vendredi 11 février 2022

Adieu Paris

Edouard Baer. C'est une bande de vieux potes/vieux beaux du monde branché parisien (écrivain, sculpteur, chanteur,  philosophe, acteur...) qui se retrouvent rituellement dans le restaurant (branché intello chic, bien sûr, La Closerie des Lilas) qui les accueille depuis toujours. Une réunion très sélecte et sélective. Ils se retrouvent donc avec leurs vieilles connivences et tout ce qui a pu se forger en au moins 20 ans d'amitié. Quoique. La séquence du début où Pierre Arditi (l'écrivain) éclate de méchanceté  et d'intolérance - même s'il affirme avoir de bonnes raisons de le faire - montre un vieus agressif, intolérant, trop sûr de son bon droit, bref, odieux. On se dit que la réunion des vieux amis commence bizarrement. De fait, derrière les figures imposées, derrière leurs numéros rôdés toute une vie, derrière le prétexte de ce repas stupide, et la bonne humeur affichée, toute à la joie des retrouvailles, Edouard Baer laisse finement percer un tas d'indices sur la mécanique qui grince, les réparties qui patinent, les vacheries qui font mouche, les rancœurs latentes, l'ennui ou le vide qui s'instillent sournoisement dans une conversation sans intérêt. Comme le demande l'un des convives (le plus absent et le plus sympathique de tous),  "est-ce que la conversation n'était pas plus intéressante, avant ?" En effet, ces ex-faiseurs de mode et d'opinion ne font que blablater et faire du bruit. Et quand il y a un blanc, ou un vide, ou une gêne, on porte un toast, et on recommence. Ces vieux ont une descente impressionnante, malgré la collection de maux qui les affligent à des titres divers : c'est la séquence succulente où ils s'informent mutuellement des pilules, comprimés et autres médications qu'ils avalent tous quotidiennement. La prouesse d'Edouard Baer, c'est de laisser infuser et filtrer ce qui est latent : rancœur, jalousie, mépris, mesquinerie... percent ici et là et sont de moins en moins évités ou contournés. Ils ont l'habitude que ça se passe bien, ils se souviennent que c'était bien, ça doit bien se passer bien et tout le déjeuner est une fuite en avant pour ne pas admettre que tout a changé, qu'ils sont vieux, nuls, fatigués, qu'ils s'emmerdent... et que tout ça coûte très cher. Les acteurs excellent dans cette comédie amère et désenchantée (mention spéciale pour le grand numéro de solitude de Benoît Poelvorde). Le jeu de massacre est parfaitement orchestré et exécuté.

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