mardi 17 juin 2025

Indomptables

 

Thomas Ngijol : adaptation d' Un crime à Abidjan (1999), de Mosco Levi Boucault -milieu des années 1990. Ici, c'est Yaoundé : le commissaire Billong, interprété par Ngijol lui-même, intègre et pétri de valeurs est aux prises avec les délinquants, des équipes moyennement fiables, et plusieurs maux endémiques : pauvreté, corruption, coupures de courant, hôpitaux pour ceux qui paient... Aux prises également avec sa famille qui affronte son intransigeance et ses principes d'éducation un poil trop rigides. Sa femme lui reproche d'être prisonnier de son métier et de ne pas voir sa famille. C'est le fatalisme de l'histoire qui est frappant :  les voyous sont comme ça, les policiers  comme ça, les enfants, les  traditions aussi... la vie est comme ça, et chacun se débrouille comme il peut dans un mélange d'actions à entreprendre, d'impuissance et de fatalité. Tout le monde joue son rôle à la place qui est la sienne, (sauf la fille aînée, en conflit avec son père, parce qu'elle essaie de se créer une vie indépendante) et rien ne risque de changer, quel que soit le volontarisme du commissaire. Belles scènes de ville la nuit, de descentes de police, d'interrogatoires musclés. Film prenant et convaincant.

dimanche 15 juin 2025

Inutile

 Life of Chuck, Mike Flanagan : on commence par la fin, en plein épisode de ce qui ressemble à la fin du monde et à la fin de Chuck, le comptable, mystérieusement et unanimement remercié. On ne sait pas de quoi, mais séquence suivante, on rencontre le gentil Chuck adulte, une musicienne de rue et une charmante jeune femme. Miracle de rencontre ! Puis on passe à l'enfance de Chuck orphelin, élevé par ses grand parents, dans la maison familiale et son adolescence au collège, où le jeune homme timide s'épanouit par la danse. So what ? c'est mignon, c'est touchant et joli à regarder, il y a le mystère de la vie et de la mort sur fond d'extinction définitive, mais ces 3 séquence juxtaposées, c'est un peu dérisoire et ça ne fait pas un film. 

Freud, la dernières confession (traduction absurde, c'est last session, càd dernière séance) Matt Brown. Et en effet, il n'y a pas de confession, juste un dialogue (sans grande profondeur ?) entre Freud et un jeune professeur d'Oxford sur l'existence ou non de Dieu. Dialogue entrecoupé d'alertes aériennnes, de récriminations et exigences freudiennes (il souffre de son cancer à la mâchoire et réclame obstinément sa morphine, son médecin et sa fille). Le vieillard apparaît antipathique et tyrannique, exerçant une emprise malsaine sur sa fille, dévouée, fusionnelle voire servile. Le maître de l'analyse semble étanche à la dimension pathologique de leur relation ! Il en ressort un portrait sinistre et crépusculaire de vieillard souffrant centré sur son égo.

samedi 14 juin 2025

Hofesh Schechter, Red Carpet, Opéra Garnier

Ça commence comme un bouillon vibrionnant dans une espèce de cabaret vaguement décadent, comme un aperçu de l’enfer où des corps hystérisés se contorsionnent, torturés par le rythme forcené de la musique hypertrophiée (batterie féroce et accents orientalisants). La lumière est crépusculaire, une espèce de fumée aggrave la pénombre, des effets de rideau et de lustre géant cherchent l’emphase. Les corps et leurs mouvements sont parfaits, bien qu’entravés d’un amalgame de costumes (baroques ? C’est à dire une totale liberté de leur mettre tout et n’importe quoi sur le dos, de la robe de soirée en sequins rouges au caleçon en cuir sur tire-chaussettes, façon jeune hitlérien en goguette). Est-ce qu’il faut penser à Cabaret ? A une discothèque infernale, un culte barbare, une bacchanale ? A la longue, le bouillon est brouillon, ils n’en finissent pas de s’adonner à leur enfermement et leur culte d’eux-mêmes, le trop plein de costumes bâtards brouille la perception, c’est répétitif et interminable. Heureusement qu’il y a la deuxième partie, les corps libérés de leurs stupides costumes, l’esprit de la danse s’empare de la scène, les danseurs deviennent individuellement et collectivement un corps de ballet, tout en fluidité et viscosité, ils s’amalgament, se séparent, s’enlacent, se prennent et se déprennent. Ça s’étire et se compacte, c’est fluide et puissant, une magnifique énergie irrigue la scène.  Est-ce qu’il faut comprendre qu’il y a un avant et un après, l’après étant celui de la libération ? sublimation ? spiritualisation ? Soit, mais quel dommage que l’avant soit si long et répétitif, alors que l’après est inlassablement captivant. 

lundi 12 mai 2025

Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé

 Bogdan Muresanu



Excellente peinture de l'enfermement complet d'une société figée par la peur : chacun individuellement et tout le monde collectivement est entièrement sous la coupe du dictateur tout en haut et de tous ses relais dans le réseau de flics, informateurs, propagandistes, chefs de section, de bureau etc. Tout le monde est muselé, sous contrôle, soumis à l'ordre et tout le monde se méfie de tout le monde.

