samedi 28 juin 2025

Enormément bizarre

Enormément bizarre, comme son nom l'indique : https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/g675Pbf

La collection Jean Chatelus fait feu de tout bois et son appartement submergé d'objets (d'art, d'imagination, de provocation, de tout et n'importe quoi) en fait foi : ça méritait une visite, histoire d'y perdre son regard. La logique ? Celle de l'accumulation ? des coïncidences ? Des correspondances ? L'essentiel du cheminement -il y en a un - échappe au profane,  les connaisseurs s'y retrouvent sans doute : "cabinet de curiosités contemporain aussi précis et exigeant que dérangeant et provocateur. On y rencontre des œuvres de Cindy Sherman, Jake & Dinos Chapman, Mike Kelley, Yayoi Kusama, Christian Boltanski ou Gina Pane aux côtés de masques Komo et de bondieuseries. Plus de 600 œuvres et documents – sculptures, installations, peintures, photographies, dessins, objets votifs et vernaculaires – témoignent des obsessions du collectionneur : le corps mis à mal, la poétique des ruines, la mort, l'organique et sa décomposition, le spectre apocalyptique, l'interdit, le religieux et son blasphème". in https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=12042&menu=0 

Plus surréaliste que la rencontre d’un parapluie et d'une machine à coudre

L'Extase du pape Benoît 





OUYANG CHUN 1974, Pékin
Jour d'expiation 2017
Pièces de l'appartement 



vendredi 27 juin 2025

Corps et âmes

 https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/corps-et-ames

Quelques rencontres remarquables : 

  •  l'apaisante incongruité du bassin aux bols, dans la rotonde, et les célestes résonances  de leur mouvance au fil de l'eau. Céleste Boursier-Mougeneo
  • Le libanais réparateur de corps (et d'âmes), Ali Cherri, ou comment un buste banal d'époque romaine, laissé pour compte des ventes aux enchères, se voit réhabilité/habité d'une nouvelle histoire quand l’artiste lui attribue une nouvelle tête.  Est-ce Anubis ? en tout cas, c'est une autre histoire et d'un autre monde. Et le résultat hybride - toujours amputé : ni bras, ni jambes- raconte encore autre chose, et interroge : « C'est notre regard qui va restituer l'âme de ces objets » — Ali Cherri

J'aime bien aussi, au r.d.c, l'étonnant film du magma. Un magma semi-crouteux qui se meut, hypnotisant comme la mer, avec musique Isaac Hayes et ... 

A l'étage intermédiaire, des photos énormes, outrées, volontaristes. Deana Lawson. Elle crient très fort, ces photos, mais je ne sais pas ce qu'elles racontent. Trop ! Elles racontent trop. Trop noir, trop blanc, trop kitsch, trop bizarre- cette énorme femme noire dans une posture outrancière, cul par dessus tête, affichant un minuscule slip blanc enfoui entre ses fesses, des photos déroutantes dont on ne décide pas ce qu'elles racontent. 

  • Cantor de coral, Antonio Obá : la voix et l'aura des cheveux blonds : c'est l'affiche de l'exposition.

  • Kerry James Marshall, Beauty Examined (=Sarah Bartman, la "Vénus hottentote ")
  • Marlene Dumas, Dark 

Dandora, Cave, Atom Painting...

  • Kudzanai-Violet Hwami, Atom Painting (2021)
  • Michae Armitage : Cave : le souffle de 2 personnage, apparition de deux figures dans ce qui ressemble à une matrice. Dandora (Décharge, musiciens, animaux)
  • Mira Schor, la lune, le noir, le rouge, le corps de cette femme coupé en deux

  • Peter Doig, House of music (Soca Boat) 2019-24 

et Baselitz, bien sûr : monumentaux corps à l'envers des deux dernières salles 



mardi 17 juin 2025

Indomptables

 


Thomas Ngijol : adaptation d' Un crime à Abidjan (1999), de Mosco Levi Boucault -milieu des années 1990. Ici, c'est Yaoundé : le commissaire Billong, interprété par Ngijol lui-même, intègre et pétri de valeurs est aux prises avec les délinquants, des équipes moyennement fiables, et plusieurs maux endémiques : pauvreté, corruption, coupures de courant, hôpitaux pour ceux qui paient... Aux prises également avec sa famille qui affronte son intransigeance et ses principes d'éducation un poil trop rigides. Sa femme lui reproche d'être prisonnier de son métier et de ne pas voir sa famille. C'est le fatalisme de l'histoire qui est frappant :  les voyous sont comme ça, les policiers  comme ça, les enfants, les  traditions aussi... la vie est comme ça, et chacun se débrouille comme il peut dans un mélange d'actions à entreprendre, d'impuissance et de fatalité. Tout le monde joue son rôle à la place qui est la sienne, (sauf la fille aînée, en conflit avec son père, parce qu'elle essaie de se créer une vie indépendante) et rien ne risque de changer, quel que soit le volontarisme du commissaire. Belles scènes de ville la nuit, de descentes de police, d'interrogatoires musclés. Film prenant et convaincant.

dimanche 15 juin 2025

Inutile

 Life of Chuck, Mike Flanagan : on commence par la fin, en plein épisode de ce qui ressemble à la fin du monde et à la fin de Chuck, le comptable, mystérieusement et unanimement remercié. On ne sait pas de quoi, mais séquence suivante, on rencontre le gentil Chuck adulte, une musicienne de rue et une charmante jeune femme. Miracle de rencontre ! Puis on passe à l'enfance de Chuck orphelin, élevé par ses grand parents, dans la maison familiale et son adolescence au collège, où le jeune homme timide s'épanouit par la danse. So what ? c'est mignon, c'est touchant et joli à regarder, il y a le mystère de la vie et de la mort sur fond d'extinction définitive, mais ces 3 séquence juxtaposées, c'est un peu dérisoire et ça ne fait pas un film. 

Freud, la dernières confession (traduction absurde, c'est last session, càd dernière séance) Matt Brown. Et en effet, il n'y a pas de confession, juste un dialogue (sans grande profondeur ?) entre Freud et un jeune professeur d'Oxford sur l'existence ou non de Dieu. Dialogue entrecoupé d'alertes aériennnes, de récriminations et exigences freudiennes (il souffre de son cancer à la mâchoire et réclame obstinément sa morphine, son médecin et sa fille). Le vieillard apparaît antipathique et tyrannique, exerçant une emprise malsaine sur sa fille, dévouée, fusionnelle voire servile. Le maître de l'analyse semble étanche à la dimension pathologique de leur relation ! Il en ressort un portrait sinistre et crépusculaire de vieillard souffrant centré sur son égo.

samedi 14 juin 2025

Hofesh Schechter, Red Carpet, Opéra Garnier

Ça commence comme un bouillon vibrionnant dans une espèce de cabaret vaguement décadent, comme un aperçu de l’enfer où des corps hystérisés se contorsionnent, torturés par le rythme forcené de la musique hypertrophiée (batterie féroce et accents orientalisants). La lumière est crépusculaire, une espèce de fumée aggrave la pénombre, des effets de rideau et de lustre géant cherchent l’emphase. Les corps et leurs mouvements sont parfaits, bien qu’entravés d’un amalgame de costumes (baroques ? C’est à dire une totale liberté de leur mettre tout et n’importe quoi sur le dos, de la robe de soirée en sequins rouges au caleçon en cuir sur tire-chaussettes, façon jeune hitlérien en goguette). Est-ce qu’il faut penser à Cabaret ? A une discothèque infernale, un culte barbare, une bacchanale ? A la longue, le bouillon est brouillon, ils n’en finissent pas de s’adonner à leur enfermement et leur culte d’eux-mêmes, le trop plein de costumes bâtards brouille la perception, c’est répétitif et interminable. Heureusement qu’il y a la deuxième partie, les corps libérés de leurs stupides costumes, l’esprit de la danse s’empare de la scène, les danseurs deviennent individuellement et collectivement un corps de ballet, tout en fluidité et viscosité, ils s’amalgament, se séparent, s’enlacent, se prennent et se déprennent. Ça s’étire et se compacte, c’est fluide et puissant, une magnifique énergie irrigue la scène.  Est-ce qu’il faut comprendre qu’il y a un avant et un après, l’après étant celui de la libération ? sublimation ? spiritualisation ? Soit, mais quel dommage que l’avant soit si long et répétitif, alors que l’après est inlassablement captivant. 

lundi 12 mai 2025

Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé

 Bogdan Muresanu



Excellente peinture de l'enfermement complet d'une société figée par la peur : chacun individuellement et tout le monde collectivement est entièrement sous la coupe du dictateur tout en haut et de tous ses relais dans le réseau de flics, informateurs, propagandistes, chefs de section, de bureau etc. Tout le monde est muselé, sous contrôle, soumis à l'ordre et tout le monde se méfie de tout le monde.

On voit ainsi une galerie de personnages placés en mauvaise posture (le père et la lettre au Père Noël, la mère du réalisateur télé, le réalisateur d'un film de vœux dont l'actrice a critiqué le pouvoir, sa remplaçante completement révoltée à cette idée, le fils du réalisateur qui fait le dissident etc. ) Le film raconte avec humour et noirceur comment ces différents personnages se débattent entre leur conscience et les faits. C'est excellent et tragiquement drôle.

dimanche 4 mai 2025

Little Jaffna

Lawrence Valin. Quel monde étrange que cette communauté tamoule dominée par un chef mafieux, Aya, habités par l'idée de soutenir, à coup de rackett, les rebelles séparatistes du Sri Lanka. Michael, d'origine tamoule, a été  élevé loin de tout ça par sa grand-mère à Clermont-Ferrand, il est devenu flic, et il est chargé par la DGSI d'infiltrer cette mafia du quartier Stalingrad à Paris. Tout le monde a vu des images et des films de mafia et d'infiltré, mais ici tout a l'air nouveau et dépaysant. On a l'impression de voir un film neuf sur un sujet éculé. Des bandes rivales, de la castagne, des règlements de compte, des motos, des bagnoles, des amours contrariées, du trafic de migrants, et pour ancrage, un incroyable squat-usine. Sans oublier le culte catholique à la sauce locale, les costumes ébouriffants, sorte de "streetwear" haut en  couleurs et motifs survitaminés, comme le rap du crû, comme le rythme d'ensemble, sous haute tension, bourré d'adrénaline et de testostérone. Là-dessus, l'infiltré Michael atterrit dans ce monde qui aurait pu être le sien s'il n’avait pas été élevé dans les valeurs de la république. Il s'intègre aux fêtes, aux sociabilités, aux magouilles de  ceux qui auraient dû/pu être sa famille, son clan, ses frères, son univers. Sa solitude d'infiltré confrontée à la cohésion d'une communauté et à la tentation d'une appartenance impossible. Pas assez blanc pour les blancs, pas assez tamoul pour les tamouls.  C’est une plongée fascinante dans un impitoyable exotisme urbain.

