vendredi 30 août 2019

Inception, Christopher Nolan

Christopher Nolan (21 août 2010)
Bien fait, scotchant, intelligent, quelques scène bluffantes, trop d'action (les "défenses" en font trop, ça fait basculer une idée intéressante dans une caricature façon Mission impossible). Des longueurs. Ellen Page (vue dans Juno) est superbe.
J'ai écrit ça ! Bizarre, j'ai été bien plus enthousiaste en le revoyant hier (au cinéma, bien sûr, en plein son et grand écran, c'est obligatoire). Je n'ai pas vraiment trouvé de longueurs (bon d'accord, un tout petit peu), et j'ai été complètement bluffée par l'intelligence du scénario, la virtuosité de la réalisation, et la splendeur des décors.
L'idée (et la conception) virtuose, c'est de pénétrer l'esprit d'autrui via le rêve pour y soutirer des secrets (genre espionnage industriel). C'est la spécialité de Cobb (Leonardo di Caprio) et son équipe. Jusqu'au jour où il va plus loin. Son donneur d'ordre (asiatique) veut circonscrire l'extension de l'empire Fischer. Cobb assure qu'il peut implanter une idée chez un sujet, en l'occurrence le fils Fischer, pour obtenir le comportement adéquat. Inception. Ce à quoi il s'emploie avec son équipe en créant le scénario de plusieurs niveaux de rêve, en fonction des résistances rencontrées. Avec le concours de l'architecte des décors (Ariane -Ellen Page). Plus on descend dans les niveaux de rêve, plus c'est complexe et dangereux évidemment, avec le risque de s'y perdre. Et le film ne va pas manquer de faire planer la menace, d'évoquer les fantômes et souvenirs de Cobb, et les frontières perméables entre rêve et réalité. Au point de s'y perdre. C'est du grand cinéma. 

lundi 26 août 2019

So long my son, Wang Xiaoshuai

Wang Xiaoshuai

C'est un maelström d'images, de moments, de références, d'émotions, et un fil continu d'humanité. De A à Z le film est à fleur de peau, de sensibilté, d'impression. De touche en touche, les personnages acquièrent densité, profondeur et humanité. Il y a des lieux clés (le barrage, l'appartement ouvrier, l'atelier) qui cristallisent les émotions, événements, souvenirs, et à force de voir et de revoir divers angles ou époques d'une scène, ou de multiplier les versions, ou les points de vue, à force d'avoir des regards différents selon les protagonistes, le film prend toute sa dimension.
En plus, c'est une formidable mine de renseignements sur l'évolution de la Chine des 30 dernières années, qui commence au moment où la Chine engage la politique de l'enfant unique et finit quand la spéculation immobilière enrichit les plus malins (ou simplement les plus avisés ; le film est tellement peu manichéen qu'on peut admettre que tout est possible chez tout un chacun, sans qu'il se soit forcément livré aux pires turpitudes ? Quoique. Le pouvoir et la réussite sociale sont toujours du même côté).
Le scénario (ou le montage, virtuose) est assez intelligent pour rendre les acteurs beaux, intéressants, émouvants, intelligents, et encore une fois, d'une formidable humanité, une valeur magnifiquement mise en scène (alors qu'elle semble absente du cinéma occidental, tout en noirceur, désespoir, amertume...) Bémol : ça change aussi de la plupart des films chinois que j'ai vus, qui montrent une société désespérante, gangrenée par l'avidité et l'argent.
Et puis c'est aussi une magnifique manière de parler de la filiation et du fait d'être père ou mère.
Bref, ce film est un chef d'œuvre

lundi 12 août 2019

Une Grande fille

Quelle déception. Pourquoi un film aussi léché, soigné et "annoncé" ne tient pas ses promesses ? Pourquoi le scénario s'étire-t-il en scrutant sans fin les visages de ces deux femmes complémentaires et antagonistes ? Le début est intéressant, avec cette mutique énigmatique, facilement tétanisée, qui s'occupe si bien de son petit garçon dans un univers dévasté par la guerre (les + ou - grands blessés à l'hôpital, le froid, la faim, la ville grise, l'appartement communautaire.) Iya intrigue.

