lundi 24 novembre 2025

FRANZ K

Agnieszka Holland

Un biopic kaléidoscopique est sans doute ce qui convient le mieux pour montrer les figures d'un homme opaque dont les écrits ne sont pas non plus transparents. J'ai vu le petit garçon effrayé, l'employé modèle, le fils écrasé par un père tout puissant, l'amoureux paradoxal, l'épistolier frénétique, l'obsédé d'écriture et de mots, l'ami de Max Brod, le tuberculeux patriote, l'hypersensible, l'hyperanxieux, l'amateur de nature et de sports nautiques, l'écrivain complexé, le végétarien convaincu, l'intolérant au bruit, le traître, l'homme capable d'être une brute... A coup de tranches de vie et de tranches de ses écrits fantasmatiquement surgis (Le Champion de jeûne, La Colonie pénitentiaire, La Métamorphose) ou simplement lus (Le Procès) se matérialise le portrait d'un homme incernable, personnage étrange à la ville comme à l'écrit dont Idan Weiss incarne magnifiquement la figure.

dimanche 23 novembre 2025

La Disparition de Josef Mengele

Kirill Serebrennikov

Intéressante dissection de la descente (même pas aux enfers) d'un personnage pervers, arrogant et antipathique de bout en bout, toujours aussi fermement nazi, toujours convaincu de la justesse de ses choix, de la supériorité des aryens et du système hitlérien, persuadé d'être injustement persécuté par le complot juif. Idéologiquement irrécupérable, c'est humainement une merde, violent, autoritaire, réactionnaire, toujours prompt à abaisser, humilier, insulter. Y compris son fils, venu le visiter pour essayer de comprendre. On constate avec satisfaction que ce tenant de la race supérieure vit une existence médiocre et que l'univers rétrécit autour de lui : sa femme l'a quitté,  il a perdu l'abri d'une sociabilité  convenable quand il a dû quitter son cercle de nazis argentins, il se retrouve réduit à la vie d'une ferme perdue au milieu de nulle part, en compagnie d'êtres inférieurs (les Hongrois d'abord, et en dessous, les ouvriers agricoles indigènes), il n'a plus d'univers où exercer son talent : qu'il est loin le bon vieux temps de la clinique d'Auschwitz, évoqué par la fameuse tranche de film en couleur où sont filmées ses exactions à Auschwitz. (Impossible de regarder ces scènes de sadisme avéré et de pure boucherie. A quoi ça sert, ce voyeurisme ? ) Il ne lui reste qu'un avortement ici ou là, à Buenos Aires et plus tard, dans sa ferme, quelques cochons à saigner et éviscérer. Un univers où il est traqué par la crainte constante d'être rattrapé et démasqué. Le noir et blanc va bien à cette noirceur crépusculaire mais hélas, Mengele ne s'en tire pas si mal : dans sa dernière retraite au Brésil, où son fils vient rendre visite à l'odieux vieillard, il n'en trouve pas moins une femme pour s'occuper de lui et il finit par mourir, bêtement noyé, sans jugement, sans procès. Maigre consolation et juste retour des choses, -puisqu'il envoyait à des instituts de recherche les corps de ses victimes d'Auschwitz- son squelette à été exhumé et sert d'objet d'études à des étudiants au Brésil (les premières images du film).

 

lundi 17 novembre 2025

Films novembre 25



Nouvelle vague, Richard Linklater : le making of du film À Bout de souffle. Godard,  Jean Seberg,  Belmondo, le producteur et les autres (les cinéphiles reconnaîtront). Les acteurs sont étonnamment crédibles et pleins de charme, le film est très juste et plein de grâce pour raconter le mélange d'improvisation et d'énergie qui ont fait le miracle de ce film de 1959.

L'étranger, François Ozon : plutôt élégant et juste, parfaitement fidèle au roman, mais l'acteur est trop beau pour un personnage aussi indifférent, neutre, étranger à lui comme aux autres. J'aurais vu quelqu'un de plus passe-muraille. Le noir et blanc est sublime.

L'Inconnu de la Grande Arche, Stéphane Demoustier. Un bel éclairage sur une histoire intéressante : la genèse de ce monument, le Cube, et de sa mise en œuvre. L'architecte, Johann Otto von Sprekelsen, visionnaire et intransigeant, paraît un "albatros" aux prises avec les méandres politico-administratifs d'un grand chantier voulu par le prince.

On vous croit, Charlotte Devillers et Arnaud Dufeys : l'audition au tribunal des protagonistes d'une sombre histoire de conflit de garde d'enfants sur fond d'accusation d'abus sexuel. Cest scotchant de vérité. La mère, Myriem Akheddiou, est une actrice incroyable

Deux Procureurs, Sergeï Loznitsa, peinture glaçante de la rencontre des systèmes pénitentiaire, judiciaire et totalitaire. Ou comment un jeune procureur idéaliste et loyal se confronte à la réalité stalinienne.

Les Aigles de la Republique, Tarik Saleh : George Fahmy, l’acteur le plus adulé d’Égypte, est contraint de jouer le role du chef de l'état dans un film commandé par les plus hautes autorités du Pays. De manipulations en complot, l'engrenage pourrait lui être fatal. Un bon moment avec de bien mauvaises personnes. A mon avis, moins credible et moins abouti que La Conspiration du Caire ou Le Caire confidentiel.

