jeudi 5 mars 2020

La Communion


Jan Komasa. Délinquants, ivrognes et bigots. Sur la base de cette trilogie typiquement polonaise (?) voici un film qui s'élève comme une flamme dans un univers dévasté, celui d'un jeune délinquant, a priori voué, à titre de réhabilitation post-incarcération, à un travail de merde dans une scierie au fin fond de la Pologne.
Dévasté, son univers l'est dès les premières scènes du film qui montrent la violence qui régit son univers : il s'y passe d'infinies violences et turpitudes à l'abri de la loi du silence carcéral. Il se trouve que le héros, meurtrier au demeurant, - on apprendra par la suite que c'est le fait d'un enchaînement stupide de conséquences lié à la stupidité de la jeunesse et à un machisme ontologique hypertrophié par l'alcool- , donc, ce délinquant semble frappé par... quoi ?  la grâce ? ou simplement la lumière émanant de la liturgie, ou peut-être la foi ? Bref, il se sent une vocation pour le séminaire, mais vu ses antécédents, c'est exclu. A sa sortie du centre de délinquants, il devra se contenter de la rédemption par la scierie. Le voilà donc qui débarque au fin fond de la Pologne. Devant l'univers de merde auquel il est voué, il renâcle, et se retrouve chez le curé local, auquel, dans un éclair de génie, ou de démence, il se présente comme prêtre.
Un concours de circonstances fait qu'il devient très vite le curé remplaçant. C'est là qu'il révèle un vrai talent, ou une vraie résonance pour rencontrer les villageois, via une parole authentique, c'est à dire débarrassée des scories, hypocrisies et convenances du culte ordinaire. Il sait parler vrai, du fond de son cœur, et toucher ainsi la communauté de ses paroissiens. Il les rencontre au fond de leur âme, et entre littéralement en communion avec cette communauté dans un registre qui relève aussi bien de l'humanité que de la foi chrétienne. Ou plutôt, il réconcilie l'humanité et la foi chrétienne. En somme, il restitue la puissance de la parole de Dieu. Après, évidemment, le réel le rattrape, et le film suit son cours, sauf qu'entretemps, il y a eu cette communion entre un curé et sa paroisse.
Le titre original est "corpus christi", ce qui est bien plus juste au regard des dernières scènes, (et qui est l'essence de la communion : incarnation et sacrifice / offrande du corps du Christ à la communauté). La fin du film développe d'ailleurs une étrange dimension fatale et sacrificielle. Une forme de réponse (la seule réponse possible ?) quand on atteint le fond de l'impasse.
L'acteur Bartosz Bielenia (Daniel ou le père Tomas) est un personnage magnétique, il crève l'écran, mais tous les personnages du film ont une présence, une réalité extraordinaire. Ce film est un chef d'œuvre de puissance, de densité et de tension.
10/10

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