mardi 26 janvier 2010

Titien Tintoret Véronèse : Rivalités à Venise


4 janvier, dernier jour de l'expo Titien Tintoret Véronèse. Il était temps. Hum, grand spectacle de la peinture. Des effets de chairs, de tentures, de tissus, des mythologies, des nuées, de l'emphase. C'est théâtral, parfois sublime, peuplé de figures altières ou musculeuses, et de femmes somptueuses.
Esther évanouie aux marches du trône, toute abandonnée, est tout à fait charmante, (Tintoret, prêté par la reine d'Angleterre), Assuerus ne s'y trompe pas, il s'est levé d'un bond pour l'assister,  l'émoi de la cour se voit dans le chatoiement des costumes, des gorges et des bras nus, des coiffures compliquées...
Encore du grand spectacle, encore une grappe de personnages en émoi, bruissant d'étoffes et de murmures stupéfaits autour du Christ qui vient de guérir une blonde toute en langueur, (Christ guérissant... Véronèse, Londres) soutenue par ses amies, pendant qu'une autre femme, retenant sa manche de glisser, se penche gracieusement sur l'épaule du Christ pour voir, elle aussi, le miracle. Un amour aux fesses nues est à moitié enfoui dans ses étoffes, le tout se joue dans la lumière de pastels un peu mièvres, rose et amande, bleu ciel et lilas, ocre orangé... Le Christ est "ailleurs", légèrement allumé par son auréole, au contact des instances célestes
D'incroyables Pélerins d'Emmaüs : ceux de Titien sont conformes, sobres, retenus, spirituels (?) tandis que ceux de Véronèse participent au capharnaüm d'un étonnant banquet mondain, où il y a des enfants, des servantes et des chiens, et où personne ne regarde la même chose -chacun est ailleurs/absent -tandis que le Christ regarde le ciel, sous l'œil d'une vieille servante revêche. Chez ceux de Bassano, (plusieurs copies de l'œuvre), l'affaire divine est largement reléguée, à droite du tableau, par la scène de cuisine au premier plan.
La Dernière Cène de Tintoret : encore de l'émoi, chacun se regarde et se récrie, c'est un instantané, arrêt sur image, temps suspendu, chacun prend l'autre à témoin, proteste de son innocence. De dos, isolé, Judas cache ses deniers, à ses pieds, le chien et le chat s'expliquent.
La mort du Christ aussi est théâtrale, racontée avec noirceur et emphase, l'émoi des assistants, les froissements d'étoffes, l'inertie du corps mort. Dans la Déploration du Christ (Tintoret, AccademiaVenise) double inertie : Marie, symétriquement évanouie dans les bras de Marie-Madeleine (?), est aussi exsangue que son fils dont elle tient les doigts de pied froids dans sa main.
Il y a des St Jérôme à profusion (je préfère celui du Titien, lui aussi retenu, épuré, simplifié), un étrange Baptême du Christ dans la nuit, sinistre, angoissant, un non moins étrange Jardin des Oliviers, tout en noirceur, des portraits admirables, où la noblesse des figures ne le cède en rien à l'apparat de la représentation - pape, doge, amiral -(ah, les tissus, les armures, les coiffes, les airs sévères ou altiers). Le portrait de l'homme et son fils est plus réussi que celui de sa femme et de  sa fille. Dans la Tentation de Saint-Antoine (Véronèse, Caen), toute la lutte est concentrée entre un démon musculeux et le malheureux vieillard gisant dans ses étoffes.  En comparaison, la tentatrice penchée au dessus du saint, dont un seul sein est dévoilé, semble bien délicate, presque étrangère à la scène, juste un peu curieuse de découvrir la faille du saint homme dont elle griffe délicatement la paume de ses ongles, noirs et griffus, qui seuls trahissent la démone.
Ah les femmes ! C'est plein de femmes sensuelles, voluptueuses, charnelles. L'impudique Suzanne est surprise dans l'intimité de sa toilette dans son "jardin-paradis" de délices, riche de promesses sensuelles, sous l'œil concupiscent des deux vieillards lubriques...
Les femmes sont lascives, rêveuses (Danaé de Titien), ou calculatrices et pragmatiques (Danaé de Tintoret, à Lyon), alanguies, il y a au moins 6 tableaux de femmes alanguies, sinon voluptueuses, dont le vêtement tombe au bas des reins, découvre la naissance du pubis, la fourrure du vêtement confondue avec la naissance de la toison. Je préfère la Venus au miroir de Tititen, opulente, souveraine, tranquille dans la jouissance de sa beauté, à celle de Véronèse, à l'air fourbe et frelaté. Dans l'étonnant  Venus et l'Amour, (Sustris, Louvre), Venus attend Mars avec une tranquille impudeur et la complicité d'un amour fessu, et dans l'étonnant tableau du Respect, l'homme a l'air bien moins respectueux que préoccupé d'autre chose, pendant que la femme assoupie, l'air repu et gourmand, semble attendre un hommage. Et Lucrèce est toujours délicieuse sous les assaut de Tarquin,  ... les peintres semblent adorer ce sujet, représenté 5 ou 6 fois.

Je retiens : des couleurs, des étoffes, des matières, des lumières, des mouvements, de l'effroi, de l'action, des passions, le spectacle de l'humain observé, raconté, emphasé, inventé, héroïsé, dramatisé, commenté, illustré. C'est magnifique.

http://mini-site.louvre.fr/venise/fr/exposition/prologue.html

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