs", légèrement allumé par son auréole, au contact des instances célestes
D'incroyables Pélerins d'Emmaüs : ceux de Titien sont conformes, sobres, retenus, spirituels (?) tandis que ceux de Véronèse participent au capharnaüm d'un étonnant banquet mondain, où il y a des enfants, des servantes et des chiens, et où personne ne regarde la même chose -chacun est ailleurs/absent -tandis que le Christ regarde le ciel, sous l'œil d'une vieille servante revêche. Chez ceux de Bassano, (plusieurs copies de l'œuvre), l'affaire divine est largement reléguée, à droite du tableau, par la scène de cuisine au premier plan.
La Dernière Cène de Tintoret : encore de l'émoi, chacun se regarde et se récrie, c'est un instantané, arrêt sur image, temps suspendu, chacun prend l'autre à témoin, proteste de son innocence. De dos, isolé, Judas cache ses deniers, à ses pieds, le chien et le chat s'expliquent.
La mort du Christ aussi est théâtrale, racontée avec noirceur et emphase, l'émoi des assistants, les froissements d'étoffes, l'inertie du corps mort. Dans la Déploration du Christ (Tintoret, AccademiaVenise) double inertie : Marie, symétriquement évanouie dans les bras de Marie-Madeleine (?), est aussi exsangue que son fils dont elle tient les doigts de pied froids dans sa main.
Il y a des St Jérôme à profusion (je préfère celui du Titien, lui aussi retenu, épuré, simplifié), un étrange Baptême du Christ dans la nuit, sinistre, angoissant, un non moins étrange Jardin des Oliviers, tout en noirceur, des portraits admirables, où la noblesse des figures ne le cède en rien à l'apparat de la représentation - pape, doge, amiral -(ah, les tissus, les armures, les coiffes, les airs sévères ou altiers). Le portrait de l'homme et son fils est plus réussi que celui de sa femme et de sa fille. Dans la Tentation de Saint-Antoine (Véronèse, Caen), toute la lutte est concentrée entre un démon musculeux et le malheureux vieillard gisant dans ses étoffes. En comparaison, la tentatrice penchée au dessus du saint, dont un seul sein est dévoilé, semble bien délicate, presque étrangère à la scène, juste un peu curieuse de découvrir la faille du saint homme dont elle griffe délicatement la paume de ses ongles, noirs et griffus, qui seuls trahissent la démone.
Ah les femmes ! C'est plein de femmes sensuelles, voluptueuses, charnelles. L'impudique Suzanne est surprise dans l'intimité de sa toilette dans son "jardin-paradis" de délices, riche de promesses sensuelles, sous l'œil concupiscent des deux vieillards lubriques...
Les femmes sont lascives, rêveuses (Danaé de Titien), ou calculatrices et pragmatiques (Danaé de Tintoret, à Lyon), alanguies, il y a au moins 6 tableaux de femmes alanguies, sinon voluptueuses, dont le vêtement tombe au bas des reins, découvre la naissance du pubis, la fourrure du vêtement confondue avec la naissance de la toison. Je préfère la Venus au miroir de Tititen, opulente, souveraine, tranquille dans la jouissance de sa beauté, à celle de Véronèse, à l'air fourbe et frelaté. Dans l'étonnant Venus et l'Amour, (Sustris, Louvre), Venus attend Mars avec une tranquille impudeur et la complicité d'un amour fessu, et dans l'étonnant tableau du Respect, l'homme a l'air bien moins respectueux que préoccupé d'autre chose, pendant que la femme assoupie, l'air repu et gourmand, semble attendre un hommage. Et Lucrèce est toujours délicieuse sous les assaut de Tarquin, ... les peintres semblent adorer ce sujet, représenté 5 ou 6 fois.
Je retiens : des couleurs, des étoffes, des matières, des lumières, des mouvements, de l'effroi, de l'action, des passions, le spectacle de l'humain observé, raconté, emphasé, inventé, héroïsé, dramatisé, commenté, illustré. C'est magnifique.
http://mini-site.louvre.fr/venise/fr/exposition/prologue.html
dimanche 24 janvier 2010
Films 2009
mercredi 20 janvier 2010
Films 2008
eune phénix gâté par l’existence en quête d'absolu. Confronté à l’absolue nécessité de se dépouiller de tout ce qui est superflu pour aller à l’essentiel, sa vérité intime, le héros finit par se réduire en effet à l’essentiel : la seule, l’inexorable faim (et privé d’une autre chose essentielle : l’autre.)
