lundi 4 décembre 2023

En bref et en octobre-novembre


La Fiancée du poète : Yolande Moreau en vieille baba cool fauchée et généreuse. Sa grande maison déglinguée rassemble des fauchés sympathiques : un étudiant en art, un immigré sans papiers, son ex amoureux...  Gentiment convenu.

Une année difficile : comédie à base de lieux communs dans l'air du temps, autour de la surconsommation et de l'écologie. Ou comment deux surendettés se retrouvent militants opportunistement écolos. Bof

Simple comme Sylvain , Monia Chokri :  le charpentier qui vient rénover leur maison fait irruption dans la vie ordonnée d'un couple d'intellectuels sympathiques. Elle redécouvre le désir, la passion amoureuse etc, mais la différence de milieu et de culture finit par se faire sentir. Bien vu, prévisible. Bof

Napoléon, Ridley Scott. Gros et lourd (comme Joaquin Phoenix). On feuillette le grand livre de la saga Napoléon dans tout ce qu'elle a de plus connu. Un livre d'images sans esprit et sans émoi. Bof

La Tresse, improbable histoire tirée par les cheveux, ou comment trois destins de femmes se trouvent liés. Des femmes en butte au machisme des sociétés où elles vivent. Bof

The Old Oak, Ken Loach : feel good movie sur la fraternisation improbable entre migrants et locaux sur fond de racisme et rejet ordinaire dans un patelin sinistré de l'Angleterre autrefois minière.

Ça tourne à Seoul, Kim Jee-Woon  : film coréen foutraque sur le tournage d'un film. Chaotique et rebondissant. Trop long mais distrayant

Anselm Kiefer, Wim Wenders : belle balade dans l'univers du peintre.

Killers of the Flower moon, Martin Scorcese : glaçante histoire d'escroquerie, ou comment les blancs s'emparent par mariage, meurtre et corruption des riches propriétés pétrolifères des Indiens Osages. En toute bonne conscience et dans une impunité totale. Impeccable, captivant.

 Le Ravissement, Iris Kaltenbäck : une sage-femme dont la vie dérape après une rupture amoureuse. Sa meilleure amie est enceinte, elle fait une brève rencontre amoureuse... Le film glisse doucement et inexorablement dans une tension grandissante à mesure que la sage-femme dévie. Très bien. 

Marx peut attendre : Marco Bellochio revient sur le suicide à 28 ans de son frère jumeau. Peinture et histoire de la famille. Très bien

L'Enlèvement, Marco Bellochio : histoire d'un enfant juif enlevé par l'Eglise à sa famille parce qu'il a été baptisé par traîtrise par la bonne de la famille. A Bologne vers 1850, sur fond de construction de la république italienne et de perte d'influence des états pontificaux. Un scandale qui a alerté l'Europe à l'époque. Captivant.

Ricardo et la peinture, Barbet Schroeder filme, raconte et fait découvrir l'envergure et la personnalité d'un peintre qui est aussi son ami de 30 ans. Très bien. Belle rencontre

Déménagement, Shinji Somai : la séparation des parents vue par leur fille d'une douzaine d'années. Une jeune personne intéressante et têtue qui essaie diverses stratégies pour réparer l'irréparable puis finit par suivre son chemin d'apprentissage. Joli film.


samedi 14 octobre 2023

En bref et en septembre-octobre

La Beauté du geste, Sho Miyake : drôle de film assez touchant sur Keiko, boxeuse japonaise sourde, attachée à son entraînement, à sa salle et à son entraîneur. Ou comment le lien intense qu'une handicapée a construit dans un environnement spécifique résiste aux sirènes de la modernité (artisanat vs business). Une histoire de solitude.

Coup de chance, Woody Allen. Bof. Pâle remake de Match Point. Paris tout en clichés, les riches tout en clichés, joli à regarder mais affreusement convenu

Feuilles d’automne, Aki Kaurismaki. Beaucoup de charme et de tendresse pour raconter une histoire de laissés pour compte et moins que rien. Ou la rencontre entre une employée de supermarché et un manœuvre alcoolique. C'est plein de micro-détails et notations qui font qu'on est touché par la justesse et la délicatesse de ces deux personnages dans un monde de brutalité et de rudesse.

Un Métier sérieux Thomas Lilti : film bien conduit sur le monde de l’école, les élèves, les profs, l’incident du gamin fauteur de trouble… Des enseignants qui prennent leur mission au sérieux.

Le Règne animal, Thomas Cailley : intéressante dystopie et bon suspense autour d’un phénomène épidémique. Le réalisateur sème doute et interrogations sur la nature des événements qui affectent la société et raconte le problème à travers deux personnages, le père et son fils, directement concernés par la chose. On se demande ce qui se passe, on se laisse prendre, Romain Duris et Paul Kircher font une paire excellente, également Adèle Exarchopoulos. Haletant, regard intéressant sur la différence, le conformisme, l'animalité et l'humanité, le dérèglement du monde…

BernadetteLéa Domenach : agréable distraction, on revisite l'ère Chirac avec le sourire. Catherine Deneuve et son complice Podalydes sont drôles dans leur style « understatement » . Ils font bien le job pour raconter l’essor de Mme Chirac hors de la sphère de son mari.

