mercredi 31 août 2011

This must be the place

Paolo Sorrentino

Là, celui qu'on attend, c'est Sean Penn, on ne parle que de ça, ah trop fort, too much, l'immense acteur etc. Donc, je fais comme tout le monde, j'aime Sean Penn, je vais voir. Le réalisateur, je connais pas.

Sean Penn en retraité du rock dépressif, et les barjes et autres zinzins qui peuplent son univers, moi ça m'amuse. Mais j'ai vu des critiques très fâchés trouver ça facile et bidon. Pfff. Ils font les difficiles.

La mort de son père le propulse à New York. Point de départ du fameux road movie. Là aussi, bon nombre de critiques le lui reprochent sévèrement (déjà vu dans Paris-Texas etc). Et si on n'a pas vu Paris-Texas ? Et pire, si on a oublié Paris-Texas ? Moi, je me souviens de l'avoir vu, et de m'être barbée... Alors que j'étais plutôt fan de Wim Wenders. Surtout quand il était abscons (Il faut que je revoie Au Fil du temps, pour voir si c'est aussi bien que ça, 30 ans après, et le fameux Paris-Texas aussi, pour voir si cette fois, je l'aimerai, ou si, définitivement, non).

Bref, ce road movie m'amuse, ça me fait vaguement penser à No Country for old men, dans une tonalité différente, tiens, justement, c'est une question de tonalité, et là, la tonalité, c'est la dérision. (Tout de même, le coup de la pistache !)

Bref, on profite d'une collection de rencontres improbables et personnages, même fugaces, les comportements et réactions à contre-pied, ça m'amuse. Et les images sont magnifiques. (Là aussi, les critiques sont pas contents, ils disent que ça fait pub. Moi, je leur trouve une qualité plastique épatante. On joue complet dans son cinoche. On tricote des voyages, des ambiances, des trucs qu'on a aimé aux Etats-Unis, même et surtout quand c'est bizarre, absurde ou vide).

C'est un drôle de film avec des drôles de gens, qui raconte les choses avec un sens évident de la dérision, qui est l'un des principaux arguments de ce film. Et derrière, une humanité certaine. Réjouissant.


La Piel que habito

Alors là aussi, on attend plein de choses, on ne sait pas quoi, mais quand même, Almodovar, n'est-ce pas, on attend tellement de choses que j'en ai sauté deux ou trois depuis deux ou trois ans, parce qu'il en fait bien un par an, le prolifique, le bavard Almodovar. Encore Almodovar ! C'est fatigant, encore Almodovar.

Eh bien celui-là je l'ai vu. Et justement, c'était encore un Almodovar. Intelligent, tordu, trop bien conçu, trop bien construit. Trop tout. Un peu lourd. Et pas assez... elliptique ? allusif ? évasif ?

jeudi 25 août 2011

Nostalghia


A l'époque, Andrei Roublev m'avait fait une si profonde impression qu'après, je suis religieusement, curieusement, allée voir tous les films de Tarkovski au moment où ils sortaient. Mais je n'avais pas aimé Nostalghia. Je l'avais trouvé lent (ce qui n'est pas un critère chez Tarkovski) et j'avais détesté les apparitions de la femme, pour le rôle pleurard et récriminant qu'i lui donnait. J'avais trouvé Tarkovski misogyne. Je ne comprenais pas la douleur du vieux vis-à-vis de ce qu'il a perdu, ni le spectacle de l'impuissance ; j'avais trouvé ça souffreteux, ou douloureux, complaignant. Je suppose que je n'admettais pas un tel affichage de la dépression, de la faiblesse, de l'être désarmé. Quelque chose de dérangeant au spectacle de l'impuissance passive. Je l'ai revu avec curiosité, éblouie par la beauté des images, la nature étincelante de ces images. Ces lumineuses images de la ruine d'une vie, de la ruine d'une ville, de la ruine d'une âme. Bizarrement, j'avais oublié le personnage du fou et cette hallucinante scène prémonitoire, où il déclame la ruine d'un monde voué au profit et à la poursuite des choses matérielles. Cette scène fulgurante où il est juché sur la croupe d'un cheval figé (statue) d'où il gesticule en vain pour un public de masques. J'avais oublié ces rêveries au bord de l'eau, qui atteignent une perfection qui était amorcée dans Stalker.


Comment parler rationnellement d'un film onirique, qui montre l'état des lieux de l'âme. Une âme tourmentée, obsédée d'images imprégnées proches de l'inconscient. Film noir de Tarkovski. A cause de l'exil ? A cause de la dépression de l'exil ?


