samedi 27 mars 2010

Vincere

Marco Bellocchio : l'histoire d'amour entre Ida Dalser et Benito Mussolini à ses débuts est esquissée au début du film. Ils ont un fils, puis il la laisse tomber. L'histoire serait banale si ce n'étaient Ida (probablement mythomane, voire paranoïaque) et Benito (dictateur en phase ascendante). Le film est magnifique, construit en interférences entre l'ascension du dictateur et la négation de cette femme que les instances supérieures (politico-psychiatrico-judiciaire) s'entendent à effacer. La mise en perspective de l'histoire officielle  - les actualités et les films d'époque - et de l'histoire tragique de Ida rend la chute d'autant plus vertigineuse.  Plus elle tombe dans le vide, plus son obsession de reconnaissance grandit, plus elle s'acharne à combler ce vide, restaurer la vérité, faire entendre ses revendications d'épouse et mère du fils aîné du Duce. Qu'y a-t-il de tellement beau dans ce film ? Les images ? Cette impression d'urgence et de fatalité. C'est un film intense, tendu qui parle du désespoir, de l'impuissance et de l'enfermement et pose un regard acerbe sur les institutions en général, (psychiatrie, congrégations). La trajectoire du fils aussi, en filigrane, est poignante.

mardi 23 mars 2010

India Song

Le salon et le jardin de l’ambassade de France à Calcutta sont un lieu improbable, une fantaisie durassienne, devenue plausible quand elle est bercée par la valse d’Anne-Marie Stretter, tellement plausibles dans cette ambiance d’éternité diluée à la lueur de l’aube, visitée par un fantôme de femme ou de folle ; le lent balancement de cette valse se berce de la nostalgie des amours mortes et des illusions perdues (? En vrai, je ne me rappelle plus, je crois qu’il n’y a pas vraiment de sujet, à part l'énergie lente du désespoir et cette valse lancinante, flux évocateur d'images improbables ou perdues, d'où s'échappe quelque chose de poignant (ou de fatal ?)
C'était l'époque où l'on aimait Marguerite Duras. Aujourd'hui, je ne sais pas si je pourrais, mais à l'époque, elle était bienvenue, je suppose qu'elle offrait un contrepoint évanescent à un trop plein de structuralisme et de pensée dialectique. Ses intuitions, ses approximations, un certain flou troué de trouvailles fulgurantes (?) faisait pas mal d'effet dans le paysage destructuré, lui aussi, comme la mode, comme le reste.

Passe-muraille



Une aimable dame du quartier m'a expliqué que le visage était de Marcel Aymé, les mains de Jean Cocteau, la sculpture de Jean Marais.

mardi 16 mars 2010

Sublime Tetro


Tetro, de Francis Ford Coppola : intense et virtuose. Ça commence la nuit, en noir et blanc, un jeune marin descend du bus et marche dans Buenos Aires. Il est en escale et cherche son frère. Dès les premières images, c'est scotchant de beauté. Après, l'intrigue progresse comme elle veut, mais la force, ce sont ces tranches de cinéma ; comme une symphonie de morceaux 100% cinéma. Les visages des acteurs, les mouvements, les péripéties, les inclusions de scènes de ballet ou de théâtre, la figure et la peinture du père (Klaus Maria Brandauer)...
(Bennie = Alden Ehrenreich), Angie-Tetro (Vincent Gallo), Miranda (Maribel Verdu)
Et ça, c'est de Pascal Mérigeau (Le Nouvel Observateur) : "Noir et blanc. ..., c'est le cinéma non comme qu'il est tenu, paraît-il, d'être désormais, mais le cinéma comme on aimerait qu'il puisse être encore... beau à tomber... Et alors, sur l'écran, tout advient, tout explose. «Tetro» est le film d'un cinéaste qui a tout vécu, tout connu, tout gagné, tout perdu, l'oeuvre d'un homme qui n'a rien à prouver, qui n'a plus à s'excuser de rien. Film d'une liberté absolue, film de maître.... se laisser envahir par «Tetro» ...entendre ce coup de tonnerre qu'est toujours un film majeur..."

C'est qui, Jean Ferrat ?

C'est curieux qu'il soit mort en même temps que le record d'abstention aux régionales. En mourant, il enterre une époque d'avant le monde en miettes, une époque qui avait un semblant de cohésion, où on arrivait encore à penser à la politique sans y voir des discours frelatés. En mourant, il enterre un vieux souvenir de l'époque où camarade n'était pas un gros mot, où on avait envie de croire à l'avènement de la solidarité et de la fraternité. Il enterre une époque où les poètes parlaient simple et vous touchaient droit au cœur, l'époque de Brel et de Brassens, où ce qu'ils disaient avait encore un sens. Aujourd'hui, tout le monde s'est assis sur ses rêves et tout le monde marche ou crève. Le petit Besancenot s'égosille dans son coin, ça ne fait pas envie et ça ne sonne pas vrai. J'aimais bien Jean Ferrat, pas parce qu'il sympathisait avec les communistes, d'ailleurs, on sentait bien qu'à l'arrière plan, l'élan des camarades avait tourné en monstruosité totalitaire, et ce n'était pas ça qu'on voulait. Je l'aimais bien, même quand il était un peu ringard avec son indéfectible chaleur humaine, parce qu'il touchait une fibre de sensibilité aux hommes, à la nature, à des sentiments justes et vrais. Je l'aimais bien parce qu'il faisait vibrer ces valeurs "ringardes" et leur donnait le sens d'un homme généreux et debout. Mais un jeune (19 ans) m'a demandé : "C'est qui, Jean Ferrat ?"

Cherry blossoms, et +


Cherry Blossoms,
Doris Dörrie (à la télé sur Arte) : un couple proche de la retraite, leurs enfants (grands), des vies ordinaires, l'amour conjugal et familial, la banale complexité des rapports avec les enfants, la solitude, le mystère de l'autre, de la perte, de l'absence, la quête de l'autre jusqu'au Japon, la danse de Buto, la jeune fille japonaise. Ça n'a l'air de rien, mais c'est subtil, profond, ça vous prend en douceur et ça ne vous lâche plus.


Anvil : Ces "bad boys" qui secouent furieusement la tête et leurs crinières en faisant le signe de Satan sur des rythmes assourdissants et frénétiques sont donc de bien braves gars. Je n'ai jamais aimé le Metal, mais me voilà charmée par cette très humaine histoire d'amour de la musique et d'amitié, et cette déroutante faculté qu'ils ont de continuer à rêver plus de 20 ans après.

Invictus, Clint Eastwood : sympathique

Nord (norvégien) improbable dérive en scooter des neiges d'un ex-skieur dépressif, des rencontres improbables (d'autres solitudes, d'autres mal-être). Une certaine dérision. On se laisse prendre