dimanche 31 août 2014

Super Lucy et les méchants

 
Luc Besson
Ça a l'air super, cette drogue, quoiqu'un peu expéditif : 24h pour aller au bout de son cerveau, mais alors, quels flashes, quelle balade cosmique dans l'infiment lointain, l'infiniment grand ou petit, nos clichés chéris sur l'histoire du monde et les mystères de la connaissance. Sinon, on s'amuse bien aussi dans le contemporain. Super Lucy, maîtresse des ondes et des réseaux, ça crépite de plaisir, et vas-y que je t'allume un écran où je veux, quand je veux. Côté écoutes, rien de tel que de brancher directement son cerveau sur une ligne, écarter délicatement le faisceau de connexions, et hop, on comprend même le coréen. A part ça, quel pied de pouvoir casser la gueule à tous les casse-pied et les super-méchants armés jusqu'aux dents, les coller au plafond d'un regard, et même moucher les importuns avant même qu'ils n'aient commencé à vous importuner. En résumé, super Lucy et ses super pouvoirs aux prises avec des super Coréens super maléfiques, condensé des pires cauchemars de la pire des mafias (pff... la mafia sicilienne peut se rhabiller). Difficile de bouder son plaisir. Je me suis bien amusée.

samedi 30 août 2014

Joseph Losey aime peindre les losers.


EvaThe Servant
























The Servant (Dirk Bogarde) 1964, Eva (Jeanne Moreau) 1962
Prenez un décor stylé et luxueux, à Londres ou à Venise, et regardez déchoir le personnage au centre du décor, regardez le perdre le contrôle et la place centrale. Ejecté de son statut, de son univers, de sa personne. The Servant, majordome-serviteur-homme à tout faire, prend le contrôle de la maison et de la personne du jeune aristocrate, à coup de manipulations et de relation perverse. 
Eva, objet inaccessible de passion amoureuse, détruit l'écrivain en vue, chouchouté par le cinéma et les gens du monde. Le pouvoir corrosif du Servant et d'Eva décapent le vernis jusqu'à faire fondre le décor : le monde du lord et celui de l'écrivain s'effondrent, et eux avec. Leur personnage s'avilit et se délite sous le regard (goguenard) du maître du jeu. Et toujours, en arrière plan du couple dominant-dominé, une femme aimante et sincère qui ne fait pas le poids.
Mais ce qui est complexe et inquiétant dans The Servant est caricatural dans Eva. Jeanne Moreau a beau être très séduisante, promener avec grâce ses beaux yeux et ses longues jambes, faire des effets de cheveux soulevés et de déshabillé vaporeux, cette histoire de Femme et de pantin a vieilli. Alors que la relation entre Dirk Bogarde et son maître est plus trouble, sa progression subtile, l'ambiance plus oppressante.
Eva a mal vieilli, mais qu'est-ce que c'est beau à regarder. Chaque plan mérite un arrêt sur image.


vendredi 29 août 2014

Party girl


Party Girl


Marie Amachoukeli,Claire Burger, Samuel Theis
Il en ressort que les ploucs ont une âme et que j'ai une âme de plouc. Le film est plus riche que ça, mais en résumé, c'est ça et j'aime bien l'humanité de ce film.

vendredi 22 août 2014

J'ai rêvé que j'étais vivant !