The Creator Gareth Edwards : lutte à mort entre les AI (Intelligences artificielles) et les humains/américains. Ou la question de la frontière entre ce qui est humain et ce qui ne l’est pas. Qui détient les valeurs ? Qui les respecte ? etc. Distrayant, belles images, belle performance technique/effets spéciaux. Du grand spectacle.

Entre les lignes, Eva Husson. D’après l’excellent roman Le Dimanche de mères (Graham Swift) un excellent film tout en finesse et sensualité douce raconte une journée particulière dans la vie d’une jeune domestique, Jane Fairchild, et son retentissement dans la vie de l’écrivaine qu’elle va devenir (Glenda Jackson). Eva Husson observe à fleur de peau les émotions, les saisons, l’air du temps, le temps qui passe, le mystère de la création…  C’est une prouesse tout comme sa composition des ambiances et des décors d’une société et d’une demeure anglaise aristocratique. L’actrice principale (Odessa Young) est une pure merveille. C’est un très beau film sensuel et sensible.

Odessa Young


jeudi 28 septembre 2023

L’Arbre aux papillons d’or


Pham Thien An. Film d’une étrange beauté sur la quête d’un homme, Thien, qui se trouve (ou se perd) au cours de son périple dans un Vietnam rural. Au début du film, une conversation de café entre Thien et deux copains nous met la puce à l’oreille : l’un des garçons s’est délesté de tous se biens matériels pour aller mener une vie différente, dépouillée. Indice qu’il existe une autre vie à côté de la vie matérielle.
Survient l’accident de moto : le petit garçon survivant est le neveu de Thien. C’est l’événement déclencheur : la quête du frère disparu (le père de l’enfant a abandonné sa famille) devient quête de soi, du sens de sa vie, de son âme… La ville s’efface, Thien, chrétien (mais pas que ?) remonte aux sources au fin fond d’un Vietnam rural, pluvieux, brumeux, boueux, insondable.
Le réalisateur réussit à donner densité, épaisseur et texture à des scènes extrêmement simples qui du coup prennent relief et beauté. Les funérailles villageoises crèvent l’écran, comme un rituel magique de passage d’un monde à l’autre, mais il y a aussi l’école des sœurs, et la discussion sur le seuil de l’orphelinat, le scooter sur la route, d’étranges rencontres avec des coqs, un artisan fabricant de linceuls (Monsieur Luu), une mémé qui parle de l’âme et de la puanteur de la terre, un vieux soldats qui a fait la guerre, encore la route, la route, la difficultueuse progression d’une mobylette en panne sur des routes détrempées, le lent défilement des cahuttes d’un village à l’autre, la nature insondable, d’autres villages dans la brume, des montagnes et des forêts, des buffles, encore la nature puissamment présente, dans sa densité ineffractable (?) Et cette étrange scène d’amour vécue, rêvée ou mémorisée entre Thien et son amoureuse dans cette étrange carcasse de maison de chantier (en ruines ou en construction ?), un histoire frappée du même sceau d’inaccomplissement et d’inaboutissement.
Ce périple dans des paysages de brume, de masures et de forêt a une tonalité étrange et rend le spectateur captif de l’étrange temporalité du film. C’est lent, c'est contemplatif, c’est pas à pas, une succession de fins de non recevoir comme des non-lieux, quelque chose qui se dérobe sans cesse. Thien va d’échec en échec, là où il arrive, il n’a pas lieu d’être, ce n’est jamais là qu’est son frère. Il (le scooter ) s’enlise et dérape sur des fausses pistes, se perd au fin fond de nulle part, toujours le non-lieu, la fin de non-recevoir. Jusqu’à l’étrange scène finale, entre abandon, renoncement ou purification.
(Le titre original « Inside the yellow cocoon shell » est sans doute plus adapté que le titre français.)

samedi 26 août 2023

Reality (et +)

Evidemment, il faut aller voir l'excellent Reality, de Tina Satter, ou comment le FBI fait irruption chez une jeune femme (Reality Winner, incarnée par l'excellente Sidney Sweeney,) avec un mandat de perquisition. Qu'est ce qu'ils peuvent bien lui vouloir ? Les dialogues sont la transcription exacte de l’interrogatoire tel qu'il a été mené. C'est minimaliste mais scotchant et touchant, le suspense est très efficace.

Vu également Kasaba, qui signifie petite ville, le premier film de Nuri Bilge Ceylan. Pas vraiment de scénario, ni d'histoire, plutôt autobiographique sur l'enfance et la famille dans un patelin à la campagne, très beau noir et blanc non sans charme.

Enfin, vu Anatomie d'une chute, de Justine Triet, Palme d'or 2023 à Cannes. C'est bien fait, très appliqué et fouillé, le film dissèque par le menu la vie du couple pour que le jury décide si c'est un suicide ou un meurtre. Sandra Hüller, veuve du défenestré dont on suit le procès est remarquable. Mais quelque chose clochait : l'abus de gros plans de visages ? la musique trop présente ? le procureur caricaturalement agressif ? la rigueur de la démonstration... Bizarrement, j'ai revu le film à la télé et je n'ai moins ressenti ce qui m'avait paru "too much", trop long, trop lourd, trop parfaitement administré.

jeudi 24 août 2023

Fermer les yeux

 Victor Erice, (cf L’Esprit de la ruche, 1973). Fermer les yeux commence par un film dans le film : tournage d’une scène où un riche personnage en sa riche propriété charge un détective privé d’enquêter pour retrouver sa fille en Chine. Décor, atmosphère, esquisse des personnages, images, suspense… il y a toute l’ampleur et les indices qu’il faut pour démarrer un bon film. Mais c’est un leurre, on est 20 ans plus tôt pendant le tournage d’un film du cinéaste Miguel Garay (Manolo Solo), interrompu par la disparition de Julio Arenas (José Coronado), l’acteur qui jouait le détective. 