On voit ainsi une galerie de personnages placés en mauvaise posture (le père et la lettre au Père Noël, la mère du réalisateur télé, le réalisateur d'un film de vœux dont l'actrice a critiqué le pouvoir, sa remplaçante completement révoltée à cette idée, le fils du réalisateur qui fait le dissident etc. ) Le film raconte avec humour et noirceur comment ces différents personnages se débattent entre leur conscience et les faits. C'est excellent et tragiquement drôle.

dimanche 4 mai 2025

Little Jaffna

Lawrence Valin. Quel monde étrange que cette communauté tamoule dominée par un chef mafieux, Aya, habités par l'idée de soutenir, à coup de rackett, les rebelles séparatistes du Sri Lanka. Michael, d'origine tamoule, a été  élevé loin de tout ça par sa grand-mère à Clermont-Ferrand, il est devenu flic, et il est chargé par la DGSI d'infiltrer cette mafia du quartier Stalingrad à Paris. Tout le monde a vu des images et des films de mafia et d'infiltré, mais ici tout a l'air nouveau et dépaysant. On a l'impression de voir un film neuf sur un sujet éculé. Des bandes rivales, de la castagne, des règlements de compte, des motos, des bagnoles, des amours contrariées, du trafic de migrants, et pour ancrage, un incroyable squat-usine. Sans oublier le culte catholique à la sauce locale, les costumes ébouriffants, sorte de "streetwear" haut en  couleurs et motifs survitaminés, comme le rap du crû, comme le rythme d'ensemble, sous haute tension, bourré d'adrénaline et de testostérone. Là-dessus, l'infiltré Michael atterrit dans ce monde qui aurait pu être le sien s'il n’avait pas été élevé dans les valeurs de la république. Il s'intègre aux fêtes, aux sociabilités, aux magouilles de  ceux qui auraient dû/pu être sa famille, son clan, ses frères, son univers. Sa solitude d'infiltré confrontée à la cohésion d'une communauté et à la tentation d'une appartenance impossible. Pas assez blanc pour les blancs, pas assez tamoul pour les tamouls.  C’est une plongée fascinante dans un impitoyable exotisme urbain.

La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel : un forme histoire d'amour entre deux êtres qui n'ont qu'eux à aimer dans un monde de brutalité, vénalité, sauvagerie, cupidité, trahison...   Toute la bassesse humaine s'arrête à la porte du réduit où Mariana cache l'enfant juif, sanctuaire défendu par la prostituée fidèle à l'amitié et à la promesse faite à la mère d'Hugo. Un monde clos d'où l'enfant écoute le bruit du monde et construit peu à peu l'étrange réalité qu'il devine à travers les interstices de la cloison, les sons, les voix, un espace minuscule qui grandit peu à peu au fil des informations glanées dans la chambre de Mariana puis au-delà (la fenêtre, l'escalier...) et lui fait progressivement cesser d'être un enfant. Mélanie Thierry se révèle lumineuse, attachante, rayonnante dans ce merdier (au scénario relativement prévisible) D'après un roman d'Aharon Appelfeld.

mercredi 30 avril 2025

Vermiglio, Maura Delpero, C'est un beau film mais pourquoi dire moins bien ce que France Culture dit très bien https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-regard-culturel/le-regard-culturel-chronique-du-mercredi-19-mars-2025-5117338

Lire Lolita à Téhéran par le cinéaste israélien Eran Riklis. D'après le roman d'Azar Nafisi,  C'est l'histoire d'une prof de littérature à l'Université de Téhéran, et les stratagèmes qu'elle met en place pour continuer d'enseigner la littérature à des jeunes femmes dans le contexte de la dictature des mollahs (répression et censure). Pour l'avoir lu il y a longtemps, le livre m'avait semblé plus intéressant que ce film un peu prévisible

La Réparation : Régis Wargnier. Drôle de titre pour une histoire de chef étoilé mystérieusement disparu. Sa fille, son second, son héritage etc. Avec détour aimable par la Corée où sévit un grand chef très inspiré de l'art du disparu. Un peu insipide.

