vendredi 4 avril 2014

Persona

Ingmar Bergman (1966) : Elisabeth (Liv Ullmann), fameuse actrice, sombre dans le mutisme. On l'envoie se reposer au bord de la mer avec une jeune infirmière qui prend soin d'elle, Alma (Bibi Andersson), une fille "normale" et sympathique. Face au mur du silence, Alma meuble en bavardant : pour distraire Elisabeth ? Par peur du vide ? Elisabeth est une oreille exceptionnelle. Alma finit par faire des confidences, raconter ce qu'elle n'a raconté à personne de sa vie, son fiancé, son premier amour raté, ses interrogations...
Mais l'écoute et le regard d'Elisabeth ne sont pas si bienveillants qu'elle le pensait (épisode de la lettre). C'est un regard analytique. Sans empathie. Le face-à-face tourne à l'affrontement, toujours muet. Alma veut percer Elisabeth, la pénétrer, elle se fond en elle, profère tout ce qu'Elisabeth ne dit pas depuis qu'elle a arrêté de parler (c'est à dire de mentir), tout ce qu'elle n'a jamais dit, à force de mentir aux autres, et à elle-même sur ce qu'elle est et ressent profondément. Fusion, confusion, qui est qui ? Et quand le mari vient en visite, qui parle à qui ?
Comme d'habitude chez Bergman, c'est dense à couper au couteau, il fouille le tréfonds de l'âme, et il brandit des choses sales, moches, douloureuses, obscures, les choses que les gens ne disent pas, parce que sinon, la vie serait impossible, noire et douloureuse. Ce n'est pas sans rappeler un autre face à face atroce, dans Sonate d'Automne, une autre confrontation entre deux femmes, une gigantesque douleur de demande d'amour, de faux-semblants et de frustration. Et là non plus, pas de blabla visuel, toujours cette densité des images de Bergman, les plans rapprochés, la caméra qui scrute les visages, cette atmosphère suffocante, irrespirable.

Persona, en latin : le masque derrière lequel se dissimulent les acteurs


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire