dimanche 21 octobre 2012

Butin


Une visite au musée, c'est quelques rencontres, 2 ou 3 visages glanés, des toiles qui font impression, jusqu'au moment de la saturation, le moment où plus rien ne passe. Parce qu'au début, on est tout content, on regarde n'importe quoi avec plaisir et curiosité - en fait, pas n'importe quoi, certains tableaux sont évacués d'emblée comme nuls, obsolètes et non-avenus, en tout cas dans son propre panthéon, et on se prend à plaindre le musée d'avoir à exposer des choses de plus ou moins belle facture, pour le peu que j'en sache, mais d'un ennui total : ça j'en suis sûre, je ne jette qu'un coup d'œil à certaines peintures, et elles m'inspirent tout de suite un ennui profond. Dommage, j'ai oublié d'en photographier.

Mais il y a celles qui intriguent et interrogent, même si on ne les aime pas forcément :
Pourquoi ce type m'intrigue-t-il ? D'après la notice, c'est un Portrait d'homme (c'est sûr, ce n'est ni une vache, ni un planisphère), l'auteur, ou plutôt la provenance, c'est Ancien Pays Bas du Nord, vers 1520-1540, et c'est le pendant d'un Portrait de femme, "caractéristique du réalisme septentrionnal de la fin du Moyen-Age". Certes, certes, mais ce qui m'intrigue, c'est l'humain, j'ai déjà vu ce type quelque part, il incarne quelque chose. J'hésite entre avocat et boucher.
S'il est avocat, c'est qu'il vient de boucler son dossier, il réfléchit à une dernière manière d'agencer son discours et de contrer un point délicat de l'argumentation de l'adversaire. Il est concentré, une certaine tension se lit dans l'expression serrée de la lèvre supérieure, le regard est sévère et intense (est-ce qu'il regarde quelque chose ou bien ça se passe à l'intérieur ?) et dans la crispation de la main sur le manteau. Il se rassemble et se prépare pour l'assaut final. Il est prospère, la pelisse est doublée de fourrure, son visage dénote l'homme de détermination et de pouvoir.
Ou bien c'est un armateur (mais je n'y crois pas), on vient de lui annoncer la perte d'un vaisseau en mer Baltique, un vaisseau chargé d'ambre et de fourrures (et de ??? houblon, de blé...) Il encaisse le coup et suppute comment équilibrer les pertes avec la flotte qu'il attend de Constantinople.
Deuxième hypothèse, c'est un boucher puissant, le président de la Corporation des bouchers, et il vient de remporter une vente importante à une importante foire aux bestiaux du nord, ou de réussir une avancée significative pour la Corporation. Mais c'est toujours la même chose qu'on lit dans son visage : la détermination et le sérieux, non dénués de quelques secrètes arrière-pensées, teintées de circonspection. A moins qu'il ne soit sur le point de triompher, mais qu'il n'ait pas encore l'intention de laisser éclater sa satisfaction.
Mais un historien de l'art va promptement me remettre à ma place et m'expliquer que je n'y suis pas du tout, que ce monsieur porte l'accoutrement caractéristique du banquier hanséatique, et qu'il évalue les avantages qu'il y aurait à marier sa fille Brunehilde à un homologue lombard.
(Palais des Beaux-Arts, Lille)

Babel, Palais des Beaux-Arts, Lille



Nom de l'œuvre ? de l'artiste ?


Babel, c'est autre chose (que Fables du Paysage flamand). J'ai aimé ces Fables comme un retour sur un ensemble de mythes et légendes, un voyage dans des paysages étranges et familiers, le sentiment d'appartenance à un vieux fond de légendes et de mythologies et de visions du monde. A tort ou à raison je vois des connivences avec l'exposition Babel, au sous-sol, là aussi il y a  des paysages, là aussi, ils racontent des fables, mais dans un tout autre registre. Il y a profusion de références mais c'est l'ambiance est toute autre. L'harmonie a disparu. Ce qui surnage ici, c'est l'excès, la surabondance des références, l'absurdité de tours érigées sur l'au ou dans le désert, l'intégration d'une infinité de données non maîtrisées, le non sens et l'angoisse.
Je retiens surtout les paysages de deux Chinois (nés à Shangaï), traités par superposition de références. Yang Yongliang choisit la vision classique de la peinture chinoise des paysages, revisitée par la gangrène de l'urbanisation. Zhenjun DU choisit de parasiter un point de vue classique (des monuments de villes européennes, par exemple) par une prolifération de superpositions.
Yang YONGLIANG Artificial Wonderland, 2008 Galerie Paris Beijing (et Phantom Landscape)
Zhenjun DU (1961) Galerie RX Paris

