samedi 26 août 2023

Reality (et +)

Evidemment, il faut aller voir l'excellent Reality, de Tina Satter, ou comment le FBI fait irruption chez une jeune femme (Reality Winner, incarnée par l'excellente Sidney Sweeney,) avec un mandat de perquisition. Qu'est ce qu'ils peuvent bien lui vouloir ? Les dialogues sont la transcription exacte de l’interrogatoire tel qu'il a été mené. C'est minimaliste mais scotchant et touchant, le suspense est très efficace.

Vu également Kasaba, qui signifie petite ville, le premier film de Nuri Bilge Ceylan. Pas vraiment de scénario, ni d'histoire, plutôt autobiographique sur l'enfance et la famille dans un patelin à la campagne, très beau noir et blanc non sans charme.

Enfin, vu Anatomie d'une chute, de Justine Triet, Palme d'or 2023 à Cannes. C'est bien fait, très appliqué et fouillé, le film dissèque par le menu la vie du couple pour que le jury décide si c'est un suicide ou un meurtre. Sandra Hüller, veuve du défenestré dont on suit le procès est remarquable. Mais quelque chose clochait : l'abus de gros plans de visages ? la musique trop présente ? le procureur caricaturalement agressif ? la rigueur de la démonstration... Bizarrement, j'ai revu le film à la télé et je n'ai moins ressenti ce qui m'avait paru "too much", trop long, trop lourd, trop parfaitement administré.

jeudi 24 août 2023

Fermer les yeux

 Victor Erice, (cf L’Esprit de la ruche, 1973). Fermer les yeux commence par un film dans le film : tournage d’une scène où un riche personnage en sa riche propriété charge un détective privé d’enquêter pour retrouver sa fille en Chine. Décor, atmosphère, esquisse des personnages, images, suspense… il y a toute l’ampleur et les indices qu’il faut pour démarrer un bon film. Mais c’est un leurre, on est 20 ans plus tôt pendant le tournage d’un film du cinéaste Miguel Garay (Manolo Solo), interrompu par la disparition de Julio Arenas (José Coronado), l’acteur qui jouait le détective. 

20 ans après, à l’occasion d’une émission télé qui évoque l’affaire, Miguel Garay se met à enquêter sur la disparition de l’acteur.
C’est un film testament qui raconte le crépuscule d’un certain genre de cinéma « à l’ancienne », disons les films de l’âge d’or du cinéma. Un film qui convoque l’essence du cinéma avec ce qu’il faut de belles images, de méandres et de réflexion intelligente pour raconter une belle histoire de quête, avec ce qu’il faut de nostalgie, d’humanité et de tendresse pour aborder les personnages, avec un toucher sensuel pour caresser les lumières, les visages, les décors, les heures du jour…Un film qui en met plein la vue, pas au sens contemporain sensationnel, mais au sens de plénitude de l’image et profondeur du propos.
La quête du cinéaste se termine par la projection de la dernière bobine de son film inachevé, «La Mirada del adiós» (le regard de l’adieu)  qui résonne comme un adieu funèbre (fermer les yeux/dernier regard/fin de partie) et un hommage au (Film intérieur ? Déni de réalité ? Puissance de l'imaginaire, du regard intérieur, du rêve…)

Ou un peu comme on dirait "silence, on tourne" et on fait abstraction de tout le reste.

mercredi 23 août 2023

La Bête dans la jungle


Patrick Chiha. Drôle de concert de louanges. J’ai trouvé ce film fastidieux, prétentieux et poussif. Il peine à reconstituer l’ambiance de folie d’une boîte de nuit essentielle, censée condenser, 25 ans durant, l’essence de la nuit. L’éternité de la nuit vs le temps qui passe. Un univers électrisant où l'on se ruait corps et âme, enturbanné de musique et de danse, en quête de jouissances de tous bords, extases et ivresses diverses, tourbillons et séduction, transe à l’unisson, magma d’illusions et de désirs, exaltation d’une dérive collective aux heures ultimes où ùbris et eros se confondent.
C’est probablement ce que Chiha voulait montrer, mais il faut puiser dans ses ressources personnelles pour voir ce qu’il veut dire. Comme s’il y avait un film aseptisé sur la peinture de ces nuits. On regarde des gens s’agiter, non sans talent, l'essentiel n’y est pas. Il n’a pas su ou il a fait exprès, il regarde ça avec le regard de John l’ectoplasme (Tom Mercier), le regard extérieur d’un grand navet frigide planté au bord de la scène en attendant ce qui doit lui arriver d’exceptionnel. Et nous, on fait comme lui, on reste spectateur de cette intention et on attend. On n’en finit pas d’attendre.  Et on s’ennuie. Forcément, on n’est pas May, la gracieuse May (Anaïs Demoustier) qu’il entraîne dans sa quête obscure, avec sa force d’attraction de trou noir. Et la malheureuse de s’engouffrer dans la lumière noire de ce personnage immobile. Penché sur la nuit mais étanche. Comme moi.

mardi 8 août 2023

Les Herbes sèches



Nuri Bilge Ceylan (le plus grand cinéaste vivant ?) Ce n'est pas gai, ni drôle (la vie non plus), c'est le portrait d'un homme désenchanté, frustré, pas clair dans ses motivations et ses agissements, limite antipathique. Samet est professeur, perdu au fin fond de l'Anatolie enneigée, englué dans un quotidien ennuyeux et rude, borné par des collègues médiocres, aux prises avec d'insaisissables complexités : celle des adolescentes, celles des rivalités professionnelles et amoureuses, sa propre médiocrité. Le film tisse un réseau de relations d'attirance, de frustration, de trahison, de manipulation, le tout se jouant sous la surveillance latente que chacun dans ce petit monde exerce sur les autres, et sous la pression de l'autorité supérieure : celle de l'administration scolaire aussi présente que l'autorité politique et morale que la société exerce sur tout un chacun.