Kika, Alexe Poukine : intéressante réflexion sur la sexualité tarifée, la domination, la souffrance, le travail social et le travail du sexe. L'actrice Manon Clavel tient formidablement son rôle, au propre et au figuré, où elle s'aventure timidement avant d'en prendre la mesure.

vendredi 7 novembre 2025

Lumière pâle sur les collines

Kei Ishikawa

adapté du premier roman de Kazuo Ishiguro. Une femme, sa fille, deux époques : l’Angleterre des années 80 et Nagasaki des années 50. La fille veut écrire un livre sur l'histoire de sa mère japonaise, épouse modèle à l'époque de Nagasaki qui a émigré en Angleterre. Aller-retours entre les deux époques, (femme au foyer, irradiation , suicide d'une fille...) C’est une interrogation sur la mort, l'identité, le déracinement, la guerre, la condition féminine, le tabou de l’irradiation... c'est juste, sensible, agréable à regarder sans rien de vraiment remarquable, comme la ditribution d'un jeu de cartes. C'est étrange à définir, mais cette juxtaposition de tranches de vie et de temporalités différentes manque de.. corps ? 


Ce que cette nature te dit, Hong Sang Soo. Un jeune couple où le jeune homme, rêveur et poète désargenté, rencontre un peu par hasard et pour la 1ère fois sa belle famille dans leur superbe propriété près de Seoul. Des gens prospères, sensibles, éduqués qui passent au scanner la fragilité ( ou l’inconsistance ?) du jeune homme, qu'ils prennent pour un médiocre et un poseur. 24 heures corrosives scannées avec finesse et humour.

dimanche 2 novembre 2025

Soundtrack to a Coup d'état

 

****

Johan Grimonprez : montage virtuose de documents d'archives et interviews, aussi passionnant qu'un thriller, autour de l'assassinat de l'ancien Premier Ministre Patrice Lumumba en 1961, dans le contexte de l'indépendance du Congo. Et la musique omniprésente (jazz, blues, be-bop...) outil de soft power de la domination américaine

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/capture-d-ecrans/capture-d-ecrans-du-vendredi-03-octobre-2025-6005130

mardi 21 octobre 2025

Left handed girl

Shih-Ching-tsou

Une petite fille complètement craquante et gauchère, un mère séparée, cuisinière de street food dans un marché de Taipei, une grand-mère magouilleuse, un grand-père traditionnel, une grande sœur rebelle qui essaie de se désengluer... dans un univers où il faut survivre tant bien que mal. Très scotchant de finesse, justesse, tendresse.

Cf l'interview de la réalisatrice, shih-ching-tsou

https://www.semainedelacritique.com/fr/articles/entretien-avec-shih-ching-tsou


samedi 11 octobre 2025

Aferim !

 Radu Jude

Un  'policier', le zapciu Costandin et son fils parcourent à cheval la campagne de Valachie avec pour mission de ramener un esclave rom échappé. Oui, un esclave, c’est comme ça vers 1840 (?). Au fil de leurs pérégrinations ils rencontrent toute la diversité qui peuple la campagne (villageois, roms, orpailleurs, paysans,  aubergistes, marchands, meuniers,  turcs, artisans ...) auprès desquels ils s’enquièrent du fugitif. A chaque rencontre, les dialogues illustrent l’arriération d'une population inculte, pétrie de superstitions et de préjugés, raciste, antisémite, homophobe, aveuglément soumise au culte, aux popes et aux boyards, à tout ce qui est plus puissant que soi. Et les femmes soumises à la toute puissance des hommes. Violence sociale,  domination universelle, loi du plus fort sont inscrits dans l’ordre figé de ce monde où l’esclavage est un simple fait de société et où un boyard peut rendre la justice comme bon lui semble sans procès ni jugement. Malheur à  ceux qui sont tout en bas, les roms, car tel est leur destin.
Pour l'authenticité des propos, il paraît que les scénaristes ont utilisé des œuvres littéraires du XIXe siècle, dont ils ont repris des proverbes, des dictons et d’autres phrases complètes. Ils ont utilisé des archaïsmes se mélangeant aux vocables, insultes et jurons les plus vulgaires encore d'actualité. Autrement dit, l'accent du vrai.
Entre parodie et satire, le film est très captivant, la reconstitution d’un début de 19ème siècle dans une province arriérée est convaincante, et c’est d'une grande beauté.

Bien joué ! Ou Bravo (Traduction du turc Aferim)

Continental 25 du même Radu Jude : dans la Roumanie de nos jours, la culpabilité d'une procureure qui a fait expulser un pauvre gars, lequel en est mort. 

Tout est là : https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/09/24/kontinental-25-en-roumanie-les-tourments-d-une-huissiere-deboussolee_6642738_3246.html

samedi 20 septembre 2025

Oui

Nadav Lapid. Un musicien de jazz précaire, et sa femme, danseuse, animent des soirées de riches israéliens. Sexe, alcool, drogue, excès. Ce sont les fêtards friqués qui mènent le monde et paient leurs valets pour les égayer sur fond de guerre à Gaza. Un jour, on demande à  Y. de mettre en musique le nouvel hymne national à la gloire de cette guerre et de ses combattants. Est-ce qu'il pourrait sauver sa dignité et dire non ?

