samedi 2 mars 2024

Sans jamais nous connaître /All of Us Strangers

 

Andrew Haigh. C’est l’histoire d’une rencontre improbable entre deux solitudes, quand Adam (Andrew Scott ) finit par ouvrir la porte, non sans réticence, à Harry (Paul Mescal), son seul voisin dans l’immeuble anonyme et désert. Mais c’est dangereux, d’ouvrir la porte. C’est troubler son enveloppe protectrice, accepter l’effraction de sa clôture, de sa solitude et de son intimité : ça ouvre la porte à bien des possibles, y compris l’amour, y compris les fantômes tapis dans le vide de soi et du manque d’amour. Ça fait bouger les lignes. Adam se trouve alors passer une autre porte, en revisitant sa maison d’enfance et ses parents tels qu’ils l’ont laissé quand ils sont morts d’un accident de voiture quand il avait 12 ans.

En renouant avec le cocon protecteur de l’enfance et l’idéal d’intimité et d’amour familial, Adam renoue aussi avec une fraction enfouie de lui-même : la solitude de l’enfant malheureux malgré la chaleur du foyer, malgré l’amour de ses parents. A mesure des échanges avec eux (Adam les tient informés de son évolution et des évolutions de la société) les parents comme l’enfant apparaissent chaleureux, pleins d’amour et d’humanité, dans une communion familiale idéale, ils se parlent et s’acceptent comme jamais. Scénariste solitaire, Adam rôde autour de ses fantômes jusqu’à la scène de la réparation dans le regard des parents. Il finit par verbaliser ce qu’il avait au cœur : la faille ou la déception ou l’incompréhension que sa nature homosexuelle -inavouable- créait dans leur regard. Tellement juste, tellement simple ! Un rêve ! Maintenant, il va lâcher le passé et aller de l’avant avec Harry.

A la frontière entre soi et l’autre, entre rêve et réel, tout est « border » dans cette histoire émouvante : le personnage au bord de la rencontre, le sexe à la limite de l’amour, les fantômes à portée de main. Rien à voir avec la promesse gnangnan de l’annonce « une romance gay entre Paul Mescal et Andrew Scott » qui faisait craindre le pire. Sans laisser soupçonner que « Sans jamais nous connaître » est fantastique, vertigineux de beauté et de tristesse.
Et il y a la B.O  !(Always on my mind (Neil Tennant/ Pet Shop Boys, reprise d’Elvis), Frankie goes to Hollywood (The Power of Love)…

Le film est tiré d’un roman japonais All of us strangers/Présences d’un été (1987) de Taichi Yamada, malheureusement épuisé pour l’instant.