Raw Vision vs Le Mur




Ce que je trouve fascinant dans l'expo Raw Vision c'est de pénétrer dans l'intimité de ces artistes et de les voir aux prises avec leurs images, leurs phantasmes, leurs voix, leurs obsessions. La pénombre de l'expo bruisse de leurs voix, de la rumeur sourde de toutes ces âmes en quête d'elles-mêmes, de leur vérité. De leur nature. Dans le détail, il y en a un certain nombre qui ne m'intéresse pas vraiment, mais dans leur ensemble, elles deviennent fascinantes, parce qu'elles participent toutes, d'une certaine façon, d'un appétit de (vivre ?). Vivre en phase avec sa vérité intime. Vivre l'essence de son être dans sa relation au monde. Même s'il y en a un paquet qui sont autistes ou schizophrènes. Qu'importe. Ils ont eu la force de ne  pas se laisser museler par l'ordre du travail, de la vie à crédit et de la rentabilité. Force d'inertie. Ou résistance. Ou faiblesse. Ou incompétence. Ils étaient trop faibles, trop illettrés, trop nuls, trop peu dociles pour se faire enfermer. Inadaptés. Laissés pour compte. Ils sont restés prisonniers (?) de la liberté de leur être. D'ailleurs, un certain nombre a séjourné à l'asile ou en prison. Ils n'ont rien fait de constructif ou d'utile. N'ont apporté aucun progrès à l'humanité. Sauf celui de renouer avec l'imaginaire, l'inconscient, les archétypes, leur voix personnelle dans l'universel.
C'est amusant de regarder en contrepoint l'exposition Le Mur, de la collection d'Antoine de Galbert. Il y a quelque chose du même ordre qui en ressort, mais comme inversé, filtré par la vision et le choix du collectionneur. Plus fragmenté et plus dilué puisqu'il y a beaucoup plus d'artistes exposés, et que la plupart ont une seule œuvre exposée. C'est moins intense, et moins intime, il n'y a pas cette impression de frénésie, de folie et d'urgence qu'il y avait dans Raw Vision. Mais c'est une belle balade avec des rencontres éphémères et des surprises, et aussi des propositions anecdotiques ou gag-esques sur lesquelles le regard glisse avec distraction. Mais aussi des immersions dans d'horribles visions, des réminiscences, et aussi du blabla et des propositions qui laissent indifférent. Il reste le plaisir de flâner dans le monde du collectionneur, avec ses engouements, ses passades, son humour, ses spéculations, et aussi son plaisir d'enfant gâté qui se promène chez les artistes en disant je veux ça, et ça, et aussi ça.
Le dispositif du clic est à la fois rigolo et fastidieux, j'aimerais bien avoir accès au système qui enregistre le nombre de clics par œuvre, et aussi enregistrer des balades individuelles, et dresser quelques portraits de visiteur à travers leurs clics, et aussi le portrait des best of de la collection, via l'ensemble des clics distribués. 

mercredi 20 août 2014

Raw Vision, Halle Saint Pierre


J'ADORE CETTE EXPO. Plongée extraordinaire dans une profusion d'images mentales, rencontre d'un foisonnement d'esprits créatifs en roue libre, connectés sans entrave à leur inconscient, en prise directe avec leur âme. Ils fouillent au fond de leur esprit, de leur folie et poursuivent inlassablement leurs visions, les voix, les images, les obsessions qui les habitent.  Ils peignent, sculptent, dessinent, suivent leurs voies sans entrave, n'obéissent à aucun cadre (beaucoup n'ont pas ou peu été à l'école, ils ont fait des petits boulots, ou pas de boulot, ils sont passés par les orphelinats ou les asiles, ou y sont restés)
C'est formidablement multiple, profond, passionnant de pouvoir se promener comme ça dans l'âme des autres. 
Drôle de contraste, au pied du Sacré-Cœur, livré au tourisme de masse.

vendredi 15 août 2014

Winter sleep

Nuri Bilge Ceylan
Film génial, film dense qui regarde à l'étage où se nouent les relations entre les humains, l'étage où ça coince, puisque c'est l'étage où ça parle vrai, et où personne ne parle la même langue. Chacun parle depuis son propre continent, émotionnel, affectif, social. Ça parle, mais c'est pas du bavardage, ça balance sec, ça montre ce qui est en jeu dans une relation. Donc ça dérape. Forcément, chacun part sur son propre délire et embraye sur ses propres obsessions. Ça commence soft, chez les bobos anatoliens, et ça dérape. La sœur balance, la femme balance, toutes les frustrations font surface, et lui, le protagoniste, il aurait bien continué tranquillement comme ça, mais les emmerdeuses, la sœur et la femme, balancent sec, leurs griefs, leur subjectivité. Et ceux de l'autre monde (les prolos, ceux qui ne paient pas leur loyer, ceux qui prient ou militent) parlent aussi très fort, même quand ils ne disent pas grand chose. Et nous on regarde, médusés, cette vérité et cette profondeur des relations humaines. Mâtinée d'un arrière plan social. Nuri Bilge Ceylan sait exactement où sont les gens et d'où ils parlent. Et en plus, l'image est sublime, cette alternance entre paysages d'hiver et ambiances douillettes, confinées et confortables, claustrophobantes.

