jeudi 17 mars 2016

Un Eté chez grand-père

Hou Hsiao Hsien. Ce n'est que la chronique des vacances d'été de deux enfants, le frère (11-12 ans) et sa petite sœur (5-6 ans), pendant que leur mère reste hospitalisée à Taipei. Mais Hou Hsiao Hsien capte magnifiquement la densité et la diversité de leurs impressions de vacances : le voyage en train avec l'oncle écervelé, l'étrangeté de l'arrivée à la petite gare, la rencontre avec les enfants du village, l'amitié scellée par un échange de tortues... Il y a le monde du dedans : l'univers ordonné de la grande maison, où le grand père médecin reçoit les malades. Une maison apaisante, faite pour le calme, la lecture et les jeux solitaires, ou écrire aux parents. Et le monde du dehors : une vie de copains et de jeux, de baignades à la rivière et d'expéditions enfantines, qui laisse entrevoir, à la lisière, les désordre du monde : la scène de l'oiseleur, les apparitions de la simple d'esprit, les deux délinquants, les frasques de l'oncle... L'aîné devine une autre dimension de la vie, étrange, intrigante, déréglée, en rupture avec le monde du grand-père et de l'ordre ancien. Et la petite sœur est incroyablement attachante, tellement curieuse, déterminée, et libre, du haut de ses 5 ans, de désobéir, de se venger des garçons qui ne veulent pas d'elle dans leurs jeux, de vouloir sauver un oiseau mort, bref, de regarder le monde comme il se présente (et pas selon les a-priori des grands).
Hou Hsiaoh Hsien les rend particulièrement intéressants et attachants, chacun avec sa sensibilité et selon son âge. Le miracle, c'est de montrer comment les informations du monde se déposent sur leurs rétines et au fond de leur cœur tout neuf, et de faire sentir avec quelle intensité les deux enfants découvrent, enregistrent, expérimentent et ressentent les péripéties et observations de leurs vacances, avec ce mélange de lucidité et d'innocence propre à l'enfance. 

mercredi 16 mars 2016

Les Garçons de Fengkuei

Hou Hsiao Hsien. Une bande de 4 adolescents paresseux, glandeurs, desœuvrés, en rupture d'école, passe son temps à traîner, se battre, faire des blagues, bref, des "vitelloni" version taiwanaise, frisant la délinquance. Troublés également par l'idée de la femme. Qui rentrent sagement le soir chez papa-maman (père absent -accident au cerveau- mère énervée-désolée de ce comportement immature adolescent). Quand ils ont un peu trop déconné, et face à l'impasse qu'est leur vie dans leur patelin (Kiashiong), ils partent pour une plus grosse ville (il y a la sœur de l'un d'eux qui vit là-bas. ) Ils ne sont pas plus malins, sauf qu'ils découvrent les nouvelles possibilités de la ville, entre autres le cinéma - ou plutôt, comment truander pour entrer au cinéma sans payer. Le film raconte avec la même grâce ce temps suspendu où des jeunes gens traînent en se cherchant un but dans la vie, voire un boulot. Et en épiant la séduisante voisine, mariée à un petit voyou. Quand l'impasse est flagrante, le départ à l'armée semble une solution pour mettre un terme à cette existence irrésolue et inaboutie.
Ce film est dédié à cette période de l'existence "en suspension", blagueuse, bagarreuse, pleine de spontanéité, d'idées loufoques, de mauvaise foi, de petits larcins, de trouble érotique...
Beau film (très beaux plans, très belle image) qui montre comment la nature brouillonne, pleine d'aspirations, des adolescents se heurte à tous les obstacles que la vie met au désir (désir de vivre, désir d'être). Très bien construit dans sa fluidité. Il donne une sensation d'espace et de mouvement, et de rétrécissement face à l'imperméabilité/ la résistance du monde à l'ego adolescent.