Dans Nostalghia, je voulais poursuivre mon thème de l'homme "faible", celui qui n'est pas un lutteur par ses signes extérieurs, mais que je vois comme le vainqueur dans cette vie. [...] Quand je dis que la faiblesse de l'homme est attirante, j'entends l'absence de cette expansion individuelle vers l'extérieur, de cette agressivité contre les gens ou contre la vie en général, ou de cette tendance à asservir les autres pour la réalisation de ses objectifs personnels. En un mot, ce qui m'attire est cette énergie de l'homme qui s'élève contre la routine matérialiste." (Le temps scellé, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma)

Melancholia


Lars von Trier.

Alors, celui-là, attention, calibre, il faut s'attendre à génie, ou belle facture, ou haute lignée... on n'y va pas vierge. Même si on ne lit rien avant, c'est mon cas, je déteste être polluée par les impressions et avis des autres, et encore pire par les pervers qui racontent la fin. Donc, on arrive, précédé par la réputation du bonhomme et prévenu en sa faveur (qd même, quel cinéaste) et avec aussi un sourcil suspicieusement relevé "quoi ? qu'est-ce qu'il a dit, là, sur Hitler ?" ou plutôt la narine légèrement dilatée, prête à capter un léger (ou fétide, on ne sait pas encore) parfum de scandale . Mais c'est le buzz, échos d'échos colportés, amplifiés, et même si pépé a dérapé, (pourquoi le traité-je de pépé ?) on ne connaît pas le contexte etc. Donc, on va voir un film présumé bon et grand, à ouïr la rumeur.

Et ça marche. Pas tant, sur le coup, à cause des belles images oniriques et parfaites, qu'on pourrait d'ailleurs qualifier d'exercice de style, mais quel style ! dont on pourrait dire aussi qu'elles viennent de plus loin, de Tarkovski, par exemple, et puis d'une certaine lenteur, qui pourrait tenir à distance, mais finalement, ça marche, même si c'est composé, hiératique, élégant comme un paysage de Delvaux. Mais oui, finalement, c'est bien pour ça que ça marche, parce que c'est beau, incroyablement beau, et lent, comme certaines scènes de cauchemar, et travaillé comme une peinture.

Mise sur l'orbite du mariage, Justine en déglingue la mécanique par glissements progressifs (ça commence par l'inadéquation de cette limousine parfaitement vulgaire dans ce chemin de campagne). Donc, Justine glisse, fatalement attirée puis irrésistiblement absorbée, par le trou noir de la mélancolie, sa planète intérieure ( soleil noir de la mélancolie ?)

C'est comme un lent dérapage, et c'est tout le mariage qui dérape. Et quand sa mélancolie devient manifeste, on s'aperçoit que la planète grossit, et c'est la deuxième partie du film où elle se calme pendant que sa sœur se décompose.


vendredi 5 août 2011

Cris et Chuchotements

Bergman 1973. Ah, le beau Bergman bien sombre et noir, avec du rouge sang, rouge de fureur, de frustration, d'aveuglement, de douleur, de pessimisme. Un Bergman ciselé, taillé au cordeau, impeccable et implacable où les relations humaines sont découpées au scalpel, impitoyablement décapées, les fioritures sociales balayées, rien que du dense venu du tréfonds des noirceurs de l'âme. Il fouille la pourriture et la décomposition de l'âme, la putréfaction des relations humaines derrière la bienséance bourgeoise. Tout vacille, tout se fracture, tout se délite et le doute suprême atteint même le pasteur.
C'est d'un pessimisme absolu, ça parle d'oppression, de souffrance, de solitude, de mensonge, de faux-semblant, de jalousie, de culpabilité, et tout ça remonte à la nuit des temps, c'est à dire à l'enfance - même l'enfance n'est pas innocente - et se distille tout au long de ces vies entravées et muselées. Sauf Anna, la servante, la subalterne, la sans parole, opaque, humaine, aimante, servante et serviable. (Muette, mais moins muselée).
Et à la fin du film survient ce contrepoint stupéfiant, le point de vue de la malade, d'après son journal, qui livre une vision du monde et de ses sœurs, étonnamment paisible, voire harmonieuse. Est-ce une vision d'avant la déchéance de la maladie, ou de l'aveuglement d'une femme, ou la supériorité d'une femme qui avait peut-être accès à l'amour ?