mardi 19 avril 2016

Paul Klee, L'ironie à l'œuvre


Hauptwege und Nebenwege, 1928, Köln
Centre Pompidou. Belle rencontre avec l'intelligence, l'humour, la légèreté et la profusion des inspirations de Paul Klee. Belle promenade dans un jardin de formes, figures et couleurs. Hauptwege-und Nebenwege (Wallraf-Richartz und Ludwig Museum), qui signifie à peu près Voie/Chemin principal et voies/chemins de traverse /d'à côté/ secondaires) illustre littéralement, il me semble, la démarche du peintre. Paul Klee emprunte des voies et des styles multiples, il les explore, les poursuit, passe à d'autres, y revient. Il est aérien, musical, onirique et pluriel, il traverse tous les courants, sans s'appesantir, ni se raidir dans une forme ou une autre. Il capte les théories et les laisse en suspens, ou s'en fait un jeu. Il me semble que ces formes en suspension qu'il invente créent des harmonies et résonnent de sonorités mystérieuse, et qu'elles racontent son univers avec la légèreté et la précision d'un rêve.



Paul Klee, formes informelles

Ironique et onirique
Dame Démon 1935

Jumeaux 1930

dimanche 17 avril 2016

Hoch und strahlend steht der Mond, Paul Klee



Hoch und strahlend steht der Mond. Ich habe meine Lampe ausgeblasen, und tausend Gedanken erheben sich von meines Herzensgrund. Meine Augen strömen über von Tränen.


samedi 16 avril 2016

Bovary par Tiago Rodrigues


Théâtre de la Bastille.
Je n'ai jamais aussi bien lu Madame Bovary qu'avec le spectacle de Tiago Rodrigues.
Il s'agit du procès intenté à Flaubert pour atteinte à la morale et à la religion au moment de la publication de son roman en feuilleton. Sur scène, le procureur, l'avocat, Flaubert, Charles Bovary et Emma Bovary. Ils vont dévider précisément, analytiquement le déroulement des faits en incarnant tour à tour les personnages du roman -sauf Emma et Charles, qui restent fidèles à eux-mêmes. Emma (Alma Palacios) est extraordinairement présente-absente, toujours aspirée vers ailleurs par son désir de vivre "la félicité, comme dans les livres. La passion comme dans les livres. L’ivresse, comme dans les livres" et Charles Bovary (Grégoire Monsaingeon), extraordinairement présent, ancré dans sa réalité, observateur timide, balourd et dévoué de son épouse.
Le roman prend corps dans un tourbillon d'inventions scéniques, avec des acteurs excellents, et quelques scènes incroyables : en particulier la folie du bal qui inaugure l'exaltation Emma, et la folie de ce fiacre qui tourne et tourne dans Rouen avec les deux amants. Une scène en forme d'apothéose et de conclusion de l'emballement de la passion/exaltation qui emporte Emma et l'achève.
Avec le bocal d'arsenic devant la scène, comme seule conclusion possible.
Et tout ça reste léger, plein d'humour, enlevé, avec ces personnages qui changent de figure et de niveau de lecture, en aller-retours savoureux du roman au procès.
C'est mon deuxième spectacle de Tiago Rodrigues, (By heart) il a vraiment du génie pour transmettre l'intelligence et le goût de la littérature (il m'a fait lire -enfin- Fahrenheit 451).

vendredi 15 avril 2016

Albert Marquet, Peintre du temps suspendu. MAMVP

Eblouissant. Ce peintre inclassable, qui a l'air bien sage, capte le mystère et l'essence d'un paysage ou d'une lumière. Il rend surnaturels (?) les paysages. Il leur donne à la fois acuité et évanescence. Ils sont précis et oniriques, comme une synthèse entre la matière et l'idée du paysage. Il capture des instants d'éternité avec une lumière subtile qui éclaire des tonalités sourdes. Bref, j'ai adoré cette expo qui fait découvrir Albert Marquet. (L'affiche de l'expo n'est pas du tout significative, à mon avis).
http://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-albert-marquet-0

