samedi 19 octobre 2013

Zeng Fanzhi, MAMVDP

Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris

Etrange mélange, étrange coexistence d'époques, avec par endroits, une tendance au réalisme expressionniste (?) je ne sais pas si ça veut dire quelque chose, mais ça me fait penser à ce que j'imaginerais être de la peinture latino-américaine. Si on m'avait montré ces peintures sans explication, j'aurais dit qu'elle venaient du Mexique, ou de Cuba, ou du Venezuela.

La série de l'hôpital et de la boucherie avec ces personnages semi hallucinés, leurs figures (douloureuses ?), leurs yeux et leurs lèvres énormes, leurs membres musculeux, et cette ambiance de corps travailleurs, prolétaires, la brutale matérialité (et la souffrance ?) de la chair, en tout cas sa réalité crue.





C'est pour ça qu'il passe aux masques ? Parce que la Chine est brutalement propulsée dans le capitalisme et veut cacher ses origines prolétaires et socialistes. Il reste ces énormes mains  qui trahissent les paysans et ouvriers précipités de leurs champs, de leurs villages, de leurs usines, dans l'ère du tertiaire et du costard-cravate. Il reste des rictus de rire douloureux. Et une ambiance d'affiches mi-réclame, mi- propagande.















Et cette bizarre Cène.


Ce que je préfère : Night (2005) et Swimming, de la même époque. Toujours étrange, suscitant toujours un malaise, mais (beau ? étonnant ? intriguant ?). En version sinistre, on pourrait dire qu'une femme scrute le bord de la rivière, en quête du noyé/suicidé. Parce qu'il n'a pas vraiment l'air de nager, ce gars. Et la marche nocturne de cette fille solitaire est plutôt angoissante.




Ensuite, (la 1ère salle avec les peintures les plus récentes) ça reste étrange, mais d'une autre manière, que je trouve étouffante, angoissante, et qui me repousse. Trop exercice de style. Trop virtuose.

vendredi 11 octobre 2013

Perturbation, Thomas Bernhard, La Colline

Etrange comme les même spectacle peut être perçu différemment d'une partie à l'autre (du spectacle comme de la salle).
1ère partie : l'adolescent accompagne son père médecin de campagne et découvre... "la déréliction des êtres, malades de leur propre solitude, de leurs manies et de leurs folies, malades de la vie, pour laquelle il n’y a pas de remède" . Ok, mais "l’intimité douloureuse des malades et de leurs proches", c'est plutôt lent, on sombre dans un ennui mortel. D'autant plus que le dispositif est répétitif (entre chaque visite, vidéo, voiture, route campagne ) et exploité à outrance. Chiant.
En plus, on voit et on entend mal une scène sur deux (le dispositif scénique fait jaillir les chambres des parois latérales : ça doit être bien quand on est placé au milieu, mais pas bien qd on est complètement sur le côté (au 3ème rang sur les travées latérales, j'ai profité d'une scène sur deux, et vainement tendu l'oreille pour l'autre). Mais après tout, Perturbation, c'est bien le titre de l'œuvre, c'est donc sans doute fait exprès pour qu'on ne prenne pas tout ça au pied de la lettre. (OK, mais alors il faudrait aller plus vite et zapper un peu.)
Dommage, car un certain nombre de spectateurs a fait défaut après le premier entracte, alors que le meilleur de la pièce, à mon goût, venait ensuite : le prince logorrhéique et misanthrope, dont l'ego envahissant nie celui de ses filles et de ses sœurs, auxquelles Krystian Lupa rend la parole. Selon Fabrice Chêne, "Le spectateur est cependant partagé, car ces dialogues ajoutés ne peuvent rivaliser avec le texte original. Le roman est tiré vers un portrait de famille certes intéressant, mais qui déplace le propos du romancier". Pas du tout d'accord. Je suis un spectateur pas du tout partagé, j'ai adoré cette partie. D'abord, je ne connais pas le texte original, mais ce que je vois, c'est du théâtre à 100% où la notion de Perturbation prend tout son sens : les filles sont en roue libre, elles associent, passent du coq à l'âne, reviennent en arrière, partent ailleurs, avec une qualité de jeu et d'invention scénique merveilleuses. Elles sont mobiles, changeantes comme un ciel de vent et de nuages. Orages, nuées, éclaircies, noirceur, frustration, rire, lumière. Au gré des perturbations de l'atmosphère de leurs humeurs, de leurs échanges, de leurs associations d'idées. En contrepoint, dans la chambre d'à côté, les sœurs du prince poursuivent elles aussi un dialogue improbable, qui interfère, perturbe la perception des deux dialogues (quatre monologues ? puisque chacun poursuit plus ou moins son idée). J'étais en face de la chambre des filles, donc j'ai pu en profiter parfaitement, mais tendre l'oreille et virer de l'œil pour essayer de comprendre ce qui se passait chez les sœurs, dans l'autre chambre. Perturbation. Difficile à suivre, donc, parce qu'on a tendance à se concentrer sur une chambre, et on perd l'autre de vue. Perturbation. Et même frustration. En fait, je n'ai quasiment pas idée de ce qui se passait chez les sœurs. Ça me donne juste envie de revenir côté sœurs, pour voir ce qu'elles trafiquent. Et voir ce que les filles deviennent, vues de loin.
Et la 3ème partie ? Hum, intéressant, mais complexe, trop de choses, trop de propositions, Perturbant ? Bref, j'ai envie de revenir pour savourer et déguster ce morceau de choix (mais j'arriverai après le 1er entr'acte)