mardi 28 août 2018

Oil Pool et mousse

 Dans le cadre de FUKAMI :
https://japonismes.org/fr/officialprograms/%E3%80%8C%E6%B7%B1%E3%81%BF%E3%81%B8%E2%80%90%E6%97%A5%E6%9C%AC%E3%81%AE%E7%BE%8E%E6%84%8F%E8%AD%98%E3%82%92%E6%B1%82%E3%82%81%E3%81%A6%E2%80%90%E3%80%8D%E5%B1%95
 Etonnante video qui filme une chorégraphie (Solo exhibition) de Noriyuki Haraguchi dans un bain d'huile. Etrange contraste entre l'animal et le minéral, la gestuelle minimaliste, épurée. Magnifique et inquiétant.




Tout aussi étonnant, le sous-sol où prolifère une gigantesque mousse, qui prend des allures de glacier dans une lumière bleu électrique



Ça se passait à l'Hôtel Salomon de Rotschild, à l'angle de la rue Balzac dans le 8ème, un endroit bien classique vs des productions ébouriffantes.


vendredi 24 août 2018

Une valse dans les allées


Thomas Stuber. Pourquoi ce lyrisme dans la traduction du titre ? En allemand, c'est simplement "dans les allées". Les distributeurs se sont sans doute laissé emporter par la première séquence, qui esquisse en effet une sorte de ballet des transpalettes et autres chariots élévateurs à travers les allées de l'hypermarché. Mais de lyrisme, à part cet accès de légèreté, il n'y en a pas, tant l'univers est réduit aux travées de ce temple du discount quelque part au milieu de nulle part, sans doute la région de Dresde, avec juste une autoroute au loin, peut être pour suggérer qu'il existe un ailleurs quelque part.
Donc, le monde est tout petit, dans des couleurs plutôt glauques, un monde minimaliste où l'on ne voit quasi jamais la lumière du jour et où il s'agit de ranger et remanier les rayons à l'infini : prendre dans les réserves, ranger dans les rayons, recommencer. Et apprendre à conduire les engins. Le tout dans une totale économie de parole. D'ailleurs, il n'y a rien à dire. Bruno, le chef de Christian, le prend sous son aile pour lui apprendre le métier, il y a l'autre chef, avec qui Bruno dispute des parties d'échec, la machine à  café, et une timide romance sans parole, et quasiment sans faits ni gestes qui se dessine avec Marion, du rayon confiserie. Malgré tout, le lieu de travail est bien le seul endroit où se dessine un peu de chaleur humaine ou de fraternité ouvrière, ou ce qui en tient lieu. Comme le dit Christian, dès qu'ils rentrent chez eux, tous autant qu'ils sont, ils ne trouvent rien d'autre que la solitude dans le néant de ce trou perdu.
Curieusement, malgré le scénario minimaliste et les infra dialogues, le film est attachant et les personnages aussi, parce qu'avec cette économie de moyens, le réalisateur arrive à leur donner à chacun une personnalité et une épaisseur. Mine de rien, c’est assez profond et touchant. Et poétique, curieusement. Franz Rogowski (Christian) est assez fascinant, dans son mutisme, avec qqch qui fait penser à Joachim Phoenix.

mercredi 22 août 2018

Il faut lire Philip Roth

Ce qu'il y a de bien, quand un (grand) écrivain meurt, c'est qu'on s'intéresse enfin à ce qu'il a écrit. Ayant lu Portnoy il y a longtemps et sans enthousiasme, je me suis procuré 4 romans en 1 volume : Pastorale americaine, J'ai épousé un communiste, La tâche, Le complot contre l'Amérique.
Bien m'en a pris, j'ai passé un très bel été en compagnie de ces histoires, ces personnages, ces anecdotes, ces idées. C'est un formidable brassage où Philip Roth raconte "à tous les étages" : la société et la sociologie de Newark (sa ville d'origine) au fil des années, les valeurs de l'Amérique au sens noble (et au sens dévoyé, par exemple dans le triomphe de la pensée correcte, ou dans les manoeuvres politiciennes), le maccarthysme, l'engagement (diverses formes d'engagement selon qu'on est prolo, "marine", communiste ou professeur), les ressorts et les complexités de l'âme humaine, du couple, la fidélité à soi-même ou la trahison -les trahisons- Ça fourmille, c'est intelligent, drôle, impitoyable, cruel, nuancé. C'est une immersion dans une pensée et une culture riche, profonde, élaborée. C'est un livre qu'on dévore parce que c'est formidablement raconté et agencé, c'est puissant et symphonique, et on a aussi envie de s'arrêter pour réfléchir, approfondir ce qu'il raconte. Évidemment, je choisis la première solution pour aller au bout du récit en laissant au fil de la lecture des pépites qui interpellent, résonnent quelque part avec sa propre expérience. Bref cest un ensemble de romans qui ont une profondeur universelle et arrivent à donner de la densité à sa propre expérience du monde : P. Roth dissèque ce qui fait la trame de l'existence mais qu'on ne prend pas le temps, ou qu'on n'a pas la force ou le courage d'élucider, parce qu'on n'est pas écrivain.

