mercredi 31 août 2022

Epouses et concubines

Zhang Yimou. Une très belle jeune fille, Songlian (la très belle Gong Li) décide d'arrêter ses études et de se marier car son père vient de mourir et elle est pauvre. Elle arrive donc chez un mari riche en tant que 4ème épouse et on découvre avec elle une incroyable maison-palais traditionnelle aux mœurs et à la géographie compliquées. Un serviteur l'accueille et la conduit dans un dédale de corridors débouchant sur des cours similaires, des maisons identiques, chacune d'elle abritant une des épouses. Elle arrive ainsi à ce qui sera sa "maison" : une vaste pièce élégamment meublée où elle attendra son mari en découvrant l'étrange rituel qui préside à sa venue. On découvre avec elle l'univers sinistre qu'elle a intégré, les méandres de la tradition, des interdits, de ce qui se fait ou pas, avec le maître au sommet de sa hiérarchie changeante de femmes et en arrière plan, l'ombre d'une nombreuse domesticité. Dans cet univers, rien ne change, sauf les saisons, tout est immuable, sauf le choix du maître portant sur la maîtresse du jour : c'est l'extraordinaire rituel de l'allumage des lanternes (raise the red lanterns) qui éclaire le choix du maître et fait sortir du néant la femme choisie. Ou signe sa sentence de mort sociale. Les femmes ne sont rien, sauf les intrigues ou manipulations qu'elles échafaudent pour défendre leur prestige ou ruiner celui de la rivale et recueillir les faveurs du maître. Auxquelles sont associées des préséances dans la maison (choix des menus, obéissance des autres épouses...)

La caméra explore les cours, escaliers, terrasses, les toitures délicatement incurvées, les décors...  tout est d'une beauté saisissante. Mais la complexité architecturale du palais, comme un labyrinthe, ajoute à l'impression de claustrophobie. Songlian est prisonnière d'un univers mortifère où la tradition structure une existence de spectres, une tradition archaïque (et moribonde?) à laquelle elle est étrangère : l'interruption de ses études (ça se passe au début du 20ème siècle) lui a fait faire un grand bond en arrière et intégrer la tragique destinée des femmes enfermées et annihilées. 

Le titre anglais "Raise the red lanterns" me semble plus adapté et moins racoleur qu'épouses et concubines.

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