jeudi 2 décembre 2021

Le Passé, Julien Gosselin

Lu sur le site du théâtre de l'Odéon : "Ovationnée vivement par le public, la pièce Le Passé de Julien Gosselin, d'après les textes du dramaturge et écrivain russe Léonid Andreïev, [...] un exploit de mise en scène, de jeu d'acteurs, de scénographie, de tournage...» « Tous [les comédiens] se révèlent magistraux d'exactitude et d'intensité."

J'ai peur de ne pas avoir vu la même pièce. Mais qu’est-ce que ça braille, ces voix qui s’entrechoquent dans les amplificateurs des micros, ces gens qui courent dans les couloirs, se crient dessus, se tirent dessus, s’engueulent, se pourchassent, se désespèrent, avec, comme s’il fallait souligner la stridence et la pénibilité de la scène, une espèce de couinement aigu continu qui accompagne toute l’action (c'est la musique), vrille le cerveau et les oreilles, bref, ça ressemble à un cauchemar, c’en est un, c’est du théâtre. Sauf que c’est du cinéma, parce que le metteur en scène tient un discours fumeux sur le présent et le passé, je n’ai pas bien compris, alors il fait filmer son théâtre en direct et fait projeter ça sur un écran au dessus de la scène. Il paraît que ça suffit à transformer le présent en passé (une histoire des microsecondes que le son met à passer dans les fils électriques), et de toute façon le passé est là pour nous dire qu’il est bien passé : ces personnages qui s’agitent à l’ancienne, comme quand on faisait du théâtre braillard russe et bavard, eh bien c’est ça, c’est du théâtre russe braillard et bavard dans des couleurs presque sépia. Le problème est absurde, ou absurdement posé, un mari soupçonne sa femme de l’avoir trompé, il lui tire dessus, il la rate, elle s’enfuit , elle ne revient pas, il est désespéré, il revient la chercher - blablabla-, tout ça avec des voix braillardes et insupportables, tout le monde braille en même temps, et aussi le mari aime bien se promener tout nu et se mettre dans sa baignoire. Allez comprendre. Je ne sais plus comment ça finit, dans la confusion générale.
Après, il y a une sombre histoire (la scène est noire, ce sont des voix avec les dialogues en surtitres sur l’écran) c’est donc un obscur dialogue entre La Clarté et le Directeur du théâtre, je n’ai pas compris leur problème, il est question de choses factices, de scène vide, de spectateurs pantins, morts, en bois (on se sent visés, d’ailleurs, c’est bien de nous qu’il parle puisque la lumière s’allume pour regarder dans la salle). C’est peut-être une histoire de mort du théâtre ? Il serait bien capable de nous faire le coup de la mise en abysse. Un truc du genre grosse subtilité, kolossale finesse.
Après, on part à la campagne, on retrouve la bande du début, le mari vient cherche sa femme qui veut qui veut pas qui veut quand même qui l’aime trop, pas assez, beaucoup trop, pas du tout, on comprend rien, ça a l’air de s’arranger, on s’en fout, et puis il y a une histoire de balade en forêt, qui ? Je ne sais plus comment se fait la transition. Ce sont les mêmes ? Ceux qui étaient dans la maison avec le couple et qui sont partis se promener ? En tout cas, il reste un homme et une femme dans la forêt et 3 hommes avinés qui attaquent l’homme et l’assomment. Quand il se réveille et qu’il voit une femme étendue à demi-morte, quelque chose dans l’inertie de cette femme (sans doute l’inertie consécutive à un viol multiple) le pousse à son grand désarroi et à l’insu de son plein gré à lui aussi abuser d’elle et c’est comme ça qu’on assiste en direct au viol, enfin, au récit du viol. Assez criant de vérité et de noirceur. Je ne sais pas ce que ça souligne. Qu’un comble de malfaisance est toujours possible chez l’homme ? Tout ça se raconte + ou - dans le noir (devant le rideau de théâtre, en avant-scène et une quasi obscurité). Bref, ça fait encore une grande séquence où il n’y a rien à voir. (De fait, je n'ai jamais vu une pièce de théâtre où il y avait si peu à voir : la moitié est à l'écran, l'autre moitié dans le noir.)
Après, ça reste bien sombre un bon moment, avec des fumées qui sortent de terre, la brume et tout ça, et quand elle se dissipe, on est dans une masure, chez « la »  famille. Des pantins caricaturaux qui disent des choses caricaturales, notamment un certain Pavel, affligé des tourments d’adolescence et d’un amour frénétique pour une certaine Katia, alors forcément, il se masturbe dans sa chambrette, tout est possible, puisqu’il peut astiquer consciencieusement sa bite en chiffon, quelle audace. Bref ces pantins ne disent et ne font que des choses convenues, même s’ils le disent avec la distance et le décalage induit par leur aspect de poupées de son, bref, on s’en fout, mais qu’est-ce que c’est long et sans surprise, ça n’en finit pas de ne pas finir, c’est d’ailleurs le propre de chacune des séquences, elles sont effroyablement longues, étirées, exploitées jusqu’à la trame, la moelle, usées jusqu’à la corde, ça n’en finit pas de ne pas finir. Et le son n'en finit pas de nous striduler dans le oreilles. Jusqu’à ce que le miraculeux « entracte »  apparaisse sur l’écran. Ouf, je suis partie sans demander mon reste : j'ai trouvé ça verbeux, ampoulé, prétentieux, pénible.


Mais bizarrement, La Terrasse est contente :

https://www.journal-laterrasse.fr/le-passe-de-de-leonid-andreiev-adaptation-et-mes-julien-gosselin/

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