" la vie de quatre adolescents, bande de petits voyous, dans la petite ville côtière de Kiashiong est déclinée, au son de Bach et de Vivaldi, comme un ballet d'attitudes énergiques et insolentes, puis leur déménagement en ville comme la chronique d'une irrémédiable détérioration.  " (Mathieu Macheret)
http://www.cinematheque.fr/cycle/hou-hsiao-hsien-316.html

lundi 14 mars 2016

Fusi (L'histoire du géant timide)

Le titre original est Fusi (le prénom du personnage). Film tendre et sensible sur la solitude d'un "monstre" (il est obèse, isolé au travail, victime du bizutage de ses collègues de travail, il vit chez sa maman, et passe son temps libre à jouer à la maison (ex fan d'Action man, il est actuellement absorbé par la reconstitution de la bataille d'El Alamein).
Un homme immobile, arrêté dans sa vie, que sa rencontre avec une femme met en mouvement. Belle histoire de deux solitudes.

samedi 12 mars 2016

Autres films

La Terre et l'ombre, Cesar Acevedo, B : Le paysan attaché à sa terre et à sa maison au milieu des terres, mal lui en prend : il est exploité, cerné et rendu malade par la culture industrielle de la canne à sucre (Colombie). Totalement sinistre. Atmosphère de fin du monde. Et c'est le cas.
-Janis (Joplin) B
-Le Trésor B , roumain, très sympa : deux voisins se mettent en tête de déterrer un trésor hypothétique, enfoui dans le jardin familial.
-Ave Cesar B (les frères Coen) Les critiques ont bien tort de bouder ce film drôle d'un bout à l'autre, plein d'humour et de références.
-El Clan, Pablo Trapero, B, argentin : petite entreprise de crime familial, glaçant. Mention spéciale pour l'absolue ignominie du père, terrifiant pater familias. L'amoralité au sein d'une famille parfaitement chrétienne.
-Demain TB : documentaire citoyen. Ya plus qu'à...
-Merci patron : très drôle. Une farce sociale (et véridique) mise en scène par le rédacteur en chef de Fakir (journal alternatif) pour sauver de la misère (expulsion etc) une famille de Ch'ti pur jus, au RSA depuis le démantèlement de l'industrie textile dans leur région. Avec Bernard Arnaud et LVMH en filigrane. Parmi les grands moments d'humour : quand le patron de l'usine Kenzo en Bulgarie explique qu'avec les coûts, il va falloir songer à délocaliser en Grèce.
-The Room l'histoire d'une jeune femme séquestrée par un type depuis 7 ans, avec son fils de 5 ans. Comment ils vont s'en sortir, se réadapter. Bien vu. Juste

mardi 8 mars 2016

Le Revenant

Alejandro González Iñarritu. 

Il met quand même beaucoup de temps à revenir, le revenant. Mais on apprend des tas de choses sur la survie dans les grandes solitudes de l'ouest américain en hiver. Paysages sublimes. Grand spectacle et communion avec la nature (bien qu'elle essaie de vous anéantir). Et reconstitution crédible de la vie de chien que mènent les trappeurs, les Indiens, et les petits forts militaires à la Frontière. L. Di Caprio, oscar du meilleur acteur ? C'est bizarre, il passe le film tapi derrière sa barbe, sa chevelure hirsute et son énorme peau d'ours, il rampe beaucoup, grogne assez régulièrement, et quand il parle, c'est plutôt pour grommeler.
Bref, c'est un film visuellement parfait qui m'a paru un peu long.

