samedi 25 janvier 2014

La Danza de la realidad


L'enfance rugueuse de Jodorowski à Tocopilla, un patelin âpre du bout du monde. La narration est étonnante, violente et crue ou cruelle, mélange hyperréaliste et onirique, les sardines sur la plage, les oiseaux et les villageois qui se les disputent, l'enfant qui doit prouver à son père qu'il est dur au mal pour être un homme et mériter son amour, l'improbable boutique "Ukrainia", l'incroyable procession des lépreux, les chaussures rouges, le petit cireur, le petit Juif à la plage, le militantisme du père, la mère, puissante et soumise, fleuve d'amour, le cabaret, les pompiers, la guérison du père, le concours de chiens, le cheval Bucéphale, la disgraciée du bidonville, la peur de l'obscurité, l'humanité du menuisier Joseph, les fascistes... Jodorowski nous envoie à la figure le cirque de la vie en une kyrielle de séances hallucinées, puissantes, marquantes, elles éclosent comme des flashes, libèrent un flot d'émotions -amour, peur, douleur, colère- et de couleurs et s'évanouissent comme dans un rêve. Magnifique.

jeudi 23 janvier 2014

Re : Walden (La Colline)

Je n'ai pas du tout aimé cette mise en scène qui passe son temps à découper le texte, le hachurer, le répéter, proposer des petits bouts, des redites, des doutes, des hésitations, des corrections, des variantes de traduction. C'est insupportable. Re.Re.Re. Renvois. Redondance. Non content de s'attaquer au seul texte, il joue la multiplication, le redoublement du même en affichant du texte sur le mur du fond, en transformant des bouts de phrases en silhouettes d'arbres, en forêt, qui là encore se répètent et se multiplient (ce qui est une belle idée scénique mais devient un truc fastidieux).
Le système n'en finit pas de se ré-péter, rend le spectacle fastidieux, interminable, absurde (à la fin il "répète" aussi les acteurs (?) en introduisant des images de personnages sur le mur du fond. Ça a sûrement un sens, dans le monde du virtuel, mais bof. Il a même illustré la pêche aux mots, littéralement et à la lettre (re-dondance) avec un comédien armé d'une canne à pêche faisant surgir des lignes de mots, toujours sur ce fameux mur du fond.
Jean-François Peyret empêche de goûter ce texte, et arrive même à en dégoûter. Il a désincarné un texte qui promettait d'être beau, l'a dénaturé et rendu insipide : l'expérience de la nature vécue en solitaire par Thoreau au bord de l’étang de Walden, Massachusetts, s'est transformée en ânonnements arides démultipliés par la technologie.
Et la musique ? Le musicien se démène d'un bout à l'autre du spectacle avec ses deux pianos dont il extrait... Disons que c'est pas mal. Mais on s'en remet. Disons que ça meuble un vide relatif (même s'il est rempli de mots). Bref, le spectacle ne tient pas ses promesses. Parce que si on lit :
 http://blogs.rue89.nouvelobs.com/balagan/2014/01/20/re-walden-jean-francois-peyret-bricole-du-cote-de-thoreau-en-re-veut-230765
on a quand même l'impression que c'est beaucoup mieux.

mercredi 15 janvier 2014

Philomena

Stephen Frears
Une britannique âgée part à la recherche du fils qu'elle a eu à 16 ans, fille mère chez les bonnes sœurs en Irlande. Tout ce qu'elle sait, c'est que l'enfant a été adopté par des Américains. Un journaliste sur la touche, flairant un bon papier, l'aide dans son enquête. Il y a le côté captivant de l'enquête, et la justesse des personnages de milieux sociaux complètement étrangers, qui coexistent et s'apprivoisent le temps que dure l'enquête. Emotion et pudeur. Film délicieux, juste, touchant, et même drôle (finesse des personnages, humour britannique).

The Lunchbox, et +


The Lunchbox Ritesh Batra.
A Bombay, le service de livraison du lunchbox fait une erreur. Le repas cuisiné avec amour pour reconquérir le mari est livré à un autre salarié. Le bonhomme, veuf, proche de la retraite et plutôt sinistre, est délicieusement surpris. Une effraction dans sa carapace de sinistrose. Une relation épistolaire via les aller-retour du lunchbox  s'établit jour après jour entre l'épouse et le faux destinataire, vraie rencontre de la solitude  de la femme au foyer et celle du salarié. Belle histoire, triste avec légèreté.

A Touch of Sin, Jia Zhang Ke
4 séquences de la vie pourrie des pauvres et laissés pour compte, les artisans du "miracle" chinois. 4 exemples des ravages du matérialisme/capitalisme. Marche ou crève. De plein fouet. Déprimant.