20 ans après, à l’occasion d’une émission télé qui évoque l’affaire, Miguel Garay se met à enquêter sur la disparition de l’acteur.
C’est un film testament qui raconte le crépuscule d’un certain genre de cinéma « à l’ancienne », disons les films de l’âge d’or du cinéma. Un film qui convoque l’essence du cinéma avec ce qu’il faut de belles images, de méandres et de réflexion intelligente pour raconter une belle histoire de quête, avec ce qu’il faut de nostalgie, d’humanité et de tendresse pour aborder les personnages, avec un toucher sensuel pour caresser les lumières, les visages, les décors, les heures du jour…Un film qui en met plein la vue, pas au sens contemporain sensationnel, mais au sens de plénitude de l’image et profondeur du propos.
La quête du cinéaste se termine par la projection de la dernière bobine de son film inachevé, «La Mirada del adiós» (le regard de l’adieu)  qui résonne comme un adieu funèbre (fermer les yeux/dernier regard/fin de partie) et un hommage au (Film intérieur ? Déni de réalité ? Puissance de l'imaginaire, du regard intérieur, du rêve…)

Ou un peu comme on dirait "silence, on tourne" et on fait abstraction de tout le reste.

mercredi 23 août 2023

La Bête dans la jungle


Patrick Chiha. Drôle de concert de louanges. J’ai trouvé ce film fastidieux, prétentieux et poussif. Il peine à reconstituer l’ambiance de folie d’une boîte de nuit essentielle, censée condenser, 25 ans durant, l’essence de la nuit. L’éternité de la nuit vs le temps qui passe. Un univers électrisant où l'on se ruait corps et âme, enturbanné de musique et de danse, en quête de jouissances de tous bords, extases et ivresses diverses, tourbillons et séduction, transe à l’unisson, magma d’illusions et de désirs, exaltation d’une dérive collective aux heures ultimes où ùbris et eros se confondent.
C’est probablement ce que Chiha voulait montrer, mais il faut puiser dans ses ressources personnelles pour voir ce qu’il veut dire. Comme s’il y avait un film aseptisé sur la peinture de ces nuits. On regarde des gens s’agiter, non sans talent, l'essentiel n’y est pas. Il n’a pas su ou il a fait exprès, il regarde ça avec le regard de John l’ectoplasme (Tom Mercier), le regard extérieur d’un grand navet frigide planté au bord de la scène en attendant ce qui doit lui arriver d’exceptionnel. Et nous, on fait comme lui, on reste spectateur de cette intention et on attend. On n’en finit pas d’attendre.  Et on s’ennuie. Forcément, on n’est pas May, la gracieuse May (Anaïs Demoustier) qu’il entraîne dans sa quête obscure, avec sa force d’attraction de trou noir. Et la malheureuse de s’engouffrer dans la lumière noire de ce personnage immobile. Penché sur la nuit mais étanche. Comme moi.

mardi 8 août 2023

Les Herbes sèches



Nuri Bilge Ceylan (le plus grand cinéaste vivant ?) Ce n'est pas gai, ni drôle (la vie non plus), c'est le portrait d'un homme désenchanté, frustré, pas clair dans ses motivations et ses agissements, limite antipathique. Samet est professeur, perdu au fin fond de l'Anatolie enneigée, englué dans un quotidien ennuyeux et rude, borné par des collègues médiocres, aux prises avec d'insaisissables complexités : celle des adolescentes, celles des rivalités professionnelles et amoureuses, sa propre médiocrité. Le film tisse un réseau de relations d'attirance, de frustration, de trahison, de manipulation, le tout se jouant sous la surveillance latente que chacun dans ce petit monde exerce sur les autres, et sous la pression de l'autorité supérieure : celle de l'administration scolaire aussi présente que l'autorité politique et morale que la société exerce sur tout un chacun.

Dans cette poussière de village paumé, où tout n'est qu'ébauche, frustration, solitude, inachèvement, c'est comme si la neige omniprésente entravait, étouffait et ensevelissait tout : personne n'est libre, sauf Nuray, sans doute, enseignante elle aussi et ancienne activiste gauchiste, une femme engagée ; c'est la lumière de ce film complexe et amer (admirable Merve Dizdar, primée à Cannes). Il y a entre Samet et Nuray un fameux dîner - dîner en forme de traîtrise, d'où Samet est arrivé à évincer son colocataire et rival-. Dans ce dîner, donc, ils se livrent à un long échange hyper dense (ce genre d'échange dont seuls deux intellos sont capables) qui ressemble à une mise au point entre deux visions du monde, deux manières d'être radicalement étrangères, et qui renvoie Samet à lui-même : rêvant d'une mutation à Istanbul "où la vie sera meilleure", Nuray lui fait remarquer qu'il sera le même à Istanbul.

