mercredi 12 janvier 2022

Bad Luck Banging or Loony Porn

Radu Jude. Le mieux, c'est de débarquer sans savoir ce qu'on va voir, parce que c'est assez étonnant et déroutant, surtout la 1ère séquence. Donc, il vaut mieux n'absolument rien lire avant de voir le film pour aller d'indices en surprises, d'autant que la deuxième séquence est bizarre, elle aussi. On a quitté la chambre des ébats, on est en ville, dans la rue, avec une femme convenablement et sobrement habillée d'un tailleur gris, qui marche interminablement dans la ville, prétexte à montrer un paysage moche, dégradé, criard, vulgaire : toutes les images peignent la laideur et la vulgarité ambiante, le bâti est moche, à base de grands ensembles d'immeubles, ou dévasté ; ce qui est ancien est rare et complètement en ruine, les immeubles sont tagués, dégradés, il y a tout le temps des voitures, trop de voitures qui se garent impunément sur les trottoirs, les gens sont agressifs, mal élevés, sexistes, ils s'insultent crûment (genre suce ma bite etc). Bref, on voit une ville criarde, vulgaire et éprouvante et une humanité ordinaire agressive, médiocre et mal élevée. 

On comprend que cette femme s'interroge sur les raisons qui ont conduit un film porno amateur (les ébats d'un couple) à atterrir sur la toile et ruiner son crédit et sa réputation de professeure dans un bon établissement scolaire.  Episode qui se poursuit par une série de saynètes ou images illustrées de proverbes, ou assertions diverses sur les principes et références qui organisent la Roumanie. Un mélange de mise à distance et mise en scène des lieux communs ou du fonds culturel commun. Un regard ironique et désabusé sur le contexte historique, sociétal et politique baigné de pensée correcte.

En fait, et c'est la dernière séquence, cette femme se rend à une convocation-confrontation avec les parents d'élèves pour qu'on juge si on va la laisser enseigner encore. C'est donc un procès où les parents donnent libre cours à leurs plus bas instincts moralisateurs, c'est toute la mauvaise foi de la "bonne éducation", le conformisme petit-bourgeois, les lois de l'ascension scolaire et sociale, les interdits, la religion. A l'arrière plan surgit tout un passé et un substrat / une culture de l'antisémitisme, de l'anti-tziganisme, de la pensée totalitaire, qu'elle soit nazie ou stalinienne, du négationnisme, de la corruption, de la morale la plus réactionnaire. Sur la base d'un discours conformiste, hypocrite et moralisateur, les protagonistes s'affrontent sur les principes de l'éducation et les principes en général.

C'est à la fois une farce, une rigolade, une charge féroce et/ou caricaturale et c'est un peu "too much", mais c'est bien. C'est un ton et une construction différents et rafraîchissants. Un drôle d'exercice de style qui, à partir d'une banale affaire de sex-tape en chambre, la chose la plus intime qui soit, donne au film une vraie dimension critique et politique. 

Cf d'autres films de Radu Jude : Aferim, Peu m'importe si l'histoire nous considère comme des barbares... (YouTube)

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