La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel : un forme histoire d'amour entre deux êtres qui n'ont qu'eux à aimer dans un monde de brutalité, vénalité, sauvagerie, cupidité, trahison...   Toute la bassesse humaine s'arrête à la porte du réduit où Mariana cache l'enfant juif, sanctuaire défendu par la prostituée fidèle à l'amitié et à la promesse faite à la mère d'Hugo. Un monde clos d'où l'enfant écoute le bruit du monde et construit peu à peu l'étrange réalité qu'il devine à travers les interstices de la cloison, les sons, les voix, un espace minuscule qui grandit peu à peu au fil des informations glanées dans la chambre de Mariana puis au-delà (la fenêtre, l'escalier...) et lui fait progressivement cesser d'être un enfant. Mélanie Thierry se révèle lumineuse, attachante, rayonnante dans ce merdier (au scénario relativement prévisible) D'après un roman d'Aharon Appelfeld.

mercredi 30 avril 2025

Vermiglio, Maura Delpero, C'est un beau film mais pourquoi dire moins bien ce que France Culture dit très bien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-regard-culturel/le-regard-culturel-chronique-du-mercredi-19-mars-2025-5117338

Lire Lolita à Téhéran par le cinéaste israélien Eran Riklis. D'après le roman d'Azar Nafisi,  C'est l'histoire d'une prof de littérature à l'Université de Téhéran, et les stratagèmes qu'elle met en place pour continuer d'enseigner la littérature à des jeunes femmes dans le contexte de la dictature des mollahs (répression et censure). Pour l'avoir lu il y a longtemps, le livre m'avait semblé plus intéressant que ce film un peu prévisible

La Réparation : Régis Wargnier. Drôle de titre pour une histoire de chef étoilé mystérieusement disparu. Sa fille, son second, son héritage etc. Avec détour aimable par la Corée où sévit un grand chef très inspiré de l'art du disparu. Un peu insipide.

Lettres siciliennes, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza :  remarquable histoire de traque pour débusquer un mafieux planqué depuis 30 ans - Matteo Messina Denaro- qui n'en continue pas moins de communiquer ses instructions à son clan (lettres siciliennes). La police utilise Catello Palumbo, homme politique ruiné et déchu, tout juste sorti de prison pour collusion avec la Mafia, et ami du père de Matteo. Noir, plombant. cf La critique du Monde :https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/16/avec-lettres-siciliennes-les-cineastes-fabio-grassadonia-et-antonio-piazza-apportent-une-sombre-conclusion-a-leur-trilogie-sur-la-mafia_6596632_3246.html

Toxic, premier film de la réalisatrice lituanienne Saule Bliuvaite. Sombre. Dans un non-lieu (une sorte de banlieue qqpart en Lituanie) deux jeunes filles se traînent dans le vide d'une existence sans issue. L'école ? Bof. Leur cadre de vie, pire que bâtard. Les parents -quand il y en a -  chômeurs ou alcoolisés (mais pas méchants). Leur vie spirituelle ou intellectuelle ? Inexistante. Une seuls échappatoire, une école de mannequinat qui aimante tous leurs espoirs. Sur ce néant, des recruteurs cyniques n'ont aucun mal à extorquer des frais de dossiers, photographies etc à des jeunes filles naïves et fauchées, comme leurs parents. Cette peinture des injonctions de perfection et de beauté dans le vide d'un univers dévasté, sans issue et sans défense est horrible et remarquable.

Ghostlight, Kelly Sullivan et Alex Thompson : une famille traumatisée, une rencontre improbable entre le père de famille et une troupe de théâtre amateur plutôt bancale, de la solitude, du silence, et comment jouer Romeo et Juliette arrive à réparer, ou du moins faire bouger des personnes figées dans leur trauma. Film assez sympathique qui met en scène une catharsis familiale

Vanille SkyCameron Crowe (remake d’Ouvre les yeux d’Alejandro Amenábar ) Je ne m'attendais à rien de bien intéressant, pourtant, ça l'est, même si 1 mois plus tard, j'ai perdu de vue le pourquoi du comment. Donc, à défaut de le revoir, j'essaierai de voir Ouvre les yeux, dont, selon les critiques, Vanilla Sky est une pâle copie (avec la même Penelope Cruz dans le même rôle)

L'amour Ouf, Gilles Lellouche : là aussi, rebutée par le titre, je ne m'attendais à rien de spécial, pourtant, ça l'est, Jackie étudie, Clotaire traîne, ils tombent amoureux. Mais le glandeur tourne mal et finit en prison. Ils se retrouvent 10 ans après. Il sort de prison, elle s'est laissée faire pour un mariage.... Et moi, je me suis laissée faire par ce film à fleur de violence et de sensibilté. J'ai bien aimé ce paumé foutraque et cette gamine rebelle, et l'histoire qu'ils racontent.

lundi 31 mars 2025

 Parthenope, Paolo Sorrentino. Plastiquement parfait mais j'ai regardé tout ça avec une certaine indifférence. La belle  Parthenope découpée en tranches de vie dans un univers de carte postale est trop belle, trop intelligente, trop riche. Sublime,  forcément sublime, so what. Je n'ai pas retrouvé la grâce qui illuminait La Grande Bellezza ou Youth.