Les échanges ont beau voler haut, Samet n'en reste pas moins jusqu'au bout du film un personnage tortueux et complexe, étranger à la lumière de Nuray, habité par ce qui sera la conclusion du film à partir des herbes sèches du paysage (la neige a fini par fondre) : un monologue irracontable sur le ratage d'une vie et l'aridité de la maturité. Très grosso modo. Le réalisateur peint magistralement la complexité de l'âme humaine, comme il peint magistralement les images et les couleurs de son film. C'est un grand film à voir en grand écran.


dimanche 6 août 2023

En bref et en vrac

Pas envie de blablater sur Les filles d'Olfa, même si j'ai adoré l'intelligence et le finesse de ce film qui raconte la condition féminine en Tunisie, sans blabla ni discours militant, c'est extrêmement touchant, complexe et nuancé. Un film dont on a envie que tout le monde aille le voir, tellement il est plein d'humanité.

Limbo, Love Life, Vers un avenir radieux : déjà écrit

Rendez-vous à Tokyo, Daigo Matsui : beaucoup de charme et d'instants de grâce pour ce film qui raconte à rebours (chaque 26 juillet en remontant le temps jusqu'au 26 juillet de la rencontre) l'histoire d'amour entre un danseur et une chauffeure de taxi. (En plus, ils sont beaux et séduisants tous les deux)

Oppenheimer, Christopher Nolan : bon film efficace, où l'on découvre par le menu, biographique, historique et politique, comment Oppenheimer est devenu le père de la bombe atomique et après. Avec tout ce qu'il faut là où il faut : bien vu, bien fait et grand spectacle.

Sabotage, Daniel Goldhaber : une histoire de radicalité écologique où il s'agit de détruire un pipe-line, ou comment détruire ce qui nous détruit. Puisque la loi ne peut rien pour arrêter les prédateurs de la planète. C'est efficace, j'ai lu quelque part "thriller écologique", c'est vrai que c'est bien fichu, suspense, personnages aux motivations diverses et manuel du "Petit chimiste" en main. Mais ... jusqu'où la radicalité ? Ils n'ont guère fait que faire sauter un pipe-line qui sera réparé dans les 48 heures. Il faut être jeune et/ou marginal  et/ou désespéré pour adhérer réellement.

Les Tournesols sauvages, Jaime Rosales. Pourquoi pas. Itinéraire d'une jeune femme d'aujourd'hui, en quête de... On ne sait pas trop si elle est en quête d'amour ou d'un père pour ses enfants, ou plutôt en quête d'elle-même ? Elle est jeune (22 ans, 2 enfants), elle fait ça de manière un peu confuse, quand elle veut bien se laisser faire par le désir des hommes. Mais elle, on ne sait pas trop ce qu'elle désire (ni elle, d'ailleurs). Sauf peut-être, devenir infirmière. Elle "tournesol", elle va là où il y a de la lumière (la lumière d'un homme, ou du moins d'une relation amoureuse). Le portrait est assez juste, relativement attachant, c'est aussi le portrait d'une génération et d'une classe sociale mal (ou pas) formée, sous (ou pas) employée, à la limite de la pauvreté, tout est bien vu, mais bon...

Barbie, Greta Gerwig : barbant. Un discours éculé sur la prise de pouvoir des femmes, la menace machiste toujours recommencée, et que rien n'est jamais acquis etc. Qui sait, ça aurait pu... C'est distrayant au début, mais vite fait. Après, que c'est long et lourd.

Rheingold, Fatih Akin : ou comment Giwar Hajabi, jeune immigré kurdo-iranien, ancien criminel et trafiquant de drogue devient Xatar, star et légende du rap allemand. Une ordure grandie à l'école de la rue. Ultra-violent, déplaisant, hypertestostéroné, l'histoire d'une brute qui aime la musique. Je dois pas être dans la cible.

Mission impossible, Christopher McQuarrie : j'ai déjà oublié quel était le problème, mais il y a tout ce qu'il faut là où il faut, du suspense (au propre et au figuré), des cascades, des rebondissements, des trains en folie, des courses-poursuite, des méchants très méchants... Du grand spectacle.

 

jeudi 20 juillet 2023

Vers un avenir radieux

Nanni Moretti
Le film raconte l’histoire d’un réalisateur pendant le tournage de son film : Giovanni a une carrière, des parti-pris, des références, toute un conception du cinéma qui ont fait de lui un réalisateur accompli et respecté. Mais... est-ce que tout ça n'a pas fait son temps ? Comme ses rites et manies (par exemple, au début d’un tournage, regarder en famille un vieux classique du cinéma italien)… Comme ses 40 années de couple avec sa femme.
Entre les interrogations du personnage et les anecdotes du tournage avec une équipe indifférente à ses  références, Nanni Moretti offre une délicieuse promenade où il est question de cinéma, d’histoire (celle du Parti communiste italien face à l’invasion de Budapest) et d’histoire personnelle (sa femme veut le quitter, sa fille devient adulte) : Giovanni est décidément en porte-à-faux avec le monde qui l’entoure. Sauf quand il réussit à faire du cinéma : la lumineuse parade finale porte la signature du maître qu’il est resté.
C’est une délicieuse histoire de décalage racontée avec humour et distance, c’est foisonnant et subtil, drôle et désenchanté, on en sort enchanté.