Il brûle tous ses vaisseaux mais loupe l’étape renaissance.
Le beau voyage initiatique tourne court à cause de la fragilité de l’homme livré sans défense à la domination de la nature. Il s’est enfoncé trop profondément au cœur de lui-même et de la nature. Il est allé trop loin pour pouvoir revenir.
On en sort avec une impression d’amertume, parce qu’on aurait eu envie que ça marche.
Le barbier sanglant, Tim Burton : ambiance Londres, pas mal, déco aussi, mais trop c'est trop : trop de sang, de chant, d'outrance sur une trame de vengeance caricaturale.
No country for old men, Ethan et ... Coen :
Lwelley, chasseur solitaire (au fusil à lunettes), soudeur quand il travaille, mène une vie ordinaire avec sa copine, une fille sympa, dans un mobil home quelque part comme nulle part au Texas. Jusqu’à l’irruption d’un million de dollars dans sa vie. Pourchassé par un tueur psychopathe, ça donne n'importe quoi à toute vitesse dans un monde de fêlés. On voit des pick-up, les gens qui les conduisent, des flics, des mobil home, des stations-service, des parkings, des motels, des enseignes de motel, et pendant qu'on y est des tenanciers de motel, et des chambres de motel, des intérieurs médiocres, des routes vides, des paysages déserts, des petites villes pourries à pas d'heure, des drugstores, des feux de signalisation, des paysages ingrats, des valises de dollars, des personnages annexes qui défilent, vite et bien brossées avant qu'ils ne meurent, engloutis dans les poubelles d'une histoire compliquée. Tout ça dans la chaleur désertique du Texas ...
Juno, Jason Reitman : p
ortrait d’adolescents sur arrière plan d’Amérique moyenne : rencontre de 2 univers (milieu petit bourgeois sympa et bourgeois sup, sympas aussi). Regard tranquille, lucide : Juno et son copain, et sa famille, le planning familial, la famille adopteuse… Sonne juste, sans emphase, avec une certaine drôlerie.
Diary of the death, Romero : b
ien. Les morts-vivants font toujours recette quand ils traitent avec Romero. Tension efficace, regard intéressant sur le rôle des images et du point de vue. Assez haletant, avec l'idée du piège qui se referme de plus en plus.
My Father, my lord, israëlien, : u
ne famille orthodoxe (père rabbin, mère, fils 5 ou 6 ans). La passion dévastatrice de la religion. Glaçant.
Valse avec Bachir (Walz with Bachir), Ari Folman : s
plendide. Dès les premières images, on est en prise avec quelque chose d'hyper ... quoi ? réaliste ? Ces chiens ont une présence stupéfiante, ils sont plus vrais que vrais, vrais comme un cauchemar.
Le ton est donné : c'est un film qui montre ce qu'on ressent en direct avec ses tripes, ça a à voir avec l'émotion, la peur, ça a l'intensité de ce qu'on ressent en rêve. Mais c'est aussi précis que ce qui est analysé avec l'intelligence, le regard et l'intelligence du regard. Cerveau droit, cerveau gauche, même combat. Et c'est un regard encore plus fort que celui d'une caméra, puisque les images sont données pour telles, traitées en dessin et peinture : la précision du trait, l'intelligence des ombres et des couleurs, avec des dominantes de gris, d'ocres, bruns et jaunes, c'est tantôt hyperréaliste, tantôt hyper onirique, c'est tantôt d'une hypersimplicité, qui gomme le détail pour montrer l'essentiel et souligner l'hypercomplexité de ce que l'âme ? l'esprit ? l'intelligence ? la sensibilité ? l'oeil enregistre / fabrique pendant que se déroule la séquence ordinaire des faits de guerre. La peur, l'angoisse, l'attente, le suspense, l'insouciance, la mort, la stupéfaction, la boucherie, l'horreur, la folie, la banalité, l'absurdité de la guerre. C'est aussi un regard sur le point de vue, les points de vue, le regard collectif, la mémoire personnelle, la mémoire des autres, les interactions du temps et du discours. Certaines scènes (la plupart des scènes) sont d'une beauté stupéfiante et d'une puissance confondante. On est scotché. Et quand on en sort, on est en manque : en manque d'intensité, parce que l'auteur vous a fait côtoyer l'essentiel pendant une heure.
