vendredi 30 décembre 2022

Godland

Hlynur Pálmason. Que c'est âpre et sauvage, que ce pasteur est inadapté et inapproprié dans cette nature puissante, inhumaine, étrangère à la petitesse de l'homme. Pour s'y risquer, il faut suivre et écouter ceux qui savent. Mais il est bien décidé, le petit pasteur, bardé de certitude et de matériel photo, bien décidé à prendre possession des paysages et des âmes, habité par Dieu ? par sa mission ? aveuglé par son orgueil, sa prétention à être plus fort que l'adversité, la nature et ces bouseux islandais... Et il finit par y arriver, à sa mission, sans même savoir comment, uniquement grâce à ses guides qui l'ont sauvé. Il a beau prendre des photos, il n'écoute pas et il ne voit pas, il ne sait pas, il ne sent pas où est sa place. Tout le dépasse : ces rudes islandais sont dans leur élément, pas lui, les chevaux, les poules, les villageois, tout est à sa place, pas lui, le petit pasteur qui vacille de désir pendant que l'église se construit et dont on se demande ce qu'il en est de sa foi. Le père des filles le sent ou le sait, Ragnar le taiseux le sent ou le sait aussi, tandis que l'hostilité latente entre Lucas le pasteur et le rugueux Ragnar cristallise peu à peu et finit par éclater pour une histoire de photo, justement, quand Lucas refuse avec une arrogance et une violence inouïes de prendre en photo ce bouseux... Lutte des classes sournoise entre le colon danois, maître à penser et à prier et le paysan-pêcheur islandais qui n'a pour maître que la nature et la puissance des éléments. Et le petit pasteur perd les pédales, de même qu'on se demande s'il n'a pas aussi perdu la foi. Ce beau film quasiment muet, spectaculaire et sauvage est sombrement, âprement beau et contemplatif ? (un peu long, 2h28 !) même si la somptueuse nature islandaise le mérite, même si elle crève l'écran 

Ecran large : https://www.ecranlarge.com/films/critique/1460343-godland-critique-a-couper-le-souffle

et aussi : http://www.lebleudumiroir.fr/critique-godland-film/

PS : le film doit avoir encore plus de saveur pour ceux qui parlent le danois et l'islandais, puisqu'il semble y avoir tout un débat sur la langue dominante et les interférences entre les locuteurs des deux langues. Cf le double titre en danois et en islandais : Vanskabte Land - Volaða Land<=> pays déformé/malformé. Apparemment, pas de dieu dans le titre original.

Films fin 2022

L'Ombre de Goya : très beau documentaire sur Goya, par Jean-Claude Carrière

Babi Yar, contexte : la shoah par balles (Ukraine/Kiev) https://fr.wikipedia.org/wiki/Babi_Yar._Contexte

EO /Hi-Han : polono-italien réalisé par Jerzy Skolimowski. L'horrifique histoire d'un petit âne qui regarde le monde à hauteur d'âne et navigue de misère en maltraitance au gré du destin que lui réservent les humains. C'est beau et poignant, la vision atroce du monde où nous vivons (deshumanisation, exploitation animale, violence, cruauté, mondialisation...) sans être jamais donneur de leçon. C'est juste le regard innocent d'un âne sur le monde qu'il traverse

Les Bonnes étoiles, Hirokazu Kore-eda : ou comment réaliser un aimable film sur l'abandon et le trafic d'enfant. Une ravissante prostituée abandonne son bébé tandis que la police enquête pour mettre la main sur une bande de trafiquants d'enfants. Mais la charmante prostituée n'arrive pas vraiment à se séparer de l'enfant, les trafiquants sont affectueux et sympathiques et au gré des péripéties, tout ce monde en viendrait à former une famille recomposée d'excellente facture... C'est un film charmant et plein d'humanité qui interroge sur le lien familial.

Corsage, Marie Kreutzer : quand Sissi n'est plus Romy (Schneider), mais Vicky (Krieps), le voile niaiseux est levé, on rencontre une femme prisonnière du carcan de la cour et du fameux corset dans lequel les femmes sanglent leurs corps et leurs aspirations. Vicky Krieps est impériale dans ce job de femme contrainte et dépressive. Mais on voit surtout, beaucoup, une femme enfermée en elle-même. Derrière les contraintes qui l'étouffent et la brident, on ne voit pas grand chose de sa personnalité. On voit une femme qui souffre, étouffe, déprime mais rien d'autre que l'envie de fuir, s'enfuir, disparaître. Donc, le film laisse vaguement désappointé.

Vivre, Oliver Hermanus : l'acteur Bill Nighy est Mr Williams, ce qui donne la moitié de sa saveur au film, l'autre moitié vient des décors, lumières, reconstitution historique de l'ambiance britannique et londonienne des années 50. Après... c'est un peu mince même si c'est très élégant, ce vieux monsieur qui s'aperçoit qu'il a mené une vie de m... engoncé dans la pire routine d'une bureaucratie administrative. Mr Wakeling, nouveau venu dans l'administration, ainsi qu'une charmante jeune femme qui ne va pas faire de vieux os dans cet univers mortifère sont témoins ou confidents de l'étrange métamorphose de Mr Williams. Tout est juste, délicat, subtil, raffiné, mais...

L'Innocent, Louis Garrel : divertissement (maman va épouser le repris de justice qu'elle visitait en prison. Le fils va s'en mêler etc.)

Le Parfum vert, Nicolas Pariser (avec Sandrine Kiberlain, Vincent Lacoste...) Plein de références (notamment à Tintin) et de rebondissements, mais l'ensemble reste inodore et sans saveur. Sitôt vu, sitôt oublié


vendredi 16 décembre 2022

Walter Sickert







 

1860-1942   :  https://www.petitpalais.paris.fr/expositions/walter-sickert


Découverte d'un peintre déroutant, démarrage laborieux avec quelques toiles ennuyeuses à mon goût, mais l'expo devient vite captivante avec de belles toiles à l'ambiance intriguante. Notamment sa manière de décrire les scènes de théâtre et de music hall, et de regarder ça (acteurs ou spectateurs) sous un angle improbable. Et pas qu'au théâtre : cette femme dans l'encoignure de l'armoire, ce type assis en train de jauger une femme debout, ce quai de metro à Londres, L'Hôtel Royal de Dieppe... Le regard est décalé, l'ambiance est à la distance, au vide et à la solitude