vendredi 20 août 2021

Onoda, 10000 nuits dans la jungle

 Arthur Harari. Etonnant comme on s'attache au destin de ces hommes isolés dans la jungle et dans une folie qui n'en est pas complètement une. Etonnant comme on se laisse captiver par ce récit de 30 ans de refus de la défaite et de survie dans la clandestinité de la jungle. 

Onoda a été formé à une école spéciale de la guerilla et envoyé sur une île des Philippines à la tête d'un détachement. Puis survient l’impossible, la capitulation du Japon, une aberration qui ne peut pas entamer son inoxydable logique de résistance, même si l'ennemi devient de plus en plus abstrait, fantasmé.

Harari filme un idéal de la résistance : habité par la fidélité à ses engagements, Onoda accomplit un voyage intérieur où l'idée de résistance se stylise et s'épure à mesure qu'elle se dépouille d'adversaires et de péripéties. Il ne se passe rien ou presque pendant 30 ans, Onoda vit en totale immersion au cœur de sa logique et au cœur de la jungle. Plus le temps passe, plus le cercle de ses compagnons se restreint, plus c'est radical, minimaliste, l'idée de résistance se réduit à sa plus simple expression, la lutte contre les éléments, la faim, la survie, et une forme de communion méditative avec la nature. Par moments, on pense à Terence Malick, le bavardage en moins. 

Un des attraits du film, c'est qu'on croit plus ou moins deviner à quoi s'attendre, alors qu'on est emmené tout à fait ailleurs, dans un univers étrange et radical, à côtoyer la solitude absolue d'un soldat fou de loyauté dans un univers désespérément vide et muet. 

samedi 14 août 2021

In the mood for love

Wong Kar-Wai. Ce film n’a pas vieilli, définitivement et magnifiquement ancré dans son esthétique des années 60 et un inexorable sens de la fatalité. On est subjugué par l'élégance suprême de cette femme - Mme Chan (Maggie Cheung) - dans ses sublimes robes ajustées, à l'étroit dans sa vie d'épouse bafouée. La musique géniale, obsédante, de Shigeru Umebayashi rythme la lente parade amoureuse des deux époux trahis, illustre l'intensité de leur passion contenue dans les espaces exigus d'une pension de famille, souligne la fatalité de l'impasse où ils reviennent sans cesse, la limite où ils sont sur le point de chavirer. Le temps est suspendu dans l'attente d'une conclusion qui ne vient jamais. C'est un chef-d'œuvre d'érotisme fait de frustration, de-non dit et de pulsions élégamment tenues à distance.



samedi 7 août 2021

Films de l'été

Reflets dans un œil d'or  John Huston. Parce que j'avais entendu parler du roman de Carson Mc Cullers. Atmosphère rance d'une garnison militaire somewhere en Georgie, avec un officier supérieur rance, lui aussi (Marlon Brando) et psychorigide, affligé d'une stupide épouse qu'il délaisse. Une petite bourgeoise allumeuse (Sophia Loren), qui outre le fait qu'elle a un amant, évidemment (un officier, marié à une autre névrosée, évidemment) parade dans la microsociété de la garnison et prend un malin plaisir à bafouer son époux. Et dans tout ça, les chevaux. Sophia Loren les monte à la perfection (elle en profite pour s'envoyer en l'air dans les fourrés au cours de balades avec son amant). C'est un sous-fifre de la caserne qui s'occupe de son étalon favori, qu'elle seule est capable de monter. Le soldat est fasciné par la dame, et s'introduit la nuit en douce dans sa chambre pour la mater, il fascine l'époux, qui le mate en douce quand il monte à poil dans la forêt... et ça finit mal. Ça vient d'une époque où l'hypocrisie sociale et sexuelle faisait encore le ciment des couples, c'est gluant, irrespirable, les personnages sont médiocres, frustrés, insupportables, chacun à sa manière (sauf le soldat, hors-caste, énigmatique, semant le trouble).

Gagarine : Fanny Liatar, Jérémy Trouilh.  RésuméAllociné : Youri, 16 ans, a grandi à Gagarine, immense cité de briques rouges d’Ivry-sur-Seine, où il rêve de devenir cosmonaute. Quand il apprend qu’elle est menacée de démolition, Youri décide de rentrer en résistance. Avec la complicité de Diana, Houssam et des habitants, il se donne pour mission de sauver la cité, devenue son " vaisseau spatial ". Moyennement engageant, a priori, mais ayant cru comprendre "que c'était bien", j'y suis allée. Bien m'en a pris, avec ce sujet improbable la réalisatrice a réussi un film "neuf" surprenant, plein de délicatesse, d'humanité et de poésie.

Bonne Mère, Hafsia Herzi : encore de l'humanité en veux-tu en voilà, et de la désespérance, à suivre le quotidien de cette brave femme de ménage des "quartiers nord" (l'actrice est extraordinairement touchante).

Le Mandat, Ousmane Sembene (1968) : cruelle histoire des bouleversements occasionnés par l'arrivée d'un mandat postal dans une famille sénégalaise. Le destinataire écartelé entre le devoir de solidarité et les exigences de l'administration et celles des quémandeurs. Ancré aux vieilles valeurs de la société traditionnelle, le bonhomme ne fait pas le poids face aux prédateurs en tout genre, notamment ceux de la modernité.

Les Voleurs de chevaux Yerlan Nurmukhambetov et Lisa Takeba. Kazakhstan et Japon. Un beau film, une histoire extraordinairement simple dans une nature extraordinairement belle. Un éleveur de chevaux, sa femme, ses enfants, le monde dans lequel il vivent. C'est minimaliste et super dense, vu principalement à travers le regard d'Olzhas, le fils aîné, un presque adolescent. J'irais le voir rien que pour les paysages extraordinaires, mais il y a aussi cette finesse de regard sur la famille, sur l'enfance (les petites sœurs), sur Olzhas, à la frontière de l'âge adulte, sur les jeux des gamins, sur la société villageoise.

 Oss 117 : Alerte rouge en Afrique noire aimable divertissement au racisme sexisme (d'époque ?) assumé



 

dimanche 1 août 2021

True mothers

Quelle empathie pour la complexité des histoires humaines, quelle grâce, quelle délicatesse, quelle peinture subtile : le couple d'abord, leur entente, leur amour, leur écoute, leur délicatesse et leur manière d'évoluer ensemble vers l'idée de l'adoption quand ils apprennent qu'ils auront du mal à avoir un enfant. Puis leur relation de parents, l'édifice d'amour, d'écoute et de respect qu'il ont su établir autour de leur fils, combien ils sont attentifs à son éducation et inquiets que quelque chose aille de travers, comme si un incident -même mineur - pouvait menacer l'harmonie de leur famille.

Kawase livre aussi un magnifique portrait de cette jeune fille toute en timidité, qui découvre avec un collégien de son âge les émois et l'intensité d'un premier amour "pour toujours". Mais elle perd tout : son amour, son bb, sa famille, les perspectives de la réussite scolaire. Plus elle est en roue libre, plus on redoute qu'à force de détresse et de solitude, elle déclenche une catastrophe dans la famille adoptante. 

Et cet étrange institution qui accueille les jeunes filles en détresse, comme une parenthèse entre deux vies.
Kawase raconte ce qui lie et ce qui casse, c'est une narration sensible et subtile, pleine de nuances et de respect pour les personnages. Elle les observe à fleur de peau, de ressenti, en ajoutant une dimension qui dépasse l'individu, de l'ordre du temps qui passe, de la communion avec les saisons, les clairs de lune, la nature, le vent dans les arbres, la mer...