dimanche 10 avril 2016

Shadow days


Zhao Dayong. Encore un film où l'on se félicite de ne pas être né chinois. Un film en cul de sac, où un jeune couple vient échouer au bout du monde. Les premiers plans, c'est un triporteur (?) à l'assaut d'une route en lacets (très beaux plan, très beau paysage). L'engin arrive dans un patelin décati, assez vide et hors du temps (les habitants ont dû massivement migrer vers les villes où il y a du travail). Ce qui a sans doute été le cas du jeune homme qui revient 20 ans après, avec sa copine très enceinte. Parce qu'il veut "que son fils naisse là où il est né", dit il. Plus vraisemblablement parce qu'il a des ennuis avec la police et doit se planquer. Il s'en remet donc au maire, son oncle, pour avoir boulot et protection. Le maire qui est mobilisé par l'application de la politique du contrôle des naissances. Avec ses sbires à sa botte. Et une nouvelle recrue, son neveu.
Le réalisateur filme la beauté des paysages environnants, et raconte l'ambiance délétère de ce bourg livré au pouvoir du maire et de ses acolytes, où les habitants sont comme des ombres, dans une ville dégradée, oubliée du progrès, où il n'y a rien à faire qu'émigrer ou survivre. Superbe peinture de l'amalgame d'une Chine ancestrale et rurale, où coexistent des vieux restes du culte de Mao, la toute puissance du petit potentat local, la survivance des croyances ancestrales et la crainte des esprits malfaisants. C'est sinistre et poignant.

vendredi 8 avril 2016

La Passion d'Augustine


Léa pool. Mère Augustine dirige un couvent dans un patelin du Québec, où elle se consacre à transmettre à ses élèves sa passion de la musique. C'est l'époque où le Canada décide d'instaurer un système d'éducation publique gratuite. L'enseignement privé est donc menacé. Luttes de pouvoir entre la supérieure de l'ordre et Augustine pour décider si le couvent, réputé pour la qualité de son enseignement musical, doit survivre ou disparaître. Et on suit avec plaisir toutes ces péripéties de la menace qui pèse sur le couvent, et de la manière dont Alice, élève douée et jeune fille de son temps, va s'adapter ou pas aux exigences d'un enseignement d'excellence.
Intéressant contraste entre la peinture d'un ordre religieux (austère, sévère) et ce que cette femme musicienne et passionnée essaie de transmettre à ses élèves, au delà de la maîtrise technique.
Intéressant regard sur une société fermée dans un monde qui bouge. Intéressant questionnement sur la fidélité à soi, la discipline, l'obéissance, l'expression artistique.

jeudi 7 avril 2016

Jodorowsky's Dune


Frank Pavich. Réjouissant documentaire sur le making of du film qui ne se fera pas. Jodorowsky, très charmeur, passionné et convaincant, raconte comment il a élu ses "guerriers" pour la réalisation du film, à commencer par Giraud/Moebius pour le story board. Chaque recrue étant le fruit d'une rencontre spirituelle entre Jodorowsky et un autre génie. Il réussit ainsi à agréger autour du projet une collection de personnalités exceptionnelles pour la réalisation (Dan O'Bannon, Hans-Ruedi Giger, Chris Foss), le casting (Dali, Orson Welles, Mick Jagger...) la musique (Pink Floyd, Magma)...
L'interview de Jodorowsky est ponctuée de celles des différents protagonistes (y compris les producteurs Michel Seydoux et ..) qui reviennent sur l'aventure qui les a mobilisés et passionnés et qui finalement n'a pas eu lieu.
C'est un film très plaisant et séduisant, et même drôle, pour la mégalomanie fédératrice qu'il raconte. Près de 40 ans après, Jodorowsky arrive à communiquer son enthousiasme et son humour pour ce qui aurait dû être le plus grand film de tous les temps. Et les autres ne sont pas en reste, visiblement encore fascinés par le charisme de Jodorowsky et par ce qui aurait pu être.

mercredi 6 avril 2016

The Lady in the van

Nicholas Hytner. Qui supporterait qu'une vieille originale pas nette, voire puante (Maggie Smith), squatte avec son van pourri, ses sacs poubelle et ses cabas, l'allée de sa maison ? Jusqu'où les bons sentiments peuvent-ils tolérer l'intrusion de l'autre ? A quelle distance de soi doit-on le maintenir ? Ce film raconte le lien curieux qui se noue entre la vieille originale, un peu folle, assez mystérieuse et désagréable, qui serait sdf si elle ne vivait pas dans son van, et l'écrivain (Alex Jennings) dont elle squatte l'allée.
Ce qui n'aurait pas dû durer plus de quelques semaines s'étale et s'installe 15 ans durant - c'est une histoire vraie- pendant qu'il l'observe, la protège, la maudit, lui rend service, se fait rembarrer et rabrouer...  Deux solitudes qui s'apprivoisent, tout en gardant respectivement leur quant à soi et leurs distances. Un film sur le respect de la personne, la curiosité et l'attention à l'autre, la politesse, la solitude. Beaucoup de charme.