Nadav Lapid : c’est lui qui en parle le mieux, cf  l'interview sur France Inter :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/oui-un-film-de-nadav-lapid-sortie-en-salles-le-17-septembre-2025-3054054?at_medium=ads&at_ad_platform=google&at_campaign=inter_search_podcasts&gad_source=1&gad_campaignid=17432933951&gbraid=0AAAAACne0eo0bREfSj6kwYkNgZriKyRV2&gclid=CjwKCAiA8vXIBhAtEiwAf3B-gxgiC-9GPy-p5K6QEypPf1vfwy3kMiRiq_4hwzPKiY2t29c9mgDZ1RoCWvcQAvD_BwE


Downtown Abbey, suite et fin, prévisible et distrayant

La Femme la plus riche du monde : prévisible, Isabelle Huppert impériale, il manque sans doute au personnage du photographe - irrévérencieux, goujat, avide et vulgaire-, le "plus" qui l’a rendu irrésistible. Sinon, un aperçu de comment vivent les ultra-riches.

lundi 15 septembre 2025

Sirāt

 Oliver Laxe

Un père et son fils atterrissent dans une rave party au fin fond du Maroc. Il cherche sa fille disparue. Un brave mec égaré au milieu d’une faune marginale, toute aux vibrations de sa musique. Un étrange équipage se constitue quand le duo père-fils dans leur  voiture se greffent à un convoi de deux camions et leurs exotiques occupants : ils sont en quête de la prochaine rave quelque part au sud, et lui en quête de sa fille. C'est parti pour une dérive démesurée, dangereuse et hallucinante au fin fond du désert, deux quêtes improbables sur arrière-plan de guerre et de fin du monde. Un univers extrême, une tension constante, une intensité croissante dans l’immensité du désert qui devient un cul-de-sac, une histoire de fuite en avant vers ce qui ressemble au néant. Hypnotique et sidérant, ça condense assez bien un certain air du temps entre violence du monde, cultures altrenatives et no future.

dimanche 14 septembre 2025

Chronique d'Haifa, Histoires palestiniennes

Scandar Copti. Une famille palestinenne bourgeoise à Haifa, le frère aîné Rami et Shirley, sa copine juive enceinte, sa jeune sœur, Fifi, qui a des choses à cacher à sa famille et que son dossier médical (après accident de voiture) pourrait compromettre : les relations amoureuses sont possibles entre juifs et arabes tant quelles sont clandestines ou non officielles, mais tout se complique quand la famille ou la société s’en mêlent. Entre respect des traditions, méfiance ou rejet des familles respectives et conflit de générations. Une impasse intelligemment et sensiblement racontée. Beau film déprimant.

samedi 30 août 2025

Fims de l'été 2025

VALEUR SENTIMENTALE, Joachim Trier, Danois,Norvégien : Agnes et Nora voient leur père débarquer après de longues années d’absence. Réalisateur de renom, il propose à Nora, comédienne de théâtre, de jouer dans son prochain film, mais celle-ci refuse avec défiance. Il propose alors le rôle à une jeune star hollywoodienne, ravivant des souvenirs de famille douloureux (Allociné) Puissant, profond, sensible et sans concession. Très beaux portraits de femmes et d'artistes.

REVES, AMOUR, DESIR, ou la Trilogie d'Oslo Dag Johan Haugerud, Norvège : Une lycéenne tombe amoureuse de son enseignante (Rêves). Un infirmier gay et une médecin hétéro confrontent leurs expériences et leurs divergences sur un ferry (Amour). Un ramoneur hétéro perturbe les certitudes de son entourage en révélant une aventure homosexuelle (Désir ). Les chemins de traverse de l’amour et de l’attirance physique. Comme le dit L'Obsl’impact fantasmatique du discours, sa façon de nourrir et de déstabiliser notre imaginaire érotique, ainsi que les limites de notre prétendue libération. Remarquable d’intelligence. Mon préféré reste le premier, Rêves, parce que l'écriture du film est sous-tendue par l'écriture du journal de la jeune fille, d'une remarquable finesse.

TOUCH, Nos étreintes passées, Baltasar Kormákur, Islande : Au crépuscule de sa vie, Kristofer, un islandais de 73 ans, se met en tête de retrouver la trace de Miko, son amour de jeunesse. Il s'envole alors pour Londres, à la recherche de ce petit restaurant japonais où ils se sont rencontrés cinquante ans plus tôt. Kristofer l'ignore, mais sa quête, à mesure que les souvenirs refont surface, va le mener jusqu'au bout du monde (Allociné). Très subtil et émouvant, m'a donné envie de lire des livres de l'auteur Ólafur Jóhann Ólafsson 

A NORMAL FAMILY Hur Jin-ho, Corée : 2 couples ont l'habitude de se retrouver dans un restaurant chic. Sourde rivalité entre les 2 frères (l'avocat riche, le médecin altruiste). Leurs enfants sont impliqués dans un sordide fait divers. Qui va réagir comment ? Froid dans le dos.

BRIEF HISTORY OF A FAMILY Jianjie Lin, Chine: Wei est le fils unique d’une famille aisée, dans la Chine moderne et urbaine. Alors qu’il se rapproche de Shuo, un camarade d’école plutôt mystérieux, celui-ci commence à s’immiscer dans leur quotidien. Peu à peu, sa présence semble perturber l’équilibre familial (Allociné). Efficace et glaçant, de même que l'univers décrit, celui de bourgeois très aisés et occidentalisés 

ISLANDSJan-Ole Gerster Allemagne : ex champion de tennis devenu coach dans un complexe touristique des îles Canaries, Ace lance des baballes, s'emmerde, picole. Jusqu'à l'arrivée d'un couple auquel il sert de guide. Ebauche d'idylle avec l'épouse ? L'a-t-il déjà rencontrée ? Mais le mari disparaît. Intrigue, enquête, fausses pistes, rebondissements... le démarrage est un peu flegmatique et convenu mais ça devient distrayant quand l'enquête commence.

