jeudi 25 août 2011

Nostalghia


A l'époque, Andrei Roublev m'avait fait une si profonde impression qu'après, je suis religieusement, curieusement, allée voir tous les films de Tarkovski au moment où ils sortaient. Mais je n'avais pas aimé Nostalghia. Je l'avais trouvé lent (ce qui n'est pas un critère chez Tarkovski) et j'avais détesté les apparitions de la femme, pour le rôle pleurard et récriminant qu'i lui donnait. J'avais trouvé Tarkovski misogyne. Je ne comprenais pas la douleur du vieux vis-à-vis de ce qu'il a perdu, ni le spectacle de l'impuissance ; j'avais trouvé ça souffreteux, ou douloureux, complaignant. Je suppose que je n'admettais pas un tel affichage de la dépression, de la faiblesse, de l'être désarmé. Quelque chose de dérangeant au spectacle de l'impuissance passive. Je l'ai revu avec curiosité, éblouie par la beauté des images, la nature étincelante de ces images. Ces lumineuses images de la ruine d'une vie, de la ruine d'une ville, de la ruine d'une âme. Bizarrement, j'avais oublié le personnage du fou et cette hallucinante scène prémonitoire, où il déclame la ruine d'un monde voué au profit et à la poursuite des choses matérielles. Cette scène fulgurante où il est juché sur la croupe d'un cheval figé (statue) d'où il gesticule en vain pour un public de masques. J'avais oublié ces rêveries au bord de l'eau, qui atteignent une perfection qui était amorcée dans Stalker.


Comment parler rationnellement d'un film onirique, qui montre l'état des lieux de l'âme. Une âme tourmentée, obsédée d'images imprégnées proches de l'inconscient. Film noir de Tarkovski. A cause de l'exil ? A cause de la dépression de l'exil ?


Dans Nostalghia, je voulais poursuivre mon thème de l'homme "faible", celui qui n'est pas un lutteur par ses signes extérieurs, mais que je vois comme le vainqueur dans cette vie. [...] Quand je dis que la faiblesse de l'homme est attirante, j'entends l'absence de cette expansion individuelle vers l'extérieur, de cette agressivité contre les gens ou contre la vie en général, ou de cette tendance à asservir les autres pour la réalisation de ses objectifs personnels. En un mot, ce qui m'attire est cette énergie de l'homme qui s'élève contre la routine matérialiste." (Le temps scellé, Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma)

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