A Real pain, Jessie Eisenberg : 2 cousins juifs new-yorkais en voyage mémoriel en Pologne sur la trace de la defunte grand-mère. Gentil film 

The Insider, Steven Soderbergh : un couple d'agents secrets et une tortueuse histoire d'espionnage dont j'ai déjà tout oublié 

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, Ken Scott : heureuse surprise c'est un aimable film plein de justesse sur l'amour maternel sublime et envahissant. Leila Bekhti, magnifique Esther, refuse d'admettre que son fils, né avec un pied  bot, est handicapé  


samedi 8 mars 2025

Black Dog

Hu Guan. Ça se passe au fin fond de la Chine, au bord du désert de Gobi, dans un monde en déliquescence (ville minière sinistrée, en passe d'être démolie au nom d'un avenir radieux et d'une idéologie triomphante à la gloire de l'esprit entrepreneurial). On détruit tout pour faire du neuf, au milieu de nulle part tandis qu'au loin, très loin, la Chine célèbre sa puissance, sa lumière, sa grandeur avec les JO de Pékin. Cette ode à la lointaine Chine qui réussit résonne bizarrement dans ce monde improbable et perdu, simple, brutal et compliqué : la ville est aux 3/4 désertée, hantée par des centaines de chiens errants (abandonnés par ceux qui ont quitté la ville) et ce qu'il en reste est bien mal en point : bâtiments vétustes, zoo en deshérence, un vague cirque ambulant de passage, et des équipes de ramassage des chiens errants.

Là dessus, un taiseux, apparemment étanche à tout, et qui revient en ville après 10 ans de taule, mais se prend curieusement d'affection pour un de ces chiens, Black Dog. 

Superbe peinture du monde des confins, superbe peinture des paysages et de la ville, superbe film de solitude et de fin d'un monde, discrètement irrigué de liens ténus entre des êtres (le père et son fils, l'homme et le chien, le vieux voisin, la foraine de passage). Avec quelques touches d'un semblant de solidarité/humanité, quelques touches d'un vieux culte des valeurs anciennes, le film montre la fragilité du monde qui disparaît en regard de l'irréalité de la propagande officielle. En fait, le film montre beaucoup de choses avec une grande élégance et une énorme économie de moyens (film à mon avis plus original et plus troublant que l'énorme machine du Brutalist (!) Association qui n'a rien à voir, à part me gigantisme des moyens de réalisation vs la sobriété.) Ou un légère déception avec le Brutalist et une immense adhésion et plaisir avec Black Dog)

jeudi 6 mars 2025

Mickey 17

Bong Joon-ho. Avec ses allures de blockbuster de SF, c'est terrifiant et drolatique : le héros (Robert Pattinson), acculé par ses dettes, s'est engagé sur une mission spatiale de conquête d'une nouvelle planète. Pire que tout : c'est devenu un expandable : s'il meurt, on le réimprime, corps et mémoire inclus, et il peut reprendre son travail de forçat dans ce qui ressemble à une colonie pénitentiaire dirigée par un super boss affairiste et ultra-libéral. Tout se déglingue quand Mickey 17  et Mickey 18 coexistent. C'est le début de la subversion. La machine à conquérir un nouveau monde se désarticule, c'est drôle, caustique et résonne étrangement avec l'actualité. Très bon moment de cinéma.

mercredi 5 mars 2025

Films février

Un Parfait inconnu, James Mangold : excellent biopic sur les débuts de Bob Dylan, Thimothée Chalamet fait très bien le job

Le Dernier souffle, Costa-Gavras : film sensible sur la fin de vie, avec qui il faut là où il faut. Un peu convenu mais pédagogique

Mercato, Tristan Séguéla : le monde impitoyable du business-foot. Driss, (Jamel Debbouze, excellent) agent de joueurs, doit beaucoup d'argent à des mafieux. Il a les sept derniers jours du mercato pour sauver sa peau. On se doutait que c'était sordide, on en a la démonstration.

The Brutalist,  Brady Corbet : Laszlo Toth (Adrien Brody), architecte juif hongrois, formé au Bauhaus et rescapé de la shoah arrive aux Etats-Unis. Galères de l'immigré jusqu'à ce qu'un ultra-riche lui confie une réalisation de prestige (parce qu'un magazine de l'élite, "encensant" le travail de Laszlo Toth a rendu admirable et désirable ce que je magnat avait jusqu'ici détesté). Voilà donc l'architecte adoubé, reçu et reconnu par les riches et confronté à la réalisation d'un projet démesurément ambitieux. Les choses se compliquent, les non-dits, rivalité, jalousies creusent des fossés et l'antisémitisme, censément éteint après la guerre, s'en mêle.  Deux univers s'affrontent : l'architecte juif mégalomane et perfectionniste, le nabab (et sa clique)  dominateur, protestant et antisémite, le sionisme (alyah) en filigrane... Ample, scénique, monumental, hénaurme. Un peu trop, peut-être. Donc trop long (le pire, c'est l'entracte de 15 minutes). 

La Fabrique du mensonge, Joachim Lang : Joseph Goebbels contrôle les media et la propagande. Savoir-faire et méthode au service du Führer. Pas mal d'images d'archives.

L'Enigme Velasquez, documentaire moyen

vendredi 31 janvier 2025

Films janvier 2025

Un Ours dans le Jura, Franck Dubosc : distrayant et abracadabrantesque, ou comment un couple de ruraux gère l'apparition dans sa vie d'un ours, de deux cadavres et d'un million d'euros.