PERLA, Alexandra Makarová : Vienne, dans les années 1980, une artiste qui a fui la Tchécoslovaquie communiste avec sa fille Julia s’est construit une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien. Elle est rattrapée par son passé quand Andrej, le père de Julia, tente de la recontacter. Pas mal, sans surprise.

AMELIE : dessin animé qui raconte l'enfance d'Amélie Nothomb. Pourquoi pas.

7 JOURS, Ali Samadi Ahadi, Iran : Myriam, activiste et militante pour les droits de l’Homme, est emprisonnée depuis des années en Iran loin de son mari et de ses enfants. Lorsqu’elle obtient enfin une permission pour raisons médicales, elle a 7 jours pour décider de fuir le pays et retrouver sa famille ou de rester en Iran pour continuer sa lutte(Allociné). Tout est assez prévisible jusqu'à ce qu'elle arrive à passer la frontière. Et là s'impose la figure de l’héroïque militante imbue d'elle-même et de la très haute opinion de sa mission. Son intransigeace, son non lâcher-prise sont déroutants. Inhumains? Très peu pour moi. 

Alpha

 Julia Ducournau, C’est un film bruyant à tous les sens du terme avec une complaisance pénible à montrer des trucs dégueulasses, à commencer par cette enfant armée d’un gros feutre qui relie des points. Sauf que ce sont des trous de shoots et que l’innocente enfant dessine sur une peau ravagée de drogué en manque (ou qui l’a été ou qui va l’être). « C’est plus joli comme ça », dit-elle. Pour trouver un sens à cette dévastation ? Se protéger du spectacle de ce type inquiétant et vaguement comateux ?
Le deuxième truc dégueulasse, c’est une énorme aiguille qui bâcle, en énorme gros plan, le tatouage d’un A monstrueux sur le bras d’Alpha dans le contexte sordide d’une fête, càd beuverie entre jeunes pleine de bruit, d’alcool, de drogue où la malheureuse Alpha, 13 ans, au bord du coma éthylique, a l’air à moitié inconsciente, à moitié consentante. D’où l’idée subliminale que cette séquence ressemble à un viol. Alpha est donc marquée - c’est Mélissa Boros, la seule vraie réussite du film et héroïne dudit film, avec ou sans jeu de mot - et potentiellement contaminée dans le contexte d’une mystérieuse épidémie (quelque chose entre sida et covid) qui pétrifie peu à peu les malades : effets à moitié fascinants à moitié répugnants de corps marbrés en phase de pétrification, les maquilleurs/effets spéciaux s’en sont donné à cœur joie dans les effets de marbrures, fissures et fractures. Et après, la mort, la mort, la mort sous forme de corps houssés sur des brancards dans les couloirs de l’hôpital. Soit. 
Troisième personnage, la mère (célibataire, bien sûr, et docteure de la misère humaine dans un hôpital débordé de malades à des stades divers de pétrification). En plus de son adolescente de fille, Alpha, elle est affligée d’un frère drogué, qu’on voit complaisamment à toutes les phases de son addiction, entre shoot, catalepsie, manque… tout y passe, mais la sœur veut à tout prix protéger/sauver/aider son frère, même si c’est toxique pour sa fille, même si elle veut aussi la sauver/protéger, et aussi les malades. C’est Mère Courage au cœur universel. Le film bringuebale dans cet univers plombé, sans issue, déglingué. So what, une fois planté ce décor ? Rien, ça tourne en boucle. Quelques scènes intéressantes -ce sont bien les seules - tournent autour de l’adolescence, d’autres sont bruyamment caricaturale (la fête de l’Aïd en famille). C’est quoi, l’histoire ? Protéger Alpha ? Sauver le frère ? Survivre dans un monde saturé ? On attend impatiemment la fin, en se bouchant les oreilles quand la musique joue plus fort pour surligner l’intensité de certaines scènes, et on se demande pourquoi plonger dans ce chaudron infernal. Et pourquoi ces mystérieuses références à l’univers perdu (kabyle ou berbère ?) de la grand-mère, hantée par la malédiction du Vent Rouge. Parce qu’il y a toujours quelque chose qui nous échappe ? Parce l’alpha et l’omega ? Parce que tout a une fin, heureusement, et surtout quand c’est un film m’a-tu-vu  et barbant, trop long et trop lourd.

samedi 28 juin 2025

Enormément bizarre

Enormément bizarre, comme son nom l'indique : https://www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/g675Pbf

La collection Jean Chatelus fait feu de tout bois et son appartement submergé d'objets (d'art, d'imagination, de provocation, de tout et n'importe quoi) en fait foi : ça méritait une visite, histoire d'y perdre son regard. La logique ? Celle de l'accumulation ? des coïncidences ? Des correspondances ? L'essentiel du cheminement -il y en a un - échappe au profane,  les connaisseurs s'y retrouvent sans doute : "cabinet de curiosités contemporain aussi précis et exigeant que dérangeant et provocateur. On y rencontre des œuvres de Cindy Sherman, Jake & Dinos Chapman, Mike Kelley, Yayoi Kusama, Christian Boltanski ou Gina Pane aux côtés de masques Komo et de bondieuseries. Plus de 600 œuvres et documents – sculptures, installations, peintures, photographies, dessins, objets votifs et vernaculaires – témoignent des obsessions du collectionneur : le corps mis à mal, la poétique des ruines, la mort, l'organique et sa décomposition, le spectre apocalyptique, l'interdit, le religieux et son blasphème". in https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=12042&menu=0 

