lundi 21 octobre 2019

Chambre 212, Christophe Honoré

Christophe Honoré signe un film plein de grâce, léger et profond sur le couple mature, la fidélité ou pas, la transformation physique, l'évolution des relations. Quand son mari découvre qu'elle l'a trompé, Chiara Mastroianni part réfléchir dans une chambre de l'hôtel en face de son appartement, d'où elle revisite les fantômes de son passé : son mari jeune, l'amour et le désir qui les liait, le premier amour de son mari, ses amants à elle... Les séquences sont légères, enlevées, bien jouées pour illustrer le mystère du couple, les caprices du désir, ou son absence, la manière dont les corps s'éloignent, même malgré soi, la frontière ténue entre ce qui définit l'amour et ce qui le rend éternel ou pas. Agréable surprise sur un sujet éculé et vieux comme le monde, c'est un très bon moment de cinéma, avec un excellent casting autour de Chiara Mastroianni : Vincent Lacoste, Benjamin Biolay, Camille Cottin.

mardi 15 octobre 2019

Sonnenallee

Leander Haussmann.
Dans la série comédie "ostalgique", ce film vu sur Arte est très plaisant. Voici la présentation d'Arte :
La Sonnenallee des années 1970 a deux particularités : elle est traversée par le Mur et fait office de poste frontière entre les deux Berlins.
Côté Est, Micha, Mario et leurs copains mènent une vie d'ados ordinaires. Ils fantasment en permanence sur la mode et la musique venues de l'Ouest. Il faut dire que Micha a bien du mal à trouver des modèles dans son entourage, entre une mère prête à usurper l'identité d'une touriste pour passer de l'autre côté, un oncle de l'Ouest pourvoyeur de bas nylon et un voisin informateur de la Stasi.
Et c'est aussi la nostalgie de l'époque foisonnante de l'adolescence et du premier amour.

lundi 14 octobre 2019

Phèdre de Michel Hermon

Magistrale interprétation/incarnation de Phèdre que celle de Michel Hermon. Il élague toutes les scories des représentations qu'on a du théâtre classique, peuplé de colonnes, de toges et de tirades poussiéreuses et il restitue la langue de Racine dans sa somptuosité, sa rigueur, sa sinuosité, sa précison, ses envolées, l'exacte expression des nuances, altérations, concavités... des émotions et envolées de la passion humaine. Il interprète tous les personnages, Phèdre, Oenone, Hippolyte, Thésée (on ne s'y perd jamais) et il nous tient en haleine sur le fil de leur parole, une parole rendue à sa densité, sa résonnance, sa profondeur extrême. Il donne aux mots un espace incroyable, l'espace que mérite la langue somptueuse de Racine et manifeste combien cette langue est riche et sublime. Combien elle incarne les personnages, les nuance, les fait avancer sur le fil d'émotions et de passions dont les fluctuations sont admirablement cernées.
Vibrante, chancelante, émouvante, troublante, Phèdre se fourvoie et chancelle sur les variations infinies du sentiment amoureux, elle va trop loin, elle se reprend, se repent, elle y revient et fait inlassablement le tour  de l'impasse qu'est sa passion pour Hippolyte. Elle se fourvoie, mais rien ne peut l'empêcher d'avancer au bord du précipice, de revenir sans cesse à l'inéluctable, et c'est la commune Oenone, responsable et garante de l'ordre établi, qui la rattrape au bord de l'irréparable. Elle l'empêche de se suicider, et pour que tout rentre dans l'ordre, elle construit la perte d'Hippolyte en inversant les propositions : ce serai lui le fourbe séducteur, le fauteur de désordre, le bafoueur de l'honneur du père : elle construit ainsi la perte du fils.
Au fil du texte, on rencontre les tirades les plus célèbres qui retrouvent soudain une beauté, un éclat,  une résonnance oubliée. On est suspendu au fil de ces mots qui sculptent l'espace de l'ordre et de la passion, du désordre amoureux, du déshonneur, de la fatalité. Et on découvre aussi une sorte de folie de Racine, que l'on croyait policé dans le maniement des alexandrins, mais qui joue à merveille de la peinture des circonvolutions, complexités, délires et excès de l'âme.