mercredi 22 octobre 2014

Les Mayas, un temps sans fin



Très fascinante exposition pour aborder (2000 ans ?) de civilisation et se souvenir qu'il y avait des mondes avant notre monde : l'extraordinaire rassemblement de sculptures, pièces d'architecture, bas- reliefs, statuettes, figurines, poteries, masques permet de découvrir une cosmogonie, une écriture, des rites, des plantes, des animaux, un calendrier. Bref, une civilisation dont j'ignore tout, qui intrigue, interroge et fascine (environ 28 groupes mayas, chacun d’eux ayant sa propre langue et sa propre expressivité). C'est nous, les occidentaux, qui avons détruit tout ça ? Ou bien ils auraient fini par s'en charger eux-mêmes ?








lundi 20 octobre 2014

Macbeth à la Cartoucherie

BOOON, ben voilà. Ça, c'est fait
C'était super complet au printemps, et c'est à nouveau super complet jusqu'à la fin en 2015. Alors on suppose que c'est un spectacle inouï et génial. Mais la mécanique parfaitement huilée finit par tourner à vide. Certes, on en a plein les yeux avec ces multiples changements de décor accomplis avec grâce et vélocité. Certes, les personnages occupent magnifiquement l'espace avec toutes ces inventions scéniques. Et certes, ce Macbeth saisi par la passion du pouvoir est intéressant. De même que le parti pris contemporain guerre, roi blingbling et sa cour, people, journalistes... Mais finalement, après l'entracte, overdose. La mécanique commence à peser. Aucun détail, aucun bain de sang, aucune cavalcade frénétique, aucune sorcière échevelée ne nous est épargné. Ni les chevaux qui piaffent et s'excitent dans leur box, ni les acteurs habillés de feuillage pour faire la forêt en marche. Bref, le grand spectacle de Macbeth est épuisant. Et on attend patiemment que les prophéties s'accomplissent et finissent par le débrancher.
Mais j'aurais cru manquer qqch si je ne l'avais pas vu, et de toute façon, ce n'est pas désagréable de se rafraîchir l'esprit avec le savoir-faire de la grande Ariane. Même s'il manquait qqch.
Et puis le lieu, et puis l'accueil, et puis la soupe collective, toussa, quoi.
(Mais -
très frustrant -  il n'y avait plus de pastel de nata quand ça a enfin été notre tour de commander -bons derniers- notre bonne soupe ouvrière, et on avait à peine commencé à laper la dite soupe qu'ils ont fait clignoter les lumières, signe qu'on avait assez traîné comme ça.)

dimanche 19 octobre 2014

Un dimanche au Havre









Boudin ? Jongkind ?



Et surtout, Nicolas de Staël au Muma

http://www.muma-lehavre.fr/fr/node/924
Exercice difficile que de parler de ce peintre de la profondeur et de l'ellipse. Ellipse vaut pour l'abstraction, dont il est revenu, mais dont il a gardé l'essentiel pour aller au cœur d'un espace, au large d'un paysage. Il efface l'anecdote pour peindre à l'essentiel de la perspective et de la ligne. De son minimalisme naissent en quelques couleurs des peintures d'une densité extraordinaire. Il restitue l'épaisseur d'un paysage, sa crudité et sa fluidité. Sa matérialité et son évanescence. La plénitude de l'espace.
Là dessus s'ajoute une atmosphère étrange. Pas surréaliste. Surnaturelle. Un surnaturel qui donne une incroyable présence aux Grues de Dunkerque, par exemple, ou au Pont Marie, ou à ces Bateaux, vision puissante et fragile qui se fond dans un océan de fumée et de bleus.... Surnaturels, encore, ses paysages, la Plage de Calais, par exemple, ou l'extraordinaire Fort d'Antibes, évanescent et puissant comme un mirage. J'aime aussi ces tableaux installés côte à côte et qui racontent une histoire de littoral et d'eau : une fois, c'est une mer diagonale, une mer d'opale qui suit la plage jusqu'à une bande d'horizon noire, peut-être un port et une jetée qui avance dans la mer. Une autre fois, c'est plutôt un chenal, dans une ambiance encore plus solitaire. Et aussi, toujours plus épuré, le crépuscule du Chenal de Gravelines.
 
Plage de Calais 1954


Grues à Dunkerque

J'adore aussi Antibes, qui est presque japonais par son équilibre, son allure aérienne, et ce dialogue incroyable entre la matérialité de la peinture posée en bas du tableau d'un geste puissant et la légèreté qui prend là-dessus son essor. Et toutes ses peintures prennent une allure différente selon qu'on les regarde de droite ou de gauche, de près ou de loin. Comme si elles rassemblaient plusieurs perspectives pour un même sujet. Et pour finir, l'Envol des mouettes, comme lourd d'un sombre présage : je ne sais pas pourquoi il m'a fait penser aux corbeaux de Van Gogh.
 