Plus surréaliste que la rencontre d’un parapluie et d'une machine à coudre

L'Extase du pape Benoît 



Ceci est un nez-applique


OUYANG CHUN 1974, Pékin
       Jour d'expiation 2017




vendredi 27 juin 2025

Corps et âmes

 https://www.pinaultcollection.com/fr/boursedecommerce/corps-et-ames

Quelques rencontres remarquables : 

  •  l'apaisante incongruité du bassin aux bols, dans la rotonde, et les célestes résonances  de leur mouvance au fil de l'eau. Céleste Boursier-Mougeneo
  • Le libanais réparateur de corps (et d'âmes), Ali Cherri, ou comment un buste banal d'époque romaine, laissé pour compte des ventes aux enchères, se voit réhabilité/habité d'une nouvelle histoire quand l’artiste lui attribue une nouvelle tête.  Est-ce Anubis ? en tout cas, c'est une autre histoire et d'un autre monde. Et le résultat hybride - toujours amputé : ni bras, ni jambes- raconte encore autre chose, et interroge : « C'est notre regard qui va restituer l'âme de ces objets » — Ali Cherri

J'aime bien aussi, au r.d.c, l'étonnant film du magma. Un magma semi-crouteux qui se meut, hypnotisant comme la mer, avec musique Isaac Hayes et ... 

A l'étage intermédiaire, des photos énormes, outrées, volontaristes. Deana Lawson. Elle crient très fort, ces photos, mais je ne sais pas ce qu'elles racontent. Trop ! Elles racontent trop. Trop noir, trop blanc, trop kitsch, trop bizarre- cette énorme femme noire dans une posture outrancière, cul par dessus tête, affichant un minuscule slip blanc enfoui entre ses fesses, des photos déroutantes dont on ne décide pas ce qu'elles racontent. 

  • Cantor de coral, Antonio Obá : la voix et l'aura des cheveux blonds : c'est l'affiche de l'exposition.

  • Kerry James Marshall, Beauty Examined (=Sarah Bartman, la "Vénus hottentote ")
  • Marlene Dumas, Dark 

Dandora, Cave, Atom Painting...

  • Kudzanai-Violet Hwami, Atom Painting (2021)
  • Michae Armitage : Cave : le souffle de 2 personnage, apparition de deux figures dans ce qui ressemble à une matrice. Dandora (Décharge, musiciens, animaux)
  • Mira Schor, la lune, le noir, le rouge, le corps de cette femme coupé en deux

  • Peter Doig, House of music (Soca Boat) 2019-24 

et Baselitz, bien sûr : monumentaux corps à l'envers des deux dernières salles 



mardi 17 juin 2025

Indomptables

 


Thomas Ngijol : adaptation d' Un crime à Abidjan (1999), de Mosco Levi Boucault -milieu des années 1990. Ici, c'est Yaoundé : le commissaire Billong, interprété par Ngijol lui-même, intègre et pétri de valeurs est aux prises avec les délinquants, des équipes moyennement fiables, et plusieurs maux endémiques : pauvreté, corruption, coupures de courant, hôpitaux pour ceux qui paient... Aux prises également avec sa famille qui affronte son intransigeance et ses principes d'éducation un poil trop rigides. Sa femme lui reproche d'être prisonnier de son métier et de ne pas voir sa famille. C'est le fatalisme de l'histoire qui est frappant :  les voyous sont comme ça, les policiers  comme ça, les enfants, les  traditions aussi... la vie est comme ça, et chacun se débrouille comme il peut dans un mélange d'actions à entreprendre, d'impuissance et de fatalité. Tout le monde joue son rôle à la place qui est la sienne, (sauf la fille aînée, en conflit avec son père, parce qu'elle essaie de se créer une vie indépendante) et rien ne risque de changer, quel que soit le volontarisme du commissaire. Belles scènes de ville la nuit, de descentes de police, d'interrogatoires musclés. Film prenant et convaincant.

dimanche 15 juin 2025

Life of Chuck

 Life of Chuck, Mike Flanagan : on commence par la fin, en plein épisode de ce qui ressemble à la fin du monde et à la fin de Chuck, le comptable, mystérieusement et unanimement remercié. On ne sait pas de quoi, mais séquence suivante, on rencontre le gentil Chuck adulte, une musicienne de rue et une charmante jeune femme. Miracle de rencontre ! Puis on passe à l'enfance de Chuck orphelin, élevé par ses grand parents, dans la maison familiale et son adolescence au collège, où le jeune homme timide s'épanouit par la danse. So what ? c'est mignon, c'est touchant et joli à regarder, il y a le mystère de la vie et de la mort sur fond d'extinction définitive, mais ces 3 séquence juxtaposées, c'est un peu dérisoire et ça ne fait pas un film. 