Toujours sur le thème de la prolifération, de l'excès, ou de la gangrène
Jean François RAUZIER (né à Sainte adresse 1952) : 
-Versailles / L’Art en direct Paris, Boulogne Billancourt
- MontJuic 2010 / L’Art en direct Paris, Boulogne Billancourt
- Tours Abu Dhabi 2010



MontJuic 2010
Abu Dhabi 2010

Et aussi Florian JOYE






Yang YONGLIANG, Babel, Lille


Artificial Wonderland, 2008 Galerie Paris Beijing (et aussi Phantom Landscape)

Comment la croissance a gangrené le paysage traditionnel tel qu'il est célébré par la peinture traditionnelle.










Palais des beaux-Arts, Lille


Zhenjun DU, Babel, Palais des Beaux-Arts, Lille


Né à Shanghai 1961 
Galerie RX Paris


Le premier tableau à gauche est composé à partir de références européennes (Old Europe)
Les quatre autres évoquent (la Chine ?), une tornade (?) une inondation (Flood) et "L'Accident. 
(+ reflets pourris dans mes photos)







Fables du Paysage flamand



Lille, Palais des Beaux-Arts
On les connaît vaguement, ces peintures, éparpillées au gré de visites dans des musées ou de reproductions ici ou là, elles fourmillent d'histoires, d'anecdotes et d'arrière-plans, on les connaît vaguement, si bien que c'est un bonheur de les trouver rassemblées pour une balade dans des mondes imaginaires, des récits bibliques, ou mythologiques. On rencontre des créatures étranges, des fourmillements d'humains, de bêtes, d'êtres hybrides. On trouve les best-sellers : les Saint-Jérôme et son lion, les Saint-Christophe et son Jésus-monde sur les épaules, on avale des Tentation de Saint-Antoine, des Montée au calvaire, des Jugement dernier, des Enfers et des paradis. Ces êtres mythologiques (Enée, Vénus, Icare...) ou bibliques (Jonas, Loth et ses filles) font incursion dans ce  monde de la Renaissance... : tout ça fourmille et foisonne, on scrute des détails, chaque parcelle d'un tableau est tableau à elle seule, les détails symboliques côtoient les détails triviaux : des chevaux ruent, des hommes pissent ou défèquent, des chiens lapent de l'eau, des manants ou des soldats font de la figuration, ou poursuivent leurs activités, indifférents à la scène qui est au cœur du tableau.  L'observation de ces trognes, l'inépuisable variété des figures humaines, des espèces végétales, les postures des chevaux, la contemplation des supplices de l'enfer, ou de paysages merveilleux... Et toujours ces montagnes, ces arches rocheuses, ces arrière-plans bleutés, ces villes ou villages qu'on distingue dans le lointain, et toujours un fleuve ou une rivière, de l'eau... C'est du cinéma, en technicolor et 3D, avec la logique d'un rêve, où plusieurs plans peuvent cohabiter et se juxtaposer. Cette peinture met en appétit, on a envie de tout voir, tout prendre et tout comprendre, tout absorber pour s'en imprégner et se balader à l'ombre de cette profusion d'images et de légendes. 
Reflet du Palais des Beaux-Arts vu de l'auditorium

jeudi 11 octobre 2012

Vous n'avez encore rien vu


Alain Resnais. Qu'est-ce qui manque à ce film ? De la vitalité. Du souffle. De l'air. Sinon, c'est propre, les acteurs connaissent leur métier, on s'ennuie et on s'intéresse poliment, les décors sont bien.