Lettres siciliennes, Fabio Grassadonia et Antonio Piazza :  remarquable histoire de traque pour débusquer un mafieux planqué depuis 30 ans - Matteo Messina Denaro- qui n'en continue pas moins de communiquer ses instructions à son clan (lettres siciliennes). La police utilise Catello Palumbo, homme politique ruiné et déchu, tout juste sorti de prison pour collusion avec la Mafia, et ami du père de Matteo. Noir, plombant. cf La critique du Monde :https://www.lemonde.fr/culture/article/2025/04/16/avec-lettres-siciliennes-les-cineastes-fabio-grassadonia-et-antonio-piazza-apportent-une-sombre-conclusion-a-leur-trilogie-sur-la-mafia_6596632_3246.html

Toxic, premier film de la réalisatrice lituanienne Saule Bliuvaite. Sombre. Dans un non-lieu (une sorte de banlieue qqpart en Lituanie) deux jeunes filles se traînent dans le vide d'une existence sans issue. L'école ? Bof. Leur cadre de vie, pire que bâtard. Les parents -quand il y en a -  chômeurs ou alcoolisés (mais pas méchants). Leur vie spirituelle ou intellectuelle ? Inexistante. Une seuls échappatoire, une école de mannequinat qui aimante tous leurs espoirs. Sur ce néant, des recruteurs cyniques n'ont aucun mal à extorquer des frais de dossiers, photographies etc à des jeunes filles naïves et fauchées, comme leurs parents. Cette peinture des injonctions de perfection et de beauté dans le vide d'un univers dévasté, sans issue et sans défense est horrible et remarquable.

Ghostlight, Kelly Sullivan et Alex Thompson : une famille traumatisée, une rencontre improbable entre le père de famille et une troupe de théâtre amateur plutôt bancale, de la solitude, du silence, et comment jouer Romeo et Juliette arrive à réparer, ou du moins faire bouger des personnes figées dans leur trauma. Film assez sympathique qui met en scène une catharsis familiale

Vanille SkyCameron Crowe (remake d’Ouvre les yeux d’Alejandro Amenábar ) Je ne m'attendais à rien de bien intéressant, pourtant, ça l'est, même si 1 mois plus tard, j'ai perdu de vue le pourquoi du comment. Donc, à défaut de le revoir, j'essaierai de voir Ouvre les yeux, dont, selon les critiques, Vanilla Sky est une pâle copie (avec la même Penelope Cruz dans le même rôle)

L'amour Ouf, Gilles Lellouche : là aussi, rebutée par le titre, je ne m'attendais à rien de spécial, pourtant, ça l'est, Jackie étudie, Clotaire traîne, ils tombent amoureux. Mais le glandeur tourne mal et finit en prison. Ils se retrouvent 10 ans après. Il sort de prison, elle s'est laissée faire pour un mariage.... Et moi, je me suis laissée faire par ce film à fleur de violence et de sensibilté. J'ai bien aimé ce paumé foutraque et cette gamine rebelle, et l'histoire qu'ils racontent.

lundi 31 mars 2025

 Parthenope, Paolo Sorrentino. Plastiquement parfait mais j'ai regardé tout ça avec une certaine indifférence. La belle  Parthenope découpée en tranches de vie dans un univers de carte postale est trop belle, trop intelligente, trop riche. Sublime,  forcément sublime, so what. Je n'ai pas retrouvé la grâce qui illuminait La Grande Bellezza ou Youth.

A Real pain, Jessie Eisenberg : 2 cousins juifs new-yorkais en voyage mémoriel en Pologne sur la trace de la defunte grand-mère. Gentil film 

The Insider, Steven Soderbergh : un couple d'agents secrets et une tortueuse histoire d'espionnage dont j'ai déjà tout oublié 

Ma mère, Dieu et Sylvie Vartan, Ken Scott : heureuse surprise c'est un aimable film plein de justesse sur l'amour maternel sublime et envahissant. Leila Bekhti, magnifique Esther, refuse d'admettre que son fils, né avec un pied  bot, est handicapé  


samedi 8 mars 2025

Black Dog

Hu Guan. Ça se passe au fin fond de la Chine, au bord du désert de Gobi, dans un monde en déliquescence (ville minière sinistrée, en passe d'être démolie au nom d'un avenir radieux et d'une idéologie triomphante à la gloire de l'esprit entrepreneurial). On détruit tout pour faire du neuf, au milieu de nulle part tandis qu'au loin, très loin, la Chine célèbre sa puissance, sa lumière, sa grandeur avec les JO de Pékin. Cette ode à la lointaine Chine qui réussit résonne bizarrement dans ce monde improbable et perdu, simple, brutal et compliqué : la ville est aux 3/4 désertée, hantée par des centaines de chiens errants (abandonnés par ceux qui ont quitté la ville) et ce qu'il en reste est bien mal en point : bâtiments vétustes, zoo en deshérence, un vague cirque ambulant de passage, et des équipes de ramassage des chiens errants.

Là dessus, un taiseux, apparemment étanche à tout, et qui revient en ville après 10 ans de taule, mais se prend curieusement d'affection pour un de ces chiens, Black Dog. 

Superbe peinture du monde des confins, superbe peinture des paysages et de la ville, superbe film de solitude et de fin d'un monde, discrètement irrigué de liens ténus entre des êtres (le père et son fils, l'homme et le chien, le vieux voisin, la foraine de passage). Avec quelques touches d'un semblant de solidarité/humanité, quelques touches d'un vieux culte des valeurs anciennes, le film montre la fragilité du monde qui disparaît en regard de l'irréalité de la propagande officielle. En fait, le film montre beaucoup de choses avec une grande élégance et une énorme économie de moyens (film à mon avis plus original et plus troublant que l'énorme machine du Brutalist (!) Association qui n'a rien à voir, à part me gigantisme des moyens de réalisation vs la sobriété.) Ou un légère déception avec le Brutalist et une immense adhésion et plaisir avec Black Dog)

jeudi 6 mars 2025

Mickey 17

Bong Joon-ho. Avec ses allures de blockbuster de SF, c'est terrifiant et drolatique : le héros (Robert Pattinson), acculé par ses dettes, s'est engagé sur une mission spatiale de conquête d'une nouvelle planète. Pire que tout : c'est devenu un expandable : s'il meurt, on le réimprime, corps et mémoire inclus, et il peut reprendre son travail de forçat dans ce qui ressemble à une colonie pénitentiaire dirigée par un super boss affairiste et ultra-libéral. Tout se déglingue quand Mickey 17  et Mickey 18 coexistent. C'est le début de la subversion. La machine à conquérir un nouveau monde se désarticule, c'est drôle, caustique et résonne étrangement avec l'actualité. Très bon moment de cinéma.

mercredi 5 mars 2025

Films février

Un Parfait inconnu, James Mangold : excellent biopic sur les débuts de Bob Dylan, Thimothée Chalamet fait très bien le job

Le Dernier souffle, Costa-Gavras : film sensible sur la fin de vie, avec qui il faut là où il faut. Un peu convenu mais pédagogique

Mercato, Tristan Séguéla : le monde impitoyable du business-foot. Driss, (Jamel Debbouze, excellent) agent de joueurs, doit beaucoup d'argent à des mafieux. Il a les sept derniers jours du mercato pour sauver sa peau. On se doutait que c'était sordide, on en a la démonstration.

The Brutalist,  Brady Corbet : Laszlo Toth (Adrien Brody), architecte juif hongrois, formé au Bauhaus et rescapé de la shoah arrive aux Etats-Unis. Galères de l'immigré jusqu'à ce qu'un ultra-riche lui confie une réalisation de prestige (parce qu'un magazine de l'élite, "encensant" le travail de Laszlo Toth a rendu admirable et désirable ce que je magnat avait jusqu'ici détesté). Voilà donc l'architecte adoubé, reçu et reconnu par les riches et confronté à la réalisation d'un projet démesurément ambitieux. Les choses se compliquent, les non-dits, rivalité, jalousies creusent des fossés et l'antisémitisme, censément éteint après la guerre, s'en mêle.  Deux univers s'affrontent : l'architecte juif mégalomane et perfectionniste, le nabab (et sa clique)  dominateur, protestant et antisémite, le sionisme (alyah) en filigrane... Ample, scénique, monumental, hénaurme. Un peu trop, peut-être. Donc trop long (le pire, c'est l'entracte de 15 minutes). 

La Fabrique du mensonge, Joachim Lang : Joseph Goebbels contrôle les media et la propagande. Savoir-faire et méthode au service du Führer. Pas mal d'images d'archives.

L'Enigme Velasquez, documentaire moyen

vendredi 31 janvier 2025

Films janvier 2025

Un Ours dans le Jura, Franck Dubosc : distrayant et abracadabrantesque, ou comment un couple de ruraux gère l'apparition dans sa vie d'un ours, de deux cadavres et d'un million d'euros.

Personne n'y comprend rien, Yannick Kergoat : retour sur des années de feuilleton financier sur l'argent noir (Kadhafi et consorts) de la campagne présidentielle (N.Sarkozy)

Maja, une épopée finlandaise, Tiina Lymi : histoire émouvante et édifiante d'un couple de Finlandais, à la fin du 19e siècle, installés sur une île isolée pour (sur)vivre de la pêche. Ils s'aimèrent et eurent beaucoup d'enfants, même si le mari est obligé de s'enfuir quand la guerre éclate, laissant femme et enfants aux prises avec l'occupant anglais. L'ensemble est assez chromo et idéalisé mais joli à regarder. 

Maria, Pablo Larrain : biopic correct sur la fin de Maria Callas, recluse et sans voix. Poignant, pourtant il manque quelque chose. La Callas ?