Paysage. Agrigente

Je suis tombée en stupéfaction devant Agrigente (celui qui est à Karlsruhe). Je ne sais pas ce qu'il y a de si puissant dans ce tableau. Je ne sais pas ce qu'il raconte. Un soleil noir. Un force minérale. La puissance de la terre. Un vibration cosmique qui me fait penser à Van Gogh quand il peint la nuit. Et au cœur du tableau, l'idée ou la promesse, ou l'esquisse d'une maison. J'adore presque tous les tableaux de cette exposition, mais peut-être encore plus absolument celui-là (évidemment, la photo le trahit).



1953-54
Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle
Expo N.de Staël. MuMa Le Havre 2014

samedi 18 octobre 2014

Still the water

 
Naomi Kawase. Si je commence en disant "Certes c'est lent, mais qu'est-ce que c'est beau" c'est tout à fait différent de commencer en disant "certes, c'est beau, mais qu'est-ce que c'est lent". Et certes, la trame est simple. Trop simple et trop mince, diront certains. La vie, l'amour, la mort. Mais je suis de ceux qui ont été charmés par l'humanité de ce film. Quelques scènes dessinent magnifiquement l'épaisseur d'une relation ou d'un instant : le vélo, le mutisme obstiné de Kaito, l'attente muette entre adolescents, la difficulté du contact mère-fils, les scènes de famille chez Kyoko (sublime douceur de la scène fille-mère-père sur l'auvent de leur maison), la rencontre père-fils, les scènes de chant de Kyoko, l'agonie de la mère (sublime de beauté et  d'accompagnement serein), l'agonie de la chèvre sous le regard de Kyoko. Et naturellement, la nature, puissante et omniprésente avec en final cette scène magique de la nage, comme en accord avec l'harmonie du monde. Les personnages sont beaux. Sincères. (même si le vieux pêcheur est too much, en démonstration de sagesse naturelle et ancestrale). J'ai vaguement pensé à Terence Malick, qui cherche quelque chose d'analogue dans la communion avec le monde, mais irrigue ses films d'un insupportable bavardage poético-philosophique. (De la même réalisatrice, La Forêt de Mogari (2009) m'avait profondément ennuyée, mais avait reçu pas mal de critiques dithyrambiques).

dimanche 12 octobre 2014

Rien de moi

http://www.colline.fr/fr/spectacle/rien-de-moi

Rien de rien. Dès les premières phrases, les voix des acteurs m'ont fâchée. Elle, trop haute, ou vibrante, ou perchée, et lui aussi, sur un faux registre. Pas évident de trouver le bon étage pour parler du rien du couple sans mourir d'ennui. Emménagement. Mère. Mort du couple. Rupture. Besoin de l'autre. Mort. Tout y est. Aussi chiant que la vraie vie. Si ténu qu'il ne reste rien. Rien de rien. 
Ça s'arrange un peu vers le milieu. (Parce qu'on s'habitue? Parce que les acteurs ont trouvé leurs marques ?) Les gens ont l'air content. Ils applaudissent (moi aussi, poliment, mais pas longtemps.)

samedi 11 octobre 2014

Vous avez-dit Emile Bernard ?


Il fait partie de ces peintres dont on se dit qu'il vous "dit quelque chose". Mais quoi ? On est allé vérifier. En fait, il ne me dit rien. A part les débuts, de l'époque Pont-Aven, et ici ou là, quelques tableaux : les Femmes à cheval (à Bagatelle?), la peinture de l'affiche (paysage breton), quelques portraits (surtout au début). Après, il s'est pris pour l'arbitre du bien peindre, le porte-parole du beau etc. Et il a peint une somme impressionnante de peintures ennuyeuses ou ridicules, ou ringardes (une bonne partie de ses peintures de voyage, à quelques exceptions près, par ex La Fumeuse d'opium qui est à La Piscine à Roubaix). Il est devenu institutionnel, académique, mortifère, et il assortit son œuvre de textes prétentieux sur sa mission de peintre. Le public a l'air content et écrit sur le livre d'or que c'est une "fantastic exhibition", magnifique, etc. C'est bizarre. Qu'est-ce qu'ils ont vu que je n'ai pas vu ?

mercredi 8 octobre 2014

Leviathan



Andreï Zviaguintsev.C'est lugubre et sans issue dans une ambiance à couper au couteau, l'horizon est bouché, et il règne en permanence une drôle de lumière de plomb. Une micro-société perdue au bout du grand nord russe, livrée à l'arbitraire et la toute puissance du potentat local. Le maire a tout le monde dans sa poche : la procureur, la juge, les flics. Et l'église orthodoxe. Ils balaient tout ce qui limite leurs appétits de fric et de pouvoir. Kolya, en l'occurrence, et sa maison-atelier idéalement placée qui peut rapporter gros. Kolya, c'est le monde des rien du tout, ceux qui n'ont qu'une maison, une femme, un enfant. Une vie bornée par l'absence de perspective et le pouvoir des plus forts. La seule chose également partagée, c'est la vodka qui coule à flots. Et pendant que la vie de Kolya se délite, une mer sinistre s'écrase contre un rivage sinistre et le squelette géant d'un cétacé veille sur cette ambiance de fin du monde. En résumé, noir, c'est noir, et si loin que l'on s'éloigne, l'espace russe est complètement liberticide et claustrophobant. On sort de là plombé.