vendredi 18 mai 2018

Everybody knows

Asghar Farhadi. Ça commence bien, comme un film publicitaire sur l'art de vivre espagnol : beautés méditerranéennes, joie des retrouvailles, préparatifs de mariage, mariage, fête de mariage. Ouf. Tout ça est un peu long, un peu appuyé, mais bon. On attend poliment que ça commence. Mais ça commence à peine, avec l'enlèvement de la jeune fille, de poussifs retours sur les amours de jeunesse de Pénélope et Javier, les conditions dans lesquelles le patriarche à vendu son domaine... bref, on s'ennuie poliment en attendant que ça s'arrête. Mais les critiques y vont allègrement de leur 4* voire 5 *. Allez comprendre. Ça doit être l'effet Pénélope +Javier.

vendredi 11 mai 2018

François de Brauer : La loi des prodiges


Quel talent ! Comment un seul acteur arrive-t-il à faire défiler autant de situations, de dialogues et de personnages avec un telle virtuosité, dans un scénario hyper construit où il fait passer plein de réflexions sur le monde, depuis la naissance de Rémi Goutard, fils d'un artiste raté, jusqu'à son accomplissement : devenu député, il porte une loi pour l'élimination des artistes, engeance improductive, projet qui est débattu lors d'un débat télévisé contre son ennemi de toujours, Régis Duflou, artiste contemporain au mieux de sa cote.
Final onirique et grandiose, avec Goutard devenu maître du monde, l'espace d'un rêve. 
C'est intelligent, hilarant, et bluffant.
Au théâtre de la Tempête jusqu'au 13 mai.

mercredi 9 mai 2018

Jean Fautrier MAMVP



Jean Fautrier, Matière et lumière.

Il faut absolument voir au MAMVP (derniers jours) l'exposition Jean Fautrier, justement intitulée Matière et lumière. J'ai découvert hier et adoré ce peintre génial, subtil, elliptique, poétique.
Passé la 1ère salle avec de noires Tyroliennes et sa concierge (fascinante) où l'on se demande un peu à quoi s'attendre, puis des peintures-référence (lapin écartelé,  sanglier façon boeuf écorché, harengs... ça fait penser à Soutine ? Qui lui même digérait la peinture flamande classique ???), donc, après ça, ça commence en douceur, avec en particulier des portraits, sur la droite, étranges, intrigants, qu'on scrute en se demandant ce qu'ils disent, et puis ça continue dans cette attirance mystérieuse, comme s'il évoquait quelque chose de profond, intime, et inattrapable. Par exemple une nature morte de 3 poires, pas morte du tout, mais vibrante, onirique, lumineuse et assourdie à la fois, attirante.



Il y a aussi des paysages, assez méconnaissables, mais captivants, avec des arbres ou des forêts. Elliptique est un mot qui lui va bien. Il suggère, il y a forcément quelque chose de sous-jacent dans ce qu'il montre, et c'est cette navigation permanente entre plusieurs registres ou interprétations qui est fascinante. 
Il y a aussi une salle de dessins extraordinaires, tellement ce type est fulgurant, presque asiatique dans sa manière de tracer 3 courbes et deux traits pour dire l'essentiel.


Ses sculptures aussi sont impressionnates, inattendues, personnelles. Voilà, cet artiste est personnel, ce qui est le propre de tout artiste, mais lui l'est plus que quiconque. Il ne suit aucun courant, aucun -isme, aucune "peinturlure" comme il l'appelle. Il suit son exploration intime, et il excelle à la surimpression. Par moments mais dans un style radicalement différent, il m'a fait penser à Anselm Kiefer, qui donne volontiers dans la surimpression. Mais là où Kiefer y va de sa monumentalité, voire systématisme, Jean Fautrier est d'une poésie et d'une légèreté incommensurable. Tout en restant intime et profond. Voire inaccessible. 
La juive, par exemple, c'est bien mystérieux ce qui a bien pu le conduire à ça. C'est pourtant un magnifique tableau. Les Jeunes branches aussi, sont étonnantes, légères, aériennes, dans une ambiance de lumière verte. 



Et les Otages ne se laissent pas si facilement approcher :


J'ai adoré la salle des peintures-objets, boîtes, cartons etc ; c'est là qu'on comprend mieux sa démarche qui part du concret pour arriver à tout autre chose, et c'est fascinant de légèreté et de subtilité. 




Il faut regarder 2 ou 3 vidéos qui lui sont consacrées, où il apparaît tel qu'il est, concis, intelligent,  éclairé. Il raconte comme il aime aller vite quand il peint, parce qu'il a déjà tout conçu dans sa tête. (Ça doit être aussi une de ses différences avec Kiefer : ça m'étonnerait qu'il aille vite. Attention, j'aime bcp Kiefer, mais Fautrier est bluffant).
Les peintures de la fin sont plus difficiles d'accès, mais comme on est préparé par tout ce qu'on a vu avant, c'est très fascinant aussi, bien que plus chargé. Densifié. Dailleurs, l'une d'elles s'appelle Tourbes. La matière.

Mais c'est absurde de regarder ça en photo et en virtuel, alors que tout est dans la matière et la lumière qu'il en génère. 
Il faut voir cette expo. Merci MAMVP.