jeudi 1 juillet 2021

Close up, Abbas Kiarostami

Abbas Kiarostami

Le film commence par une arrestation dans une villa d'un quartier chic de Téhéran. Un journaliste en quête de scoop accompagne la police pour mettre en scène et photographier l'arrestation d'un imposteur : il s'est introduit dans une famille bourgeoise en se faisant passer pour Mohsein Makhmalbaf, un cinéaste connu. Intrigué par l'article paru dans la presse, Kiarostami décide de rencontrer l'homme et de filmer son procès. 
 
Quel film puissant, d'une extraordinaire et foisonnante limpidité et sensibilité. 
D'un côté, l'accusé, Sabzian : un homme sensible et intelligent,  mais sans valeur, sans pouvoir social ni pouvoir d'expression. Il raconte, au fil du procès, le rôle du cinéma dans sa vie et l'importance de Mohsein Makhmalbaf, ce cinéaste qui exprime tout ce que lui-même n'a jamais su exprimer. Notamment dans le film Le Cycliste, qui le touche au delà de tout, par ce qu'il y trouve d'analogies avec sa propre vie. (C'est aussi ce film qui lui sert de clé pour entrer dans l'univers de la famille Anhakan).
En face, les plaignants, la famille Anhakan, des possédants (pouvoir économique et social), des bons bourgeois de Téhéran, abusés par Sabzian par le hasard d'une rencontre en bus où quelque diable a poussé Sabzian à se faire passer pour ce Makhmalbaf. Sésame qui lui donne accès à tout ce dont l'exclut sa classe sociale (modeste imprimeur qui arrive à peine à faire vivre sa famille). Il est accueilli dans la villa chic, il est écouté, apprécié, consulté, respecté. Sa parole et son avis comptent. Il réussit même à faire rêver un des fils, ingénieur au chômage, de jouer dans le film qu'il a en projet. 
Jusqu'à ce qu'il soit démasqué, arrêté, jugé. D'où le procès conduit par un juge enturbanné et barbu que l'on découvre très humain, attentif au pourquoi et comment de cette étrange affaire. D'un côté, la frustration humaine et sociale d'un "petit". En face, des possédants en quête de réparation, blessés/vexés d'avoir été abusés par le faux cinéaste.
En plus du regard du juge, il y a celui de Kiarostami qui filme. Et à l'arrière plan, celui du public élargi qui verra le film du procès. Un procès étonnamment équilibré, avec un juge attentif à rendre une justice qui soit aussi une morale, attentif à maintenir la cohésion du lien social, où chacun doit tenir sa place dans le respect de soi-même et de l'autre, attentif à obtenir à la fois le pardon des plaignants et la repentance de l'accusé. D'ailleurs, personne n'est perdant et chaque protagoniste garde son humanité et sa dignité. 
C'est finalement le journaliste qui a le mauvais rôle avec sa mise en scène de l'arrestation qui chosifie le suspect, fait de l'arrestation un spectacle et rend tout superficiel. Le voyeurisme en prime.

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