dimanche 25 septembre 2022

Palilula, Silviu Purcărete

Le film le plus inspiré, original, foutraque, corrosif, désenchanté, loufoque que j’ai vu depuis longtemps. Il règne une ambiance plus que bizarre dans ce patelin du fin fond de nulle part, où tout est déglingué, cassé, amoral et amoché, où règne un mélange d’anarchie et de bureaucratie dégénérée, mêlé de légendes populaires et rurales avec grenouilles, sorcières et vipères, peuplé de personnages étranges, bizarres ou tarés, où le temps n’a plus lieu d’être et où le réalisateur orchestre des banquets rabelaisiens, des festivités saugrenues, d’étranges bacchanales, le tout férocement arrosé. "E pur si muove" parce qu'il se passe plein de choses dans cette chronique improbable de l'improbable Palilula et "la nave va" parce qu’évidemment on pense à Fellini, un Fellini valaque revisité par la déliquescence d’une société en décomposition. Les séquences bizarres, délirantes, oniriques sont magistralement mises en scène dans une lumière crépusculaire, c’est au-delà du normal, une société décadente, oubliée, immorale, alcoolique, fêtarde et paillarde.
C’est hénaurme, grandiose et drolatique, atroce, caustique et magnifique avec une galerie de personnages extravagants, impossibles, mais curieusement réalistes dans leur irréalité. Silviu Purcărete est un génie. Mais son film a été mal accueilli à sa sortie (2012) et il n'en a pas fait d'autre !!!

vendredi 23 septembre 2022

Gérard Garouste


Ce peintre, que je ne connaissais pas, et qu’on ne peut appréhender que par le biais d’une exposition telle que celle du Centre Pompidou, est déroutant et difficile à approcher. La première impression, celle des premières salles est désastreuse (et primaire ?). Je déteste cette peinture ; le style de trait, les couleurs, et le fait qu’il faut systématiquement déchiffrer les cartouches pour comprendre.
Peu à peu, ça s’arrange, ou je m’habitue, je m’aperçois que j’ai affaire à un homme habité de visions et de réflexions, qu’il charrie énormément de ces « choses » dans sa tête et qu’il s’en délivre sur ses toiles. Ou ses sculptures. Ça reste (baroque ? Je ne sais pas si le terme est approprié), dense, surchargé de significations, incompréhensible, je deviens curieuse, intriguée, attirée, je commence à trouver ce peintre furieusement intéressant, même si tout ce qu’il peint m’échappe.
Je sors de là avec l’intention d'en savoir plus (notamment j'achète L'Intranquille, une autobiographie avec Judith Perrignon), de farfouiller sur internet et de revenir (essayer une visite guidée, notamment).




vendredi 9 septembre 2022

Rodeo

Lola Quivoron. C'est bizarre de passer 1 heure 1/2 avec des gens qu'on ne connaît qu'à travers la rubrique faits divers. On les côtoie donc, dans des banlieues genre zone, c'est déprimant de pauvreté urbaine, sociale et affective. Julie est une jeune femme (Julie Ledru) jolie, rude, rugueuse, seule et voyou (voyelle ?), en rupture de famille - si on peut appeler ça une famille- et en rupture de boulot. Elle ne vibre qu'avec une moto entre les jambes. Elle se connecte sur un circuit de rodéo avec des jeunes comme elle (et qui font d'incroyables acrobaties avec leurs engins). Cette bande/gang de fous de moto vit en circuit fermé de petits vols, trafics avec au centre de leur vie, la moto et les rodéos. C'est complètement déprimant de côtoyer ces jeunes gens rudes, brutaux, misogynes (mais la fille a des couilles) dont l'existence est dénuée de bienveillance, au langage minimaliste, aux émotions primaires, à l'horizon borné. L'humanité chez eux, quand il y en a, est super timide, hésite à faire surface, ose à peine se faire jour, se rétracte à la moindre alerte. Comme les antennes d'un escargot. On a l'impression qu'ils tournent en rond dans un circuit minuscule, sans avenir (sauf la prison éventuellement) et sans issue. Mais c'est trop long, on s'ennuie avec eux, quelques coupes auraient été bienvenues pour densifier le propos.



