dimanche 26 juin 2016

The Witch

The Witch, Robert Eggers, c'est plutôt pas mal pour l'ambiance des immigrants-pionniers en Amérique au 18ème ? siècle, pétris de religiosité féroce et de croyances magiques : une famille de paysans est rejetée par la communauté (parce que trop "perso" dans la compréhension des écritures, ils se font exclure de la colonie). Les voilà donc installés à la lisière de la forêt, réduits à eux-mêmes, essayant de survivre de leurs cultures, et en butte aux mystères d'une nature hostile, peuplée de maléfices. Le mal, l'inconnu, le mystère vient de la forêt, et la cellule familiale se désagrège peu à peu, à partir du moment où un nouveau-né disparaît mystérieusement. Le film raconte ce processus de délitement d'une famille tissée dans une unité religieuse, dont les personnalités émergent et s'opposent. Du désordre au chaos.
cf
http://www.avoir-alire.com/the-witch-la-critique-du-film

et aussi :
Mister Gaga, Diamant noir, Apprentice
j'ai découvert un chorégraphe israélien (génial ?) avec Mister Gaga, une intrigue bien ficelée avec Diamant noir (une histoire de braquage et de vengeance assez prenante dans l'univers des diamantaires à Anvers), Apprentice est complètement sinistre, pas palpitant, plutôt glauque (les états d'âme de l'apprenti bourreau) dans un univers carcéral, et quand il est chez lui, ou dans la ville, ce n'est pas mieux (encore un film où l'on se félicite de ne pas être... -cette fois ci, c'est singapourien).

Michel Houellebecq, Rester vivant


Les associations improbables, les étrangetés, un humour certain, les végétaux, les cellules du vivant vu de tout près, des dispositifs scientifiques improbables et énigmatiques, les strates géologiques, le goût des lieux communs.


Les univers dévastés, les vues incongrues.
Les paysages industriels, les panoramas insolites, la solitude, les sonorités de supermarché, le kitsch post qqchose.

La poésie, Combas,

la dévastation dans la salle des vinyles, l'inflation des objets devenus obsolètes, la série des filles à consommer dans un décor de boîte seventies (Renoma). 
Et l'ode au chien, le bon Clément, le brave toutou à son pépère, la machine à aimer.


Je suis allée voir l'exposition de Michel Houellebecq vaguement réticente, en fait, c'est très bien, c'est bien lui et c'est bien vu.

jeudi 23 juin 2016

The Neon Demon

Je suppose que si j'avais 14 ans et envie de devenir mannequin (euh non, model) j'aurais peut être apprécié ce film prétentieux et ampoulé. Mais les états d'âme d'une fille trop belle (d'abord très modeste, mais sa beauté finit, dans le regard des autres, par lui monter à la tête) restent superficiels, de même que les frustrations des moins belles me laissent de glace (c'est un malheur auquel on s'habitue très jeune). Le réalisateur ajoute ce qu'il faut de silences (ça lui évite d'avoir à dire quelque chose), de lenteurs, d'images absconses, de complot et de propositions transgressives pour égarer le spectateur. Il en résulte un ennui certain. Quelle daube.

mardi 21 juin 2016

Illégitime

Adrian Sitaru. Je n'ai pas vu le même film que les critiques qui ont l'air assez charmés. Comme le dit Jacques Mandelbaum (Le Monde) : "Si on voulait résumer par une formule l’esprit du cinéma d’auteur roumain, on pourrait dire qu’il consiste dans la résolution d’un problème concret par un individu en situation délicate et dans l’implication morale qu’il lui (nous) en coûte nécessairement." Certes. Mais ce film est trop long, bavard et ennuyeux. Et les images sont moches. 1ère tranche : on n'en finit pas de ne pas clore l'engueulade à table avec le père (pontifiant et détestable). 2ème tranche : les tourments des jumeaux incestueux. Deux sujets de fond abordés de front : problème de l'avortement et problème de l'inceste. C'est du lourd.  3ème tranche : re-conflit avec le père (il s'y connaît en avortements). Toujours odieux. Puis conclusion. On ne sait pas trop quelle morale en tirer, sinon qu'après avoir beaucoup débattu, s'être chamaillés, battus, insultés... c'était pour rien tout ça : c'est l'animal qui gagne. Mais il y met le temps :(
En fait, ça aurait pu (dû) être intense et passionnant, mais ça s'est dilué et perdu en route. Dommage.

lundi 20 juin 2016

Le Sorgho rouge, Zhang Yimou

Zhang Yimou. Une très belle narration de l'histoire récente de la Chine (20ème siècle) : à travers le destin individuel d'une très belle jeune fille vendue en mariage par son père, c'est une lecture du renouveau de l'histoire individuelle et collective. Percée des sentiments personnels, en même temps qu'adhésion à une vision collective, qui ne relève plus de la famille au sens strict. Le film montre un équilibre possible entre le désordre individuel et pulsionnel et la mise en place d'une organisation collective idéale ; tout baigne jusqu'au 9ème enfant et à l'invasion japonaise, qui redistribue les cartes. On bascule dans une dimension plus politique/militante affirmée, et tragique.
En résumé : elle est vendue à son mari, qui distille le sorgho. Mais un autre homme la séduit; le mari meurt mystérieusement. Une microsociété nouvelle s'organise pour la production d'alcool (vin?) de sorgho. Rien de forcé ni d'académique dans la narration. C'est fluide, suggéré, élégamment agencé; et c'est visuellement magnifique. Avec ce qu'il faut d'ampleur pour apprécier la beauté des corps, des visages et des plans.
Le film, primé en 1988 (Ours d'or à Berlin) n'a pas pris une ride.