dimanche 10 août 2014

Jimmy's Hall

Si on veut prendre un bain d'humanité, de solidarité, de valeurs partagées. Si on veut se rappeler la puissance réactionnaire de l'église irlandaise, qui vibre dans la haine de la joie, du plaisir et de la pensée indépendante, et qu'elle est du côté des riches et des puissants, c'est ici. C'est un beau film qui emporte par la qualité humaine des protagonistes, en racontant la belle aventure qu'ils vivent dans ce Jimmy's hall, fait pour la musique, la danse, le dessin, la sociabilité de ceux qui n'ont rien. C'est un beau film pour les paysages, les personnages intelligents et généreux. Et qu'il n'y ait pas un "mauvais" de leur côté contribue au côté "conte moral" du film.

vendredi 8 août 2014

A la recherche de Vivian Maier

A la recherche de Vivian Maier
enquête passionnante sur une photographe asociale et géniale. Par celui qui l'a découverte par hasard après sa mort.

New York melody : gentille daube pleine de clichés et de rebondissements : le gentil couple de musiciens arrive à N.Y et c'est super parce que lui va percer, (elle, c'est la muse-icienne dans l'ombre) mais le succès lui monte à la tête (sa tête à lui) très vite, alors elle se tire, et veut quitter NY, mais rencontre in extremis un pote musicien qui l'oblige à chanter dans un club, et tout le monde s'en fout, dans le club, sauf le producteur ivre, mais déchu qui comprend tout de suite qu'elle est en or. Alors ils ont plein d'énergie, et d'idées, et lui, plein de relations chez les musiciens, alors il a une idée qui déchire, comme ils peuvent pas enregistrer en studio, ils enregistrent dans la rue, dans tout N.Y, et c'est vachement gonflé, et ça déménage, et même ça le réhabilite, à ses propres yeux, et aux yeux de sa femme et de sa fille, et elle aussi, ça lui donne de l'aplomb, et elle peut  dire à son "ex" , ou plutôt lui chanter, tout ce qu'elle pense de lui et de sa musique, parce qu'il l'a trahie, il en a fait un truc super commercial, alors l'ex est super confus et morfondu, et ils ont un échange vachement authentique, mais cependant, la maison de production veut toujours pas la produire, alors le producteur déchu et elle sont super gonflés, ils lancent l'album en direct et sans filet sur le net, et c'est trooooop cool.

mardi 5 août 2014

Kumbh Mela



Pan Nalin
Ce serait vraiment flippant de se retrouver dans cette foule monstrueuse d'indiens en pèlerinage au bord du Gange. Tous ces gens sont en mouvement perpétuel, au gré des processions, des prières, des immersions. Mais dans ce chaos, on devine une organisation de micro-sociétés de gourous et leurs adeptes, villageois, qui campent, prient, mangent, circulent, coexistent, et dont la vie est rythmée de temps forts, rites divers et immersions dans le Gange sacré (ou plutôt à la jonction de 3 fleuves sacrés) et par les drames de familles épuisées ou séparées par la foule, d'enfants perdus ou volés.
Dans ce chaos, au cœur de ces rites dont on ne comprendra jamais rien, le réalisateur Pan Nalin suit 4 ou 5 destins, et il en résulte une rencontre pleine d'humanité avec des gens pleins de sagesse, de bienveillance, d'un mélange d'humanité et de spiritualité. Ils donnent et reçoivent, nourrissent, accueillent... Il y a les curieuses figures des nagas et des sadhus. Il y a le sadhu-yogi qui a adopté un nourrisson abandonné et l'éduque avec un amour incroyable, le gamin fugueur, menteur et malin, qui se fait adopter par un groupe de pèlerins, l'angoisse de la famille qui cherche désespérément le fils de 3 ans qu'elle a perdu, et diverses figures qui palabrent et philosophent dans la fumée du hashish et "parlent de choses spirituelles" comme le dira le jeune fugueur. Et de cet immense rassemblement de pèlerins naissent de très belles images (les passerelles qui traversent le fleuve), de très belles figures, de très beaux portraits. Comment Pan Nalin arrive-t-il à rendre si proches des gens si radicalement éloignés de nous ?