jeudi 20 septembre 2012

La Clepsydre


Wojciech Has,
d'après plusieurs nouvelles de Bruno Schulz. 
Ouf, quel morceau, "chef-d'œuvre onirique et baroque", plein d'images incroyables, de transitions improbables, les figures du rêve apparaissent, disparaissent, changent de registre, quelle merveille.
Le film qui commence par un voyage en train, ou plutôt par le vol d'un oiseau à travers le ciel et les branches des arbres, et l'on découvre que le plein écran se réduit finalement à la fenêtre d'un train et pose la question de la réalité de ce qu'on regarde.
C'est donc un voyage. Un voyage dans le temps ? Saisissantes images du voyage dans ce train d'un autre temps, comme en décomposition, qui transporte des figures d'un autre monde, figures perdues de Juifs du temps d'avant -avant la shoah ? avant la disparition du shtetl ?- vers une mystérieuse destination (ça rappelle quelque chose). 
Dès le début, le sujet est indécidable, ce sont des vrais gens, ces corps bizarres ? Ce sont des morts ? des malades ? ils dorment ? ou est-ce un rêve ?  Le contrôleur prévient Josef qu'il arrive, et répond à Josef, qui lui demande comment il trouvera son chemin, qu'il n'y a pas de chemin, qu'il trouvera tout seul. C'est le propos du film : rien n'est linéaire, le personnage se laissera guider à l'instinct, les séquences du film s'enchaînent comme celles d'un rêve, par le hasard et la nécessité de sa quête. 
Josef traverse un cimetière pour arriver à une maison à l'abandon, une immense porte fermée ouvre sur des tombes, il entrera par une porte dérobée dans un bizarre sanatorium tout en corridors, pièces, départs d'escaliers, qui semble à l'abandon et dévasté. 
(Quelque temps plus tard, la même porte ouvrira sur un jardin luxuriant.) 
Un étrange docteur, qui fait figure d'analyste plus que de médecin, et ne manque pas de sauter la jolie infirmière, explique les arcanes du temps et des intervalles, et les principes thérapeutiques du sanatorium. 
Dans ce sanatorium, on réactive le temps passé, mais on ne sait plus où est le vrai temps, et où est l'intervalle. C'est un espace où le temps est en retard d'un intervalle, mais on ne connaît pas la durée d'un intervalle, et où les patients dorment, mais quand ils se réveillent, c'est peut-être qu'ils rêvent. A moins qu'ils ne soient morts ? 
Commence alors la quête de soi et - ce qui revient au même - la quête du père (son père Jacob), dans les labyrinthes de la mémoire.  "Il est donc vivant?" demande Josef en arrivant au sanatorium.
Relier les fils du passé, le père, la mère, l'enfant qu'il était, la communauté juive, sa ville, les femmes... , par une série de rencontres aussi logiques que celles du rêve, peuplées de personnages étranges qui rejouent des scènes de sa vie, à moins que ce ne soient des scènes de rêve. A propos de personnages, le fabricant des figures mécaniques explique : "on les suspend/ arrête au moment de leur minute de vérité, là où ils se sont arrêtés d'évoluer : chaque "personnage" rejoue à l'infini la scène primale (?) constitutive de sa vie, de son ancrage dans le monde. N'est-ce pas diablement psychanalytique, ça aussi. Et cauchemardesque.
La beauté dévastée des décors et des images est fascinante, c'est plein d'escaliers et de tiroirs, de dérivations, coqs à l'âne, d'obsessions et de mystère (mystère de la vie cachée et des disparitions de Jacob, les femmes, probablement) la maman, la boutique de tissus, les calicots, le prince Maximilien, les figures mécaniques... 
C'est le plus beau film que j'ai vu depuis longtemps. La scène finale est magnifique






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