mercredi 19 juillet 2023

Love life

Koji Fukada
Une petite musique douce amère à mesure que l’on soulève les couches du millefeuille de la vie sociale, familiale et amoureuse d’un aimable couple de travailleurs sociaux japonais. Ça se passe dans un intérieur ni beau ni moche, bien encombré comme il se doit, avec le linge qui sèche au balcon, comme à tous les balcons de cet ensemble de moyens immeubles pour petits cadres. On découvre l'aimable sociabilité du bureau/voisinage, les relations sympathique mais pas si simples avec les beaux-parents voisins et comment un accident tragique vient perturber une existence à peu près rangée. L’apparence est aimable et lisse, mais peu à peu apparaissent des micro ou macro failles, des frustrations, des non-dits dans la manière dont le couple s’est construit, la relation au conjoint, aux « ex » respectifs, à la paternité, la parentalité. C'est le tissu de la vie, ses accrocs, ses réparations. Sensible, subtil, parfois un peu longuet, un peu triste ou pas vraiment gai, attachant quand même. C'est la vie.


dimanche 16 juillet 2023

Limbo

Soi Cheang. J'ai passé deux heures dans les détritus urbains et autres décharges de Hong-Kong en compagnie de deux flics qui veulent mettre la main, justement, sur un tueur psychopathe qui sème les mains qu'il a coupées à ses victimes. Dans les bas-fonds où zone tout ce monde, il y a une jeune voleuse de voiture que le flic poursuit en général et pour des raisons personnelles en particulier. Le scénario se met en place avec une remarquable course poursuite entre la voleuse à pied et le flic en voiture. Elle finit par être coincée, elle va payer. D'autant plus qu'elle a une dette à payer. Mais c'est une jeune fille inoxydable incroyablement résistante aux multiples tabassages qu'elle encaisse : par le flic, par les malfrats avec qui elle zone, par l'ignoble psychopathe qui finit par l'avoir entre ses pattes. Tout ça se passe dans la fange pendant que l'enquête vasouille et que le psychopathe, un bloc monolithique de bestialité violeuse, mutileuse et féminicide s'en donne à cœur joie. Les flics multiplient les infractions à la déontologie, accumulent les conneries (enquêter seuls, perdre son arme, ne pas appeler des renforts) et passent un temps fous à courir dans le cloaque et farfouiller dans les poubelles, le tout dans une lumière d'autant plus noire que c'est en noir et blanc. Mention spéciale pour la mise en scène du glauque, de la puanteur et du détritus, notamment dans l'antre du psychopathe. Bref, ils vasouillent dans un déchaînement de violence et là-dessus, le ciel s'en mêle dans un déchaînement de pluie torrentielle. Effet cinégénique garanti mais tout ça ne fait pas un film : cette accumulation de pourriture, de tabassages et de sordide frise la maniaquerie esthétisante obsessionnelle, on se demande quelle jouissance suspecte y a trouvée le réalisateur (et ceux qui aiment ce film*). Bref, la démonstration est interminable. On est content quand ça s'arrête.

* certaines critiques évoquent Le Silence des agneaux (pour "les tréfonds de l’âme et la bestialité humaine") Or, de tréfonds de l'âme il n'est pas question : on zone en permanence en surface de l'horreur, avec tous les accessoires qu'il faut, avec en arrière-plan la métaphore de la mégapole génératrice de déchets urbains et humains, impitoyable pour les perdants. J'ai également vu évoquer Seven (David Fincher) : quel scandale de comparer les excès ostentatoires de Limbo avec ce chef-d'œuvre de la noirceur humaine !

mardi 9 mai 2023

Basquiat × Warhol à quatre mains : beaucoup de bruit

https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr/evenements/basquiat-x-warhol-a-quatre-mains 

 La masse des productions sans intérêt fait du bruit, beaucoup de bruit, ça brouille la perception et ça agace. Ces deux là se sont bien amusés, au cœur du monde vivant et vibrant de NY années 80. Soit, mais on n’en a que les scories, voire les déchets, c’est fastidieux. Ce fouillis braillard érigé à la dimension de culte de l’art contemporain, avec injonction de se pâmer (aaah Basquiat, ahhh Warhol, ahhh Vuitton) c’est dommage au regard d’œuvres intéressantes disséminées ici et là. Notamment dans la dernière salle. C’est d’ailleurs la pièce que la presse reproduit le plus volontiers (ci-dessous)
J’aurais préféré une version épurée (ohhh le vilain mot), mais bref, moins d’œuvres pour mieux regarder.
L’exposition à la Cité de la musique à La Villette est beaucoup plus intéressante.



 

mardi 7 mars 2023

et aussi

 Il manque Tàr (Todd Field) j'ai du mal avec cette femme de pouvoir glaçante, j'ai regardé ce film avec un intérêt d'entomologiste, dénuée d'émotion, dénuée d'empathie, comme le film d'ailleurs, une froide et habile construction d'une tenue remarquable : Cate Blanchett fait parfaitement le job, les décors sont sublimes etc... tout est parfait et sous contrôle comme cette femme jusqu'à ce qu'elle se fissure. Tout le contraire de Babylon, foutraque, affectif et génial : j'ai adoré cette histoire du cinéma foisonnante, pleine de bruit et de fureur (Damien Chazelle avec Brad Pitt, Margot Robbie). Knock at the cabin (Night Shyamalan), un horrifique et un peu ridicule divertissement pour faire peur (genre fin du monde imminente sauf si...). The Fabelmans (Steven Spielberg) : à travers une aimable chronique familiale hyper léchée, on voit grandir l'amour du cinéma et de la réalisation chez un gamin qui devient un jeune homme. Description de la famille, (la mère crève l'écran), les vacances, le collège, et  Tellement bien fait qu'on dirait par moment une publicité pour la famille ? le cinéma ? les années 50 ? 60 ? C'est sympathique, sans originalité. Beaucoup de thèmes et d'images donnent une impression de déjà vu.

lundi 6 mars 2023

Le Retour des hirondelles



Film chinois écrit et réalisé par Li Ruijun (titre international : Return to Dust). Wu Renlin (武仁林) dans le rôle de Ma Youtie et Hai Qing (海清) dans celui de Cao Guiying.

