Je ne savais pas que j'aimais tant Notre-Dame. Tellement présente et familière, tellement inscrite dans le paysage, qu'on l'aime sans plus y faire attention, comme un vieux parent. Élancée et ancrée, puissante et légère, irréelle de raffinement et de simplicité, évidente de génie, elle a la patine de siècles d'histoire et d'imaginaire collectif. La sublime envolée est posée sur la Seine comme un vaisseau de pierre dont l'histoire se confond avec le destin de Paris. Fluctuat nec mergitur.
Imposante, presque sévère quand on regarde l'admirable géométrie de la façade, elle exerce une fascination évidente pour ce qu'on a envie d'appeler le génie français : une haute exigence spirituelle et intellectuelle, habillée de raffinement et d'élégance formelle. A moins que ce ne soit le génie de la foi.
Elle dévoile sur ses flancs toute sa puissance de séduction : l'élégante conception de la nef gracieusement soutenue par les arc-boutants, la somptueuse rosace, et l'incommensurable richesse de toute la décoration. Admirable de jour comme de nuit, de près dans les jardins, de plus loin sur la Seine ou sur les ponts qui l'enclosent. Protégée sur son île comme en un écrin, exaltée par l'infinie richesse des dessins de la pierre, on peut la scruter sans se lasser ou la survoler d'un regard distrait, elle est immanquablement là, immanquablement belle et chérie au cœur de Paris.
Mais Notre-Dame
notre cathédrale, notre histoire, notre monument chéri, notre
patrimoine, notre paysage adoré, notre émotion, notre immuable, notre
chef d’œuvre, notre identité, notre éternité, notre Trésor National,
Notre Dame a brûlé sous œil incrédule, éberlué, bouleversé de millions
de (télé)spectateurs. Funeste embrasement, comme un viol de la pierre,
de la mémoire, de l’inconscient collectif. Tous choqués, blessés,
sidérés, comme le 11 septembre.
Et si Notre Dame brûlait comme la planète brûle ?
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