jeudi 14 novembre 2013

8 films

Captain Phillips, Paul Greengrass : récit très estomaquant de la prise d'otages du Maersk Alabama par des pirates somaliens. On est soi-même pris en otage.

Gravity Alfonso Cuaron, le grand spectacle de l'espace, suspense légèrement claustrophobant

Inside Llewyn Davis Ethan et Joel Coen : la vie d'un bluesman en galère entre new York et Chicago, pas mal, mais sans éclat

Ma Vie avec Liberace Steven Soderbergh. Un beau jeune homme devient l'amant attitré de la star. Ça va, mais bon, R.A.S

Blue Jasmine Woody Allen: magnifique portrait de la chute d'une femme. Cate Blanchett est extraordinaire (fait penser à Gena Rowlands chez Cassavettes), et tous les personnages sont intéressants. Ou comment une grande bourgeoise aux abois essaie de se refaire une vie (c'est à dire un standing).

Prisoners Denis Villeneuve : (voir des films de ce réalisateur : Un trente deux août sur terre, Maelström, Next Floor, Polytechnique, Incendies!) Dans la banlieue de Boston, deux fillettes de 6 ans, Anna et Joy, ont disparu. Le détective Loki privilégie la thèse du kidnapping suite au témoignage de Keller, le père d’Anna. Le suspect numéro 1 est rapidement arrêté mais est relâché quelques jours plus tard faute de preuve, entrainant la fureur de Keller. Assez haletant

La Vie d'Adèle Abdellatif Kechiche : Interminable, lent, trop de gros plans sur le visage d'Adèle et sa bouche qui ne se ferme jamais. Les scènes entre ados au début sont bien vues. La scène de l'idylle naissante avec balade dans les parcs, pffff... Les scènes avec les parents respectifs sont cliché, caricaturales : petit bourgeois-nouilles bolognaises vs bobos-huîtres. La scène Gay Pride est bidon. Le milieu branché art/peinture d'Emma est tout aussi caricatural et ennuyeux. Normal que cette pauvre quiche d'Adèle se réfugie dans le service de cuisine/ table/ vaisselle. La scène de la rupture est bien vue (mauvaise foi d'Emma). Et les scènes d'Adèle à l'école : on s'en fout, même si c'est ça, la vie d'Adèle (et la marotte de Kechiche, avec le thème de l'enseignant/ transmission etc...)  Quant aux "fameuses" scènes d'amour : trop longues et détaillées. Pourquoi cette effraction dans l'intimité ? Une seule scène aurait suffit, bien raccourcie, mais il y en a trois. C'est à la limite du voyeurisme : comment les filles entre elles font-elles donc ça ? Ramené à 1h30, ce film aurait peut-être été pas mal.

Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas. Luigi Comencini. La délicieuse Laura Antonelli aux prises avec les "mystères de la chair"d'un mariage non consommé, qui deviennent troubles, émois, et enfin appétits de la chair sur fond de peinture sociale : la classe dominante sicilienne, le clergé, la politique, le Poète, sur arrière plan de domesticité et de classe ouvrière, puis de guerre... Une comédie comme on n'en fait plus. A l'époque où elle a été tournée, je l'aurais sans doute trouvée un peu "légère", facile, mais c'est ce qui fait son charme aujourd'hui. Avec du recul, une délicieuse peinture sociale des mœurs bourgeoises au début du 20ème siècle.

lundi 11 novembre 2013

Félix Vallotton (suite)


Captivant, en fait, c'est ça.
Je ne sais pas par où il m'attrape et m'intrigue, c'est un effet à retardement, c'est en cherchant à comprendre, en y revenant sur internet, que l'effet Vallotton devient plus puissant. J'étais arrivée en pensant vaguement à Vuillard ? ou Bonnard ? je suis sortie en pensant vaguement à Hopper (la ligne et les ambiances bizarres), et à Hergé (encore la ligne), et en me demandant comment démêler les impressions de l'expo. (Les vidéos en ligne de la RMN Grand Palais permettent de revoir pas mal de tableaux).
En y retournant, je m'aperçois que j'aime vraiment beaucoup, beaucoup ses paysages. Que les  peintures de la dernière salle sont toujours aussi bizarres. Peu séduisantes. Mais intrigantes. Cruelles (La Haine). Ridicules (L'Enlèvement d'Europe).