Film magnifique et bouleversant qui raconte l'association improbable de deux laissés pour compte, un frère cadet empoté et négligeable (à la 3eme place de la fratrie) et une disgraciée, semi handicapée suite aux maltraitances de sa famille. Personne n'en veut, ils sont nuls et pauvres, marions les et bon débarras. Sauf qu'ils sont faits de timidité, de sensibilité et de gentillesse et s'apprivoisent à bas bruit, multipliant les attentions l'un à l'autre et se créant leur univers au jour le jour, fait de labeur, de solidarité et de bienveillance.

Le film raconte la dureté de la vie rurale et du lopin auquel arracher sa subsistance, l'attention à la nature, aux animaux et aux saisons, l'obstination à l'ouvrage, la loyauté et la fidélité aux engagements... Ou comment deux êtres minuscules (et leur âne) seraient autosuffisants s'il n'y avait pas le village, les magouilles de la famille et des puissants, les méfaits de l'administration et de la politique de modernisation des campagnes. En attendant, on reste scotché à ces gestes minuscules du quotidien (bol de soupe, manteau sur l'épaule, couveuse à poussins...), à ces images de labourage et de semailles, tressage de la paille, fabrication des briques de terre, livraison des ballots de paille, meulage... : saison après saison, tout est minutieusement, amoureusement montré à une allure contemplative qui rend totalement "amoureux" de ces deux-là et rend leur histoire d'autant plus émouvante.

C'est humain, désespérant et dérangeant : les autorités chinoises ont senti la critique et interdit le film (et /ou  transformé la fin). Ce chef d'œuvre est stupidement massacré dans une critique du Monde qui a eu la bêtise de parler de comices agricoles et de chromo lénifiant.

http://www.chinesemovies.com.fr/films_Li_Ruijun_Return_to_Dust.htm

dimanche 5 mars 2023

Empire of light

Sam Mendes

On va au cinéma pour écouter des histoires, contempler des visages, des images, des décors, regarder des personnages, les aimer, s'émouvoir, les détester, voir leur arriver des choses, s'inquiéter pour eux, se rassurer, s'inquiéter à nouveau, être touché par un geste, une parole, un regard, une musique... C'est ça, L'Empire de la lumière : Sam Mendes nous invite au cinéma, un magnifique cinéma comme on n'en fait plus, le genre d'établissement en perdition dans les années 80 et qui n'existe plus. On entre dans l'intimité  et l'humanité de ce cinéma, on rencontre la gentillesse d'une petite équipe, on rencontre  aussi la solitude, la dépression, le racisme, le machisme ordinaire, l'Angleterre des années 80... Et on voit de magnifiques images, à commencer par celles du bâtiment, terriblement photogénique, dedans, dehors, son hall, ses escaliers, sa terrasse... Cet endroit génial mérite une ode à lui tout seul.

Sam Mendes raconte beaucoup de choses sans en faire des caisses, montre des personnages sensibles, subtils, à fleur de peau, c'est émouvant et limpide, parfois comique, on ressent leur solitude, leur désarroi, et aussi  le charme nostalgique d'une époque. Ce cinéma, ou plutôt "le cinéma" est un refuge pour l'humanité, un endroit où rêver, un écran contre la brutalité du monde et c'est ce qui soude cette aimable équipe de sursitaires. Car tout et tout le monde est en transition ou en sursis, dans ce film : ce genre d'établissement qui n'attire plus grand monde, son personnel (notamment le délicieux projectionniste de films "à l'ancienne"), Hillary qui flotte entre deux dépressions, Stephen, qui louvoie entre une rupture et deux agressions en aspirant à l'université. (Bémol : la presque ridicule scène où Hillary va enfin voir un film et est étreinte par la magie du cinéma. Bof)

Micheal Ward (Stephen) et Olivia Colman (Hillary) forment un couple improbable et génial pour déclarer son amour au cinéma et la délicatesse avec laquelle ces deux là s'approchent et se rencontrent a tout d'un instant de grâce.

samedi 4 mars 2023

La Femme de Tchaikovski

Kirill Serebrennikov. Film franco-helvetico-russe. (Alyona Mikhailova est La femme de Tchaikovski)

 Une plongée en enfer. Ce film raconte la noirceur et la violence de la passion qui consume cette femme exaltée et se cristallise en folie. Folle de passion, folle de Tchaikovski, folle de son mariage, Antonina Miliukova y a planté ses griffes et s’y cramponne comme un chien qui ne voudrait plus lâcher son os.
Elle s’est allumée à la lumière de Tchaikovski. Elle a dit comprendre mieux que personne la profondeur, la beauté, le génie de son être, de sa musique, de son âme. Elle l'a voulu pour mari, elle a voulu son éclat, sa lumière, son prestige, elle l’a voulu pour l’idolâtrer, elle l’a voulu d’autant plus fort qu’une femme n’est rien sans un mari et elle a fini par l’avoir. Parce qu'il est homosexuel et qu'il lui faut un paravent social. Mais leur mariage ressemble à une cérémonie funèbre.
La lumière, justement, sa lumière,  il l’en prive radicalement. Il l’évacue de son monde brillant, chic, artiste, masculin, branché. Il la rejette, elle, son corps, ses attentions, sa dévotion d’épouse aimante, elle n’a que lui dans sa vie mais il ne veut pas d’elle dans la sienne. Il la hait corps et âme et la renvoie à l’ombre et au néant de son existence. Elle n'est rien, il est tout, elle s'en repaît, s’en regorge, s'y complaît et s’y vautre, s'humilie, se prosterne, se soumet tout en refusant de lâcher prise : « Je suis la femme de Tchaikovski ». Aveugle, butée, obstinée, étanche, vautrée dans la dévotion, la superstition, la sorcellerie, elle rampe devant Dieu pour posséder cet homme qui ne veut pas la posséder, brûle de passion inassouvie et s’abîme dans d’étranges bacchanales où tout le monde peut avoir ce corps dont Tchaikovski ne veut pas. Plus elle en est folle, plus il lui échappe.
Est-ce qu'elle pourrit la vie du grand homme ? Il arrive à la tenir à distance au gré de tractations sordides par le biais de ses intermédiaires frères, sœur, amis, hommes de loi. Rien n'y fait, au contraire. Antonina sombre, cramponnée à son alliance : ce mariage l’engloutit comme l'enfer.
Cette peinture extrême de la noirceur et de la folie d’une femme met mal à l'aise. Certes, le film parle de l'aliénation de la femme invisible par statut, sauf mariage. Du pouvoir de l'homme, pire, du génie, maître tout puissant... Certes, il y aurait un arrière-plan symbolique et politique qui parlerait de Russie bigote, dévote, aliénée... Mais il y a bien assez à faire avec le premier plan, insupportable et cruel, où il n'y a pas de place pour l'empathie quand on ne voit que harcèlement obstiné, masochisme ravageur, déni de la réalité et de soi-même au nom d'une passion forcenée. (Alors qu'on pourrait haïr Tchaikovski, s'indigner de son pouvoir d'homme qui la nie et la bafoue, de cette époque qui rend les femme invisibles et le génie tout puissant). Dans la scène étonnante où elle enfreint une dernière fois l’interdiction d’approcher le "grand homme", elle se pousse jusqu’à sa dépouille pour s’afficher, par delà sa mort, dans son statut d’ « épouse aimante ». Le mort s’en redresse d’indignation pour clamer son inextinguible haine, du début et de toujours : le vrai dialogue de ces deux âmes, c'est le déni de l'autre.


dimanche 26 février 2023

Aftersun

 

Lu quelque part : "Le premier long-métrage de Charlotte Wells est un accomplissement total "??? C'est bizarre, parce que le propos devrait être intéressant, mais je n'ai pas du tout marché. J'ai subi avec ennui la peinture du néant de vacances ordinaires dans un club ordinaire : les lieux et moments que déroule ce type de vacances sont filmés de manière calamiteuse, on comprend assez vite qu'il s'agit de la médiocrité des films amateurs de vacances (totalement exprès, hélas). Sophie est donc en vacances avec papa (Calum), juste à l'âge où ça pourrait marcher à fond pour de merveilleuses vacances fusionnelles "fille-père", mais elle est aussi à l'orée de l'adolescence, âge où elle commence à analyser ce qu'elle voit et vit. Elle ressent les gaps, quand elle et son père ne sont pas en phase : ils y sont, ils n'y sont plus, ils n'y sont pas tout à fait... c'est bien montré et ça s'aggrave au fil du séjour, elle détecte les failles d'un père discrètement défaillant, malgré sa bonne volonté, et le mal-être dépressif qu'il distille à bas-bruit finit par être évident. Evidemment, elle ne sait pas quoi faire de ça. C'est ça, le film, un histoire de maturation et de "défusion", de fin de l'enfance à l'ombre du père, sous les lumières radieuses de l'été, dans un contexte  "Sea, sun et fun"  (le sexe est en filigrane, par l'observation de jeunes qui dragouillent et de couples qui flirtent et par l'échange d'un premier baiser). Tout y est, à coups de petites scènes, mais pourquoi ça ne marche pas du tout ? Pourquoi ce sentiment d'ennui ? Pourquoi l'intérêt et le propos du film n'arrivent pas à faire surface dans cet océan d'images et de scènes ordinaires ?

A deux ou trois reprises, et à la fin, Charlotte Wells fait le coup du brassage des temporalités (ratés du film amateur, tremblés, cadrages foireux, images d'avant, d'après, et même d'un temps qui ne fait pas partie du film et qu'on pourrait deviner : une sorte de scène d'accident fatal au père ? On restera dans le non-dit, l'à peine suggéré, le flou). C'est chiant et moche, cette histoire de film qu'elle (ou Sophie) rembobine, parce qu'elle n'a pas fini d'élucider tout ça... bof.

Malgré l'ennui et la laideur d'un film de vacances, il reste quand même "le regard et la sensibilité de la jeune Sophie, une belle actrice (Frankie Corio)".

samedi 25 février 2023

Les Banshees d'Inisherin

Martin McDonagh (Bon Baisers de Bruges, 3 Billboards: Les Panneaux de la colère)

 "Pourquoi Colm ne veut plus que je sois son ami ?" avec cette question simple, Martin McDonagh arrive à faire un film puissant et émouvant où il est question de la solitude de l'homme, du besoin d'être reconnu ou aimé, du besoin d'attachement et de lien, de la peur du vide, de la création comme rempart au néant.

On est en Irlande en 1923 sur l'île d'Inisherin, à peine peuplée par une petite communauté où tout le monde se connaît et s'observe : le patron du pub, le policier, le prêtre, l'épicière... et c'est une affaire bien étrange que celle de Padraid (Colin Farrell) et de Colm (Brendan Gleeson). 

Padraid a une sœur qu'il aime, des animaux qu'il aime, surtout Jenny, sa petite ânesse miniature, et un ami de toujours, Colm, avec qui il descend des pintes au pub. Mais un beau jour, rideau. Pour une raison mystérieuse, Colm ne veut plus. Pire, il interdit à Padraid de lui adresser la parole. Son amitié l'empêche de se consacrer à son art, la musique. Colm balaie de sa vie un homme simple, bienveillant et gentil pour pouvoir créer et laisser une trace après lui. Padraid bute sur  la violence de ce rejet, sur l'incompréhensible radicalité de Colm et cherche, en dépit de tout, à comprendre et à retisser le lien.

Le film explore le mystère de l'amitié ou l'illusion de l'amitié, la solitude dans un monde de taiseux, mais aussi l'orgueil, la méchanceté, la mesquinerie, la dépression, la violence, la brutalité, l'enfermement dans une société bornée... et la fatalité. Le rejet, la douleur, l'abandon transforment lentement Padraid en l'homme qu'il n'était pas.

Le film est sobre, puissant et tragique, les images sont somptueuses, c'est très beau, très émouvant et triste sur fond de guerre civile fratricide dont les échos arrivent de très très loin jusqu'à Inisherin.




mardi 24 janvier 2023

La Conspiration du Caire

 

Tarik Saleh. Le jeune Adam, fils de pêcheur, reçoit une bourse pour étudier à la prestigieuse université religieuse Al Azhar du Caire (équivalent du Vatican pour l'islam sunnite). Il a beaucoup à apprendre... Notamment quand il va se retrouver au cœur de sombres machinations pour que la nomination du nouveau Grand Imam reste sous le contrôle de l'Etat. La morale, la justice, le droit, tout est bafoué, tous les coups sont permis. Film sombrement immoral et magnifiquement construit.

Tarik Saleh : cf entre autres Le Caire confidentiel 

Suédois d'origine égyptienne par son père. Cf le Monde : https://www.lemonde.fr/culture/article/2022/10/29/tarik-saleh-realisateur-de-la-conspiration-du-caire-tiraille-entre-la-suede-et-l-egypte_6147807_3246.html

jeudi 19 janvier 2023

Joyland

Joyland. Saim Sadiq. Qu'il est dur d'être pakistanais et de vivre dans le carcan d'une société où personne ne s'appartient et où chacun vit sous le regard des autres. Une société où le sexe est tabou et n'arrive à faire surface que sous la forme exaltée et vulgaire d'un cabaret érotique. Plus dur encore si on est homosexuel plus ou moins avoué et homme au foyer : Haider est affectueux, serviable, très utile dans la famille mais incapable d'égorger une chèvre, incapable trouver du travail... Il finit quand même par trouver un travail inavouable : danseur à Joyland, le parc d’attractions de Lahore, dans les chorégraphies de la belle Biba, chanteuse transgenre qui le trouble. La famille, respectueuse des injonctions patriarcales, est plutôt aimante et solidaire, chacun tient son rang comme il peut, mais l'ensemble finit par être sérieusement affecté. Le film raconte très bien la complexité des aspirations individuelles au sein de l'ensemble plus vaste des contraintes familiales.

mercredi 4 janvier 2023

La Passagère

Héloïse Pelloquet. Le film que je n'avais pas l'intention d'aller voir (j'avais raison) :  c'est mortellement prévisible et convenu, une banale histoire d'amour ? de crush ? d'adultère ? on ne sait pas trop, ce qui est sûr, c'est que la femme mûre (Cécile de France, courageuse femme de marin-pêcheur qui même-au-cœur-de-la-bourrasque-reste-impeccablement-bouclée) et son apprenti adolescent sont attirés l'un par l'autre et qu'il s'ensuit ce qui doit s'ensuivre. Avec en prime une description par le menu de la rude vie de marin-pêcheur. Et de la chaude camaraderie entre gens du même monde (la communauté de l'île où tout le monde se connaît et où il s'agit de ne pas trahir ni dévier). 
Et finalement, après qu'on a patiemment subi les péripéties de l'affaire, y compris leurs torrides ébats amoureux, arrive, expédié dans les 5 dernières minutes, ce qui est peut-être le sujet du film : comment cette femme assume jusqu'au bout sa liberté de désirer, d'aimer et de ne plus aimer.