Tel Père, tel fils  Hirokazu Koreeda
Deux familles de milieux sociaux différents découvrent que leurs fils (5 ou 6 ans) ont été échangés à la naissance. Questions de filiation, transmission, paternité : touchant, bien vu, sans pathos, sans excès mais pas sans émotion. Les enfants sont très bien filmés.

Yves Saint Laurent, Jalil Lespert.
Brillant et creux, les clichés qu'on imagine à peu près (la vie l'amour la mode) sur une star de la couture très mal dans sa peau. Mais rien sur l'épaisseur du personnage, ni celle des autres (ceux qui gravitent dans la sphère de la star et le parfum de l'argent : alcool-sexe-dope), sous l'oeil de Bergé, moteur, protecteur... dont le personnage est dépeint avec une certaine complaisance.

Casse-tête chinois, Cédric Klapisch. Sympathique, l'air du temps, suite

Les Garçons et Guillaume, à table, Guillaume Gallienne.
Drôle et intelligent, la vie d'un garçon qui se sent fille (dans sa famille, à l'école, dans le monde). Performance de l'acteur, fantaisie, drôlerie des séquences.

L'Amour est un crime parfait Jean-Marie et Arnaud Larrieu
Une jeune étudiante disparaît. Amalric prend son air sournois et mutique, Karine Viard sert à rien, Darroussin à pas grand chose, Maïwenn toujours craquante, et les étudiantes sont des chaudasses. Tout ça pour dire que les personnages autour d'Amalric et Maïwenn sont esquissés dans un film ambitieux plein de sous-entendus. Mais c'est un peu mollasson, manque de densité et de concentration, d'épaisseur, peut-être. La Suisse joue très bien : les espaces, le chalet, le lac, l'université sont sublimes.  

9 mois ferme, Albert Dupontel. La juge d'instruction coincée et le cambrioleur globophage. Qui est le père ? Qui est l'assassin ? Bof, bon film du dimanche soir. Je croyais que ce serait plus fin.

Le Loup de Wall Street. Martin Scorcese
Ou comment faire fortune en inventant le Wall Street des ploucs et des pauvres : fortune virtuelle à la portée de tous, et  commissions monstrueuses aux vendeurs (brokers). Gros fric, grosse frime, grosse bagnole, grosse villa, grosses putes, gros fun, grosse défonce. Tout est gros dans ce film, qui n'en est que plus drôle. A un rythme soutenu. Quelques morceaux d'anthologie dans les séances de motivation des troupes /animation des ventes, les séances de défonce et d'orgie de fric, de sexe et de dope, et le rappel des valeurs fondatrices de l'Amérique : n'importe qui peut devenir riche s'il "try harder", car si les pauvres sont pauvres, c'est qu'ils le veulent bien.



mercredi 8 janvier 2014

Le Crocodile trompeur - Didon et Enée

Mise en scène Samuel Achache et Jeanne Candel. Bouffes du Nord.
Ce qu'il y a de trompeur dans le Crocodile trompeur, c'est le titre qui le dit : c'est trompeur, et pas si bien que le dit la critique (mais pas si mal non plus). Une bande d'acteurs musiciens, plutôt bons et efficaces, nous embarque sur un rythme soutenu dans une série de gags potaches et sympathiques, intercalés avec l'histoire / l'opéra de Purcell : ils jouent et chantent (bien).
Bcp de gags sont fondés sur le décalage de langue : anglais = traduction en français, c'est un peu trop systématique, c'est drôle au début, facile à la fin.
Plusieurs séquences sont trop longues (le monologue sur l'harmonie céleste etc du début, la scène des chirurgiens en train d'explorer un corps, un gag en soi, qui fonctionnerait très bien isolé du spectacle, on se demande ce qui leur a pris d'intercaler ça, on s'en passerait très bien) La scène "destroy" sur le plateau destroy : ils enchaînent les gags visuels (les machines/ mobiles qui se mettent en marche, la chute de plâtre/neige du plafond, l'interminable gag des skis, le gag du "dear deer"et divers gags plus ou moins bons, mais là encore, l'effet de système pèse. C'est trop long et pas très drôle (sauf qd le skieur finit en chef d'orchestre). L'histoire de Didon reprend son cours, à nouveau, avec l'orchestre. La scène d'amour Didon-Enée est bien.
 Enée s'en va : c'est là qu'intervient le couplet sur les hypocrites et les larmes des crocodile trompeurs (Enée se réfugie derrière la volonté divine pour justifier qu'il se tire après avoir séduit Didon).
Belle mort de Didon. Elle est très belle, chante très bien (ils chantent tous bien, pour le peu que j'en sache).
Il me semble qu'ils auraient pu épurer ça, se séparer de quelques gags, ça aurait gagné à être resserré, densifié. Finalement, ça m'a plutôt donné envie de voir, ou plutôt d'écouter, la version "normale" de Didon et Enée.