Que L'Eglise des Hurlus en ruines a la puissance mystérieuse et nostalgique de ses paysages. Puissant aussi, Le Cimetière militaire de Chalons. Et aussi deux portraits : La Roumaine en robe rouge (1925), et le Retour de la plage (1924) : deux femmes, deux ambiances (rouge et bleu), deux étranges instantanés de leur regard.
 


dimanche 10 novembre 2013

Félix Vallotton au Grand Palais


Ça commence par des portraits d'hommes et de femmes, dans une ambiance classique "à la manière de" (Manet, Ingres ?), et étrange : Thadée Natanson (la fenêtre ouverte à l'arrière plan), Portrait de Mme Vallotton, une terrifiante Gertrude Stein, et aussi un autoportrait (celui de 1897 avec une moustache). Et puis ce que je connaissais vaguement de Vallotton, l'ambiance particulière des scènes d'intérieur, d'appartement vide, de calme domestique, un peu deshabité, comme en suspens (cf une femme en rouge dans une enfilade de pièces bleues). Le sujet est banal, l'angle de vue étonnant, déroutant.
Et la violence de certaines peintures (par le vide de l'image et les couleurs crues ?) : la femme nue recroquevillée sur un fauteuil rouge dans l'angle d'une pièce verte, La Blanche et la Noire : le regard froid, analytique de la noire prolétaire ? sur sa maîtresse ? nue, bourgeoise ? abandonnée, repue ? J'aime aussi la Loge, avec l'énorme balustrade jaune derrière laquelle un H et une F disparaissent, un curieux tableau japonisant avec plein de personnages féminins, dans l'eau et au bord de l'eau, Le Bain au soir d'été (refusé à un salon ?) et la formidable première série de xylographies (sur le thème de l'homme et la femme). Mais le commentaire récurrent sur les difficiles relations de Vallotton et les femmes est trop insistant. Un bel autoportrait à son âge mûr, encore une étonnante ambiance dans la scène du dîner familial (avec toujours ce discours biographique interprétatif désagréable, trop directif).
J'aime particulièrement (la petite fille et) Le Ballon, une extraordinaire bande de plage blanche au bord d'une falaise (La grève blanche),  et aussi, Les Laveuses sur la plage d'Etretat, une vue depuis la colline de Honfleur, une vue de la Seine aux Andelys... Il regarde les choses sous un angle qui les rend étranges, ou intéressantes. 
A nouveau une magnifique série de xylographies (Coup de vent, La Charge, L'Exécution...) Puissant, simple. Captivant. Et toujours sous cet angle particulier.




Le feu d'artifice


Et puis ça se gâte : la série des mythologies est bizarre, glaçante, sauf une surprise ici et là, par exemple Penthée (poursuivi par les Ménades).
Mais si on regarde ses mythologies en pensant ici et là à des influences surréalistes (Persée tuant le dragon : techniquement imparable, mais frisant le comique ?) hum, je n'y connais rien... Pourquoi pas, finalement, à titre de curiosité.



Et puis c'est la guerre : traiter Verdun en feu d'artifice... hum, drôle de distance, drôle de filtre, drôle de lumière. Alors qu'en xylographie :



cf Vallotton et le paysage de Rmngrandpalais 

par Bruno Delarue, auteur du livre "Félix Vallotton, les paysages de l'émotion" 





mardi 5 novembre 2013

Jordaëns au Petit Palais


Des corps, des chairs, des étoffes, des drapés, des ripailles, des trognes, des  fesses, des nichons, des hideux, des lubriques, des débiles, des abrutis, des humains trop humains , et toujours, des chiens, des chats, des dindons, des perroquets, des chevaux, des vaches, des moutons, des dromadaires, des chèvres...

Ses peintures religieuses m'ennuient, sauf la terrible histoire de la sainte martyre (Apolline ?). Ce n'est pas la peinture qui m'attire, c'est l'histoire (sadique) de la martyre.
 Les deux versions d'Adam et Eve sont étranges, à la limite du repoussant. (cf le lien ci-dessous)
Les 4 Evangélistes en vieillards crus sont perturbants de laideur. (lire les commentaires du site ci-dessous)
L'Autoportait avec sa femme, leur fille et une servante, en jette : sublime affichage de prospérité et de respectabilité.
Vers la salle des Proverbes, je retiens, sur la droite, le Connais-toi toi-même (femme au miroir, vieil homme au sablier et l'autre grimaçant), mais je regarde les autres avec une curiosité polie : - le portrait du couple mal assorti (la jeune fille et l'homme âgé), Le Satyre et le paysan (étrange mythe sur qui souffle le chaud et le froid, en 2 versions) et Le Roi boit (too much, en 2 versions également, dont j'apprends qu'il évoque la fête de l'Epiphanie).