vendredi 17 juin 2016

Folles de joie



Paolo Virzi. Deux "folles" placées en institution psychiatrique se lient d'une sorte d'amitié. Le film raconte leur cavale, en décrivant un arrière plan d'institution psychiatrique ouverte ou fermée. A part quelques longueurs et passages un peu hystériques, c'est assez bien vu. Les deux personnages sont à la fois pénibles et attachants, on suit avec plaisir les rebondissements de leur improbable pérégrination. Les deux actrices font très bien le job.

samedi 11 juin 2016

Elle


Paul Verhoeven. Prenez une Isabelle Huppert plus que jamais femme-de-tête-maîtresse-femme etc, donnez lui le degré de froideur et de distanciation auquel on peut s'attendre, et auquel elle nous a habitués, ajoutez un arrière-plan de traumatisme enfantin, quelques personnages à cheval entre le caricatural et le fantoche, propulsez tout ça dans un scénario improbable, avec ce qu'il faut de violence, de transgression suspecte et de "tranches" de vie bien saisies, ça donne un film cynique, regardable, mais quand même convenu. Une fois qu'on a pigé, ça devient laborieux.

jeudi 2 juin 2016

Je suis Fassbinder, théâtre de la Colline



Je suis Fassbinder est une étonnante prise à bras le corps du réel politique, au sens de ce que nous, citoyens d'Europe, sommes en train de vivre. La pièce s'empare, à travers le travail de Fassbinder, de notre environnement, le continuum d'informations dans lequel nous baignons, en saisit des morceaux, les malaxe, les brandit, les met en scène et nous fait réfléchir. Il y a ce discours de la mère de Fassbinder qui voudrait virer tous les réfugiés, même s'il faut tirer dessus pour les empêcher de revenir, même si c'est les envoyer à une mort assurée. Il y a l'histoire des femmes de Cologne, agressées sexuellement par des "hordes de migrants" (?), musulmans frustrés, et le choc en retour, l'indignation des Européens : "quoi, c'est donc ça, cette bande de sauvages, des bêtes dangereuses et frustrées, c'est ça leur reconnaissance après tout ce que Mme Merkel a fait pour eux !?" Il y a ce rêve d'un dirigeant autoritaire et gentil, avec la gangrène de forces réactionnaires, fascistes, anti tout ce qui fait les valeurs conquises ces 50 dernières années. L'obscurantisme auquel ils veulent retourner dans des nations blanches, chrétiennes et homophobes où les femmes font 3 enfants et restent à la maison. Une ambition assez proche, finalement, de celle des intégristes musulmans. Il y a l'Europe, ce phantasme démocratique qui cache la politique capitaliste et impérialiste dont elle est née et qui n'a eu d'autre ambition que de conquérir et asservir le monde : exterminer les Indiens des deux Amériques, mettre l'Afrique en esclavage, s'emparer de toutes les richesses qu'elle pouvait trouver dans le monde et les exploiter à son profit.
Et il y a la question de Fassbinder que Nordey reprend à son compte, "comment peut-on détruire cette société" et le vertige qu'elle provoque. Question brûlante. Question cruciale. Qui n'a pas envie de changer cette société. Changer, ou détruire ? Un abîme s'ouvre à l'esquisse de la moindre réponse. Et des échos ambivalents. Détruire pour polpotiser ? pour goulaguiser ? pour une révolution culturelle de sinistre mémoire ? Et qui a envie de détruire ces remparts contre l'inconnu ? Qui fait assez confiance à l'homme pour le laisser évoluer en roue libre, en dehors des cadres qui lui sont impartis?
Parce que cette société qui sécrète le mal, qui crée des migrants et les emprisonne dans des camps, qui crée des chômeurs et des précaires d'un côté, de l'autre des bataillons d'esclaves qui s'endettent pour se loger, se payer des home cinéma et des vacances, cette société mérite d'être détruite. Mais elle nous donne la Sécurité sociale et l'éducation publique gratuite (pour combien de temps encore ?) et fait que nous sommes pour la plupart logés, nourris, instruits, soignés. Comment vivre autrement que dans ce sinistre équilibre où nous sommes malgré tout du côté des privilégiés ?
Et pendant que Nordey pose la question cruciale, debout, face public, les acteurs impuissants et démoralisés sont affalés sur le canapé, et Laurent Sauvage, sérieusement alcoolisé, scande de loin en loin "Cuba libre", une bouteille à la main.
Parce qu'évidemment, tout ça est scéniquement enlevé, le plateau est découpé en différents plans, et les acteurs évoluent de la scène au cinéma, dialoguent, s'apostrophent, jusqu'à une apothéose assez délirante et drolatique où Thomas Gonzales, une espèce d'électron libre dans le dispositif, réinvente le rôle de bouffon, armé de sa bite qu'il fait tournoyer joyeusement. Etonnante prestation (et c'est bien une des rares fois où la bite d'un acteur au théâtre ne m'apparaît pas comme une exposition gratuite.)

Bref, malgré de rares microenlisements, c'est un spectacle superbe, corrosif et intelligent.
(Ecrit par Falk Richter mise en scène Stanislas Nordey, créé au TNS)