Puis arrive Masha, on apprend peu à peu ce qui les lie, au delà des horreurs de la guerre, et l'étrange protocole de réparation qui se met en place : il faut que naisse un enfant pour des raisons à la fois claires et obscures : l'enfant comme réparation et reconnaissance de dette, et aussi le besoin qu'elles ont l'une de l'autre, à moins qu'il ne s'agisse de désir homosexuel non abouti. Le film détaille les péripéties pour arriver - ou pas - au résultat. C'est interminable, et l'idée même du film est suspecte : obliger une femme à lui faire un enfant ?


dimanche 11 août 2019

Fanny et Alexandre

Ingmar Bergman. Tout a été dit et redit, mais j'ai besoin de recenser l'incroyable richesse des images, des couleurs, des idées, des émotions qui peuplent ce film fleuve, construit comme une tragédie en 5 actes, comme le théâtre de l'existence, comme un concentré de vie familiale et théâtrale, où l'on regarde des personnes, des personnages, des tranches de vie, des scènes chorales ou intimistes, des morceaux de bravoure avec toujours cette acuité du regard de Bergman pour cerner ce qu'il y a d'intime, de profond, de non-dit, mais aussi tout ce qu'il peut y avoir de sadisme et de cruauté affichée ou sournoise dans les échanges des personnages. Sans qu'il y ait jamais rien de bavard. Ce sont des échanges intimes et vrais, ou trop pleins d'émotion, ou des affrontements percutants, des paroles au vitriol, et de la légèreté, principalement chez le personnage de la grand-mère, qui s'est affranchie par son âge des tourments de l'existence, mais a gardé la générosité d'être sensible à ceux des autres.
C'est aussi le monde de la magie et de l'illusion, de l'imaginaire et de la création, à la fois dans la vie de ce petit théâtre dont le directeur meurt subitement, et à travers le personnage d'Isaac, le vieux juif usurier, collectionneur et brocanteur, le vieil ami-amant de la grand-mère, qui souligne dans le film la dimension magique et mystérieuse de la vie. Les scènes et les décors de son magasin-caverne d'alibaba sont extraordinaires, notamment celle où Alexandre rencontre Ismaël, le "possédé".
Et bien sûr, s'il est question de la puissance de l'esprit et de l'imagination, le personnage d'Alexandre, supra-imaginatif et supra-sensible aux moindres ondes de ce qui l'entoure, et où l'on devine en filigrane la figure de Bergman enfant.
Le film commence par cette incroyable fête de Noël dans cet incroyable décor de maison opulente et théâtrale, avec tout le luxe et la sérénité que donne l'argent, et où l'on est littéralement inondé par la joie de cette fête familiale, affectueusement entourée des soins des servantes. Un époque et une ambiance d'antan, tout comme est perdu le monde des fêtes de l'enfance qui laissent une empreinte indélébile
Dans ce concentré d'émotions et de notations, dans cette profusion, cette opulence, Bergman raconte la générosité des personnages, et l'amour pour les acteurs, leur sensibilité, leurs débordements, leur posture sur le fil, à la frontière du rêve et de la réalité, du masque et de la vérité, du vrai et du faux semblant, du jeu et du drame. Un monde où la vérité porte plusieurs masques.
Bergman raconte alors comment l'univers soudain rétrécit et se glace, perd ses couleurs en basculant dans l'univers atroce de l'évêque, un univers où la vérité n'a qu'une figure, celle du Christ, et qu'une revendication, la pureté. Un monde totalitaire où la pensée doit être transparente, où la liberté de penser est une menace, l'imagination un vice. Dans ce monde, Alexandre devient forcément l'adversaire à soumettre. Le Malin.
Les personnages déroulent une magnifique galerie de caractères, à commencer par la grand'mère, pilier et référent de la famille, ses 3 fils (l'homme d'affaires et sa débonnaire épouse Alma, l'homme de théâtre et sa femme, la belle Emilie, mère de Fanny et Alexandre, l'horrible Carl, toujours fauché et amer, et sa pitoyable épouse), le monde des servantes, la vieille Esther, la délicieuse Maj... L'irruption de l'extraordinaire évêque et de sa maisonnée (famille et servantes), un monolithe de noirceur et de cruauté, n'en est que plus angoissante.
Il faudrait aussi parler des décors, des couleurs, des lumières... et détailler chaque scène pour raconter l'incroyable richesse de ce film incroyable : beau, prenant, émouvant, merveilleux, angoissant, touchant, léger, profond.

lundi 5 août 2019

Les Faussaires

Marielle Heller. On hésite à trouver le personnage répugnant ou attachant : Lee Israël (Melissa McCarthy) est une bientôt vieille femme alcoolique, moche, mal attifée, négligée voire sale, dans son appartement crasseux. Elle fait de  lamentables tentatives pour continuer à exister dans l'édition, monde où elle a été en grâce pour ses biographies mais où elle est en train de perdre tout crédit. D'autant plus sûrement qu'elle piétine éhontément les codes et usages du système. Moins on l'aime, moins elle se rend aimable.
Donc elle est financièrement aux abois, et trouve une combine lucrative pour survivre, avec son pote Jack Jack, homosexuel drôle, solitaire et fauché. Regard caustique sur une société où les losers sont condamnés. Pas mal, dans un genre assez mordant.