samedi 5 mars 2016

Chocolat

Roschdy Zem. 
Mea culpa. Je m'apprêtais à assister poliment au recyclage d'Omar Sy en acteur... comment dire ? Vrai acteur ? Profond ? Je ne sais pas. Il était si sincère et naturel dans son grand succès avec le tétraplégique, mais je me disais vaguement qu'il ne jouait pas tant que ça. Dans le fond, pour un black, c'est normal de bien "jouer" le rôle d'un auxiliaire de vie. C'est pas un rôle, c'est le destin fatal du black de banlieue ! Le rôle de sa vie. Avec ce qu'il faut d'humour et d'intelligence pour rendre ce rôle bien séduisant. Donc, je m'attendais à voir un film racoleur et j'étais prête à avoir le même comportement avec Omar Sy que le public d'Othello dans le film, qui attendait au tournant le clown Chocolat.  
Eh bien je suis bluffée, honteuse et confuse. C'est un vrai acteur et le film est vraiment bien foutu.  C'est une belle histoire, plutôt grave et poignante, qui raconte l'émergence du talent du clown et de sa conscience d'homme libre, bafouée par la prison où l'enferme son duo avec Footit (James Thierrée est parfaitement mystérieux et ambivalent) et le regard des blancs. Belle peinture du monde cruel du cirque, du racisme ambiant, des exploitations et perditions en tout genre, et des diverses jalousies, mesquineries et saloperies qui accompagnent la gloire, encore plus celle d'un nègre. Bref, c'est un beau film qui rend hommage à Rafael (Padilla) et au talent d'Omar Sy.

jeudi 3 mars 2016

La Vache

Mohamed Hamidi : comédie tendre. C'est trop mignon, touchant, plein d'humanité : un paysan algérien -excellent Fatsah Bouyahmed- quitte son village avec sa vache Jacqueline pour la présenter au Salon de l'agriculture. Le scénario commence au bled, et enchaîne de jolies péripéties et des tas de rencontres (avec que des gens gentils, serviables, souriants, un châtelain trop cool - Lambert Wilson- et pas un soupçon de racisme). Les scènes qui concernent son épouse Naïma -la délicieuse Hajar Masdouki- sont émouvantes et subtiles (par exemple la lettre). Ce film réconcilie avec le bon côté de l'humanité et met de bonne humeur.

Saint-Amour

Benoît Delépine, Gustave Kerven. C'est à la fois un peu foutraque et un peu convenu, le trio Gérard Depardieu (très fin ! mais oui), Poelvoorde, Vincent Lacoste est excellent. Houellebecq vaut son pesant de cacahuètes (en taulier de gîte rural vaguement dépressif). Une galerie de personnages et une succession de saynètes mignonnes, ou vaguement loufoques... C'est sympa, mais il n'y a pas l'acuité du Grand soir.

Belgica

Félix van Groeningen. 
Un jeune homme (Stef Aerts) ouvre un bar de copains sympa, son frère aîné (Tom Vermeir), qui l'avait perdu de vue, s'associe au projet et ça devient, dans l'euphorie générale, un bar branché, plus ou moins underground. On sent la folie et l'ambiance électrique de ce genre de lieu qui rend frénétique la quête de contact et de communion dans la musique, l'alcool,  le bruit, la fête. A mesure que le Belgica devient un vrai business et s'embourgeoise, les relations entre les deux frères se dégradent, mais aussi avec le personnel du Belgica, avec les copine ou épouse respectives... tout se déglingue. Sauf le Belgica, qui est devenu un grosse affaire. Tout est très bien construit et bien vu, mais que c'est long (2h07). Avec 1/2heure de moins, ça aurait été très bien.

mardi 1 mars 2016

Préjudice, Antoine Cuypers


Réunion de famille. Préparatifs de repas. Retrouvailles. Bonne humeur garantie. Sauf qu'il y a un fils "différent", difficile, inadapté (excellentissime Thomas Blanchard). Il est normalement relégué par sa famille et sa maladie à une sorte de prison dorée dans la maison bourgeoise. Toujours en porte à faux, il profite de la soirée pour essayer de se faire voir et entendre, faire comprendre son mal-être dans cette famille parfaite, et il fout tout en l'air. Y compris son rêve d'Autriche. Soirée de saccage (d'où c'est lui qui sort le plus saccagé), puis tout rentre dans l'ordre. Effrayant. Etouffant. Poignant. La mère (Nathalie Baye) est pavée de bonnes intentions. Elle est excellente en mère et maîtresse de maison parfaite, aimable, aimante, mais froide et aveugle à la douleur de son fils (sans doute aussi excédée et à bout d'amour pour cet enfant-là). Les caractères sont justes. Le père, beaucoup plus sensible, désolé, reste curieusement éteint, simple spectateur du carnage. C'est excellent dans le genre glaçant.