lundi 25 octobre 2021

Drive my car



Ryusuke Hamaguchi.
A priori, il est question d’un couple bien assorti, cultivé, intello, branché. L’épouse est scénariste, l’époux metteur en scène, leur relation est harmonieuse, mais une faille s’ouvre quand Yusuke découvre par hasard l'infidélité de son épouse et elle se creuse avec le décès accidentel de l’épouse. Aux prises avec sa jalousie, ses interrogations, sa culpabilité d’être arrivé trop tard pour la sauver, trop tard pour parler avec elle, Yusuke arrive à Hiroshima pour mettre en scène Oncle Vania.
La production a mis à sa disposition une voiture avec chauffeure, Misaki, une étrange jeune femme, difficile à cerner, quasi mutique. A travers les péripéties de la mise en scène d’Oncle Vania et au fil des trajets, une étrange relation se crée entre deux solitudes, celle de Yusuke, bardé de mots, de signes, de culture, de références et de douleur, et celle de Misaki, silencieuse, incernable, qui s’imprègne peu à peu des dialogues enregistrés de la pièce, des paroles de Yusuke et de son histoire.

Cette matière complexe, douloureuse, fragmentée s’imprime sur Misaki comme sur un page vierge comme si son silence faisait émerger une vérité sous-jacente, comme si cet afflux de signes et de langages, l’amenait elle aussi, la mutique, à révéler son histoire. Ils agissent l’un envers l’autre à la fois comme confident et révélateur. En questionnant l’amour, le couple, le désir, le sexe, la création, le théâtre et le mystère que chacun abrite derrière sa façade, en racontant le deuil, la jalousie, la culpabilité, la solitude, le non-dit, à force de silences et d'écoute, le metteur en scène et la chauffeure se révèlent l'un à l'autre et à eux mêmes.

Conduis-moi, mets toi à ma place, regarde ce qu’il y a au fond de moi, au fond de toi…

C'est magistral, subtil, nuancé, percutant. C’est fluide, léger, complexe ; on entend les non-dits, ce qui est suggéré ou latent dans les échanges humains, ce qui se dit en surface et ce qui se joue en sous-texte. Le film raconte l’humain opaque à lui même et la connaissance de soi et de l’autre par le biais de la fiction ou du théâtre.

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