samedi 6 août 2022

Accattone et Mamma Roma. Pier paolo Pasolini

1961.  Accattone traîne avec des potes bons à rien, petits voyous, glandeurs professionnels. Ils n’ont rien dans la tête, à part survivre, passer du bon temps, taper du fric à l'un ou l'autre, s’embarquer dans des combines foireuses et prendre la vie comme elle vient : coups donnés et reçus, chance au jeu, paris hasardeux, fanfaronnades, repas offerts et coups à boire… Le tout est d’échapper à la disgrâce du travail (c’est pour les pauvres et pour les femmes à la maison, au turbin ou au tapin). En l’occurrence, Maddalena assure les arrières d'Accattone en tapinant pour lui. Mais elle se retrouve en prison après un épisode sordide et ça se complique. Taraudé par le manque d’argent, Accattone (le mendiant, le bon à rien) - il se fait gloire de son surnom - essaie des ficelles sordides ou crapuleuses pour s’en sortir. Mettre une nouvelle fille sur le trottoir, par exemple.

Pasolini filme les terrains vagues où les putes se font tabasser et violer, le carrefour où elles tapinent, les taudis où nichent les pauvres, les baraquements en ruines de cette incroyable décharge de bouteilles que les femmes du coin viennent récupérer… et la police de loin en loin qui fait partie du paysage pour rappeler les limites qu’ils n’arrêtent pas de franchir.

Ce paysage sordide, ce tissu social déliquescent, cette zone à la lisière de la ville et à la frontière de la légalité, c’est  l’univers sans issue des laissés pour compte où l’on traîne de masure en taudis et en non-lieu.
Les tranches de ville sont comme des tranches de vie : d’un côté, le désordre, la délinquance et l’extrême pauvreté à la marge de l’Italie moderne et de l’autre, la standardisation et la modernité : au delà des terrains vagues, on aperçoit les blocs de béton résidentiel qui vont pourrir le paysage urbain et loger des pauvres un peu moins pauvres.
Et dans cet univers bâtard, Accattone à la marge, Accattone rebelle à l’asservissement par le travail ou la famille, Accattone, son sourire, sa tronche et son charme, Accattone roublard, séducteur, provocateur, fanfaron, rigolard, salopard… Accattone encore capable de croire qu’il va trouver sa place.

Mamma Roma

1962. Avec Mamma Roma, c'est comme si Accattone avait pris 15 ans (c'est le même acteur qui joue le mac qui se marie). Ça commence dans un patelin à la campagne, c'est une noce chez les ploucs, c'est l'ancien mac de Mamma Roma qui se marie, ce qui la fait bien rire. Mamma Roma est invitée, mais surtout, elle est revenue au village chercher son fils, Ettore car elle a réussi, elle va pouvoir l'installer à Rome, dans un bon quartier pour lui donner toutes ses chances dans la vie. Mais Ettore a grandi plus ou moins seul au village, il a l'habitude de traîner avec les gars du coin, il a arrêté l'école, et les relations avec sa mère n'ont rien d'évident : c'est un gentil gamin qui veut se prendre pour un dur et qui n'a aucun repère à Rome.

Mamma Roma a du charisme, du répondant et du chien, toute pute soit-elle. Et une formidable présence. Forcément, c'est Anna Magnani. Elle a aussi un énorme cœur de mère et une dévotion absolue à son fils et l'avenir qu'il mérite : il doit  réussir, se hisser plus haut qu'elle, devenir aussi riche et respectable (que ses clients). Et elle s'y emploie. 

Avec sa petite gueule d'ange un peu cabossée, son air un peu buté ou complètement charmeur, Ettore est aussi remarquable que l'était Accatone dans son rôle, complexe et ambivalent comme peut l'être un adolescent perturbé par ce changement d'univers, la rencontre avec la bande du quartier, les émois de l'amour ou de la sexualité. 

Ainsi va le film, avec cette prédilection de Pasolini pour filmer les expressions des visages et les paysages entre zone, ruines et terrain vague, "à la marge" des immeubles nouvellement édifiés, , .  la frange de ville intermédiaire qui n'est plus la campagne mais pas encore la ville, comme ses personnages, qui ont quitté la la structure solide du village mais ne sont pas encore arrivés. 

Belle découverte de deux films qui n'ont pas vieilli.


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