dimanche 26 février 2023

Aftersun

 

Lu quelque part : "Le premier long-métrage de Charlotte Wells est un accomplissement total "??? C'est bizarre, parce que le propos devrait être intéressant, mais je n'ai pas du tout marché. J'ai subi avec ennui la peinture du néant de vacances ordinaires dans un club ordinaire : les lieux et moments que déroule ce type de vacances sont filmés de manière calamiteuse, on comprend assez vite qu'il s'agit de la médiocrité des films amateurs de vacances (totalement exprès, hélas). Sophie est donc en vacances avec papa (Calum), juste à l'âge où ça pourrait marcher à fond pour de merveilleuses vacances fusionnelles "fille-père", mais elle est aussi à l'orée de l'adolescence, âge où elle commence à analyser ce qu'elle voit et vit. Elle ressent les gaps, quand elle et son père ne sont pas en phase : ils y sont, ils n'y sont plus, ils n'y sont pas tout à fait... c'est bien montré et ça s'aggrave au fil du séjour, elle détecte les failles d'un père discrètement défaillant, malgré sa bonne volonté, et le mal-être dépressif qu'il distille à bas-bruit finit par être évident. Evidemment, elle ne sait pas quoi faire de ça. C'est ça, le film, un histoire de maturation et de "défusion", de fin de l'enfance à l'ombre du père, sous les lumières radieuses de l'été, dans un contexte  "Sea, sun et fun"  (le sexe est en filigrane, par l'observation de jeunes qui dragouillent et de couples qui flirtent et par l'échange d'un premier baiser). Tout y est, à coups de petites scènes, mais pourquoi ça ne marche pas du tout ? Pourquoi ce sentiment d'ennui ? Pourquoi l'intérêt et le propos du film n'arrivent pas à faire surface dans cet océan d'images et de scènes ordinaires ?

A deux ou trois reprises, et à la fin, Charlotte Wells fait le coup du brassage des temporalités (ratés du film amateur, tremblés, cadrages foireux, images d'avant, d'après, et même d'un temps qui ne fait pas partie du film et qu'on pourrait deviner : une sorte de scène d'accident fatal au père ? On restera dans le non-dit, l'à peine suggéré, le flou). C'est chiant et moche, cette histoire de film qu'elle (ou Sophie) rembobine, parce qu'elle n'a pas fini d'élucider tout ça... bof.

Malgré l'ennui et la laideur d'un film de vacances, il reste quand même "le regard et la sensibilité de la jeune Sophie, une belle actrice (Frankie Corio)".

samedi 25 février 2023

Les Banshees d'Inisherin

Martin McDonagh (Bon Baisers de Bruges, 3 Billboards: Les Panneaux de la colère)

 "Pourquoi Colm ne veut plus que je sois son ami ?" avec cette question simple, Martin McDonagh arrive à faire un film puissant et émouvant où il est question de la solitude de l'homme, du besoin d'être reconnu ou aimé, du besoin d'attachement et de lien, de la peur du vide, de la création comme rempart au néant.

On est en Irlande en 1923 sur l'île d'Inisherin, à peine peuplée par une petite communauté où tout le monde se connaît et s'observe : le patron du pub, le policier, le prêtre, l'épicière... et c'est une affaire bien étrange que celle de Padraid (Colin Farrell) et de Colm (Brendan Gleeson). 

Padraid a une sœur qu'il aime, des animaux qu'il aime, surtout Jenny, sa petite ânesse miniature, et un ami de toujours, Colm, avec qui il descend des pintes au pub. Mais un beau jour, rideau. Pour une raison mystérieuse, Colm ne veut plus. Pire, il interdit à Padraid de lui adresser la parole. Son amitié l'empêche de se consacrer à son art, la musique. Colm balaie de sa vie un homme simple, bienveillant et gentil pour pouvoir créer et laisser une trace après lui. Padraid bute sur  la violence de ce rejet, sur l'incompréhensible radicalité de Colm et cherche, en dépit de tout, à comprendre et à retisser le lien.

Le film explore le mystère de l'amitié ou l'illusion de l'amitié, la solitude dans un monde de taiseux, mais aussi l'orgueil, la méchanceté, la mesquinerie, la dépression, la violence, la brutalité, l'enfermement dans une société bornée... et la fatalité. Le rejet, la douleur, l'abandon transforment lentement Padraid en l'homme qu'il n'était pas.

Le film est sobre, puissant et tragique, les images sont somptueuses, c'est très beau, très émouvant et triste sur fond de guerre civile fratricide dont les échos arrivent de très très loin jusqu'à Inisherin.