Dans cette poussière de village paumé, où tout n'est qu'ébauche, frustration, solitude, inachèvement, c'est comme si la neige omniprésente entravait, étouffait et ensevelissait tout : personne n'est libre, sauf Nuray, sans doute, enseignante elle aussi et ancienne activiste gauchiste, une femme engagée ; c'est la lumière de ce film complexe et amer (admirable Merve Dizdar, primée à Cannes). Il y a entre Samet et Nuray un fameux dîner - dîner en forme de traîtrise, d'où Samet est arrivé à évincer son colocataire et rival-. Dans ce dîner, donc, ils se livrent à un long échange hyper dense (ce genre d'échange dont seuls deux intellos sont capables) qui ressemble à une mise au point entre deux visions du monde, deux manières d'être radicalement étrangères, et qui renvoie Samet à lui-même : rêvant d'une mutation à Istanbul "où la vie sera meilleure", Nuray lui fait remarquer qu'il sera le même à Istanbul.

Les échanges ont beau voler haut, Samet n'en reste pas moins jusqu'au bout du film un personnage tortueux et complexe, étranger à la lumière de Nuray, habité par ce qui sera la conclusion du film à partir des herbes sèches du paysage (la neige a fini par fondre) : un monologue irracontable sur le ratage d'une vie et l'aridité de la maturité. Très grosso modo. Le réalisateur peint magistralement la complexité de l'âme humaine, comme il peint magistralement les images et les couleurs de son film. C'est un grand film à voir en grand écran.


dimanche 6 août 2023

En bref et en vrac

Pas envie de blablater sur Les filles d'Olfa, même si j'ai adoré l'intelligence et le finesse de ce film qui raconte la condition féminine en Tunisie, sans blabla ni discours militant, c'est extrêmement touchant, complexe et nuancé. Un film dont on a envie que tout le monde aille le voir, tellement il est plein d'humanité.

Limbo, Love Life, Vers un avenir radieux : déjà écrit

Rendez-vous à Tokyo, Daigo Matsui : beaucoup de charme et d'instants de grâce pour ce film qui raconte à rebours (chaque 26 juillet en remontant le temps jusqu'au 26 juillet de la rencontre) l'histoire d'amour entre un danseur et une chauffeure de taxi. (En plus, ils sont beaux et séduisants tous les deux)

Oppenheimer, Christopher Nolan : bon film efficace, où l'on découvre par le menu, biographique, historique et politique, comment Oppenheimer est devenu le père de la bombe atomique et après. Avec tout ce qu'il faut là où il faut : bien vu, bien fait et grand spectacle.

Sabotage, Daniel Goldhaber : une histoire de radicalité écologique où il s'agit de détruire un pipe-line, ou comment détruire ce qui nous détruit. Puisque la loi ne peut rien pour arrêter les prédateurs de la planète. C'est efficace, j'ai lu quelque part "thriller écologique", c'est vrai que c'est bien fichu, suspense, personnages aux motivations diverses et manuel du "Petit chimiste" en main. Mais ... jusqu'où la radicalité ? Ils n'ont guère fait que faire sauter un pipe-line qui sera réparé dans les 48 heures. Il faut être jeune et/ou marginal  et/ou désespéré pour adhérer réellement.

Les Tournesols sauvages, Jaime Rosales. Pourquoi pas. Itinéraire d'une jeune femme d'aujourd'hui, en quête de... On ne sait pas trop si elle est en quête d'amour ou d'un père pour ses enfants, ou plutôt en quête d'elle-même ? Elle est jeune (22 ans, 2 enfants), elle fait ça de manière un peu confuse, quand elle veut bien se laisser faire par le désir des hommes. Mais elle, on ne sait pas trop ce qu'elle désire (ni elle, d'ailleurs). Sauf peut-être, devenir infirmière. Elle "tournesol", elle va là où il y a de la lumière (la lumière d'un homme, ou du moins d'une relation amoureuse). Le portrait est assez juste, relativement attachant, c'est aussi le portrait d'une génération et d'une classe sociale mal (ou pas) formée, sous (ou pas) employée, à la limite de la pauvreté, tout est bien vu, mais bon...

Barbie, Greta Gerwig : barbant. Un discours éculé sur la prise de pouvoir des femmes, la menace machiste toujours recommencée, et que rien n'est jamais acquis etc. Qui sait, ça aurait pu... C'est distrayant au début, mais vite fait. Après, que c'est long et lourd.

Rheingold, Fatih Akin : ou comment Giwar Hajabi, jeune immigré kurdo-iranien, ancien criminel et trafiquant de drogue devient Xatar, star et légende du rap allemand. Une ordure grandie à l'école de la rue. Ultra-violent, déplaisant, hypertestostéroné, l'histoire d'une brute qui aime la musique. Je dois pas être dans la cible.

Mission impossible, Christopher McQuarrie : j'ai déjà oublié quel était le problème, mais il y a tout ce qu'il faut là où il faut, du suspense (au propre et au figuré), des cascades, des rebondissements, des trains en folie, des courses-poursuite, des méchants très méchants... Du grand spectacle.