http://www.petitpalais.paris.fr/sites/default/files/dp_jordaens_0.pdf
extrait : "Jordaens, comme il le fit à maintes reprises, conféra à la scène ici un accent de vérité abrupte et un caractère spontané en mettant à contribution son entourage familial qui lui fournit un ample répertoire physionomique (l’artiste quant à lui, apparaît vraisemblablement sous les traits du convive qui vomit au premier plan...). Sur le mur du fond, on peut lire dans un cartouche : « In eenvrygelachistgoetgastsyn » c’est-à-dire «Où la boisson est gratuite, il fait bon être invité ». Si Le roi boit se donne à voir comme une scène de fête familiale débridée, ce n’est sans doute pas par hasard que Jordaens a peint la plupart des versions de ce tableau entre 1638 et 1645-50 environ, soit durant une période de conflit et d’instabilité politique. Au XVIIe siècle, on prêtait au microcosme domestique une incidence réelle sur le macrocosme politique ; aussi constituait-il une métaphore commode pour évoquer les affaires de l’État, et plus particulièrement le mauvais gouvernement. En savourant la musique des sphères inférieures, le patriarche menace de déséquilibrer le bien commun tout entier."

La plupart des portraits sont ennuyeux. Conventionnels. Sa femme par exemple. Mais Le Banquet de Cléopâtre, (il a encore pris sa fille pour modèle) est voluptueux et magnifique, et aussi la femme frappée par la flèche de Cupidon, avec son amoureux et une autre femme. Opulence des chairs, des étoffes, des matières.
Et toujours et partout, des vaches et des chevaux sublimes. Et le travail de cartonniste (?) pour les tapisseries.

Dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas : Foie gras

Noël se faisant menaçant, voici sujet à méditer :

(extrait du Dictionnaire de cuisine d'A.Dumas)
"On sait que le foie gras de Strasbourg est réputé fournir le roi des pâtés. L'opération par laquelle on obtient les foies gras consiste principalement à engraisser les oies de manière à produire chez eux une tuméfaction de cet organe. Le foie d'une oie soumise au traitement que leur font subir les engraisseurs de Strasbourg arrive à être jusqu'à dix ou douze fois plus gros que nature. Pour en arriver là, on soumet ces animaux à des tourments inouïs, qui n'ont pas même été déployés sur les premiers chrétiens : on leur cloue les pattes sur des planches pour que l'agitation ne nuise pas à l'obésité; on leur crève les yeux pour que la vue du monde extérieur ne vienne les distraire; on les bourre avec des noix sans jamais leur donner à boire, quels que soient les cris de souffrance que leur arrache la soif.
Aussi le comte de Courchamps, auteur des Mémoires de Mme de Créquy, et l'un des gourmands les plus érudits du commencement de ce siècle, faisant taire les appétences de son estomac sous les cris de sa conscience, présenta, au nom des oies de Strasbourg, une pétition à la chambre des pairs.
Voici textuellement cette pétition qui, si juste qu'elle pût être, ne fut, comme il en arrive d'habitude des pétitions justes, suivie d'aucun résultat:
"Nobles pairs,
Au mépris des lois de la nature, adoptées par les deux chambres et garanties par le code de l'humanité, les Strasbourgeois s'appliquent à nous faire grossir
monstrueusement un viscère composé de deux lobes inertes. C'est aux dépens du coeur, que nous avons sensible, de l'estomac, que l'injustice révolte, du poumon, qui nous est essentiel, de la rate, qui ne peut s'épanouir; enfin, c'est au détriment de l'honneur national que la cruauté compromet. Hélas! qu'avons-nous fait, malheureux oiseaux? on nous aveugle, on nous étouffe, on nous torture. Que diriez-vous, nobles pairs, si l'on vous mangeait, si l'on vous coupait ces ailes avec lesquelles vous vous envolez si haut, si l'on vous attachait sur les planches et qu'on vous y clouât les pattes; enfin si l'on vous arrachait les yeux pour s'attaquer ensuite à votre foie,comme le vautour de Prométhée?
..."