Les 7 Jours : israëlien /
Le deuil dans une famille israëlienne. Conflits
Les Murs porteurs : h
istoire de famille française, gentil. Si je n'avais pas noté, j'aurais oublié que je l'avais vu.
3 Petites cochons, canadien : s
urvendu par un critique-radio., mais c'est pas mal, 3 frères, leur mère dans le coma, l'évocation des diverses facettes du désir, couple, sexualité. Bien vu, rien de bouleversant.
Gomorra, italien, .... : l
ugubre, sordide, excellent (reportage ?) sur la gangrène mafieuse, qui s'attaque à tout : trafics, jeu, femmes, déchets, couture... Rien de glamour, rien de sexy, rien que la vision d'une humanité de la zone, "obligée" d'entrer dans un quelconque rouage de la "famille".
La Princesse du Nebraska, Wayne Wang :
Euh... ça a failli être très bien, la peinture d'une jeune fille chinoise et passive, lente et moderne, au moi mal dégrossi, qui se pose la question cruciale : comment vivre ? en américaine ou en chinoise ? en mère ? en pute ?en vendant son bb ? en homo ? en étudiante ? L'auteur abuse des gros plans et des effets de caméra attardés dans des angles improbables ; aperçu de divers types de Chinois en Amérique. Elle a surtout l'air très seule, et n'est (r)attachée à rien.
Le Silence de Lorna, les frères Dardenne : s
ombre histoire, comme d’hab avec les Dardenne. Ce qui est bien, c’est la manière de faire passer le spectateur d’un regard extérieur posé sur cette fille, Lorna, et sa manière d’être avec le monde (son mari, son « agent » albanais, son fiancé albanais, loin aussi, etc) à un regard intérieur : comment elle intègre une autre dimension d’elle-même et de l’autre. C’est simultané ; qd elle voit l’autre, elle commence à se voir et à agir, plutôt que d’être agie par les hommes (les « virils »). C’est prenant et poignant.
La Cité des jarres, islandais : p
ourquoi faut-il aller voir La cité des jarres ? Parce qu'il y a les ingrédients d'un polar, avec meurtre et enquête, parce que sur un vieux fond de méchants, de flics véreux et de sales types qui exercent un sale pouvoir sur ce qu'il y a de plus faible qu'eux, le contexte est déroutant - qui connaît l'Islande, ses villes, ses banlieues, à vrai dire, tout a l'air d'être une banlieue, et pire encore, un non lieu - parce qu'il y a des flics, des bagnoles de flics, des accélérations, des enlisements et des temps neutres, bizarres, parce qu'il y a des poursuites qui ne ressemblent à rien de connu, comme cette poursuite sur une sorte de lande/dune battue au loin par le ressac, parce qu'il y a des humains trop humains, et d'autres qui sont franchement des ordures, parce que c'est pas beau et que rien n'est fait pour dorer la pilule, ce serait plutôt le contraire, parce que sous des dehors franchement ordinaires, c'est une peinture assez crade de la fatalité et du tragique de l'existence qui vous joue des tours de sagouin.
De l'Influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, Paul Newmann :
bien, très bien, personnage de la mère médiocre, des deux filles, intéressant humain et sociologique; poignant, tant de bêtise égoïste et veule chez la mère.
Mamma Mia : sympathique.
Mensonges d'état, Ridley Scott : de l'action et de vilains islamistes.
There will be blood, Paul Thomas Anderson : f
ilm fascinant et génial sur un prospecteur de pétrole (Daniel-Day Lewis) qui rafle toutes les concessions locales et devient le plus puissant. Confrontation avec le prédicateur.