mercredi 7 septembre 2022

Vesper chronicles

 Kristina Buozyte et Bruno Samper. Un univers dévasté et à peu près stérile, une adolescente férue de biologie, qui vit dans une cabane pourrie avec son père grabataire, ses recherches perso pour dé-stériliser les graines à usage unique, ses démêlés avec son oncle, une ordure, les jugs, personnages artificiels qui servent d'esclaves, un accident d'astronef... C'est un univers bien campé, une histoire brute et simple de survie, avec une relative simplicité / économie des moyens (pas de surenchère d'effets spéciaux et de technologie) donc une tonalité originale pour décrire les péripéties de la lutte entre le bien et le mal. Bonne surprise là où l'on pouvait craindre une avalanche de clichés.

mardi 6 septembre 2022

Avec amour et acharnement

 Attention, je raconte tout le film : c'est tellement inutile d'aller le voir !

Un gigantesque cliché : c’est un couple qui s’aime, Sarah et Jean, ils le prouvent abondamment et complaisamment dans de dégoulinantes et sirupeuses léchouilles dans un lagon (ils remettront ça dans leur lit à coups de « je t’aime je t’aime » dans leur super appart tendance avec terrasse sur les toits de Paris dans le 9ème. So chic. Elle est journaliste à RFI (et nous inflige ses itw : une sur le Liban, une autre sur le racisme… histoire d’ânonner quelques lieux communs sur les deux sujets.) Ils se retrouvent (encore), ils s'aiment (c'est surtout elle qui le répète), ils s'embrassent, ils sont plein de tendresse, il est chômeur, il fait ses courses à Vitry dans sa vieille Mercédès bien-aimée, mais il va s’en sortir. Voilà pour l’exposé, ça prend un temps fou et c’est un enchaînement de banalités. 

Il va s’en sortir parce que son vieux pote François l’embarque dans un business, mais patatras, le vieux pote est aussi l’ex de madame, et boum, après 10 ans d’absence, le petit cœur de madame se remet à palpiter, à peine l’a-t-elle entrevu au coin d’une rue. Irrésistible attirance, façon papillon qui veut se brûler les ailes. Ça monte ça monte, elle aime son Lindon, dit-elle, mais elle aime aussi l’ex (apparemment égoïste ou salaud à l’époque et sans doute encore maintenant). Entretemps on a vu Lindon à Vitry, chez sa maman (Bulle Ogier) qui élève son petit-fils Marcus (parce que papa a fait de la prison), on s’est tapé quelques scènes où on comprend que c’est pas facile d’être père, ou grand-mère, ni d’être fils (couplet sur l’adolescence d’un métis en banlieue, en butte au racisme latent ou patent, en rupture d’école et en mal de père). Tout ça ne sert absolument à rien. Et c'est tellement convenu. Entretemps, la Binoche palpite de plus en plus mais nie de plus en plus qu’elle trompe son mari et ment éhontément. Les yeux dans les yeux, avec l'accent de la sincérité outragée, elle jure à Lindon qu'il se fait des idées. Mais hélas/heureusement, les sms sont là pour la démasquer...

Je ne sais pas s'il faut conclure que cette femme est une salope/ toutes les femmes sont des salopes, ou que la passion amoureuse est une maladie amorale et dangereuse ou que les bons bougres ne sont pas ceux qu'on aime, ou s'il y a une vague histoire sous-jacente de lutte des classes (le 9ème arrondissement de Sarah la journaliste contre le Vitry du brave Lindon, chômeur et ex-taulard qui de toute façon ne fait pas le poids avec le businessman salaud et à moto)... Mais ça ne devrait pas prendre 1 heure 56 pour déverser cette avalanche de clichés. Même en format normal, 1h30, ça aurait été indigeste. Et en plus, la musique (dont on dit le plus grand bien) souligne les tensions avec une effroyable lourdeur.
La critique du Monde est d’une complaisance incroyable !