dimanche 31 janvier 2016

Les Délices de Tokyo

Naomi Kawase
Un délice, un miracle de délicatesse, un film qui écoute si bien les personnages qu'il nous raconte tout ce qu'ils ne disent pas. Un film attentif au temps, aux arbres, à la cuisson des haricots (même les haricots ont quelque chose à dire quand ils cuisent), au chant des canaris, au bavardage des jeunes filles, au silence des personnages. Je ne vois que le cinéma japonais pour s'intéresser si bien, c'est à dire avec élégance et sobriété, à la subtilité des relations entre les êtres, la nature et le vivant en général. (J'avais adoré Still The Water, mais pourquoi avais-je détesté La Forêt de Mogari ?)

vendredi 29 janvier 2016

The Big Short

Adam McKay ( Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling..)
Si vous n'avez rien compris, sauf de très loin, à la crise des subprimes, allez-y. (Je n'ai toujours pas compris dans le détail, mais c'est passionnant et ultra efficace). Ou comment des précurseurs parient sur  l'effondrement du marché en analysant le montage des actions pourries dans les Fonds d'investissement. Et comment les agences de cotation et établissements bancaires se refilent la "patate chaude" jusqu'au krach.

dimanche 24 janvier 2016

Carol

Todd Haynes. La bourgeoise upper class peut-elle aller à l'encontre de sa nature (lesbienne) au risque de perdre sa fille ? La modeste jeune fille peut-elle trahir son fiancé et sa classe (employée de magasin) en devenant photographe et lesbienne ? Naissance du trouble, éclosion de l'amour, coups bas du mari, renoncement, renaissance, fin. Ce n'est pas parce Cate Blanchett joue très bien la bourgeoise glamour, majestueusement brushée et envisonnée, ce n'est pas parce que la jeune Thérèse (Rooney Mara) est charmante et délicieuse, ce n'est pas parce qu'il y a une belle reconstitution des décors chics et des ambiances années 50 que ça fait un film. C'est tout en retenue, certes, mais c'est surtout très convenu, guimauve, limite gnangnan (même si replacée dans l'époque, l'histoire est scandaleuse) et très très lent. Une fois qu'on a compris - assez vite- le film s'étiiiire. Quel ennui. Et là-dessus, la musique qui souligne insupportablement les moments d'émotion (pour ceux qui n'auraient pas compris). Ce que je préfère : les belles voitures américaines d'époque.

vendredi 22 janvier 2016

By Heart, Tiago Rodrigues

Théâtre de la Bastille. Très belle méditation scénique (je ne sais pas si ça se dit, mais c'est bien de ça qu'il s'agit) une invitation à méditer sur la force du livre et sur ce qu'il imprime dans le cœur des gens. Sur la parole fédératrice qu'il contient, pour faire communier les âmes des hommes, leur faire partager des émotions et des idées. Tiago Rodrigues nous promène entre ses souvenirs et ses émotions littéraires, évoquant le personnage de sa grand-mère, extrapolant à quelques figures historiques (George Steiner, Pasternak, Ossip Mandelstam...), et invite 10 spectateurs à faire l'expérience du "par cœur" et à incarner sa démonstration .
C'est une belle balade littéraire qui prend son élan à partir du sonnet 30 de Shakespeare, que Boris Pasternak a traduit en russe, et qui servit de poème de "résistance" en pleine terreur stalinienne, au cours d'un congrès soviétique (il nous raconte comment). Qui se poursuit dans les camps de Sibérie, où Nadejda, l'épouse du poète emprisonné Ossip Mandelstam défend la mémoire de son mari et de son œuvre en faisant apprendre ses poèmes par ses amis. Et se continue avec Ray Bradbury et Fahrenheit 451, sur la résistance au totalitarisme. Avec en filigrane l'histoire de sa grand mère. Une invitation à rendre hommage aux livres, à se les approprier, se les mettre en bouche en les apprenant par cœur et en les ingérant, pour qu'ils deviennent notre décor intérieur.

Jacques Doucet - Yves Saint Laurent

Toute petite exposition, mais que c'est beau. Des Chirico (plus beaux que ceux que j'ai vus au musée, ou mieux mis en scène ?), les fameux Warhol, un sublime Manet étonnamment encadré en style Art déco, le fameux Charmeur de serpent de Rousseau, j'étais sûre qu'il était dans un musée, du mobilier éblouissant, des objets décoratifs idem etc... Un éclectisme où tout se répond. C'est vite fini, on sort un peu frustré de quitter cet univers très inspiré.
Le billet donne une réduction pour La Mode retrouvée au Palais Gallieria.

http://www.fondation-pb-ysl.net/fr/Jacques-Doucet-Yves-Saint-Laurent-Vivre-pour-l-Art-795.html

dimanche 10 janvier 2016

Qui a peur de Virginia Woolf ?

Edward Albee. Au Théâtre de l'Œuvre. Avec : Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff, Julia Faure, Pierre-François Garel. Mise en scène de Alain Françon
Quel carnage !  le professeur d'université et sa femme (fille du président de l'université) explorent inexorablement tous les recoins, non-dits, lâchetés, frustrations, rancœurs, douleurs de leurs vingt années de vie commune. Ils passent en revue les temps forts de leurs trahisons et ratages respectifs, dopés par la présence d'un jeune couple, fraîchement arrivé à l'université, dont ils dévoilent aussi inexorablement les mensonges, manquements, faux-semblants. Un jeu de la vérité cruel, où aucun détail n'est tu, aucune zone d'ombre épargnée. Là où les gens "normaux" gardent un silence prudent, évitent les zones de conflit et mises au point ravageuses, ils y plongent avec jouissance, pour se balancer les pires vérités à la figure dans une spirale exacerbée jusqu'au final, sorte d'apothéose fatale à leur jeu infernal. Dominique Valadié  pleine de nuances et pleine de grâce, avance sur le fil du rasoir avec une cruauté déchaînée et suicidaire. Wladimir Yordanoff encaisse avec non moins de grâce et renvoie les coups avec le talent et le métier d'un boxeur, et le jeune couple tient la route, avec une prestation plutôt drôle et pertinente de la jeune cruche. Bref, c'est un très bon moment de théâtre.