lundi 18 juillet 2016

Heaven's Gate, Michael Cimino.

Puissant, ample, lyrique : après une introduction somptueuse de la diplomation d'Harvard, promotion 1870, M.Cimino montre le Wyoming en 1890, reconstitué avec minutie (aaah, Casper, le train, la locomotive, que c'est bien) où l'on retrouve deux des protagonistes - surtout l'un (Kriss Kristofferson)- M. Cimino raconte un sauvage épisode de lutte des classes, appelé la Guerre du Comté de Johnson : riches propriétaires de troupeaux contre miséreux, immigrés venus d'Europe de l'Est pour cultiver la terre. La narration est puissante, les forces en présence largement brossées, ainsi que le triangle amoureux (Kriss Kristofferson, Chrisropher Walken, Isabelle Huppert). Tout est dense, riche, il y a à boire et à manger, et une magnifique reconstitution historique (décors, costumes, ambiances) Il paraît que c'est très fouillé, d'après les archives du Wyoming. C'est d'une formidable puissance, du très beau classique sur une base pas du tout classique, puisque les bons Américains ne sont pas du tout bons, et non pas en lutte contre les mauvais Indiens, mais contre les mauvais pauvres, voleurs et anarchistes. 3h40 de cinéma qui passent quasiment sans encombre (à peine quelques longueurs). C'est beau, il y a une magnifique dynamique des scènes de danse, de charge, de galop... Toutes les scènes en général ont une très belle densité. (A part la conclusion sur le yacht à Newport. Bof). Ne voir sous aucun prétexte sur petit écran.

Eugène Gabritschevsky, La Maison Rouge

http://www.lamaisonrouge.org/cgi?lg=fr&pag=2332&rec=714&frm=0

Foisonnant, fascinant. La richesse d'inspiration de ce scientifique d'origine russe, brillant, cultivé, devenu schizophrène vers 30 ans, qui est resté 50 ans dans un asile à Munich, qui a peint comme un fou pour échapper à la noirceur de son (âme, enfermement, destin...) et dont l'esprit torturé reste nourri d'une profusion d'images, de références et d'inspiration. Une œuvre associée (à tort ?) à l'Art Brut, parce que conçue à l'asile. C'est une découverte extraordinaire.
(Photos pourries avec le reflet du verre)




samedi 16 juillet 2016

J'étais Charlie

Le 11 janvier 2015, j'étais tellement choquée, je me suis précipitée le soir même à la République pour faire corps... je ne sais pas avec quoi, une certaine idée de l'indignation et de la défense de la liberté d'expression. Et il y a eu l'hypermarché, la cible juive. Et j'ai rejoint les dizaines de milliers de Charlie qui ont défilé le dimanche, tout en sachant que ce n'était pas grand chose; mais on était beaucoup, c'est déjà ça.
Le 13 novembre, je suis restée sidérée à peu près 24 heures, abasourdie par cette escalade, et par l'horreur absolue des meurtres gratuits dans la rue ou au concert. Mais il n'y a pas eu de défilé, ni d'embrassades de policiers. Juste des gens qui allaient se recueillir à la République. Et puis il y a eu l'horreur en Belgique, mais c'est plus loin, n'est-ce pas. Pas aussi loin que la Syrie, mais plus loin.
Entretemps, je me suis habituée aux vagues fouilles à l'entrée des lieux publics, je me suis réjouie que l'Euro se soit passé sans encombre. Et on se croyait un peu tranquilles, malgré le Brexit, avec un vague soupçon de reprise économique, le soleil vaguement revenu, les vacances qui commencent, et ce bon vieux 14 juillet, les défilés, les militaires, les discours, les flonflons. Et la France d'humeur vacancière.
Et l'horreur, encore, sous les yeux du monde horrifié et abasourdi par le pouvoir de nuisance d'un seul homme, pétri de haine au volant de son camion, fonçant pour dégommer le maximum de badauds, familles, amis, enfants.
Et immédiatement toutes les télés et les radios en boucle, les discours, les déclarations, les analyses, et le pays toujours horrifié et consterné, mais déjà comme habitué.
Je ne suis plus Charlie, je ne suis plus le Bataclan ni les terrasses de café, je suis n'importe qui et tout le monde et on n'a pas fini d'en baver à la grande loterie du terrorisme.

mercredi 13 juillet 2016

The Strangers, Na Hong-jin (Corée du Sud)

Un mélimelo abracadabrantesque de thèmes : meurtres sauvages, épidémie bizarre, mystérieux ermite japonais, femme spectrale, touchantes scènes de famille, sacrifices d'animaux, et un gentil flic naïf et gros, qui se surpasse pour sauver sa fille, dans un mix de croyances bouddhistes, chrétiennes, animistes, fantastiques, avec des maléfices, des revenants et des chamans. Tout ça dans un petit village qui aurait dû rester paisible, si pour une obscure raison, le mal ne s'était déchaîné sur une famille, avec une manifeste propension à en attaquer de nouvelles. Le mélange des genres est très réussi, alternant quotidien tranquille et phénomènes mystérieux qui laissent la police et la médecine impuissantes, et arrivent à transformer en meurtriers quelques braves paysans. Ne reste que le recours aux forces chamaniques pour lutter contre les forces du mal. A condition de finir par décider de quel côté est le mal. Qui croire ? Mélange des genres à mon avis très réussi, avec montée en puissance des scènes jusqu'à l'indécidable conclusion. J'aime bien cette manière d'introduire du fantastique, du mystère et la question du mal dans la banalité de l'existence.

samedi 2 juillet 2016

Ma Loute

Bruno Dumont. J'adore ce film plein de surprises, avec des étrangetés, un mélange de cru et d'onirisme, de rêverie et de gags, un regard pointu sur les classes sociales et une manière non didactique de raconter ça, mélange d'humour et de fantaisie, avec outrances carnavalesques et détails découpés au scalpel, une acuité du regard dans un film où la simple découpe du gigot devient un abîme de significations, en être ou pas, et savoir ou pas comment se situer du côté de la lame.
En plus, il y a la beauté des images, des paysages sublimes, comme le dit génialement et stupidement Juliette Binoche, mais elle a raison, la bougresse, ces paysages sont incroyablement beaux, et il y a cette manière de détailler les tics et tares de tout un chacun, de quelque côté de la société qu'il soit. Quoique la bourgeoisie en général, et du Nord en particulier, en prenne plus pour son grade que les sous-prolos de la côte calaisienne.
Bref ce film est beau et fin tout en en faisant des caisses, façon caricature, c'est une fresque improbable d'une société pas si éloignée de nous finalement. Juliette Binoche, Valeria Bruni Tedeschi, Fabrice Lucchini sont formidables (pour une fois que Lucchini ne fait pas du Lucchini). Et tous les autres. Tous les acteurs ont un densité et une présence incroyable. Tout ça est plein d'humour et de finesse, d'absurdité et de justesse. Je ne sais pas quel crétin a dit que Binoche jouait incroyablement mal. J'ai plutôt l'impression qu'elle s'amuse énormément. Comme les autres acteurs.