jeudi 28 septembre 2023

L’Arbre aux papillons d’or


Pham Thien An. Film d’une étrange beauté sur la quête d’un homme, Thien, qui se trouve (ou se perd) au cours de son périple dans un Vietnam rural. Au début du film, une conversation de café entre Thien et deux copains nous met la puce à l’oreille : l’un des garçons s’est délesté de tous se biens matériels pour aller mener une vie différente, dépouillée. Indice qu’il existe une autre vie à côté de la vie matérielle.
Survient l’accident de moto : le petit garçon survivant est le neveu de Thien. C’est l’événement déclencheur : la quête du frère disparu (le père de l’enfant a abandonné sa famille) devient quête de soi, du sens de sa vie, de son âme… La ville s’efface, Thien, chrétien (mais pas que ?) remonte aux sources au fin fond d’un Vietnam rural, pluvieux, brumeux, boueux, insondable.
Le réalisateur réussit à donner densité, épaisseur et texture à des scènes extrêmement simples qui du coup prennent relief et beauté. Les funérailles villageoises crèvent l’écran, comme un rituel magique de passage d’un monde à l’autre, mais il y a aussi l’école des sœurs, et la discussion sur le seuil de l’orphelinat, le scooter sur la route, d’étranges rencontres avec des coqs, un artisan fabricant de linceuls (Monsieur Luu), une mémé qui parle de l’âme et de la puanteur de la terre, un vieux soldats qui a fait la guerre, encore la route, la route, la difficultueuse progression d’une mobylette en panne sur des routes détrempées, le lent défilement des cahuttes d’un village à l’autre, la nature insondable, d’autres villages dans la brume, des montagnes et des forêts, des buffles, encore la nature puissamment présente, dans sa densité ineffractable (?) Et cette étrange scène d’amour vécue, rêvée ou mémorisée entre Thien et son amoureuse dans cette étrange carcasse de maison de chantier (en ruines ou en construction ?), un histoire frappée du même sceau d’inaccomplissement et d’inaboutissement.
Ce périple dans des paysages de brume, de masures et de forêt a une tonalité étrange et rend le spectateur captif de l’étrange temporalité du film. C’est lent, c'est contemplatif, c’est pas à pas, une succession de fins de non recevoir comme des non-lieux, quelque chose qui se dérobe sans cesse. Thien va d’échec en échec, là où il arrive, il n’a pas lieu d’être, ce n’est jamais là qu’est son frère. Il (le scooter ) s’enlise et dérape sur des fausses pistes, se perd au fin fond de nulle part, toujours le non-lieu, la fin de non-recevoir. Jusqu’à l’étrange scène finale, entre abandon, renoncement ou purification.
(Le titre original « Inside the yellow cocoon shell » est sans doute plus adapté que le titre français.)