Personne n'y comprend rien, Yannick Kergoat : retour sur des années de feuilleton financier sur l'argent noir (Kadhafi et consorts) de la campagne présidentielle (N.Sarkozy)

Maja, une épopée finlandaise, Tiina Lymi : histoire émouvante et édifiante d'un couple de Finlandais, à la fin du 19e siècle, installés sur une île isolée pour (sur)vivre de la pêche. Ils s'aimèrent et eurent beaucoup d'enfants, même si le mari est obligé de s'enfuir quand la guerre éclate, laissant femme et enfants aux prises avec l'occupant anglais. L'ensemble est assez chromo et idéalisé mais joli à regarder. 

Maria, Pablo Larrain : biopic correct sur la fin de Maria Callas, recluse et sans voix. Poignant, pourtant il manque quelque chose. La Callas ? 

jeudi 19 décembre 2024

Films en novembe et décembre 2024

 Anora, Sean Baker : rencontre entre une escort-girl et un fils d'oligarque russe, gâté et flambeur, un tas de scènes instagramables, la vie est riche et belle jusqu'à ce que les parents du jeune russe s'en mêlent. Distrayant, cruel et joli à voir.

La Plus précieuse des marchandises, Michel Hazanavicius : un très beau récit d'animation (histoire d'un bb jeté d'un train de la mort et recueilli par un couple de bûcherons). Un conte autour de la déportation.

En Fanfare, Emmanuel Courcol : joli feelgoodmovie, deux frères élevés dans deux milieux radicalement opposés, tous deux passionnés de musique, se découvrent à l'âge adulte.

Kafka, le Dernier été, Georg Maas, Judith Kaufmann : joli film désespéré sur le dernier amour de Kafka, Dora Diamant, rencontrée sur une plage de la Baltique. Elle est rayonnante,  il est tuberculeux à mort.

Vingt Dieux, Louise Couvoisier : aimable petit film, juste et bien vu sur un adolescent (Totone, glandeur professionnel) et sa petite sœur, devenus brutalement orphelins. Au pays du Comté et des petits paysans, Totone se met à l'école de la débrouille.

Oh, Canada, Paul Schrader : apparemment, j'ai vu ce film, je n'en ai aucun souvenir. C'est l'histoire de Leonard Fife (Richard Gere), documentariste réputé qui est à l'agonie et revient sur son passé sous la caméra de deux de ses anciens étudiants. Il en ressort une personnalité moins exemplaire que ne le voudrait la légende. Les critiques adorent, 

Leni Riefenstahl, Andres Veiel : remarquable documentaire à base d'archives et interviews pour ce portrait de la cinéaste du Reich, dans un déni obstiné de son adhésion au Führer.

 Conclave, Edward Berger : le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner : turpitudes et magouilles à l'ombre du conclave. Le diable n'est pas que dans les détails. On est tenu en haleine pour savoir ce qu'il y a à cacher ou révéler pour (in)valider l'élection du nouveau pape.

dimanche 6 octobre 2024

All we imagine as light

 Payal Kapadia

3 femmes à Bombay, 3 solitudes.  ... une infirmière confirmée, sans nouvelles de son mari, parti travailler en Allemagne, ...  sa jeune colocataire, infirmière débutante qui essaie d'échapper à un mariage arrangé et Parvaty, cuisinière à la cantine du même hôpital, sans papier, expulsée d'une sorte de squat dans une ancienne filature de coton, au nom d'un programme de promotion immobilière.

Encore un film indien assez noir et désenchanté et un regard sur des femmes, toutes les trois indépendantes, c'est déjà ça, mais qui n'en sont pas moins coincées dans des vies peu gracieuses, des logements étriqués, une ville surpeuplée, et confrontées aux déprimante réalités de la société indienne : l'exil pour survivre, la ruse pour vivre un amour interdit, l'expropriation des "sans grade" ...


mercredi 18 septembre 2024

Dos Madres

Un film incroyablement long et maniéré pour  sublimer la quête d'une femme privée de son fils et ses retrouvailles. L'histoire, c'est les bb confisqués à leur mère et donnés à des familles "bien" sous le franquisme.
Tout ce qui ressemblerait à une enquête historique classique est proscrit. Le film prend le parti d'une narration/relation émotive esthétique et tortueuse toute en redites et circonvolutions, pour évoquer la quête de cette mère puis la rencontre du fils et de l'autre mère. C'est d'une incroyable lenteur avec des scènes qui devraient durer 1 minute et en font 10. Il y a aussi des incongruités esthétisantes comme la chorégraphie des mains de sténotypistes, ou celle des visages d'une espèce de chorale, curieux à voir, mais affreusement long, complaisant, et même gratuit. Il y a aussi d'interminables scènes au piano, (la mère est prof de piano et le fils en joue, l'auteur en profite pour diluer son film en interminables scènes d'interprétation). Je n'arrive pas à identifier des temps forts, s'il y en a, tellement tout est dilué dans un brouillard impressionniste où l'émotion est censée trouver sa place. Le film se dilue en 3 époques : les quelques 20 années de quête du fils perdu, la contemplation du fils retrouvé et de sa mère  (foutu piano), et un exercice difficile (et raté ?) pour suggérer tout ce qui se remet en place dans le regard des 3 à travers ce temps qui leur a été volé et enfin, le stratagème de la vengeance à 3 : il s'agit d'aller dérober les seuls dossiers qui restent et qui prouvent l'ignominie des vols d'enfants. Cette partie est encore plus maniérée, exaspérante et interminable que le reste, si c'est possible. La touche finale, c'est une obscure scène de pianos esseulés dans un entrepôt, un sommet d'artifice.
Tout ça est tristement ambitieux et affreusement prétentieux. 