Prochains sur liste : Opération Shylock et Le théâtre de Sabbath

jeudi 9 août 2018

Le Poirier sauvage

Nuri Bilge Celan. Quel adulte devenir ? Quelle vie choisir, si on peut parler de choix dans un univers borné par la pauvreté et la pénurie d'emploi. Le film raconte la promenade de Sinan dans un monde où il ne sait pas encore quelle sera sa place, tout en caressant l'idée de faire publier son livre et devenir écrivain.
Sinan rentre donc chez lui, dans une petite ville quelconque (apparemment, historiquement, c'est Troie) habité d'un mal-être mâtiné d'une légère misanthropie, où il inspecte les possibles d'un regard incomplaisant. Professeur ? Encore faut-il réussir le concours. Et le modèle du père n'est pas concluant. Flic, comme un pote ? Là au moins, il y a du travail. Écrivain ? On ne sait pas, et lui non plus, s'il n'est qu'un plumitif fumeux ou un écrivain en herbe. A propos de "devenir", il y a une scène inaugurale très belle avec une jeune fille du patelin, une amie d'avant, où il s'étonne qu'elle entre si "naturellement" dans l'ordre du mariage de convenance. Quel autre choix ?  "On avait l'avenir à portée de la main," dit-elle, et c'est déjà évanoui. Lui en est encore à l'orée des possibles, si rares et médiocres soient-ils. Il a encore envie de se prendre pour quelqu'un, croisant de sa hauteur les médiocrités ambiantes : le maire et sa langue de bois, l'entrepreneur local et sa haine des intellectuels vs l'esprit d'entreprise. Et dans cette entrevue foutraque qu'il extorque à un écrivain arrivé, on ne sait pas si le jeune homme fait preuve de culot et d'arrogance, ou de lucidité. Maladresse, fausse assurance, immaturité ? Il n'a pas les codes.
Le film interroge aussi la religion (savoureuse balade avec les imams), la paternité (son père instituteur aurait dû être respectable mais, joueur compulsif, il s'est discrédité et doit de l'argent à tout le monde), et la figure de la mère. A part les feuilletons télé qui font rêver, elle a une humanité et une sorte de résistance passive à toutes les usures. Et il y a la nature. Dans cette ambiance noire, la nature rayonne de beauté et de lumière. Dans ce maelstrom de tourments, d'amertume, de déceptions, de contingences, elle affirme sa permanence, son immuabilité à travers le passage des lumières , des intempéries, des saisons... La nature immuablement dure et belle, étrangère aux tourments des hommes, leurs lâchetés, leurs traîtrises.
Au final, quand Sinan rentre chez lui pour la deuxième fois, c'est quelque chose comme ça que le père semble avoir compris, faisant abstraction de son ego pour juste faire ce qu'il y a à faire. Comme sa mère depuis toujours, dailleurs. Et c'est apparemment quelque chose comme ça que Sinan a voulu écrire, avec ses histoires de ruralité et de poirier sauvage, comme une intuition de cette vérité.
La beauté du film, à part la beauté des images, c'est la justesse de la narration, un tissu ample, généreux, et à travers une trame générale ambitieuse, le fil de conversations cousues main : cst fou ce que ces gens ne parlent pas pour ne rien dire.

mardi 7 août 2018

Woman at war

Benedikt Erlingsson. Une merveille de film, de personnage, de poésie, de politique, de cocasserie. Cette femme ressemblerait à tout le monde si tout le monde décidait de mettre ses actes en accord avec ses convictions, donc elle ne ressemble à personne, parce qu'elle lutte toute seule et à sa manière pour la protection de la nature et de l'environnement. Donc, entre autres, avec ses petits bras, elle tire à l'arc pour mettre en panne l'électricité des pylônes haute tension, ou dejouer les poursuites d'un drone, et avec ses grandes jambes, elle arpente les solitudes de l'Islande pour échapper aux poursuites et rejoindre sa petite vie ordinaire de maîtresse de chorale, adepte d'une quelconque discipline orientale de meditation (yoga ? Qi qong ?). Le personnage, comme l'actrice HALLDORA GEIRHARDSDOTTIR sont une merveille de finesse et de détermination. Les situations sont racontées avec humour et légèreté, sans rien de didactique ni convenu. Ce film est un magnifique ovni.

vendredi 3 août 2018

Exposition Gutai au musée Soulages

Belle découverte (en plus du plaisir de voir Soulages). Gutai est un mouvement japonais avant-gardiste de l'après -guerre. En majorité des peintres "animés par l'idée de repousser les limites de cette technique "
Resultat : une production très diversifiée.
Grand plaisir de découvrir les oeuvres + une partie de l'exposition consacrée aux explications. Vraiment bien.
Ohara Kimiko 1958

Tsubouchi Teruyuki 1965



https://musee-soulages.rodezagglo.fr/oeuvres/exposition-gutai-lespace-temps/

https://musee-soulages-rodez.fr/oeuvres/exposition-gutai-lespace-temps/

https://www.lepetitjournal.net/12-aveyron/2018/10/15/mukai-shuji-est-venu-temoigner-de-lart-gutai-au-musee-soulages/#gsc.tab=0

https://ocula.com/artists/shuji-mukai/