Freud, la dernières confession (traduction racoleuse, c'est last session) Matt Brown. Et en effet, il n'y a pas de confession, juste un dialogue (sans grande profondeur ?) entre Freud et un jeune professeur d'Oxford sur l'existence ou non de Dieu. Dialogue entrecoupé d'alertes aériennnes, de récriminations et exigences freudiennes (il souffre de son cancer à la mâchoire et réclame obstinément sa morphine, son médecin et sa fille). Le vieillard apparaît antipathique et tyrannique, exerçant une emprise malsaine sur sa fille, dévouée, fusionnelle voire servile. Le maître de l'analyse semble étanche à la dimension pathologique de leur relation ! Il en ressort un portrait sinistre et crépusculaire de vieillard souffrant centré sur son égo.

samedi 14 juin 2025

Hofesh Schechter, Red Carpet, Opéra Garnier

Ça commence comme un bouillon vibrionnant dans une espèce de cabaret vaguement décadent, comme un aperçu de l’enfer où des corps hystérisés se contorsionnent, torturés par le rythme forcené de la musique hypertrophiée (batterie féroce et accents orientalisants). La lumière est crépusculaire, une espèce de fumée aggrave la pénombre, des effets de rideau et de lustre géant cherchent l’emphase. Les corps et leurs mouvements sont parfaits, bien qu’entravés d’un amalgame de costumes (baroques ? C’est à dire une totale liberté de leur mettre tout et n’importe quoi sur le dos, de la robe de soirée en sequins rouges au caleçon en cuir sur tire-chaussettes, façon jeune hitlérien en goguette). Est-ce qu’il faut penser à Cabaret ? A une discothèque infernale, un culte barbare, une bacchanale ? A la longue, le bouillon est brouillon, ils n’en finissent pas de s’adonner à leur enfermement et leur culte d’eux-mêmes, le trop plein de costumes bâtards brouille la perception, c’est répétitif et interminable. Heureusement qu’il y a la deuxième partie, les corps libérés de leurs stupides costumes, l’esprit de la danse s’empare de la scène, les danseurs deviennent individuellement et collectivement un corps de ballet, tout en fluidité et viscosité, ils s’amalgament, se séparent, s’enlacent, se prennent et se déprennent. Ça s’étire et se compacte, c’est fluide et puissant, une magnifique énergie irrigue la scène.  Est-ce qu’il faut comprendre qu’il y a un avant et un après, l’après étant celui de la libération ? sublimation ? spiritualisation ? Soit, mais quel dommage que l’avant soit si long et répétitif, alors que l’après est inlassablement captivant. 

lundi 12 mai 2025

Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé

Bogdan Muresanu

Excellente peinture de l'enfermement complet d'une société figée par la peur : chacun individuellement et tout le monde collectivement est entièrement sous la coupe du dictateur tout en haut et de tous ses relais dans le réseau de flics, informateurs, propagandistes, chefs de section, de bureau etc. Tout le monde est muselé, sous contrôle, soumis à l'ordre et tout le monde se méfie de tout le monde.


On voit ainsi une galerie de personnages placés en mauvaise posture (le père et la lettre au Père Noël, la mère du réalisateur télé, le réalisateur d'un film de vœux dont l'actrice a critiqué le pouvoir, sa remplaçante completement révoltée à cette idée, le fils du réalisateur qui fait le dissident etc. ) Le film raconte avec humour et noirceur comment ces différents personnages se débattent entre leur conscience et les faits. C'est excellent et tragiquement drôle.

dimanche 4 mai 2025

Little Jaffna

Lawrence Valin. 

Quel monde étrange que cette communauté tamoule dominée par un chef mafieux, Aya, habités par l'idée de soutenir, à coup de rackett, les rebelles séparatistes du Sri Lanka. Michael, d'origine tamoule, a été  élevé loin de tout ça par sa grand-mère à Clermont-Ferrand, il est devenu flic, et il est chargé par la DGSI d'infiltrer cette mafia du quartier Stalingrad à Paris. Tout le monde a vu des images et des films de mafia et d'infiltré, mais ici tout a l'air nouveau et dépaysant. On a l'impression de voir un film neuf sur un sujet éculé. Des bandes rivales, de la castagne, des règlements de compte, des motos, des bagnoles, des amours contrariées, du trafic de migrants, et pour ancrage, un incroyable squat-usine. Sans oublier le culte catholique à la sauce locale, les costumes ébouriffants, sorte de "streetwear" haut en  couleurs et motifs survitaminés, comme le rap du crû, comme le rythme d'ensemble, sous haute tension, bourré d'adrénaline et de testostérone. Là-dessus, l'infiltré Michael atterrit dans ce monde qui aurait pu être le sien s'il n’avait pas été élevé dans les valeurs de la république. Il s'intègre aux fêtes, aux sociabilités, aux magouilles de  ceux qui auraient dû/pu être sa famille, son clan, ses frères, son univers. Sa solitude d'infiltré confrontée à la cohésion d'une communauté et à la tentation d'une appartenance impossible. Pas assez blanc pour les blancs, pas assez tamoul pour les tamouls.  C’est une plongée fascinante dans un impitoyable exotisme urbain.

