Est-ce que cette obsession de scruter la nature, l'immense, immuable, somptueuse et muette beauté de la nature n'est pas une manière de scruter le divin, d'interroger sa présence, sa permanence, ou son absence. Terrence Malick y revient incessamment, entretenant un dialogue décalé avec... qui, d'ailleurs ? Dieu ou l'absence de Dieu et son mutisme obstiné. Dieu à qui on a envie de rendre grâce de ce miracle qu'est la nature, son immense beauté, les sublimes mises en scène de ses paysages, et rendre grâce aussi du miracle du vivant, des saisons, du jour et de la nuit, de cette terre qui produit fleurs et fruits, animaux, céréales, rivières et ruisseaux... Dieu omniprésent dans la plénitude et obstinément muet dans la Passion de Franz.
Ce film est un immense point d'interrogation sur la plénitude et la gratitude (rendre grâce de ce miracle) et ce qu'il advient quand survient le Mal. Comme un conflit, une rupture, une solution de continuité entre sa vérité intime et la réalité du monde. Les scènes du début mettent en image l'harmonie d'un couple dans son monde, une petite communauté où les hommes vivent à la sueur de leur front, engendrent des enfants et des récoltes. Une vision idyllique, quasi biblique, troublante et presque gênante dans un monde de scepticisme et de doute. Le Franz, pétri de l'harmonie et de l'ordre (divin, ou moral ?) du monde, entre donc en opposition quand survient l'inacceptable, l'abus de pouvoir qui rompt la justice et l'équilibre, l'isole de la communauté villageoise et le désigne aux autorités militaires. L'Anschluss est cette fracture, la trahison de la souveraineté, de la légitimité, de l'autorité morale : inacceptable et non négociable.
S'ensuit ce dialogue en images, Fani dans sa campagne, Franz dans sa caserne ou sa prison, leur solitude, leur amputation l'un de l'autre, leur amour et leur foi l'un en l'autre, et l'infini questionnement de Franz. L'apothéose est cet entretien bouleversant avec le juge qui lui demande s'il a le droit de faire ça (s'obstiner à refuser l'allégeance aux nazis, comme un orgueil insensé qui met tout le monde - à commencer par sa famille- dans l'embarras ou la douleur). Franz lui demande en retour "s'il a le droit de ne pas le faire". La Passion de Franz, comme celle du Christ, dans un univers muet où ses interrogations restent sans réponse. Le film comme un immense point d'interrogation sur ce qu'on se doit à soi, sa conscience, ou à ce Dieu caché.
On sort de là la gorge serrée par l'absolue, démente pureté de cet homme et en se demandant où et combien de fois on a trahi sa propre conscience.
jeudi 19 décembre 2019
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire