mercredi 28 septembre 2016

Juste la fin du monde

Xavier Dolan. Quelle déception. Une outrance de plans esthétisants, une musique envahissante (bon, d'accord, ils n'arrivent pas à communiquer), un abus de gros plans sur les visages, beaucoup de bruit pour ne pas dire grand chose (je sais, c'est le sujet du film, ils n'arrivent pas à communiquer). C'est vrai qu'ils doivent jouer le non dit, le malaise, l'impossibilité de se parler, sauf pour échanger des rien du tout. Chacun est bouclé dans sa sphère, les acteurs sont excellentissimes, heureusement, épinglés en train de se débattre dans ces tranches de vie épaisse et vide, sauf Gaspard Ulliel qui abuse de sa belle gueule mutique. La scène en voiture est particulièrement intense (même si le personnage de Cassel donne un peu beaucoup dans la caricature).
Bref, c'est une juxtaposition de tranches de mal-être en famille magistralement interprétées avec pas mal de longueurs (et une image finale d'une symbolique plutôt lourdingue).

lundi 19 septembre 2016

Jardin du Mobilier National (Gobelins)



Jean Lurçat, Au seul bruit du soleil

M.Bomsel 1926 (peinture)

Trafalgar (tapisserie)

Tapisserie, détail de...


Au seul bruit du soleil, exposition aux Gobelins de l'œuvre de Jean Lurçat, "dont le rôle a été déterminant dans l’histoire de l’art et la renaissance de la tapisserie au XXe siècle".
Quelle chance d'avoir découvert, le dernier jour, grâce à la Journée du patrimoine, cette exposition et ce créateur :
http://www.mobiliernational.culture.gouv.fr/fr/expositions/expositions-precedentes/51/jean-lurcat-1892-1966
Son œuvre de céramiste aussi est extraordinaire.


Jean Lurçat céramiste






dimanche 18 septembre 2016

J'ai plein d'amis à La Colline !

Et voilà, j'ai plein d'amis à la Colline, puisque c'était une soirée d'amis inconnus réunis par Wajdi Mouawad parce qu'"Aux  jours sombres les amis inconnus". Belle idée, avec malgré tout un petit effet "entre soi" puisqu'à peu près toutes les personnes présentes sont à peu près armées contre la peur par la culture, la réflexion, la création, l'art... tout ce qui extrait l'humain de la peur bestiale, primitive, et sauve son humanité (avec au premier degré, viscérale, l'histoire P. Levi de la pomme de terre offerte au camp de concentration). A part cet entre soi (auquel a été sensible un spectateur, accent arabe, indigné parce qu'on érigeait la peur en spectacle, et qu'on ne faisait que brandir la peur la peur la peur... entre gens qui n'ont même pas vraiment peur. Il était à la fois à côté de la plaque, les gens se sont récriés gentiment, "mais non, c'est pas du tout ça, au contraire", mais je vois quand même ce qu'il voulait dire, et j'entrevois ce qu'il pouvait ressentir. Bref, il n'était pas du même monde...)
Donc, à part ça, il y a eu de vrais moments de grâce : Ana Maria Venegas et son clownesque numero de "même pas peur, vive Antigone- antitout", avec une magique façon d'enchaîner les coqs-à-l'âne,  Louise Otis, présidente du tribunal administratif de l’OCDE, d'une intelligence et d'une clarté magnifiques, championne de bienveillance, et sa formidable amie, écrivaine canadienne-vietnamienne dont hélas je ne retrouve pas le nom. Il y avait aussi Patrick Boucheron, Professeur au Collège de France, au fond et contre toute attente, très drôle, qui se demande si les météorites sont si redoutables, dans le fond.
Et aussi deux jeunes lycéens en option théâtre au Lycée Jean Jaurès à Montreuil : Stanley Menthor et Jonas Thierry. Ce serait injure de leur dire qu'ils étaient charmants. Mais ils avaient une fougue et une impétuosité charmantes et efficaces dans une scène de leur création.
Et puis un grand moment, un moment supérieur, avec les élèves de 3e année du CNSAD, collectivement aux prises avec le sang des bêtes et le sentiment tragique et cruel de l'existence. Ça, c'était un vrai moment de grâce tragique, où ne pouvait même pas applaudir à la fin, tellement ils nous avaient estomaqués.
Heureusement qu'il y a eu Dieudonné Niangouna pour dérider l'atmosphère, même si ce qu'il racontait n'était pas moins tragique, il a un style tellement personnel pour rendre cocasse l'horreur qu'on tombe immédiatement amoureux de ce personnage-auteur-acteur. Je vais me précipiter en février/mars prochain à La Colline voir son spectacle Antoine m'a vendu son destin/Sony chez les chiens.

samedi 10 septembre 2016

Comancheria

David Mackenzie. C'est vrai, dès qu'il y a l'Amérique des grands espaces, même si c'est en version monotone et pourrie, en l'occurrence le Texas (en vrai le New Mexico où ça a été tourné), je suis contente. Je ne sais pas pourquoi ces paysages désolés et pleins d'espace me réjouissent, jalonnés de barbelés pour le bétail, et d'hypothétiques pancartes qui signalent des bourgades fantômes. Et quand surgissent ces bourgades, on n'est pas en reste, avec la station service, le "diner", la banque, de vagues rues toutes pareilles qui se croisent, des motels absurdes, un casino de loin en loin, et après quand on sort du patelin, on trouve ça et là des cow-boys essayant de survivre avec leurs bêtes, des campements avec mobil home, ou de pitoyables agencements baptisés "ranch", où on ne sait pas trop ce qui peut survivre là. En fait, ce qui survit là, ce sont deux frères, à la fois dépareillés et appareillés, différents, mais frères, et ils ont un plan pour sauver le ranch familial. Et à l'arrière plan, il y a une autre paire, le shérif et son second, sur la piste des braqueurs de banque. Tout ça sur fond de modernité, c'est à dire une société gangrenée par la crise monétaire, où les ranchers n'ont pas d'avenir, avec partout des pubs pour les surendettés ou pour ceux qui ont besoin de cash. Bref, c'est un western du 21e siècle, où il est question de la rapacité des banques et de l'endettement des couillons, voués à la pauvreté de père en fils. Avec, plus que plus à l'arrière plan, la mythologie d'une Amérique libre, où les Comanches étaient maîtres de la plaine et foncièrement rebelles, et où, version contradictoire, chaque Texan peut fait régner sa loi, armé de ses guns, pistolets, fusils mitrailleur... tout ce qui tire. Tout ça est plutôt dense et fin, avec des personnages super bien campés (les 2 paires, tout comme les personnages annexes).
Excellement interprété par Jeff Bridges, Chris Pine, Ben Foster, avec une super musique

mercredi 7 septembre 2016

Voir du pays

Delphine et Muriel Coulin. Un groupe de militaires en sas de décompression à Chypre. Une manière pour l'armée de gérer les dégâts intérieurs chez ces hommes - et femmes- engagés en Afghanistan. Et la réticence-résistance de personnes pudiques, qui ne voient pas l'intérêt de se déballer. Des gens qui ont un engagement collectif et des habitudes de troupe. On se met au garde à vous, on obéit à la hiérarchie. Et on remplit les questionnaires comme on sait qu'ils doivent être remplis.
Les voilà donc balancés dans un décor "de rêve", luxueux resort en bord de mer. "On se croirait à Disneyland" dit Marine. Un univers architoc et artificiel où ils ont 3 jours pour décompresser et se débarrasser de leurs traumas, obsessions, interrogations sur ce qui s'est réellement passé en Afghanistan. Grâce à des séances de debriefing, où chacun est invité à raconter ses impressions majeures et sa vision des faits dans une sorte d'aveu public, comme si on pouvait laver son linge sale en famille.
Le film montre d'abord le déni, "il n'y a rien à dire, tout va bien", puis le ressenti personnel, enfoui, inavouable de l'individu qui finit par émerger et entre en conflit avec la vision institutionnelle et la volonté de leur faire digérer tout ça,
Il en ressort un chaos d'impressions personnelles, conflictuelles, où les individualités percent, où chacun a vu le monde à sa façon, et où rien ne coïncide. Et quand la contestation menace et qu'on arrive à la limite de la subversion, la hiérarchie sait reprendre la situation en main.
Le reste du temps, ils sont censés se distraire, mais c'est comme si le débriefing avait libéré toutes les tensions, les animosités entre ces femmes et ces hommes, et la misogynie. Le film montre subtilement la dislocation du groupe et une forme d'impasse et de point de non retour où ils arrivent.
Très bien.

Le Canardeur = Thunderbolt and Lightfoot

Michael Cimino (1974). Titre mal traduit par Le Canardeur, puisqu'il gomme le sujet du film, l'amitié qui surgit entre deux gars, Clint Eastwood et Jeff Bridges. Comme s'il fallait laisser la vedette à Eastwood. Fatale erreur, car Jeff Bridges, "rolling stone" à peine sorti de l'adolescence, prêt à toutes les conneries, tout dans l'instant, l'instinct et l'impulsion, illumine le film et rallume la flamme chez Clint Eastwood, ex-braqueur de banques désabusé, ex héros de la guerre de Corée. Le film est rapide, déroutant, solide et plein de grâce, tout en jouant sur les classiques du genre (braquage de banque, buddy et road movie). Jeff Bridges est formidable en étincelle de folie, et n'est pas loin de voler la vedette au vieux Clint. Et les deux autres branques sont pas mal non plus (Red, le vicieux George Kennedy et Goody, le crétin Geoffrey Lewis).
En plus, c'est une belle balade dans l'ouest américain.
En plus, ils sont impayables dans leurs costumes seventies.

Et ça, c'est marrant : un frenchie sur les lieux du tournage :
https://vimeo.com/110600787