Je regrette vivement le parti pris de l'auteur, cité en exergue du film, ue citation de 

Roberto Bolaño : « Ça va être une histoire de terreur. Ça va être une histoire policière, un récit de série noire, et d’effroi. Mais ça n’en aura pas l’air parce que c’est moi qui raconterai. »

mardi 10 septembre 2024

Films en septembre

Tatami Zar Amir Ebrahimi. La judokate iranienne Leila et son entraîneuse Maryam aux Championnats du monde de judo. En cours de compétition, injonction de la République islamiste iranienne d'abandonner la compétition pour éviter une possible confrontation avec l’athlète israélienne. Leila résiste malgré les supplications de son entraîneuse et les pressions du gouvernement. Scotchant et captivant. 

La Nuit se traîne Michiel Blanchart : très bon polar de traque dans la nuit bruxelloise. Un aimable serrurier, un piège, d'horribles malfrats, une nuit pour trouver une solution.

Paradise is burning, Mika Gustafson. Trois sœurs, Laura (Bianca Delbravo), Mira (Dilvin Asaad) et Steffi (Marta Oldenburg) vivent comme elles peuvent (pas mal) depuis le temps que leur mère est (encore) partie. Dans leur situation précaire, sous la conduite de l'aînée, elles déploient un étonnant mix d'affection, de débrouille et de joyeuses incartades (chapardage au supermarché, squatt des piscines des riches, incursions dans leurs appartements... ). Quand l'aînée apprend la visite prochaine des services sociaux, elle sait qu'elle doit trouver une solution pour protéger le noyau du désastre imminent. La réussite du film, c'est de montrer à la fois a sororité du groupe et l'individualité de chaque sœur et le vécu propre à son âge (7, 13 et 16 ans). Le reste du paysage humain dans ce patelin modeste est plutôt bon enfant et le tout est regardé avec beaucoup de justesse. Les trois sœurs, toutes trois très attachantes, crèvent l'écran. 

Le Procès du chien, Laetitia Dosch. D'après une histoire vraie. Pas mal mais le débat sur le statut de l'animal et sa place dans la société est noyé dans un fouillis brouillon et bruyant. L'humain n'en sort pas grandi. Le dresseur est épatant (Jean-Pascal Zadi ) et le chien Cosmos/Kodi hors concours.

Beetlejuice (Tim Burton 1988) : amusante histoire de fantômes et de maison hantée, mais les aimables fantômes doivent faire appel au terrible Beetlejuice pour venir à bout des intrus. Découvert 30 ans après, c'est fort sympathique, mais ça n'a certainement pas l'impact ni l'originalité que le film a eue au moment de sa sortie. Voyons voir la version 2024.

Septembre sans attendre, Jonás Trueba : ou comment organiser une fête de séparation. Aimable et sympathique, mais peinture assez convenue de la crise du couple dans un milieu intello-bobo. (Plus le coup du film dans le film.)

Une Vie rêvée, Morgan Simon : plein de bonnes intentions mais une belle collection de clichés sur une femme paumée et précarisée et son aimable fils qui n'en peut mais.


Films en août

Emilia Perez Jacques Audiard : improbable et réjouissante fiction sur le destin d'un chef de cartel mexicain transgenre, soutenu dans son changement de vie par une talentueuse avocate. Très distrayant et tonique

Girls will be girls Shuchi Talati : une année d'apprentissage dans un collège indien huppé, ou comment la forte en thème se découvre face aux premiers émois de l'amour, et comment vacille l'ordre dont elle a si bien intégré les codes. Ou comment l'apprentissage des sentiments et de la vie se joue de l'excellence scolaire. Très fin, bien vu, bien analysé avec en filigrane un portrait mère-fille intéressant et une peinture d'une société classique de mâles dominants où les filles restent des filles, démunies face à leurs désirs et face au pouvoir de la société et des mecs.

La Belle affaire (titre original Zwei zu Eins) Natja Brunckhorst : aimable distraction ostalgique. Au moment de la réunification des 2 Allemagne, des prolétaires de l'Est tombent sur un magot en Marks de l'Est. A écouler d'urgence, dans les délais imposés, pour les transformer en Deutsche Mark. Tout le quartier s'en mêle, tous plus ou moins ouvriers d'une ancienne usine vouée à la casse. Ou comment l'esprit et le pouvoir de l'argent s'empare -ou pas- du groupe, comment les yeux se dessillent sur les finalités de la productivité socialiste. Film sympathique, belle reconstitution des costumes et décors de l'époque.

Horizon 1 Kevin Costner : histoire classique de migrants en train de coloniser la "fronteer" au détriment des autochtones. Avec des colons, des brigands, des soldats, des "Indiens" et les péripéties qui vont avec. Rien de bien original mais c'est plaisant et les paysages du "far-west" sont beaux.

 

Tigresse Andrei Tānase: assez bancale histoire d'une vétérinaire qui laisse une tigresse échapper du zoo. La traque de la bête et ses problèmes de couple. Un peu inabouti

Anzu : film d'animation japonais. Beaucoup trop long et un peu lourd, cette histoire de chat fantôme qui accompagne une petite fille sur les traces (la tombe) de sa maman morte. Avec de sérieuses coupes, ça passerait mieux.

 

 

 

 

Hors concours, deux reprises, deux chef-d'œuvre :

 Ludwig, Visconti

Chien enragé, Kurosawa



lundi 12 août 2024

Sorties d'été

 MaXXXine , Ti West. Maxine Minx rêve d'être une star de cinéma, malgré son passé d'actrice du X. On voit une belle jeune femme déterminée (Mia Goth), cinégénique, et prête à tout pour réussir, on voit Hollywood et le monde fermé du "vrai" cinéma, on voit la population des starlettes, on voit des rues clinquantes de la nuit à Los Angeles, on sait qu'un tueur en série rôde. Ce qu'on voit est bien vu, avec les références eighties qu'il faut, et le film se déroule assez efficacement, la jeune femme intrigue, des indices laissent penser qu'elle aurait un passé meurtrier, un étrange détective la harcèle... Tout ça est rondement mené jusqu'à ce que l'histoire se dénoue : chute grotesque et grand guignolesque qui dessert le film.

Trap, Night Shyamalan : ou comment un tueur en série est piégé dans une salle de concert. Toutes les ruses qu'il va déployer pour échapper à la traque à grand spectacle. Distrayant. oubliable

Blink Twice, Zoë Kravitz : le milliardaire Slater King invite Frida sur son île privée, c'est la fête non stop, champagne à volonté, mais des événements étranges... Il va falloir ruser pour en sortir vivante. Complètement toc.

Films Juin-Juillet

The Bikeriders, Jeff Nichols. D'après l'histoire d'un gang de motards dans les années 60, plongée dans la culture "biker" et comment elle finit par se dévoyer. Raconté par la petite amie du héros. TB, ambiance et histoire prenante, personnages intéressants, acteurs beaux et bons.

Le Comte de Monte-Cristo, Matthieu Delaporte, Alexandre de la Patellière. Plein de péripéties et rebondissements. Très plaisant

Napoleon, Abel Gance : "LE" film remis à neuf

El Profesor , Maria Alché, Benjamin Naishtat : milieu universitaire, le fidèle disciple du maître à penser pense prendre sa succession au poste de professeur quand celui-ci décède à l'improviste. Un rival habile et "populaire" se présente. Le film décrit finement la frustration sourde qui mine un homme de qualité dépassé par cet homme mieux armé pour le jeu social.

Kinds of Kindness, Yorgos Lanthimos : hem, je n'ai rien imprimé, compris, saisi à travers les 3 histoires barjes (jouées par les mêmes acteurs).

Only the river flows Shujun Wei : en Chine, dans une petite ville sans importance, enquête compliquée et tortueuse qui s'enlise mais montre une société sombre et un héros pétri de doute (l'inspecteur). Il peine à élucider l'affaire, et au final, rien ne s'éclaire. Mais l'ambiance est intéressante.

Santosh, Sandhya Suri : redoutable peinture de la société indienne (société des castes et corruption de la police) à travers le personnage d'une jeune apprentie policière qui enquête sur le meurtre d'une jeune fille paria. Noir c'est noir. Très bien vu, cerné, senti.

Les Fantômes, Jonathan Millet : Hamid, exilé syrien, est membre d'une organisation secrète qui recherche des criminels de guerre syriens cachés en Europe. Le film décrit son approche pour identifier son tortionnaire à l'époque de son emprisonnement à Alep.

 

mardi 23 avril 2024

La Jeune fille et les paysans


 

1 La Jeune fille et les Paysans, une merveille réalisée DK et Hugh Welchman. Etrange film d'animation à partir de prises de vue réelles, où chaque chaque scène a été peinte à la main, ce qui donne un ensemble de tabeaux animés de toute beauté. La musique, inspirée de chants et airs traditionnels joue aussi un rôle extraordinaire. L'histoire est tirée du roman Les Paysans (Władysław Reymont, polonais, prix Nobel de littérature). La plus belle fille du village, un riche veuf, des mâles convoiteurs... quelque part dans la campagne polonaise à la fin du 19ème siècle ? Ils sont matois, rusés, avides, ils se surveillent, ils se haïssent, ils font des calculs d'alliances et de dots. La jeune fille semble échapper à la médiocrité ambiante, à la glue des calculs et des arrangements. Elle est différente, libre, sublimement belle. Rumeurs, ragots, désirs, convoitises et haines se déploient en 4 saisons sur fond de tradition et de christianisme. C'est envoûtant de rythme, de beauté et d'originalité pour une histoire qui est pourtant prévisible et archétypale, et dont la conclusion est inéluctable. Le film le plus beau et le plus captivant de l'année.

2 Les lueurs d'Aden, Amr Gamal : regard intéressant sur une société maltraitée : Résumé Allociné : Isra’a vit avec son mari Ahmed et ses trois enfants à Aden (Yémen). La guerre civile est à l'arrière plan : contrôles militaires dans les rues, pannes de courant, rationnement de l’eau. Ahmed travaillait pour la télévision, mais de nombreux salaires impayés l'obligent à gagner sa vie comme chauffeur. La vie quotidienne se dégrade (déménager dans un logement moins cher, payer les frais d’inscription d’école). Quand un 4eme enfant s'annonce... Avorter est un parcours du combattant, dans un univers hostile et réprobateur. Même leur amie médecin... Peinture totalement déprimante d'un univers sans issue, sans espoir, sans lumière. Où qu'ils se retournent, c'est bouché et désespérant.

3 L'Homme d'argile, Anaïs Tellenne : le jardinier-homme à tout faire de la propriété (Raphaël Thiery) colosse timide et fruste devient le modèle de la sculptrice branchée. Le temps de son séjour dans la propriété. Muet, maladroit, il tombe affreusement et muettement amoureux de la femme qui ne le voit pas, même si elle l'utilise comme modèle. Touchant. Sensible. Intéressant.

4 Bellissima, Luchino Viscont 1951 : une femme du peuple (Anna Magnani) rêve que sa fille soit la plus belle pour participer à un casting (Shirley Temple) et travailler "dans le cinéma". Tous les efforts et sacrifices financiers qu'elle fait dans ce but. La petite est plutôt désemparée... Au visionnage des rushes, le milieu glousse et se moque de la petite... Beau film puissant (la Magnani ! Visconti !) qui met magnifiquement en scène le désir forcené d'une mère qui veut que sa fille ait une vie meilleure que la sienne.

5 Il reste encore demain, de et avec Paola Cortelesi : la condition féminine dans l'Italie de l'après-guerre. Portrait d'une femme dans sa famille et son quartier populaire (femme battue, courageuse, endurante, résiliente) ... Peinture efficace d'une société et d'une époque de machisme ordinaire. La mère, la fille, côté femmes/ le père, le beau-père,  côté mâles et le ciment de la famille, quoiqu'il arrive. Intéressant, parfois longuet. Mais une bouffée d'air quand on voit comment la société a évolué et à quoi les femmes (pas toutes) finissent par échapper.

 6 Les Carnets de Siegfried, Terence Davies : l'occasion de découvrir l'existence de l'écrivain Siegfried Sassoon (britannique, première moitié 20ème siècle), poète et objecteur de conscience pendant la guerre de 14-18. Pistonné, il échappe au peloton d'exécution et est interné en psychiatrie. Puis le film décrit (trop longuement) sa vie amoureuse (homosexuel victime de la contrainte sociale => mariage). On le retrouve bien plus tard, bien rangé et désenchanté, notamment parce qu'il n' pas vraiment été reconnu comme auteur.) Film classique, bien fait mais trop long.

7 Le Mal n'existe pas, Ryusuke Hamaguchi : Ou comment une communauté villageoise accueille le projet d'un promoteur touristique (installer un glamping en pleine nature, soi-disant respectueux de l'environnement). Les deux sous-fifres d'un côté qui viennent présenter le projet, le village de l'autre, le cynisme du promoteur... et la nature, bien sûr, l'eau, la forêt, la piste des cerfs... Conte écolo, bien fait, bien vu, intelligent, sans aspérité.

La Salle des profs, Ìlker Çatak : une jeune prof éclairée et pleine de bonnes intentions se retrouve au cœur d'un conflit à l'école. Tout dérape fatalement. L'enfer pavé de bonnes intentions.

9 Le Dernier de juifs, Noé Debré : Un fils glandeur, sa mère (Agnès Jaoui) clouée dans son appartement dans un quartier populaire qui se communautarise. Il faut songer à quitter l'appartement... ça se déroule aimablement, les personnages sont sympathiques, quelques anecdotes "en douceur" sur la violence sociale qui reste en arrière -plan, c'est aimable et sensible mais il n'en reste pas grand chose de marquant

10 Nous, les Leroy, Florent Bernard, vu par erreur, parce que des critiques disaient que c'était drôle. C'est lourd, convenu et sans intérêt.


samedi 2 mars 2024

Sans jamais nous connaître /All of Us Strangers

 

Andrew Haigh. C’est l’histoire d’une rencontre improbable entre deux solitudes, quand Adam (Andrew Scott ) finit par ouvrir la porte, non sans réticence, à Harry (Paul Mescal), son seul voisin dans l’immeuble anonyme et désert. Mais c’est dangereux, d’ouvrir la porte. C’est troubler son enveloppe protectrice, accepter l’effraction de sa clôture, de sa solitude et de son intimité : ça ouvre la porte à bien des possibles, y compris l’amour, y compris les fantômes tapis dans le vide de soi et du manque d’amour. Ça fait bouger les lignes. Adam se trouve alors passer une autre porte, en revisitant sa maison d’enfance et ses parents tels qu’ils l’ont laissé quand ils sont morts d’un accident de voiture quand il avait 12 ans.

En renouant avec le cocon protecteur de l’enfance et l’idéal d’intimité et d’amour familial, Adam renoue aussi avec une fraction enfouie de lui-même : la solitude de l’enfant malheureux malgré la chaleur du foyer, malgré l’amour de ses parents. A mesure des échanges avec eux (Adam les tient informés de son évolution et des évolutions de la société) les parents comme l’enfant apparaissent chaleureux, pleins d’amour et d’humanité, dans une communion familiale idéale, ils se parlent et s’acceptent comme jamais. Scénariste solitaire, Adam rôde autour de ses fantômes jusqu’à la scène de la réparation dans le regard des parents. Il finit par verbaliser ce qu’il avait au cœur : la faille ou la déception ou l’incompréhension que sa nature homosexuelle -inavouable- créait dans leur regard. Tellement juste, tellement simple ! Un rêve ! Maintenant, il va lâcher le passé et aller de l’avant avec Harry.

A la frontière entre soi et l’autre, entre rêve et réel, tout est « border » dans cette histoire émouvante : le personnage au bord de la rencontre, le sexe à la limite de l’amour, les fantômes à portée de main. Rien à voir avec la promesse gnangnan de l’annonce « une romance gay entre Paul Mescal et Andrew Scott » qui faisait craindre le pire. Sans laisser soupçonner que « Sans jamais nous connaître » est fantastique, vertigineux de beauté et de tristesse.
Et il y a la B.O  !(Always on my mind (Neil Tennant/ Pet Shop Boys, reprise d’Elvis), Frankie goes to Hollywood (The Power of Love)…

Le film est tiré d’un roman japonais All of us strangers/Présences d’un été (1987) de Taichi Yamada, malheureusement épuisé pour l’instant.