La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel : un forme histoire d'amour entre deux êtres qui n'ont qu'eux à aimer dans un monde de brutalité, vénalité, sauvagerie, cupidité, trahison...   Toute la bassesse humaine s'arrête à la porte du réduit où Mariana cache l'enfant juif, sanctuaire défendu par la prostituée fidèle à l'amitié et à la promesse faite à la mère d'Hugo. Un monde clos d'où l'enfant écoute le bruit du monde et construit peu à peu l'étrange réalité qu'il devine à travers les interstices de la cloison, les sons, les voix, un espace minuscule qui grandit peu à peu au fil des informations glanées dans la chambre de Mariana puis au-delà (la fenêtre, l'escalier...) et lui fait progressivement cesser d'être un enfant. Mélanie Thierry se révèle lumineuse, attachante, rayonnante dans ce merdier (au scénario relativement prévisible) D'après un roman d'Aharon Appelfeld.

mercredi 30 avril 2025

Lettres siciliennes, Toxic etc

Vermiglio, Maura Delpero, C'est un beau film mais pourquoi dire moins bien ce que France Culture dit très bien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-regard-culturel/le-regard-culturel-chronique-du-mercredi-19-mars-2025-5117338

Lettres siciliennes, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza :  remarquable histoire de traque pour débusquer un mafieux planqué depuis 30 ans - Matteo Messina Denaro- qui n'en continue pas moins de communiquer ses instructions à son clan (lettres siciliennes). La police utilise Catello Palumbo, homme politique ruiné et déchu, tout juste sorti de prison pour collusion avec la Mafia, et ami du père de Matteo. Noir, plombant. cf La critique du Monde :https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/16/avec-lettres-siciliennes-les-cineastes-fabio-grassadonia-et-antonio-piazza-apportent-une-sombre-conclusion-a-leur-trilogie-sur-la-mafia_6596632_3246.html

Toxic, premier film de la réalisatrice lituanienne Saule Bliuvaite. Sombre. Dans un non-lieu (une sorte de banlieue qqpart en Lituanie) deux jeunes filles se traînent dans le vide d'une existence sans issue. L'école ? Bof. Leur cadre de vie, pire que bâtard. Les parents -quand il y en a -  chômeurs ou alcoolisés (mais pas méchants). Leur vie spirituelle ou intellectuelle ? Inexistante. Une seuls échappatoire, une école de mannequinat qui aimante tous leurs espoirs. Sur ce néant, des recruteurs cyniques n'ont aucun mal à extorquer des frais de dossiers, photographies etc à des jeunes filles naïves et fauchées, comme leurs parents. Cette peinture des injonctions de perfection et de beauté dans le vide d'un univers dévasté, sans issue et sans défense est horrible et remarquable.

Vanille SkyCameron Crowe (remake d’Ouvre les yeux d’Alejandro Amenábar ) Je ne m'attendais à rien de bien intéressant, pourtant, ça l'est, même si 1 mois plus tard, j'ai perdu de vue le pourquoi du comment. Donc, à défaut de le revoir, j'essaierai de voir Ouvre les yeux, dont, selon les critiques, Vanilla Sky est une pâle copie (avec la même Penelope Cruz dans le même rôle)

L'amour Ouf, Gilles Lellouche : là aussi, rebutée par le titre, je ne m'attendais à rien de spécial, pourtant, ça l'est, Jackie étudie, Clotaire traîne, ils tombent amoureux. Mais le glandeur tourne mal et finit en prison. Ils se retrouvent 10 ans après. Il sort de prison, elle s'est laissée faire pour un mariage.... Et moi, je me suis laissée faire par ce film à fleur de violence et de sensibilté. J'ai bien aimé ce paumé foutraque et cette gamine rebelle, et l'histoire qu'ils racontent.

Lire Lolita à Téhéran, par le cinéaste israélien Eran Riklis. D'après le roman d'Azar Nafisi, C'est l'histoire d'une prof de littérature à l'Université de Téhéran, et les stratagèmes qu'elle met en place pour continuer d'enseigner la littérature à des jeunes femmes dans le contexte de la dictature des mollahs (répression et censure). Pour l'avoir lu il y a longtemps, le livre m'avait semblé plus intéressant que ce film un peu prévisible.

Ghostlight, Kelly Sullivan et Alex Thompson : une famille traumatisée, une rencontre improbable entre le père de famille et une troupe de théâtre amateur plutôt bancale, de la solitude, du silence, et comment jouer Romeo et Juliette arrive à réparer, ou du moins faire bouger des personnes figées dans leur trauma. Film assez sympathique qui met en scène une catharsis familiale.

La Réparation : Régis Wargnier. Drôle de titre pour une histoire de chef étoilé mystérieusement disparu. Sa fille, son second, son héritage etc. Avec détour aimable par la Corée où sévit un grand chef très inspiré de l'art du disparu. Un peu insipide.

lundi 31 mars 2025

 Parthenope, Paolo Sorrentino. Plastiquement parfait mais j'ai regardé tout ça avec une certaine indifférence. La belle  Parthenope découpée en tranches de vie dans un univers de carte postale est trop belle, trop intelligente, trop riche. Sublime,  forcément sublime, so what. Je n'ai pas retrouvé la grâce qui illuminait La Grande Bellezza ou Youth.

A Real pain, Jessie Eisenberg : 2 cousins juifs new-yorkais en voyage mémoriel en Pologne sur la trace de la defunte grand-mère. Gentil film 

The Insider, Steven Soderbergh : un couple d'agents secrets et une tortueuse histoire d'espionnage dont j'ai déjà tout oublié 

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, Ken Scott : heureuse surprise c'est un aimable film plein de justesse sur l'amour maternel sublime et envahissant. Leila Bekhti, magnifique Esther, refuse d'admettre que son fils, né avec un pied  bot, est handicapé  


samedi 8 mars 2025

Black Dog

Hu Guan. Ça se passe au fin fond de la Chine, au bord du désert de Gobi, dans un monde en déliquescence (ville minière sinistrée, en passe d'être démolie au nom d'un avenir radieux et d'une idéologie triomphante à la gloire de l'esprit entrepreneurial). On détruit tout pour faire du neuf, au milieu de nulle part tandis qu'au loin, très loin, la Chine célèbre sa puissance, sa lumière, sa grandeur avec les JO de Pékin. Cette ode à la lointaine Chine qui réussit résonne bizarrement dans ce monde improbable et perdu, simple, brutal et compliqué : la ville est aux 3/4 désertée, hantée par des centaines de chiens errants (abandonnés par ceux qui ont quitté la ville) et ce qu'il en reste est bien mal en point : bâtiments vétustes, zoo en deshérence, un vague cirque ambulant de passage, et des équipes de ramassage des chiens errants.

