dimanche 16 septembre 2012

Millevaches



Balade, donc, au plateau de Millevaches. Paysage rural de landes, pâturages, forêts, cric cric cric je remonte le ressort, je rêve des Millevaches depuis les leçons de géographie à l'école, l'idée de Millevaches me paraissait énorme et incongrue, un troupeau de mille vaches, ça avait l'air mythologique et unique, il aurait pu aussi bien y en avoir dix mille, un immense troupeau chaud et frémissant, évoquant les dieux de la fécondité et de la fertilité, la puissance de la terre, une forme d'apothéose. Sur un plateau, en plus, à la lisière du ciel, évocation propice aux génies de l'air, dieux solaires et lunaires, Mars, Jupiter et la féminine Déméter, tout pour la puissance du rêve et de la fécondité, et ces beaux boeufs qui labourent la terre pour l'engrosser. Mais à ma grande déception, les Millevaches n'ont rien à voir avec les bovidés : "l'étymologie du terme local vacca lui attribue des origines celtes ou encore de langues germaniques : batz, qui voudrait dire « source », pour former le nom mille vacca, « mille sources», qui aurait donné par extension « Millevaches » (Wikipédia). Ce seraient donc mille sources. Va pour l'eau, elle aussi peut alimenter le moulin à balivernes. De fait, l'eau est partout, dans les sources, les ruisseaux, les tourbières... Des étangs et des lacs parsèment le paysage.
La Vienne


Les chemins sont bordés de fougères, de genêts, de mûriers, de bruyères, et le regard porte tantôt sur des horizons lointains, tantôt est arrêté au creux des vallonnements, erre sur les pâturages et les tourbières. Mais le désastre, ce sont les cônifères. Dès que pâturages et tourbières s'arrêtent, les forêts de cônifères uniformisent et assombrissent le paysage. Il reste heureusement quelques forêts de hêtres et de feuillus, mais le cônifère est partout, en alignements monotones, pratiques et rapides à exploiter. Le plan d'accaparement des sols a pris son essor après la deuxième guerre mondiale, les propriétaires exploitants ont fait arracher au bulldozer des forêts entières de hêtres, ils ont envoyé des avions déverser du défoliant, comme au Vietnam, pour éviter la repousse des feuillus, et ils ont massivement planté ces forêts sans lumière et sans âme qui font le vide à leur pied. Pas question d'y dénicher le moindre cèpe, richesse locale, dont les habitants arrivent à garder quelques cachettes secrètes, quand surgissent  les prédateurs venus d'ailleurs pour les piller. 




Se balader sur les Millevaches est une expérience pleine d'un charme nostalgique et tranquille, on sent que le paysage pourrait devenir âpre, et de fait, en hiver, il l'est, très arrosé, qui plus est, paraît-il, mais à la fin de l'été, dans une lumière doucement pluvieuse ou dans les brumes matinales, ou le lendemain au soleil tiède et radieux de septembre, les douces déclivités, l'alternance tranquille des paysages, les troupeaux qui paissent et nous regardent curieusement, quelques ânes, ici et là un troupeau de moutons... tout  rappelle le rêve d'une nature et d'une innocence en perdition, parce qu'on ne croise jamais personne et on ne traverse que des villages déserts, où presque tous les volets sont fermés, et les rares hôtels ont fermé, eux aussi. 





Quand on rencontre un rare paysan, il est rare qu'il soit jeune, on se demande qui, dans dix ans, va bien pouvoir s'occuper de ces vaches et de ces moutons. Heureusement qu'on trouve de loin en loin quelques foyers qui ont choisi de vivre autrement, ou qui vivent leur deuxième vie autrement, en produisant des fromages ou du pain, cultivant quelques fruits et légumes, élevant des chevaux, accueillant les hôtes de passage. 


Chambre d'hôtes à Chavanac




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire