Un film âpre, décapant, déroutant et sauvagement beau sur un personnage dont on connaît l'œuvre dans ses grandes lignes mais qu'on ne connaît pas, et qu'on découvre à plus d'un titre. On est loin du biopic classique avec des assauts de costumes raffinés, de décors léchés et de personnages prévisibles et élégants. On plonge dans une Renaissance "roots", un univers populeux, crasseux et puant, pour découvrir un Michel-Ange impossible, invivable. On traîne avec les ouvriers des carrières de marbre, les cabaretiers pouilleux, leurs clients ivrognes et ripailleurs, on côtoie des prélats cyniques et puissants, des seigneurs hystériques, on patauge dans le cloaque des rues, les retournements de luttes d'influences et de pouvoir. On plonge aussi dans l'opacité et les contradictions d'un génie paranoïaque, occasionnellement halluciné, hanté par Dante, tiraillé entre Rome et Florence et les familles Della Rovere et Medicis, entre l'inachèvement des œuvres en cours et la projection des nouvelles, entre trahisons et voltes-face. Mais pourquoi s'appelle-t-il Il Peccato ? La dimension du péché m'échappe, sauf s'il est partout, dans l'ubris, la trahison, et cette obsession constante de Michelangelo pour Dante et L'Enfer.
Les clés, c'est Konchalovsky qui les donne :
Michel-Ange (Il Peccato) a été conçu comme une « vision », un genre
populaire à la fin du Moyen Âge auquel appartient la «Divine Comédie »
de Dante. Ce dernier pousse le spectateur à de multiples interprétations
des personnages comme des événements, éclairant ici la conscience
d’un génie : celle d’un homme de la Renaissance avec ses superstitions,
ses exaltations, son mysticisme et sa foi. Je voulais montrer non seulement
l’essence de Michel-Ange, mais également les couleurs, les odeurs,
et les saveurs de son époque, et de la capacité de l’oeil humain à capturer
l’éternelle beauté du monde et de l’humanité, qui devrait être transmise
aux générations à venir. ANDREÏ KONCHALOVSKY
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