Là dessus, un taiseux, apparemment étanche à tout, et qui revient en ville après 10 ans de taule, mais se prend curieusement d'affection pour un de ces chiens, Black Dog. 

Superbe peinture du monde des confins, superbe peinture des paysages et de la ville, superbe film de solitude et de fin d'un monde, discrètement irrigué de liens ténus entre des êtres (le père et son fils, l'homme et le chien, le vieux voisin, la foraine de passage). Avec quelques touches d'un semblant de solidarité/humanité, quelques touches d'un vieux culte des valeurs anciennes, le film montre la fragilité du monde qui disparaît en regard de l'irréalité de la propagande officielle. En fait, le film montre beaucoup de choses avec une grande élégance et une énorme économie de moyens (film à mon avis plus original et plus troublant que l'énorme machine du Brutalist (!) Association qui n'a rien à voir, à part me gigantisme des moyens de réalisation vs la sobriété.) Ou un légère déception avec le Brutalist et une immense adhésion et plaisir avec Black Dog)

jeudi 6 mars 2025

Mickey 17

Bong Joon-ho. Avec ses allures de blockbuster de SF, c'est terrifiant et drolatique : le héros (Robert Pattinson), acculé par ses dettes, s'est engagé sur une mission spatiale de conquête d'une nouvelle planète. Pire que tout : c'est devenu un expandable : s'il meurt, on le réimprime, corps et mémoire inclus, et il peut reprendre son travail de forçat dans ce qui ressemble à une colonie pénitentiaire dirigée par un super boss affairiste et ultra-libéral. Tout se déglingue quand Mickey 17  et Mickey 18 coexistent. C'est le début de la subversion. La machine à conquérir un nouveau monde se désarticule, c'est drôle, caustique et résonne étrangement avec l'actualité. Très bon moment de cinéma.

mercredi 5 mars 2025

Films février

Un Parfait inconnu, James Mangold : excellent biopic sur les débuts de Bob Dylan, Thimothée Chalamet fait très bien le job

Le Dernier souffle, Costa-Gavras : film sensible sur la fin de vie, avec qui il faut là où il faut. Un peu convenu mais pédagogique

Mercato, Tristan Séguéla : le monde impitoyable du business-foot. Driss, (Jamel Debbouze, excellent) agent de joueurs, doit beaucoup d'argent à des mafieux. Il a les sept derniers jours du mercato pour sauver sa peau. On se doutait que c'était sordide, on en a la démonstration.

The Brutalist,  Brady Corbet : Laszlo Toth (Adrien Brody), architecte juif hongrois, formé au Bauhaus et rescapé de la shoah arrive aux Etats-Unis. Galères de l'immigré jusqu'à ce qu'un ultra-riche lui confie une réalisation de prestige (parce qu'un magazine de l'élite, "encensant" le travail de Laszlo Toth a rendu admirable et désirable ce que le magnat avait jusqu'ici détesté). Voilà donc l'architecte adoubé, reçu et reconnu par les riches et confronté à la réalisation d'un projet démesurément ambitieux. Les choses se compliquent, les non-dits, rivalité, jalousies creusent des fossés et l'antisémitisme, censément éteint après la guerre, s'en mêle.  Deux univers s'affrontent : l'architecte juif mégalomane et perfectionniste, le nabab (et sa clique)  dominateur, protestant et antisémite, le sionisme (alyah) en filigrane... Ample, scénique, monumental, hénaurme. Trop, et trop long (le pire, c'est l'entracte de 15 minutes). 

La Fabrique du mensonge, Joachim Lang : Joseph Goebbels contrôle les media et la propagande. Savoir-faire et méthode au service du Führer. Pas mal d'images d'archives.

L'Enigme Velasquez, documentaire moyen

vendredi 31 janvier 2025

Films janvier 2025

Un Ours dans le Jura, Franck Dubosc : distrayant et abracadabrantesque, ou comment un couple de ruraux gère l'apparition dans sa vie d'un ours, de deux cadavres et d'un million d'euros.

Personne n'y comprend rien, Yannick Kergoat : retour sur des années de feuilleton financier sur l'argent noir (Kadhafi et consorts) de la campagne présidentielle (N.Sarkozy)

Maja, une épopée finlandaise, Tiina Lymi : histoire émouvante et édifiante d'un couple de Finlandais, à la fin du 19e siècle, installés sur une île isolée pour (sur)vivre de la pêche. Ils s'aimèrent et eurent beaucoup d'enfants, même si le mari est obligé de s'enfuir quand la guerre éclate, laissant femme et enfants aux prises avec l'occupant anglais. L'ensemble est assez chromo et idéalisé mais joli à regarder. 

Maria, Pablo Larrain : biopic correct sur la fin de Maria Callas, recluse et sans voix. Poignant, pourtant il manque quelque chose. La Callas ?